Comme chaque soir, le cabaret attirait en son sein son flot habituel de clients. Ici l'on trouvait de tout. Croulants aisés espérant relancer leur libido mourante, jouvenceaux peu friqués cherchant de nouvelles sensations. Beaucoup aspiraient ici à satisfaire leurs besoins visuels... Et si possible « sexuels » - Les envies de Klein n'étaient quant à elles pas charnelles, mais gloutonnes.

Parmi ce ramassis humanoïde, rodait Le prédateur. Naturellement, il imposait sa présence aux autres qui s'écartaient sur son chemin. Le stryge s'imprégnait de toutes les odeurs, de toutes les émotions environnantes, comme un buvard s’imbibant d'encres perdues. Qu'ils étaient fades, ces êtres aux aspirations légères. Aucun d'entre eux n’intéressait Daniel. Il visait mieux, beaucoup mieux. Il n'était pas là sans raison, mais avait bien quelques sombres intentions derrière la tête, pour ne rien changer.

Cela faisait un moment qu'il l'avait repérée – Elle faisait partie du personnel de l'établissement, se faisait appeler sur scène « Déva Shanka ». Pour son plus grand malheur, elle obtînt involontairement l'intérêt du Stryge et pour cause ; Il s'agissait d'une Fäe. Délicieuse gourmandise dont raffolait l'Ange noir... Il espérait pouvoir lui mettre la main dessus.



Daniel ne perdit pas son temps en futilités ; Il gagna rapidement la deuxième salle, là où les danseuses se donnaient en spectacle, là où il était susceptible de la trouver. La lumière tamisée ainsi que le fond sonore particulier conférait à l'endroit une ambiance intime et feutrée. Quelques femmes se mouvaient sensuellement devant des hommes aux regards concupiscents ; Les expressions qui défilaient sur leurs visages avaient de quoi engendrer de l’antipathie.  

Klein chercha des yeux la Faë sans l'apercevoir. La belle devait être dans les loges à se préparer. Soit, il attendrait patiemment qu'elle montre son joli minois. Daniel gagna les banquettes et s'installa sur l'une d'entre elles, à l'ombre des spots qui dardaient les clients de leurs lumières multicolores. Il s'y mit à son aise, se laissa aller en arrière, le dos contre le mobilier et le coude posé sur le dossier de celui-ci. Un flash quelconque fit scintiller la bague qui ornait son annulaire gauche, rappelant son appartenance. Märta était Unique en son cœur. La Stryge n'avait rien à craindre ; Rien ne troublerait leur union, pas même une petite danseuse de cabaret. Quiconque aurait vu et reconnu l'avocat, cependant, aurait pu crier infamie. Un homme marié et seul dans un endroit pareil.. C'était enclin à la médisance. Mais Klein ne craignait pas pour sa réputation – Elle était déjà faite.


Au loin, du mouvement attira soudainement l'attention du Stryge. Apparut l'Exquise Sylphide. Dès lors, le regard de Klein ne la lâcha plus.  La belle inspirait l'Orient - ses particularités physiques vendaient ses origines, ou celles de ses aïeux. Sa peau ambrée devait avoir le goût du soleil... Et Daniel espérait y goûter incessamment sous peu.

(c) AMIANTE

Amuse-Bouche

feat. Daniel

Il n’était pas rare ces derniers temps, que je me sente épuisée après ma prestation hebdomadaire. Darwin le savait à présent. Depuis quelques jours, j’étais tout simplement incapable d’offrir plus qu’un spectacle… c’était étrange. Et si peu habituel que même le Stryge s’en trouvait étonné et n’osait trop rien dire. Enfin si, il disait… comme toujours et à sa manière brusque, mais était tout comme moi, un peu dubitatif devant ce manque d’énergie qui me sapait un peu le moral. J’avais l’impression que je ne donnais plus assez, ou que je ne savais plus y faire… C’était pourtant mon métier, je le connaissais plutôt bien. Et de ces connaissances et cette maitrise sur le désir des hommes résultaient aussi l’essence même de ma survie dans le monde des Humains. Car si je répugnais, contrairement à mes pairs, à user des terreurs des faibles pour me nourrir, plus faibles encore étaient ceux qui laissaient derrière eux tant de convoitises que je n’avais qu’à respirer pour m’en sustenter. Mais même l’immense énergie sensuelle qui se dégageait toujours au Cabaret ne suffisait plus à me rassasier et par conséquence… à me rendre ma hardiesse.

