Un œil… puis un autre. Les ouvrir devenait de plus en plus rude avec le temps. Techniquement, se réveiller n’était pas un exercice très complexe. Sauf que là, la zone intracrânienne de Sygrid semblait être sur le point d’exploser, littéralement, alors qu’un trait de lumière réduisait ses chances de victoire à néant. Le Phoenix se serait pris le flash d’un stylo effaceur de mémoire des MiB qu’elle n’aurait pas plus souffert. Mais d’où venait cette putain de lumière merde ?? A nouveau, elle tenta d’ouvrir un œil, pour constater qu’elle demeurait plongée dans le noir du salon… toutes lampes éteintes. Et bah… elle n’y avait pas été de main morte cette fois-ci. Avec lenteur, Sygi frotta ses lèvres pâteuses, réveillant les muscles d’un bras endolorit par … Dieu seul savait quoi exactement. Boire ne devait pas être si déplaisant. A croire que cette fois-ci, elle s’était murgée sévère ! De longues minutes passèrent, avant qu’elle ne parvienne à se redresser au prix d’un effort et d’une volonté sans pareil. ‘Lève-toi ma fille… T’es plus toute jeune. Roupiller sur le canapé c’est vraiment plus pour toi.’ En effet, Sygrid se souvenait maintenant de ce qui l’avait poussé à boire un peu plus encore que d’ordinaire. La veille, elle avait croisé son ex-mari au super marché, ce qui l’avait plongé dans un état proche de l’hystérie. En rentrant, elle se serait volontiers emmurée vivante dans son appartement, en compagnie de quelques bouteilles pour faire passer l’amertume de cette rencontre bouleversante. Et maintenant ? Etant donné la manière donc elle s’était comportée avec Gabriel, il y avait désormais peu de chance qu’elle le revoit. Cette fois… c’était terminé. Il n’y avait rien d’étonnant dès lors, à constater le nombre scandaleux de cadavres vides qui s’étaient échouées à ses pieds. Elle-même les contempla d’un air blasé avant d’apercevoir un tas de fourrure assis parmi elles. Monsieur D’Arcy la fixait de son regard éternellement coléreux. Sauf que cette fois, il devait vraiment lui en vouloir car il était plus que probable que maman Sygi ait oublié de lui filer sa bouffe… Et merde. Le chat allait faire la gueule plusieurs jours durant et certainement pisser sur un tapis. Génial…

En attendant, Sygrid tenta le tout pour le tout et se leva non sans avoir entendu les pas de sa sœur trainer dans le couloir en direction de la cuisine. Elle aussi, était du genre à bien vider la bouteille et sans doute avait-elle participé aux frasques du Phoenix sans que ce dernier ne s’en souvienne. S’étirant pour mieux faire craquer son dos, elle regretta bien vite son geste en sentant sa tête partir en Edith Piaf (emporté par la foule, le manège, tu saisis ? XD), les vertiges d’une belle cuite lui filant déjà la nausée. Mais vaillante Sygi tenta de ne pas faire de galette sur le tapis… pas dès le matin. Ce qui pour une fois ne fut pas un échec. Après quelques secondes, elle parvint à ouvrir les yeux et à faire fonctionner ses jambes. Allez, une deux, une deux ! Comme à l’armée ! Grisée par sa réussite plus que probante à mettre un pied devant l’autre, Sygrid accéléra un peu, sans quitter des yeux sa paire de petons. Tant et si bien, qu’une porte trouva le moyen de se trouver là et de se foutre en travers de sa gueule. Putain mais qui était le connard qui l’avait laissé trainer cette porte ici !? Nom de Dieu… Mais sa tête lui faisait déjà tellement mal que malgré le bruit fracassant de la percutade, elle ne sentit trop rien et continua sa route en se tenant l’œil qui avait souffert du choc pour enfin entrer dans la cuisine. Sa sœur semblait en effet en très grande forme, au moins autant qu’elle ! « Trop de bruuuuits »

« Pardon. J’ai mangé porte dans gueule à moi. »

Elle se mit à réfléchir quelques secondes au sens de sa phrase, essayant de remettre les mots dans l’ordre pour tenter finalement avec bien peu de confiance :

« J’ai pris la gueule de la porte dans… ma gueule. Ouais bon bref. »

Sans attendre, elle s’installa en dégoulinant sur la chaise en face de Sonja, attrapant un verre et le remplissant en faisant couler de l’eau à côté du réceptacle. Puis, d’une main exceptionnellement molle, elle entreprit d’attraper le tube d’aspirine pour verser un cachet effervescent. Qui ne tomba pas… du moins pas de suite, mais s’amusa à venir avec tous ses copains qui tombèrent d’un seul coup dans le verre, non sans faire cliffer l’eau sur le visage toujours endolori du Phoenix.

