J'aurais probablement pas dût dire ça, j'aurais pas dût accepter de lui parler, j'avais de toute façon rien à lui dire, ou justement.... j'avais peut-être trop à lui dire, mais j'avais besoin de son aide pour rattraper mon père. Mon vieux père qui prenait un putain de malin plaisir à me faire chier. Puisque là, clairement, il n'y avait pas d'autre mot, et ça le faisait rire. Et les autres abrutis qui prenaient ça pour un jeu. Ils ramassaient les trèfles qu'il laissait derrière lui, ou sous ses pieds pour être exact, se les offrant mutuellement, probablement qu'ils ignoraient à quoi ça servait. D'ailleurs, je buguais littéralement en voyant ces petites fleurs vertes. Ça me rappelait un peu trop notre rencontre avec Xion, quand, déjà sous son charme, je lui avais donné un trèfle, un des miens, espérant de tout cœur que je serais celui duquel il tomberait amoureux. Belle connerie qui m'avait pris. Est-ce que je regrettais ? J'étais pas assez clean pour répondre à cette question. Enfin bref, je me lançais donc à la poursuite de mon paternel en espérant le faire descendre avec mes regards noirs, mais ça lui passait littéralement au-dessus. Il n'en avait strictement rien à cirer. Il sautait de lampe en lampe, de table en table, en chantant et en sifflant. Je crois que le pub Irlandais était une très mauvaise idée. J'aurais pas dût venir ici. Déjà, j'aurais pas croiser Xion, maintenant que je savais qu'il était de retour, que je n'hallucinais pas,  je me sentais vraiment mal, mais en plus, mon père n'aurait pas été excité par toute cette ambiance favorable à ses délires et ses crises. Finalement, il s'était arrêté près du billard, du moins, au-dessus, continuant de chanter et de faire son petit spectacle. Et Xion était de l'autre côté, avec une espèce de petite boîte en métal dans les mains. Souriant. Il me souriait bordel. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre que lui rendre son sourire, bien que ce soit plus un simple étirement des lèvres en ce qui me concernait.

- Je vais vous dire un secret mes enfants ! C'est très important, ouvrant grand les oreilles, clama mon père et se mettant debout sur la lampe qui se balançait encore un peu après son saut, il tendait les bras, voulant probablement se faire entendre de tout le bar. Ce que je vais vous dire changera la face du monde, vous pouvez ne pas me croire, mais mon fils ici présent pourra en témoigner, tout ce que je vais vous dire est véridique. Pas vrai, fiston ? C'est mon grand fils, mon bien le plus précieux ! J'ai promis à sa mère sur son lit de mort de toujours prendre soin de lui ! Et on en a vécu des choses, hein Siriri ? Je ne te l'ai jamais dit, mais je suis fier de toi ! Tu es le Roi du Monde des Faës mon fils ! Et le plus beau des Leprechauns ! Le plus riche ! Le plus intelligent !

Tout en parlant, mon père faisait le tour de la lampe en s'y accrochant comme une strip-teaseuse s'accrochait à sa bar de pôle dance, recouvrant la surface de vert à force d'y passer et repasser, et me couvrant de honte aussi au passage. Quiconque connaissait un peu mon père pourrait se dire qu'il était dans un moment de lucidité, mais non, ce n'était absolument le cas. Et la preuve fut que le reste de ses paroles tournèrent autour de moi, ah bah oui il était fier de moi, il le clamait, vivant dans un château de verre avec des arc-en-ciels et des chaudrons emplis de pièce d'or magiques qui rendaient heureux quiconque les touchait. Mais je profitais malgré tout que son attention soit totalement détournée par les ahuris qui l'écoutaient en riant pour faire signe à Xion de s'approcher lui aussi et de monter sur le billard, ce que je fis aussitôt. Sans laissé le temps à mon père de réagir, je le chopais dans le creux de ma main et redescendis. Ce geste me valut d'être hué par les clients du bar, mais aussi d'être mordu par mon père qui s'était à présent mis à hurler. Je les ignorais et m'approchais de mon ex pour ouvrir la boîte, mettre mon paternel dedans et refermer la boîte. Je préférais lui laisser dans les mains, sinon j'allais faire un truc que je risquais de regretter très prochainement. Je jetais un oeil à la foule qui était visiblement très déçue qu'il ne se passe plus rien, alors je leur lançais un calme, mais bien sec :

- Le spectacle est fini bande de cons.

Sur ce, je rejoignis le serveur et lui tendit ma carte, payant ma consommation, ainsi que la bière dans laquelle mon père avait prit son bain. Élan de générosité ? Absolument pas, je voulais me tirer au plus vite, et pour une fois, ne pas faire d'histoire, y en avait déjà eu suffisamment comment ça pour ce soir. Sans attendre, je quittais les lieux vite fait, les mains tremblantes. Ce ne fut qu'une fois dehors que je laissais sortir un cri de colère, de douleur, de tout ce que vous voulez. Concrètement, j'étais totalement à bout de nerfs, et la cuisante humiliation, en plus du choc du retour de Xion, c'était juste trop. Si au moins j'avais passé une journée un peu moins merdique avant, je serais resté, ça ne m'aurait pas autant affecté, mais là, non. Pas possible. Je me laissais glisser contre le mur le plus proche, le visage dans les mains. J'avais besoin de fumer. De me déchirer complètement la gueule. Mais je n'avais rien sur moi, tout était dans mon appartement, bien planqué. Et je pouvais pas laissé mon père comme ça avec mon ex. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui me manquait, de les laisser là tous les deux et d'aller me défoncer tranquillement.