Je pris alors le temps de me reposer, quelques minutes, dans ma loge. Loin du tumulte, du bruit et de la fureur festive qui s’élevaient à quelques murs de moi. Quelques heures encore à tenir, et je pourrais m’effondrer dans les bras de Kassim pour un repos bien mérité. Mais en attendant, il fallait encore que je fasse honneur à Darwin, au Cabaret, et je ne pouvais décemment pas passer plus de temps que cela en loge. Mais incapable de me confronter à la foule dense de la salle principale, je préférais pour une fois celle, plus intimiste, où certaines des danseurs donnaient des shows quasi-privés pour le plus grand bonheur des clients à fortes fortunes.  Je m’y rendais rarement… très rarement même, puisque j’étais payée pour les shows plus important, pour faire éclater ma bonne humeur aux yeux de tous et pas de manière individuel, disons. Mais mon manque d’énergie ne me laissait pas le choix, et je pouvais toujours œuvrer dans l’ombre, un peu à la manière de Darwin d’ailleurs, pour attiser les désirs et attirer le regard de certains sur les danseuses les plus voluptueuses…

C’est pourquoi quand j’arrivais, je fus surprise de voir un regard m’accrocher avec tant d’insistance que je n’eue pas d’autre choix que de m’intéresser à son propriétaire. Un type qui me semblait un peu sordide, ainsi retiré dans l’ombre. Je lui adressais pourtant un sourire éclatant, avant de me diriger lentement vers lui.

- En voilà un drôle de regard… Je ne suis pourtant pas la plus intéressante de la pièce.

Sans même attendre d’invitation, je m’installais à côté de lui, le fixant dans les yeux sans scrupules. Il avait le visage de quelqu’un qui ne sourit pas beaucoup… et préfère l’ombre à la lumière. Du moins ici. Peut-être avait-il de l’importance. Une profession imposante, une réputation à tenir … car ceux qui ne se rependait pas, ne se faisait pas remarquer avait souvent quelque chose de sérieux à protéger… Je désignais alors une des filles du regard, qui dansait avec volupté sous un rayon de lumière.

- Vous savez, c’est une chance de la voir ici. Habituellement, elle est bien trop demandée pour attendre que quelqu’un la sollicite. Vous devriez en profiter.

(c) AMIANTE

Le Stryge se félicita d'obtenir l’intérêt de celle qu'il convoitait. Ainsi lorsqu'elle commença à se diriger vers lui, il jubila. Une fois parvenue à sa proximité elle entama le dialogue, prit place près de lui. Son parfum et sa présence inondèrent Daniel – Il s'en enivra.

L'échange visuel entre les deux protagonistes se fit insistant ; Daniel la dévorait déjà du regard. Ce n'est que lorsque la Faë lui indiqua une autre danseuse qu'il se détourna, très brièvement. Plus loin, une femme faisait son show ; Klein ne s'attarda pas sur cette vision.

« La notion d'intérêt est très subjective. Ce qui peut paraître affriolant pour certains, peut, pour d'autres, être d'une incroyable fadeur... Ainsi c'est sur vous que mon regard s'est posé et non sur elle.» Prenant appui sur un coude, Klein se redressa légèrement, se rapprocha de son interlocutrice, l'écrasant de son ombre. « Qu'à t-elle de plus que vous ? Ou plutôt... Qu'à t-elle de moins, pour m'inspirer de l'indifférence ? C'est la question que nous devrions nous poser. »

La réponse était toute simple dans l'esprit de Klein ; Cette autre ne l’intéressait pas car il s'agissait d'une humaine lambda, comme il en existait tant d'autres. Certes, elle dansait bien, était pourvue de magnifiques atours... Mais elle ne valait en aucun cas la Délicieuse Faë qui jouxtait le Stryge. Le sang qui pulsait dans les veines de la créature était semblable à un divin élixir dont Klein raffolait. Il était logique que l'avocat fasse une fixation sur elle, plutôt que sur une simple mortelle.