« Et chier de chier… »  

La journée commençait très bien.
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« Frooooids. » Sygrid avait à peine entendu les gémissements de sa sœur avant que ses cachets ne tombent tous d’un commun accord dans son verre. Trollage massif, franchement ce n’était pas cool les gars ! A la base, le médoc était fait pour soulager l’esprit endolorie de la Faës après sa cuite, pas pour lui filer d’avantage de douloureuse réflexion à force de devoir établir une stratégie pour ne foutre qu’un seul cacheton dans son verre. Oh putain, rien que cette phrase était une horreur et passait mal… les parois de son esprit semblaient se resserrées, le moindre écho de pensée était désormais une souffrance qui heurtait le crâne de Sygi. Elle se frottait le front en observant son verre en pleine effervescence, qui bouillonnait littéralement, et moussait au point de déborder. Le liquide médicamenteux se déversa alors sur la table, lentement mais surement, sans que le Phoenix tente le moindre geste pour couper court au désastre. « Café? » A bah voilà ! Au moins une qui avait une idée, et une bonne ! Un café, ce n’était pas de refus dans un état pareil. Même si la caféine avait tendance à lui filer des aigreurs d’estomac, il ne serait pas de trop pour tenter de dissiper un peu les vapeurs d’alcools qui liquéfiaient son discernement au point qu’elle n’arrivait même plus à ouvrir la boîte à sucres en prévision de la tasse que Sonja lui apporterait bientôt.

« Bonne idée… »

Dit donc, qu’est-ce qu’elles étaient loquaces les Valborg une fois un coup (ou 50 dans ce cas-là) dans le pif ! Mais faire des phrases étaient vraisemblablement une action trop complexe. La mâchoire de Sygrid semblait déjà éprouver de la difficulté à se stabiliser, oscillant pour l’instant entre la mollesse pâteuse et la rigidité de celle d’un mort. Elle prit donc quelques instants, pendant que sa sœur se débattait avec le micro-ondes, pour la masser légèrement, droite comme un piquet. Le bruit de la machine infernale lui dressait les poils des bras aussi surement que si quelqu’un s’était amusé à faire crisser une fourchette sur une assiette en porcelaine, à quelques centimètres de ses oreilles. Par le ciel que cela cesse ! C’était déjà pénible de se taper la gueule de boit du siècle et de se souvenir du ‘pourquoi’ de cette murge. Surtout quand l’on recevait de temps en temps l’information de son cerveau  en mode connexion aléatoire de grosse bâtarde. En gros : Gabriel, sa présence à Ottawa, et leur rencontre de la veille à la superette ... Tout cela lui clignotait régulièrement en plein dans les mirettes histoire d’achever un peu plus la bête, avant qu’elle ne se perde à nouveau dans son mal de crâne et d’oublier. Puis la lumière de la vérité (cette salope !) perçait encore l’épaisse couche de nuages que formait ses souvenirs et rebelote, Sygrid replongeait dans son envie … son besoin même, de se noyer encore au fin fond d’une bouteille. La vie, c’était vraiment de la merde. Mais à en croire l’expérience de Sonja, la mort aussi… Triste monde tragique, si l’on ne pouvait même plus avoir l’espoir du silence et de la tranquillité d’un bon décès. Décès qu’elle avait longtemps cherché d’ailleurs. Ironie du sort…

« Bien dormi ? » Sonja venait de revenir à table et poussait des doigts une tasse vers elle en tentant d’établir une connexion entre elles. Elle avait l’air bien moins dans le coltard que Sygi, ou alors elle s’en remettait mieux... Ou autre hypothèse, elle bouffait des vitamines comme des bombecs. Toujours l’air fraiche, celle-là. Ouais c’était peut-être le fait d’être une Sidh qui lui permettait d’engloutir un litron de bibine peu chère sans devenir aveugle… Sygrid elle, comptait sur son don de guérison pour cela, mais celui-ci semblait vraiment en souffrance face à ses excès, surtout quand elle avait le moral en berne comme aujourd’hui. La tasse à café dans la main, elle souffla dessus non sans se cramer un peu les lèvres, cause de trop grande proximité avec le liquide en question. Couillonne.

