Merci de vous être arrêté. » Willy

Willy & Hécate

« Comment ça, ton vélo est crevé ? » Aïe. Maman s’inquiète, même si elle essaie de sortir une petite plaisanterie par la suite : « Te connaissant, tu as dû percer ta roue avec ton talon aiguille juste pour appeler. J’ai bon ? » Je ne suis pas près d’elle, mais j’imagine qu’elle est en train de se ronger les ongles à cet instant précis. Après la mort d’Alan, Maman est devenue parfois étouffante avec moi, craignant de me perdre. J’ai mis une belle année avant de comprendre le pourquoi. Si j’avais été dans sa situation, sans doute que j’aurais été plus excessive qu’elle. « Ah, non. Les roues des autres, certainement, mais la mienne, jamais. Tu sais à quel point c’est chiant de trouver le minuscule trou ? » J’entends un soupir à l’autre bout du fil, puis des pas. Elle s’active. « Maman, calme-toi. Tout va bien. Je t’assure, tout va bien. » « Il se fait tard ma chérie. » Et il fait nuit aussi, mais je gère très bien la chose. Le guidon de mon vélo dans une main, je le roule doucement près de la route qui n’est pas vraiment fréquentée. « Peut-être que ton père pourrait te rattraper. » « Ne t’inquiète pas. » Impossible que ce soit différent, alors je me lance sur un autre sujet : « Est-ce que je t’ai dit que j’avais acheté un chalet ? » Je ne pense pas, non. Pendant le repas, je leur ai parlé de l’Opéra, de mes projets professionnels, mais j’ai oublié de parler du chalet. « Un chalet ? A Westboro ? » « Oui, oui. Il y a quelques réparations, minimes, à faire. » Un silence ; elle a compris. « La baignoire est en morceaux ? Il y a de la moisissure ? Je te connais comme si je t’avais faite ! » « Mais c’est le cas. » Dis-je, en riant. A ma place, Maman aurait acheté quelque chose de bien mieux, une maison qui ne fuit pas et elle l’a fait avec Arthur, mais je ne regrette pas mon choix. Ce chalet est comme moi, un peu brisé de l’intérieur, mais après quelques réparations, ça ira mieux, j’en suis convaincue.

Le sujet aurait pu durer plus longtemps, mais son inquiétude reprend le dessus. « Où es-tu ? » « Sandy Hill, toujours, Maman. J’avance doucement. Les rues ont à peine changé… » « Ce que tu crois. Il y a des commerces qui ont ouvert, d’autres que tu ne pourras plus voir. Où es-tu ? » Je range mon portable dans la poche et mets mon kit mains libres. L’écouteur dans l’oreille, je tends le bras, dévoile mon pouce. « J’avance et je fais du stop. » « QUOI ? » Sans même que je n’ai eu le temps de dire quelque chose, elle enchaîne : « Ne monte pas dans la voiture d’un inconnu, Hécate, c’est un ordre. » Je n’aurais peut-être pas dû le préciser, en fin de compte… « Imagine un instant qu’il te veuille du mal, que c’est un psychopathe. » Une voiture s’arrête justement à ma hauteur. Le conducteur sort de la voiture pour m’aider à mettre dans le coffre le vélo. « Je vous remercie de vous être arrêté. » Dis-je, en lui tendant mon téléphone. « J’ai ma petite Maman au téléphone. Elle n’est tellement pas rassurée que j’aimerais que vous lui confirmiez que vous n’êtes ni un violeur, ni un tueur… Que vous n’êtes pas un psychopathe, en fait. » Elle ne dormira pas de la nuit si je raccroche comme ça. Je crains qu’elle ne dorme pas si je ne l’appelle pas en arrivant, de toute manière.

Hécate & Willy

"Quand la poisse est contagieuse."

"Oh Willy, attends, avec le froid qui fait, je vais te ramener, ne t'en fais pas ! Tu es de quel côté, déjà ?"