Après un court instant passé à détailler les traits fins et délicats du visage de la danseuse, sa chevelure ébène, son cou gracile, Daniel approcha son visage du sien et sur un ton semblable à celui de la confidence, il dit ; « J'aimerais que vous dansiez pour moi, Déva. » Une lueur étrange passa dans ses yeux. Klein voulait jouer, comme le chat qui joue avec la souris avant de la manger. Il s'abstint d'une quelconque caresse volatile ou autre échange physique - Il n'était pas de ceux qui ne savaient dompter leurs élans pervers. Malgré son abominable idiosyncrasie, il restait dans le fond plutôt « gentleman » avec les manières - Notamment en public.. Rien à voir avec les goujats qui peuplaient l'endroit, ceux qui sans aucune gêne osaient les gestes déplacés, inconvenants.

Le Stryge reprit sa position initiale avant de reprendre ; « Dansez pour moi. » Ce n'était ni un ordre, ni une supplication, mais plutôt un souhait personnel. Et si ses paroles ne suffisaient pas, s'il s'avérait qu'elle veuille quelques billets avant de s’exécuter, alors il lui en procurait. L'argent pour Klein, n'était qu'un menu détail.

(c) AMIANTE

Amuse-Bouche

feat. Daniel

Le personnage me sembla d'emblée, être quelqu'un d'étrange. Non pas différent, car l'on ne pouvait pas se fier à un panel exclusif de personnalités au Cabaret... Mais les hommes avaient tous quelque chose en commun lorsqu'ils venaient ici. Les mêmes intensions du moins. Et certains confondaient parfois Cabaret avec Institution des plaisirs. Même si j'avais des doutes rapport à certaines activités de Darwin qui semblait embarquer des filles à des fins moins... légales, il était certain qu'il n'y avait rien d'officiel dans la démarche, et certains types tentaient leur chance de manière parfois lourde et imposante. Ce n'était vraisemblablement pas le cas de celui qui se tenait devant moi, et qui gardait une certaine distance physique bien que ses yeux faisaient révérencieusement le travail. Surtout qu'ils semblaient surtout attirés par ma personne, et non par la jeune danseuse que je lui avais adressée quelques secondes plus tôt. Elle ne l’intéressait visiblement pas... Ce qui était dommage puisque mon but étant de faire un peu de chiffre à défaut d'offrir de nouveaux shows, j'étais donc en échec. Mais loin de me contrarier, j'écoutais au contraire avec attention les paroles de l'homme.

- La notion d'intérêt est très subjective. Ce qui peut paraître affriolant pour certains, peut, pour d'autres, être d'une incroyable fadeur... Ainsi c'est sur vous que mon regard s'est posé et non sur elle. Qu'à t-elle de plus que vous ? Ou plutôt... Qu'à t-elle de moins, pour m'inspirer de l'indifférence ? C'est la question que nous devrions nous poser.

En guise de réponse, je ne lui adressais qu'un sourire courtois. Je n'étais là ni pour philosopher, ni pour deviser avec un client... ou alors, il fallait qu'il paie pour cela. Et oui, Darwin savait exploiter le moindre talent de ses employés pour le monnayer. C'était le business. Mais je ne sais pas... quelque chose clochait dans son attitude. Rien de très flagrant, et justement c'est ce qui me mettait la puce à l'oreille. Cette sorte d’insistance latente, une attention focalisée, alors que la plupart des hommes avait plutôt tendance à s'éparpiller au milieu de cette abondance constante de femmes à considérer. Le regard, même quand seul l'une d'entre elles les captivait, ne pouvait s'empêcher d’observer les autres... Comme pour confirmer à chaque occasion que le choix porté sur "l'élue" avait été le bon et qu'ils ne dépenseraient pas de l'argent pour une femme moins attirante qu'une autre à leurs yeux. Mais lui, non. Il demeurait imperturbable et s'était presque intrusif.