Je ne réalisais que Xion m'avait rejoint que lorsqu'il toucha timidement ma nuque. Bon, normal, je lui avais quand même collé un pain dans la gueule quelques minutes auparavant, alors normal qu'il ait peur de me toucher. Je ne bougeais cependant pas. Je n'en avais pas envie. Certes, j'avais terriblement mal, notamment à cause de son retour, mais j'étais aussi, et surtout, cruellement déchiré. J'avais énormément besoin de réconfort, j'en crevais d'envie. Depuis qu'il m'avait quitté, je cherchais le réconfort, l'espace d'une nuit, avec des hommes, dans l'espoir que ça calmerait ma douleur, encore plus depuis que j'avais un faible pour Nathanaël qui n'était pas réciproque. Et là... j'avais mon ex. Qui était là, je ne savais même pas trop pourquoi, qui avais apparemment envie de se faire pardonner, et qui en plus me caressait les cheveux. Ou qui plus exactement s'accrochait lentement à mes cheveux. Je relevais lentement la tête à sa question, conne certes, mais sa question quand même. Je ne répondis évidement rien, mais je le regardais dans les yeux, laissant lentement mes mains retomber. Enfin, non, elles restèrent un long moment en l'air, et lorsqu'il proposa de me raccompagner chez moi, enfin, ça avait plutôt l'air d'être un ordre, j'enroulais mes bras autour de lui et je le serrais contre moi, enfouissant mon visage dans son cou. Bon, je devrais pas faire ça, je devrais pas me jeter comme ça contre lui, mais il ne devait pas être là non plus. Il ne devrait pas. Je fermais les yeux et en une seconde, je me cru de retour des années auparavant, quand on était encore ensemble, quand on vivait encore dans le même appartement, quand on travaillait encore dans la boutique à Downtown. Comme si n'avait rien changé. Enfin si, y avait toujours ce truc différent chez lui, mais je ne savais pas quoi. Et là, très franchement, j'avais pas envie de chercher. Mon cœur et ma tête parvenaient à se leurrer, à se convaincre que vraiment rien ne s'était passé. Que ces dernières années n'avaient été qu'un cauchemar, qu'un bad trip. Mais ma raison ne parvenait pas à se duper totalement. Heureusement dans un sens.

- Tu sais même pas où j'habite... J'suis plus dans notre appartement. En plus... t'es humain. Tu peux pas y aller. T'as pas le droit d'entrée dans la Cour des Faës...

En même temps, il me suffisait de continuer de le serrer comme ça pour que je nous téléporte tous les deux directement au niveau -3, juste devant mon appartement. Qui saurait que j'ai dérogé à la règle ? Mon regard se posa sur la petite boîte en fer, là où mon père était et apparemment, il s'était calmé. Tant mieux. Et la lumière fut : lui. Lui, le saurait. Et lui pourrait le révéler. Mauvais plan. Surtout vu que le paternel avait tendance a visiter un peu trop souvent la salle du Trône. Mais... il pourrait oublier. Ces derniers temps, il n'oubliait que ce qu'il semblait vouloir. Ça pourrait se tenter quand même. Je me redressais un peu, enfin, je posais surtout mon front contre celui de Xion en fermant les yeux, remontant ses mains sur ses joues. Cinq minutes auparavant, j'étais près à péter les plombs, mais le simple fait qu'il me touche m'avait calmé. Ouais... c'était vraiment lamentable en fait. Je soupirais en rouvrant lentement les yeux et en le lâchant, appuyant de nouveau l'arrière de ma tête contre le mur. Je sentais les quelques gouttes de pluie me tomber sur le visage et étrangement... ça me fit beaucoup de bien. Et je crois que ça commençait à me ramener un peu plus à la réalité. J'étais entrain de redescendre. Fallait que je rentre. Si je restais en sa compagnie, j'allais devoir resté percher. Sinon je pourrais faire des conneries. De grosses conneries.

- D'accord, on y va... mais... tu restes pas.

Ce qui était complètement con, puisqu'en tant qu'humain, il ne pouvait de toute façon pas repartir tout seul de la Cour, on allait forcément le voir, et le ramener en le téléportant ne servait strictement à rien, mais j'étais incapable de réfléchir correctement. J'étais beaucoup trop perturbé. Bref, je me levais en secouant la tête et ramassais la boîte en métal, essayant de me concentrer un tant soit peu pour visualiser la porte de chez moi. J'ouvrais un œil pour regarder Xion.

- Accroche-toi à moi. Et me lâche pas. Fais quand même gaffe où tu mets tes mains, sinon je t'en colle une autre.