Il n'aurait vraiment pas dû répondre. Et ajouter que la marche était bonne pour la santé, ça lui aurait épargné une discours barbant sur la nécessité de la bonne entente entre collègue de travail et sur la solidarité, ainsi que des accusations pompeuses d'un écologiste travaillant pour une grande firme de fast-food pas du tout écolo. Impossible de lui couper la parole, mais le Stryge aurait bien pousser son chauffeur par la portière pour le faire taire et rentrer tranquillement chez lui, même sans savoir conduire. Bref, Willy prit son mal en patience et hochait la tête de temps à autre pour signifier son accord à chaque fin de phrase. Jusqu'à ce que son collègue s'arrête en voyant une auto-stopeuse sur le bas côté de la route.

"- On va la prendre. On ne peut pas laisser une femme en pleine nuit sur la route !"
- C'est ta voiture, c'est toi qui décide !"

L'Amérindien eut à peine le temps de finir sa phrase que le jeune écolo était déjà descendu en laissant la portière ouverte. Soupirant, il entendit malgré lui la conversation, et dû s'empêcher de lever les yeux au ciel en entendant le Che Guevara du McDo faire son garçon bien sous tout rapport au téléphone d'une inconnue. Mais il fut atterré de voir que son chauffeur le fasse monter à l'arrière pour que l'auto-stopeuse s'installe à ses côtés.

"Nan mais c'est bon, je vais descendre là, ça sera très bien ! Regarde, on est presque déjà chez moi !"

Autant parler à un sourd. Le Stryge se retrouva sur la banquette arrière d'une voiture crade portant tout un tas de plumes et d'attrape-rêves, une insulte à sa culture en cet instant à ses yeux. Sa colère n'était évidement pas diriger vers l'auto-stopeuse, qui en plus avait une bonne odeur, pas une odeur répugnante de gras qui colle à la peau, mais là, le Stryge avait juste une furieuse envie d'avoir la paix.

Ils avaient à peine fait quelques mètres que la voiture pourrie de son collègue, Kevin si Willy se souvenait bien, fit une bruit de vieux tacot et s'arrêta lentement. Sans doute à cause des nerfs, mais l'Amérindien éclata de rire en posant son front contre le dossier du chauffeur. Le propriétaire du véhicule jura en sortant une nouvelle fois et alla soulever le capot. Pendant ce temps, le Stryge se détacha et se décala un peu, s'approchant en réalité de la passagère, son odeur était vraiment agréable et parvenait à le détendre. La situation commençait à prendre un tournant comique à ses yeux, bien qu'affreusement ridicule.

"Je crois que vous n'avez vraiment pas de chance ce soir... Au fait, je m'appelle Willy. Et je ne suis pas un psychopathe non plus. Par contre, désolé pour l'odeur de vieille frite qu'on dégage. On a passé la soirée à en vendre."

Que faire dans ce genre de situation ? Essayer de faire de l'humour. Mais le "jeune" Stryge n'était absolument pas doué pour ça, la dernière fois qu'il s'était essayé à ce genre d'exercice, il avait cru qu'il allait se faire bouffer par la personne avec qui il avait tenté de plaisanter. Et puis... elle avait l'air plus sympa. Plus douce aussi. Elle avait un très beau visage.

"- Willy ? Tu peux venir m'aider, s'il te plaît ? J'ai besoin de tes muscles !
- J'arrive !"

L'Amérindien soupira en ouvrant la porte de son côté et s'excusa auprès de la passagère pour aller rejoindre son collègue. Là, il se maudissait de ne pas avoir réfléchit un jour au boulot en portant une énorme pile de cartons sans faiblir avant de se rappeler que les humains étaient particulièrement faibles comparés à ceux de son espèce.