Je ne bougeais pourtant pas lorsqu'il s'approcha de moi, pour souffler avant de se replacer convenablement :

- J'aimerais que vous dansiez pour moi, Déva. Dansez pour moi.

Évidemment... Peut-être qu'à cet instant, une expression de fatigue passa sur mon visage, effaçant quelque peu le sourire que j'avais jusque-là gardé. En vérité, j'ignorais ce qui était le  pire. Un homme pressant et presque vulgaire, ou le type un peu glauque qui susurrait des demandes à l'oreille comme s'il était intime avec vous. Je tournais légèrement la tête vers lui, et adoptait à nouveau un sourire plus agréable et charmeur. Mais je n'étais pas pour autant en accord avec ses désirs.

-  Je suis navrée, mais ce soir mes charmes sont déjà réservés. Puis-je vous suggérer quelques autres danseuses disponibles pour un show privé ?

(c) AMIANTE

Il éprouva une certaine frustration lorsque la danseuse affirma ne pouvoir exhausser sa demande. Cela se vit sur son visage qui devînt d'un coup moins avenant. Il se mordit même la lèvre inférieure pour canaliser la contrariété éprouvée - Daniel Klein n'avait pas pour habitude d'essuyer des refus.


Elle aborda l'éventualité d'avoir recours à d'autres danseuses pour répondre à son désir.. Il n'en avait cure de ces autres. Ne l'avait-elle pas encore compris ? « Me suggérer d'autres danseuses... Hm... » Le regard fauve de Klein s'égara momentanément sur quelques pin-up  qui traînaient alentour.. Avant que son visage austère affiche pour la première fois une expression distincte ; C'est faussement contrit que l'Ange noir reprit ;  

« Non, vous m'en voyez navré. » Il marqua une pause, avant d’enchaîner;  « En réalité et pour tout vous dire...  J'ai déjà assisté de loin à quelques-unes de vos performances, gardant l'espoir de vous voir de plus près... Et alors que ce jour arrive enfin, vous m'êtes indisponible.. » Il expira, comme pour marquer une déception profonde. Pauvre Daniel... Finirait-elle enfin, par prendre pitié de lui ?


Sa tactique empruntée – celle de l'admirateur secret –  était plus subtile que des menaces proférées. En utilisant un ton mielleux, qui ne lui ressemblait pourtant guère, il finirait peut-être par obtenir quelque chose d'autre qu'une inacceptation.


« Je mentirais en affirmant ne pas envier le chanceux que vous allez « régaler » ce soir... Mais pensez-vous qu'il récompensera votre prestation, autant que je pourrais le faire ? » Klein aborda enfin le sujet sensible; Celui de l'argent. Il ne voulait pas lui donner l'impression de pouvoir l'acheter, comme l'on achète les services d'une catin.. Mais plutôt lui faire comprendre qu'il pouvait rapporter gros au cabaret. Il était aisé, était aussi capable de claquer plusieurs billets pour s'offrir ce dont il avait envie. « Vous savez, je pourrais vous offrir plus que ce que vous pourriez espérer... »

(c) AMIANTE

Amuse-Bouche

feat. Daniel

- Me suggérer d'autres danseuses... Hm...  Non, vous m'en voyez navré. En réalité et pour tout vous dire...  J'ai déjà assisté de loin à quelques-unes de vos performances, gardant l'espoir de vous voir de plus près... Et alors que ce jour arrive enfin, vous m'êtes indisponible…