« Une super nuit, vraiment… On ne peut pas rêver mieux. J’ai été assommé par une bouteille sans doute… ce qui m’a permis de dormir plusieurs heures, voire plusieurs jours j’en sais rien tiens… »  

Pour le coup, Sygrid pouvait bien avoir été victime d’un coma d’une semaine qu’elle ne s’en serait pas rendu compte, sans même en être étonnée d’ailleurs. Le Daily Fairy du jour lui apporterait bien vite la confirmation de la date, puisqu’elle n’avait pas le réflexe de regarder sur son portable… Mr.Darcy l’ayant perdu on ne sait où à faire de jouer avec.

« Et toi ? Des souvenirs d’hier soir ? »


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«  T'aurais été dans le coma plusieurs jours, je m'en serais rendue compte. » Ouais alors ça franchement c’était à vérifier. Depuis le temps, Sygi commençait à bien connaitre Sonja et surtout ses petites habitudes… notamment post-cuite. Sans doute parce que c’était très régulier de la trouver dans cet état, presque routinier même. Là-dessus, elles s’accordaient bien, et Sygi se serait inquiéter comme une folle à lui voir une descente pareille si elle avait encore Humaine. Mais bon, elle était crevée… donc quel mal y avait-il à boire dans son cas ? Après tout, elle ne pouvait pas la blâmer, elle faisait pareille… voir pire, puisqu’elle était techniquement encore vivante, et ce, même si elle était morte plus de fois que sa petite sœur ! Quel exemple elle faisait tiens… Mais au moins, elles s’accompagnaient mutuellement, et c’était pour elles une manière de cicatriser, même si ce n’était pas la meilleure. Elles faisaient ce qu’elles pouvaient, les sœurs Valborg ! En attendant, Sygi observait sa sœur avec un peu de suspicion quant à sa tirade. Déjà parce qu’il fallait du temps pour décortiquer ses mots et découvrir le sens de sa phrase, mais aussi parce que le Phoenix imaginait bien Sonja passer plusieurs fois devant elle alors que la bave coulait de ses lèvres pour inonder un coussin innocent, et croire avec naïveté qu’elle faisait une looooongue sieste avec Jack Daniel.

« Mouais… »

Ouuuuuh lalala ! Que de vocabulaire et de répartie ce matin… Mais Sygi adressa quand même un sourire à sa petite Sonja, même si l’on aurait plutôt comparé ça au rictus assimilé à une bonne coloscopie des familles. «  Putain, qu'ils se taisent dehors. Je me rappelle trouver le chemin du lit et... marcher sur un bout de verre. » Un bout de verre… La Faës l’observa avec un regard particulièrement blasé, plus encore quand elle chuta sur le sol pour se tortiller, pied en main. Bon d’accord, des visions de misères alcooliques, Sygi devait aussi lui en offrir presque au quotidien mais là, c’était vraiment pitoyable. Si bien qu’elle ignora simplement Sonja qui victorieuse, remontait sur sa chaise, le très fameux bout de verre à la main. Le coude posé sur la table, Sygi retenait sa tête en posant son front sur sa paume, le regard figé sur son café qui refroidissait, mais qu’elle n’avait pas encore le courage de boire.  « Bout de verre... Je peux aller le jeter à la tronche du bruit dehors ? Fin des gens... »

Elle aurait voulu rire, mais en restait juste incapable. Même sa respiration ne voulait plus éjecter les sons de son propre corps, tant c’était douloureux d’avance ! Alors, Sygi se contenta de gémir à moitié une sorte de … gloussement plaintif.

« Habitu… » Commença-t-elle avant de se rendre compte que ce mot était trop long pour son état. « … c’est pas si fort. Noël les rends cons et chiants. J’aime pas Noël… »

Sympa pour ses semblables ! Mais en même temps elle n’avait pas tort. Noël avait tendance à tous les rendre idiots, avant comme après le 24 décembre, qu’ils soient Humains ou non. L’euphorie des fêtes sans doute… Ce que Sygi détestait à présent. Autrefois, elle avait adoré Noël, un moment de l’année qu’elle privilégiait, chargée aujourd’hui de souvenirs pourtant heureux, mais soulignant la douleur d’avoir perdu ces instants précieux. Rapidement, elle chasse ses pensées qui la ramenaient toujours vers Gabriel et donc, à ce qu’elle avait vécu la veille. Préférant de loin s’occuper de sa sœur, elle releva sa tête de mille tonnes vers la Sidh, avant de boire un peu de café tiède :

« Bon Sonja, faudrait qu’on arrête de picogner. Picoler. Qu’est-ce qu’en penses toi ? »

Levant les yeux au ciel devant sa phrase, Sygi semblait pourtant sérieuse… mais bon, c’était tous les jours, que le Phoenix déclarait vouloir arrêter de boire. Et résultat des courses, sa résolution tenait … une heure. Pas plus !