Willy & Hécate

Le conducteur se monte agréablement rassurant pour ma petite Maman qui, même après ça, est toujours inquiète. J’ajoute quelques mots, lui promettant de l’appeler à mon arrivée et raccroche aussitôt. Je l’imagine d’ores et déjà en train de faire les cent pas chez elle, tournant en rond devant le téléphone, en espérant qu’il sonne de nouveau, mais ce ne sera pas de sitôt. La voiture démarre, roule quelques mètres et s’arrête… Soupir. Dans la voiture, le seul à trouver ça amusant, c’est l’ami du conducteur. Moi, je trouve que c’est la poisse. Je me remémore ma journée, tente de trouver ce que j’ai bien pu dire ou faire pour arriver à ne pas décoller de plus de deux mètres avec un véhicule qui semblait pourtant en bon état lorsqu’il a ralenti près de moi. Je ne suis pas superstitieuse pour un sou, mais là, je me pose des questions. En Grèce, ils disent qu’être médisant, ou se moquer de quelqu’un vous apporte son lot de malchance. Je me tourne vers l’homme derrière moi m’adresse la parole et acquiesce d’un signe de tête. « On ne peut pas dire le contraire. A croire que ma malchance du jour est contagieuse. » J’arbore un sourire lorsqu’il m’assure ne pas être un psychopathe. Il n’a pas la tête à l’être, mais tout le monde sait qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Heureusement, je ne suis pas parano au point d’imaginer que les deux hommes roulaient dans la nuit, à la recherche d’une proie qui leur plairait et de faire le coup de la panne. Absolument pas parano… « Hécate. Enchantée. Quant à l’odeur de la frite, je signale tout de même que c’est moi qui m’incruste et que râler serait malvenu, mais merci. Vous tenez une baraque à frites ? » Ca fait tellement longtemps que je n’y ai pas été et l’odeur de la frite ne m’est d’ailleurs pas insupportable. Ce serait plutôt toucher les mains grasses.

Je penche la tête sur le côté, essayant d’apercevoir le conducteur qui a la tête sous le capot, mais tout ce que je voie, ce sont ses bras qui bougent dans tous les sens. Willy sorti, j’ouvre à mon tour la portière et en refermant bien mon manteau, les observe tous les deux sans savoir quoi faire exactement. Je suis une quiche en matière de bricolage, surtout quand il s’agit de parler aux voitures. Elle et moi, nous ne nous comprenons pas. Et quand je vois comment je me débrouille avec mon chalet, il ne vaut mieux pas me laisser jeter un œil à cette chose. « Ca va ? Je peux peut-être faire quelque chose ? » Tuer un peu plus ce tacot ? « Ce qui serait ironique, c’est que l’on se retrouve tous les trois à faire du stop. » dis-je, en essayant une pointe d’humour, qui pourrait peut-être être mal perçue, alors j’ajoute : « C’était une blague. » Histoire de détendre un peu l’atmosphère. « Vous pensez qu’il faut appeler le garagiste le plus proche ? » Ca, je peux le faire. J'ai mon portable dans les mains et... qui affiche aucun réseau. Génial.

Hécate & Willy

"Quand la poisse est contagieuse."

En arrivant aux côtés de son collègue de travail, Willy soupira en voyant que le moteur du vieux tacot fumait péniblement et qu'à vue de nez, il ne pouvait de toute façon, rien faire de plus. Cependant comme l'écolo du dimanche lui montrait un truc à dévisser, il fit ce qu'il lui demandait, sans la moindre question ni difficulté, puis l'observa d'un air de dire "ouais, et maintenant, on fait quoi ?". Si au moins il l'avait écouté, le jeune Stryge serait déjà chez lui, tranquille. Enfin, il serait probablement ressortit pour aller boire un peu de sang, mais en tout cas, il ne serait pas dans cette mouise. Enfin... probablement que si, mais pas en compagnie de deux humains qui lui pompaient un peu l'air, même si l'une d'eux était visiblement toute gentille et innocente. Il n'avait d'ailleurs rien contre elle, mais là, ses nerfs commençaient à être sacrément irrités.

" - Je crois que tu es bon pour changer de bagnole. Et je crois qu'en même temps, ça fera du bien à la planète.
- Et comment on fait pour déposer la dame ? Et moi, comment je rentre ? Je vais pas non plus laisser ma voiture ici !
- Fallait y penser avant.

Le jeune écolo fixa son collègue un long moment sans trop savoir quoi dire, parce qu'il avait trop de respect pour la culture de l'Amérindien, mais aussi parce qu'il savait que ce dernier ne se laisserait pas faire et répliquerait. Quand Hécate, puisqu'elle s'était présentée ainsi, vint les rejoindre, Willy tourna la tête vers elle en glissant ses mains sur ses poches et haussa les épaules. Décidément, c'était sa poisse à lui qui se répercutait sur les autres. Alors que son collègue se répandait en excuses et lui demandait effectivement d'appeler un garagiste, le Stryge observait les alentours en tendant un peu le nez. L'auto-stopeuse avait peut-être fait une blague pour le stop à trois, mais si une voiture se présentait, lui n'allait pas se gêner pour demander au premier conducteur qui passe de le débarrasser des deux zigotos. Sauf qu'il n'y avait personne dans les parage et que vu l'heure, personne n'allait pointer le bout de son nez non plus.