Je m’étais levée, dans l’intention de filer vers d’autres clients du cabaret puisque celui-ci me rendait profondément mal à l’aise. Il y avait quelque chose de faux chez lui… de gênant. Je n’arrivais malgré cela pas à mettre le doigt dessus de manière précise, si bien que j’avais l’impression de me fourvoyer à son sujet. Je n’étais pourtant pas du genre à juger à la première impression, à la première conversation et aimait plutôt me faire une opinion sur le long terme. Mais dans le cadre de mon emploi ici je n’avais pas le choix. Je devais mettre rapidement une étiquette sur les gens, déterminer ce qu’ils voulaient, ce qu’ils aimaient, et ce afin de leur soutirer d’avantage de petits billets vert. Je ne trouvais pas cela dégradant, dans la mesure où ils venaient spécialement pour cela et que je n’étais en aucun cas une voleuse. Ils payaient pour un service. Mais le ton mielleux de celui-ci me heurtait. Si bien que debout, je restais immobile pour me tourner vers lui, un regard interrogatif sur le visage alors qu’il reprenait de plus belle.

- Je mentirais en affirmant ne pas envier le chanceux que vous allez « régaler » ce soir... Mais pensez-vous qu'il récompensera votre prestation, autant que je pourrais le faire ?  Vous savez, je pourrais vous offrir plus que ce que vous pourriez espérer...

Mon regard changea alors, se faisant bien plus fermé. Je n’aimais pas la tournure que les choses prenaient. Certes, c’était mon métier de faire face à ce genre de demande mais la sienne était… étrange. Mon instinct me le répétait. Si bien que je n’avais pas eu de scrupule à utiliser mon pouvoir de Nuckelavee pour sonder ses émotions et ses sentiments. De l’excitation. De l’hypocrisie. De la fourberie…  C’était ce qui ressortait alors. Mais je n’empêchais pas mes lèvres de s’étirer encore en un sourire qui se voulait un peu ironique.

- Vous mentez très bien, Monsieur.

Je savais à présent qu’il n’était en aucun cas un ‘fan’ mais plutôt un flatteur. Mais son excitation n’était pas physique… Elle était toute autre. J’avais ressentis la même en sondant Kassim… Ce type-là était-il aussi un Stryge ? En voulait-il à … Mon sang ? Je n’avais pas encore peur, mais une certaine crainte commençait à s’insinuer perfidement, sous les yeux tout aussi sournois de l’homme en vérité très intimidant.

- Je sais qu’un adage veut qu’une femme vous ignorant soit en réalité très intéressée par votre personne. Laissez-moi vous dire que c’est profondément faux. Mon ‘non’ est un refus définitif et pas une invitation. Quelles que soient vos intentions, mettez-y un terme.

Sans attendre, le prenait la fuite… et revenait dans le quartier des danseuses en passant par un mur coulissant. Sans regarder derrière moi bien sûr, car je ne pensais pas le Stryge présumé capable de me suivre jusque-là.

(c) AMIANTE

Il la foudroya du regard lorsqu'elle l'éconduit. Klein se contint avec difficulté, tandis que l'orage éclata à l’intérieur de son être plusieurs fois centenaire – La bête en lui aurait bien rattrapé la Faë pour la dévorer sur place. L'environnement l'empêcha d'agir ainsi ; Il y avait beaucoup trop de monde alentour pour qu'il puisse commettre un tel méfait impunément.


Daniel suivit à distance la progression de la danseuse, distingua l'issue par laquelle elle disparue.. Avant de quitter la banquette sur laquelle il siégeait pour suivre le même parcours. Avec une discrétion sans égale, il se faufila à son tour dans la pièce réservée au personnel...

Censément, Monsieur n'avait rien à faire dans cet endroit, interdit aux clients. Mais il voulait en découdre avec la faë qui venait de lui faire faux bond ; Elle ne pouvait pas contrecarrer ses plans de la sorte, il l'aurait, assurément et son sang délicieux coulerait bientôt dans ses propres veines.


A pas de velours il s'avança dans la salle et distingua plus loin Déva de dos. Il glissa jusqu'à elle et avec une brutalité non moindre, lui fit subir son étreinte de serpent - Le bras droit de l'ange noir passa autour du buste féminin. Son corps de mâle aux lignes rudes servit d'appui aux formes gracieuses ; Il l'immobilisa.