Sur ce, je refermais l'œil et attendit qu'il obéisse. Lorsque je sentis ses mains sur moi, je nous téléportais aussitôt dans l'immeuble, un peu plus en décalé que ce que j'avais prévu en visualisant l'appartement. Je sortis les clés et ouvrit la porte, m'engouffrant aussitôt, laissant Xion libre de me suivre ou pas. En attendant, j'allais dans la chambre de mon père, posais la boîte sur le sol et l'ouvris, ressortant aussitôt de la pièce que je fermais à double tour. Bon, ça, c'était fait.

Pendant une fraction de seconde, enfin, peut-être deux, ou trois, j'en sais rien, je restais collé contre la porte de ma chambre, entendant mon père crier er faire une petite crise, particulièrement en colère après avoir été enfermé dans cette boîte en métal. Ça lui passerait de toute façon. Je relevais la tête vers mon ex, le regardant observer l'appartement. Quand on comparait à l'appartement qu'on avait occupé tout les deux c'était... très semblable. En fait, à la réflexion, je me rendais peu à peu compte que j'avais transposé ici le cocon qu'on avait. Et ses commentaires ne firent que confirmer cela. Cruellement, mon cœur se serra, tout comme mes poings. Putain... manquait plus que les quelques photos de nous et on se serait retrouvé comme avant. Je contractais la mâchoire et me décollais de la porte pour aller dans ma chambre sans rien répondre, fallait que je remonte. Je récupérais deux comprimés de méta, les avalant au passage en fermant les yeux et je soupirais d'aise une fois que je les eu ingurgité. Quelques secondes après, j'étais de retour dans le salon et j'allais m'assoir sur le canapé, ou plutôt, je m'affalais dessus en posant un bras dessus, gardant les oreilles aux aguets, guettant ce que Xion faisait. Ça devait probablement l'amuser de se retrouver propulser dans le passé, moi ça me foutais plutôt le bourdon maintenant que j'avais réalisé ça. Même mon estomac se contractait face à cette révélation. Mais une autre chose commença à me déranger. Il était là. Et il n'avait pas le droit de là. Sauf que je n'avais pas envie qu'il s'en aille. Je voulais qu'il reste avec moi. Pourquoi ? Parce qu'il avait quand même réussi à me calmer par sa seule présence, quand j'étais entré en contact avec lui. S'il partait, je ressombrais sûrement. Sauf que je n'allais pas lui dire. Pas question que je lui dise ça. Pendant quelques temps, je me laissais bercer un peu par le silence, ce n'était pas un silence lourd, pas pour moi en tout cas, ça faisait vraiment du bien.

Au bout de quelques minutes, je me redressais pour regarder mon ex et lui faire signe de s'installer sur le canapé ou sur les fauteuils autour, peu importe ce qu'il choisissait. Si je le regardais, je risquais probablement de vouloir le prendre dans mes bras, à vouloir à nouveau le serrer contre moi. Ça encore, c'était hors de question. Même si ma dignité était énormément réduite depuis ces dernières années, j'en avais quand même une once résistante, et je n'allais pas la laissé crever en étant aussi faible. Même pas en rêve. Même si une envie naissante et dévorante commençait à naître au creux de mon estomac, de mon cœur et de mon cerveau. Je crois même que je reposais mon regard sur lui, sentant une dizaine, une centaine d'émotions refaire face. Je détournais alors le regard pour fixer les pièces en travail sur la table basse. M'occuper. Ouais, c'était ça la solution. M'occuper les mains et par extension la tête, rester auprès de mon ex sans pour autant être trop proche, voilà ce qu'il me fallait en attendant que la drogue fasse de nouveau effet.

- Merci...

J'avais fini par souffler ce petit mot pour ses compliments en ce qui concernait l'appartement, mais aussi, pour sa présence à mes côtés. Parce qu'il était là. Je n'étais pas prêt à lui pardonner ce qu'il avait fait, je ne lui pardonnerais probablement jamais, mais ça me faisait vraiment du bien. C'était tout ce que je voulais. Il demandait pardon. C'était ce que je voulais. Enfin, ce que je voulais, c'était lui faire autant mal qu'il m'en avait fait, c'était l'obliger à remonter le temps pour qu'il efface ce qui était arrivé (impossible, justement). Ce que je voulais... Plus je le regardais, moins je savais ce que je voulais, mais c'était sans doute dû au cocktail explosif dans mon sang.  Bref. J'attrapais une des pièces et la fit tourner entre mes doigts, la faisant tourner et retourner, jonglant un peu avec. Au final, je ne serais pas capable de travailler, mon cerveau était beaucoup trop en vrac, j'avais trop d'interrogation, trop de questions pour le faire. Je tenais à ce que ma marchandise soit de qualité, et là, elle ne le serait probablement pas. Soupirant, je lâchais la pièce qui retomba dans un bruit sourd et je retirais ma veste de costume, défaisant ensuite quelques uns des boutons de ma chemise avant de lui jeter un vague coup d'œil.

- Bon... qu'est-ce que tu veux...?