"Sinon, tu appelles un garagiste pour qu'il bouge ta caisse, et tente de la réparer, et je prends Hécate chez moi, je répare son vélo et... après c'est comme elle le souhaite, mais elle ne va pas attendre avec toi dans le froid. Qu'est-ce que vous en pensez Hécate ? J'habite à quelques rues de là, il y en a pour à peine cinq minutes."

Le "jeune" Stryge s'avança de nouveau vers les deux humains en traînant un peu les pieds, observant la belle femme, et oui, ce n'était pas parce qu'il était gay qu'il ne pouvait pas trouver des femmes belles. Et celle-ci avait un sacré charme en plus. La seule solution qu'il avait trouvé était celle annoncée, même s'il ne voyait pas trop comment il allait pouvoir se débarrasser de celle-ci après pour avoir la paix. En plus... il commençait à avoir sacrément soif.

Willy & Hécate

Ca sent le roussi. Changer de bagnole ? Je jette un coup d’œil à la pauvre voiture qui devra passer sa vie dans un dépotoir si jamais son propriétaire venait à l’abandonner. Si je m’écoutais, je serais d’avis à plaider sa cause, mais je ne suis pas assez douée en mécanique pour argumenter là-dessus. Willy semble s’y connaître, lui, même s’il a l’air plus blasé qu’autre chose. La situation est ennuyante, pour lui aussi je suppose. « Oh, ça- » Ca va, allais-je dire. Je peux me débrouiller seule, je peux rentrer, inutile de s’attarder sur mon cas. Je peux très bien reprendre mon vélo et continuer à pieds. La marche, ce n’est pas ce qui m’effraie. Ma pauvre maman, si elle était là, elle stresserait à coup sûr. Le conducteur est mal à l’aise. Je lui adresse un sourire qui se veut rassurant, pas bien certaine que ça fonctionne réellement et sors mon portable de ma poche, commençant à chercher un garagiste sur cette fichue page d’Internet qui met trop de temps à charger. « J’espère pour vous que les réparations pourront être faites. » Ca m’embêterait, personnellement, de devoir mettre une somme astronomique dans une nouvelle voiture, en plus du déplacement du garagiste. Ca a du bon de se déplacer uniquement en vélo. La rustine, ça coûte moins cher.

La page venant de charger, je récupère le numéro du garagiste le plus proche et compose le numéro. Avant d’appuyer sur la touche verte, je lui tends mon appareil afin qu’il passe lui-même l’appel. L’homme n’hésite pas une seconde, me remerciant d’un signe de tête et se coupe du monde pour écouter la tonalité du téléphone. « Vous êtes sûr que ça ne vous embête pas ? Je peux très bien faire la route comme je l’avais commencée. » A pieds. Il est évident que je ne suis pas contre un peu d’aide. « Vous avez un bout de caoutchouc ? » demandé-je, en faisant le tour du véhicule. J’ouvre le coffre et récupère mon vélo dont la roue est complètement à plat. « Loin de moi l’idée de vouloir vous embêter. » dis-je, en tendant ma main vers mon portable que me rend l'emprunteur. D’après ce que nous dit le conducteur, un garagiste sera là d’ici trente minutes. Je culpabilise presque de penser à laisser cet homme qui a souhaité me venir en aide en s’arrêtant, qui semble d'ailleurs bien agréable, à première vue, mais je ne lui serai d’aucune utilité ici. « Je vous remercie pour votre aide. » soufflé-je, en me tournant vers Willy, dans l’attente. « Par là ? » Je lui désigne la route, puis empoigne mon vélo, prête. « Je ne resterai pas longtemps, je vous le promets. » J’ai l’impression de déranger plus qu’autre chose, alors je tente, tant bien que mal, de soulager Willy d’un fardeau.