Sa main gauche en bâillon improvisé couvrit la bouche de la faë. Surtout, qu'elle ne dénonce pas sa présence par de quelconques cris. D'un mouvement sec, il lui imposa une position, l'obligea à dévoiler sa gorge gracile. La bouche ingrate du stryge prononça ces quelques mots ;


« Sachez pour votre gouverne, que je n'aime pas être contrarié. »


Sans plus attendre ses lèvres épousèrent sa peau, à la naissance de son cou. Ses dents acérées, plus longues que la norme, percèrent la chair et le sang succulent inonda sa bouche. Tel un Nosferatu assoiffé, il commença à s'abreuver à même la gorge de la danseuse, suçant le fluide vital nécessaire à sa propre survie. Il resserra son étreinte, tandis qu'il lui volait sa vie – L'ange noir était bien décidé à la boire jusqu'à la lie [...]

(c) AMIANTE

Amuse-Bouche

feat. Daniel

Je n'avais pas eu de mal à fuir le salon à l'ambiance plus intimiste que la salle principale pour revenir dans les loges, mais déjà je me sentais plus à l'aise. Cette fatigue intense qui me frappait n'était pas normale... mais je n'arrivais pas à savoir si elle provenait d'une faiblesse physique, ou bien si s'était mon mental qui battait de l'aile. Peut-être les deux... oui, sans doute les deux. En attendant, je rejoignis rapidement ma loge d'une démarche un peu lente, avant de me retrouver debout face au miroir de ma coiffeuse. Quel teint insupportable... Sans perdre de temps mais avec des gestes lasses, je m'emparais de quelques artifices afin d'effacer les traits marqués de mon visage. Et je ne sentie rien venir... rien du tout. Pas même une présence. Pas même une émotion malveillante ou impatiente que j'aurais pu capter dans l'air... rien. Mais en une fraction de seconde, je fus oppressée, incapable de bouger. Le bras d'un homme, tel un serpent s'enroulant autour de mon buste m'en empêchait avec force. Une force que je n'avais pas le moins du monde...

Après la stupeur, mon regard frappa le miroir dont le reflet me renvoya l'image de cet homme, celui-là même que j'avais repoussé. Il me bâillonna de sa main, mais à aucun moment je n'avais eu l'intention de hurler. Malgré ma respiration qui devenait pénible sous la pression de son maintien, et la perspective malsaine de ce qui allait arriver, je le fixait sans faillir à travers le miroir.

- Sachez pour votre gouverne, que je n'aime pas être contrarié.

Alors c'était ça ? Encore une virilité froissée... pauvre homme, l'avait-il si mal placé que cela ? Il avait susurré, mais le léger mouvement de ses lèvres m'avait laissé entrevoir des canines acérées. Un Stryge... encore un. Mais cette fois il n'avait aucune bienveillance envers moi. Je n'en aurais donc aucune envers lui.

La morsure me fit éprouver une vive douleur, qui pourtant fut rapidement effacée par la colère, l’adrénaline qui étaient toutes deux très rapidement montées en flèche et affolaient mon cœur. Ma respiration s’accéléra encore, de plus en plus vite tandis que mon buste se soulevait à sa fréquence. Je voyais du sang couler de la plaie qu'il suçait, mais ne bougeait toujours pas. Je me concentrais... fermais les yeux, calmais ma respiration. Jusqu'à finalement ne plus être. Me libérer de son emprise en adoptant mon intangibilité de Nuckelavee. La fureur qui m'animait se peignait sur mon visage au moment même où je passais à travers le corps du Stryge, m'échappant alors de sa brusque éteinte. En quelques secondes, j'étais derrière lui... Mais je n'allais pas fuir, ma colère était trop présente et réclamait de lui faire mal.
Je plongeais ma main alors encore impalpable dans sa poitrine... et grâce à un équilibre que je n'obtins sans doute que sous l'effet de la rage qui m'animais, je lui rendais assez de tangibilité pour me saisir du cœur de la gargouille. Et je serrais... y plantant mes ongles. Je serrais pour voir la douleur envahir ses traits.

- Vous m'en voyez navrée ! Vraiment... Mais il n'y a pas d'âge pour apprendre à la supporter, monsieur.

(c) AMIANTE