Son installation à Ottawa commençait à lui peser sérieusement. Il n'avait pas trouvé un seul Stryge, bien qu'à plusieurs reprises il ait sentit la présence de nombreux d'entre eux en ville, il n'avait pas non plus retrouvé les siens, enfin ceux du clan auquel il appartenait avant de se faire enlever. Willy était plus seul que jamais, chaque jour seul l'effrayait un peu plus, le faisait devenir parano. Quand il arrivait à rester dans son petit appartement, le Stryge s'enfermait à double tour, se tenant au maximum éloigné des fenêtres et de la porte. Sauf qu'au bout d'une à deux heures d'enfermement, il péter les plombs et finissait par sortir, ayant besoin de respirer l'air frais. Surtout quand il avait passé la journée bloqué dans un établissement de restauration rapide gras avec ses clients encore plus gras et cette odeur de grosse frite froide qui lui collait à la peau. Parfaitement repoussant. Bref, la solitude commençait à le rendre malade, dans tous les sens du terme, en un peu plus d'une semaine seulement, il avait déjà récolté une belle angine, et lui faisait faire pas mal de conneries.

Pour enrayer ce problème en particulier, l'Amérindien avait sa solution, aller en forêt. Retourner sur ses terres natales en Utah était une très mauvaise idée, surtout qu'une partie de lui était persuadée qu'après cent ans, il n'était toujours pas le bienvenue dans son ancienne réserve, tenter d'intégrer d'autres tribus aussi, surtout qu'il ne changerait pas au fil des années et que les vieilles légendes finiraient par le trahir. Rester à Ottawa, attendre... peut-être que le ciel lui tombe sur la tête ou que sa bonne étoile ne finisse par se réveiller. Aller en forêt aux alentours de la ville, quitter un peu la civilisation était le mieux. Parce que la nature était son ami. Parce qu'il était dans son élément dans la nature. En fermant les yeux, au bord d'une falaise, laissant le vent fouetter son visage avec ses propres cheveux, Willy pouvait sentir le moindre animal tapis dans les fourrés. Ou presque. En tout cas, il se sentait faire un seul être avec les bois.

Ce jour-là, alors qu'il faisait un froid bien hivernal, que les branches des arbres commençaient à plier un peu sous le poids de la neige qui était tombée drue à cette altitude, le Stryge portait seulement un débardeur noir et un jean bleu troué, ainsi que des baskets, de quoi être à l'aise. Sa nature l'empêchait d'avoir chaud ou froid de toute façon, et ici, les longs manteaux, juste pour le style, étaient inutiles et encombrants. Assis sur le bord d'une petite falaise, plus exactement sur un rocher plat, dont il avait enlevé la neige pour s'installer, ne voulant pas avoir le derrière mouillé, Willy tentait de repérer une chose qui le perturbait grandement.

Depuis qu'il avait été enlevé par la Faë étrange et dérangée, il avait compris qu'il pouvait sentir la présence des autres créatures surnaturelles, et ça, il en avait la preuve depuis qu'il vivait à Ottawa, mais son ignorance l'empêchait de dire à quelles espèces elles appartenaient. Cela faisait presque près d'une heure que l'Amérindien sentait une aura qui se confondait quand même parfaitement avec ceux des animaux de la forêt qui l'entourait. Pourtant, ce n'était justement pas un animal. Inspirant à plein poumon, comme si ça pouvait l'aider, Willy se redressa, ses prunelles noisettes sur la cime des arbres. Si au moins il pouvait voir à travers eux... La chose approchait. Par chance, ce qui était affreusement rare chez lui, il y avait une grotte, du moins, une sorte de grotte. Le Stryge s'y faufila en toute hâte, se cachant dans l'ombre.

Qu'est-ce que tu es...?