Hécate & Willy

"Quand la poisse est contagieuse."

"Ne vous inquiétez pas, y a pas de problèmes. Je ne vais pas vous laisser attendre dans le froid avec lui, ni vous laisser rentrer à pied, alors que justement, vous vouliez l'éviter."

Willy hocha la tête quand elle lui montra la rue et commença à marcher, après l'avoir débarrasser de son vélo pour le porter lui-même. Ses bonnes manières et son altruisme ne le quittaient pas, même si son humeur n'était pas forcément au rendez-vous. Et puis, s'énerver sur Hécate ne servait à rien, elle n'était pas responsable de la situation. Dans un sens, heureusement qu'il était monté dans la voiture, sinon elle serait probablement encore entrain de faire du stop. Portant presque le deux roues sur l'épaule, il tourna la tête vers elle, fouillant ses poches à la recherche de son paquet de cigarette. Voilà, ça, ça aller l'aider à se détendre. Ce ne fut que lorsque la fumée vint cramer ses poumons qu'il se calma et retrouva sa douceur, même si c'était encore autre chose qui lui brûlait la gorge.

"Au fait, je ne vous ai pas répondu tout à l'heure, on sent la frite tout simplement parce qu'on travaille dans un fast-food. Je dois avoué que le rêve de ma vie n'est pas vraiment de tenir une baraque à frites avec ce... cet idiot. En attendant, je vous propose d'aller se mettre au chaud chez moi, je dois avoir du thé pour vous réchauffer et après, je vous appelle un taxi. Est-ce que ça vous va ?"

Cette fois-ci, ce n'était pas par galanterie que le "jeune" Stryge lui proposait cela, mais une simple déduction de sa part. Sans doute complètement absurde, mais si Hécate avait pût se payer un taxi, elle l'aurait sans doute fait, non ? Même avec un vélo, il suffisait juste de faire comme elle l'avait fait avec son collègue, le mettre dans le coffre et puis c'était marre. Gardant la jeune femme en vue, Willy continuait sa marche jusqu'à 143 Omrod RD, direction son appartement.

Il lui avait proposé du thé, mais en entrant, il se rappela d'une chose : il n'avait pas de nourriture pour humain. Rien. Juste de l'eau. Peut-être des gâteaux, mais rien de plus.

"Rentrez, installez-vous, je vais voir ce que j'ai à vous proposer. J'ai... un peu oublié de faire des courses."

Willy & Hécate

Je le remercie du regard avant de m’engager avec lui sur la route, le laissant prendre mon vélo. Les hommes ont cette manie de croire que nous, les femmes, ne pouvons pas nous débrouiller, mais il est évident que son aide m’est tout de même précieuse. Je suis épuisée. Détendue avec la nuit tombée, mais las, suite à la longue journée passée. J’aurais juste envie de me retrouver emmitouflée d’une couette pour me tenir chaud. Alors que je l’écoute attentivement, j’ai l’automatisme de regarder derrière moi, en direction de la voiture et son conducteur que nous avons abandonnés. « Cet idiot ? » répété-je, surprise. Je ne le connais pas, après tout, cet homme. Il peut très bien être agaçant, écraser les autres malgré ses airs sympathiques. « J’ai cru comprendre que ce n’était pas l’amour fou entre vous, mais… Ce n’est pas votre ami ? Il m’avait l’air agréable, à première vue. » Il a eu la courtoisie de s’arrêter pour moi sans rien me demander et rien que pour ça, je ne peux me permettre de dire du mal de lui. Les rapports entre eux semblent clairement différents. « Qu’est-ce qu’il a bien pu faire pour avoir ce traitement de faveur ? » demandé-je, par curiosité, sur une pointe de sarcasme, alors qu’un sourire vient effleurer mes lèvres.