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« Je hais noël. Et je hais les cons. » Alors ça, Sygrid ne pouvait pas lui en vouloir puisque globalement, elle était parfaitement d’accord avec elle. Même si elle préférait Noël aux cons, puisque ces derniers étaient presque impossibles à ignorer. Contrairement à la période joyeusement chiante de Nöel où il suffisait presque de s’enfermer chez soit pour que les jours passent et que les fameux gens-cons nous laisse crever seul, dans l’indifférence la plus totale. Quoi que, les deux étaient aussi relous l’un que l’autre, mais pour reflexionner correctement sur le sujet, il aurait mieux fallut (ou valut j’sais pas, et elle non plus tient !) ne pas se poivrer la tronche dès que l’occasion se présentait. C’est-à-dire bien trop souvent. Non, Sygi ne chercha pas une seconde de plus à peser le pour et le contre de la réflexion de sa sœur, préférant fermer les yeux pour éviter que la tête ne lui tourne de trop. Peine perdue… comment pouvait-on avoir le tournis les yeux clos ? Encore une question pour Sciences et Vie, un magazine à (pas) lire quand on avait les mirettes qui se croisaient !

A la réflexion de Sygi, sur l’évidence de leur situation et la conclusion qu’elles devaient cesser de boire, Sonja émit un gloussement proche de celui que la Phoenix avait sorti quelques instants plus tôt. Elles n’étaient pas sœur pour rien, si même un rire aussi ridicule parvenait se faire entendre chez l’une comme chez l’autre. « Pas à cette période-là de l'année. » Oh putain l’évidence ! Mais oui, elle n’avait pas tort la Sonja ! C’était bien une excuse pour continuer. Car si contrairement à l’idée reçue (et là on se dit finalement que Sciences et Vie c’est pas trop con quand même –Lawl), l’alcool ne faisait pas oublier, il permettait au moins de ne pas créer de nouveaux souvenirs. Et étant donné sa rencontre de la veille, c’était bien le désire de Sygrid. Ne pas créer de souvenirs sur sa rencontre avec lui. Sur le regard de Gabriel, déchirant… quand elle était partie. Et sur les paroles d’un certain hérisson, qui contrairement à ce qu’elle avait montré d’elle, avaient fait mouche. « Pourquoi... t'aimes pas noël ? » C’était la question à 10 000 dollars ça… Lentement, Sygrid rouvrit les yeux pour constater que le visage de sa sœur pataugeait dans la flaque de flotte sur la table. S’il y avait des visions plus ou moins pathétiques à oublier, pour sûr s’en était une. Mais elle la laissa faire, ayant pertinemment conscience que lors d’une cuite, un rien pouvait nous soulager, au moins quelques secondes ! Et puis, la question de Sonja semblait sérieuse, demandait réflexion… Ce dont Sygi était tout bonnement incapable. Raison pour laquelle sans doute, elle lâche simplement, et sans filtre :

« Bah déjà, on t’offre toujours des cadeaux de merde… et encore toi tu n’as pas connu la tante Ida. Rien que pour ça, tu n’as pas le droit d’être malheureuse dans ta vie… »

Elle grimaça alors, avant de reprendre :

« Enfin outre le fait que tu sois déjà légèrement décédée, mais tu comprends l’idée ? »
Ouais… parce que justement sa petite sœur, elle avait de quoi être malheureuse. Et pourtant, passé le fait qu’elle était une alcoolique et une junkie notoire, Sygi n’avait jamais rencontré de personne qui comme elle, semblait apte à garder le sourire. Elle lui faisait penser à Gabriel parfois, tant elle était forte. Bien plus forte qu’elle puisque c’était Sonja qui était parvenue à préserver le Phoenix de la Mort, par la sienne… Comme la vie était ironique, une vraie pétasse. Car si sa petite sœur n’était pas devenue une Sidh, il était fort probable que Sygi aurait rapidement gâché ses dernières vies au front. Tombée pour la partie, la blague. L’ainée ne savait pas vraiment si c’était une bonne, ou une mauvaise chose d’avoir été ainsi sauvé. Mais au moins elles étaient là, et s’étaient trouvés. C’était aussi peut-être pour ça, qu’elle parvenait à lui parler si facilement de ses blessures.

« Faut dire… que j’ai beaucoup aimé Noël à une certaine période de ma vie. Maintenant c’est juste un mauvais souvenir. Et pour toi ? »


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