Un taxi ? L’idée ne m’a même pas effleuré l’esprit tant elle me déplaisait. La situation n’est pas urgente à ce point. « Si vous aviez un bout de caoutchouc et un peu de colle, je préférerais. » Dépenser une fortune un taxi qui prendra tout son temps juste pour quelques kilomètres. Faire le trajet à pieds me dérange moins. « Je les trouve un peu trop cher. Ils s’en mettent plein les poches et n’hésitent pas à arnaquer la clientèle juste pour quelques pièces en plus. » Je ne les apprécie pas. Je suis consciente que ma remarque me fait passer pour une chieuse de première, mais je n’ai jamais eu l’intention de cacher celle que j’étais. « Mais merci pour la proposition. » dis-je, en rentrant dans l’appartement. « Ne vous dérangez pas pour moi. J’ai juste besoin d’une petite bassine d’eau, pour savoir où est le trou. Est-ce que vous avez ça ? » Je vois bien qu’il n’est pas préparé à recevoir des gens et ma venue imprévue ne doit pas le mettre à l’aise. Curieuse, j’observe les coins de son lieu d’habitation, sans oser m’engouffrer plus loin que l’entrée du salon. « Vous avez toujours vécu à Ottawa ? »

Hécate & Willy

"Quand la poisse est contagieuse."

- Bassine, j'ai, eau chaude, je peux faire chauffer. mais colle et caoutchouc... je n'ai pas ça... Je ne bricole pas vraiment et... de toute façon, je ne sais pas ce que je ferais avec tout ça... Et pour répondre à votre question, en fait, c'est juste un collègue de boulot aux idées... qui m'exaspère. Le fait que je suis descendant d'une tribu amérindienne lui fait penser qu'il a le devoir de me défendre à tout va et de défendre ma culture.

Le Stryge se tortilla la bouche dans tous les sens alors que ses méninges chauffaient un max... pendant qu'il faisait justement chauffer de l'eau dans une grosse casserole. Il fouilla sous son évier pour attraper la bassine en plastique, que son propriétaire lui avait conseillé de garder sous le tuyau en cas de fuite, ce qui ne l'avait pas rassuré d'ailleurs et la tendit vers Hécate, avant qu'il ne s'apercevoir qu'elle ne l'avait pas suivit. Il retourna en arrière pour voir où est-ce qu'elle était passée, mais Willy faillit la heurter à l'entrée du salon, n'ayant pas fait attention.

- Pardon, excusez moi. Tenez, la bassine, l'eau est entrain de chauffer lentement.

Le jeune Amérindien lui sourie en reculant de quelque pas, puis glissa ses mains dans ses cheveux, qu'il attacha d'un chignon rapido avant de se rendre compte qu'il avait les mains toutes noires. Il devait probablement avoir des traces sur le visage. La grande classe. Lâchant un petit juron, Willy s'essuya avec sa manche avant de retourner dans la cuisine pour essayer d'enlever ces traces de cambouis dégueulasse. A nouveau, il fit signe à la jeune femme de le suivre, espérant qu'elle le ferait cette fois.

- Non, pas vraiment. Je suis là depuis un mois, à tout casser. On peut même dire que je ne suis pas tout à fait en règle avec l'état Canadien, je suis Américain. Mais je préfère largement vivre ici. J'ai... beaucoup moins de mauvais souvenirs par ici.

Bon, après avoir passer deux bonnes minutes à se récurer les mains, à les frotter, jusqu'à ce qu'elles rougissent à cause de l'eau bouillante, le Stryge se tourna de nouveau vers Hécate avec un fin sourire nostalgique. Ce n'était vraiment pas le moment de raconter sa vie, surtout qu'il pourrait se mettre à raconter qu'il avait été séquestré pendant trente ans. Lui qui avait l'air d'en avoir seulement vingt. Donc, pour essayer de rattraper la bourde, l'énorme bourde, qu'il allait commettre, il ajouta :

- Et vous alors ? Vous êtes originaire d'Ottawa ?

Et puisque de l'eau était entrain de chauffer, Willy attrapa deux tasses dépareillées, qui étaient aussi déjà là quand il avait aménagé dans son appartement, avant de fouiller dans ses placards à la recherche d'un truc chaud à boire. Il trouva deux malheureux sachets de thé dans une boîte vide. Depuis combien de temps est-ce qu'elle était là, celle-là ? Dans un élan d'honnêteté, il montra à Hécate la boîte.

- On fait l'impasse sur le thé ou vous voulez tenter quand même ?

Merci de vous être arrêté. » Willy

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