Zohra & LuaNamaste ! Long time no see !La jupe plissée frottant contre la banquette du bus, Lua battait silencieusement le rythme de la musique d'un doigt sur sa cuisse. Dans ses oreilles braillait un album des Artic Monkeys, distribué dans ses tympans par l'immense casque vert pomme qui jonchait ses cheveux blonds. Une prairie Ses grands yeux regardaient autour d'elle de la plus scrutante des manières : c'était la première fois qu'elle se rendait dans une telle partie du centre-ville. Habituellement, elle était plus habituée à fréquenter les magasins qu'offrait le Downtown plutôt que son quartier résidentiel, bondé d'immeubles dont certains frôlaient le ciel. Ainsi elle guettait, attentive, le moindre instant où elle devrait appuyer sur le bouton pour signifier l'arrêt de l'autocar. Le braille contre la pulpe de son pouce, elle pressa subitement le dit-bouton une fois qu'elle s'approcha de cette forêt d'acier. Elle se leva rapidement pour quitter le véhicule qui la laissait désormais seule pour se débrouiller. Mais elle avait bien retenu l'adresse indiquée et l'itinéraire au téléphone alors... il n'y avait plus qu'à y aller.
Les rues se ressemblaient pourtant toutes et ce fût avec peine qu'elle trouva River Street. Qui portait plutôt bien son nom étant donné sa position juste en face de la rivière qui traversait la ville de part en part. Quelques pas et bientôt le numéro 32 se dessina devant son regard pétillant. Selon l'écran de son téléphone portable, elle n'était pas trop en retard, seulement cinq petites minutes. Ce qui ne l'empêcha pas de se précipiter vers le panneau de l'interphone, à la recherche du nom de famille de la personne à qui elle venait rendre visite. La jeune demoiselle était d'ailleurs profondément ravie qu'elle se soit trouvé un foyer dans quartier si prestigieux ! Les pupilles claires fouinèrent jusqu'à trouver le nom composé, mais furent surprise de le trouver accolé à un autre qu'elle ne connaissait pas. « Aydogan » ? C'était peut-être son colocataire ? Bien que ce ne soit pas vraiment la norme dans un quartier si aisé. Généralement, les personnes habitant ce genre d'endroit avaient les moyens... même ceux d'acheter leur demeure plutôt que de la louer. Mystère, donc ! Peut-être que son amie lui en dirait plus.
« Zohra ? C'est moi ! Tu m'ouvres ? », chantonna-t-elle dans le micro après avoir appuyé sur les deux noms s'offrant donc à elle.
Elle attendu quelques secondes, puis un « clic » significatif lui indiqua qu'elle pouvait entrer. Le hall d'entrée lui donnait presque le tournis tant il rutilait de richesse et d'un luxe auquel la jeune fille n'était pas forcément habituée. Elle habitait certes un large manoir à la lisière des bois, mais il conservait un côté rustique, peut-être un peu « vieillot » au goût de certains. Là, c'était neuf, propre, nacré... comme une page de magazine d’ameublement.
Ses petites ballerines frôlèrent le marbre du sol à motifs alors qu'elle se rendit vers l'ascenseur, attendant patiemment que celui-ci daigne arriver. L'aiguille au-dessus des portes métalliques indiquait une vingtaine d'étages, et le temps qu'elle puisse s'y rendre, elle imaginait comment pouvait être celui de son amie. Sans doute aussi beau que le hall, mais connaissant l'indienne, elle y aurait sans doute apporté sa touche personnelle. Un peu comme lorsqu'elle avait vécu chez la blondinette, bien des années en arrière.
L'ouverture mécanique des portes tira l'humaine de ses pensées, et ce fût tout aussi simplement qu'elle se rendit quelques étages plus haut. Finalement, elle finit par sonner devant le seul appartement qui se dressait devant elle, ayant eu confirmation quelques heures plus tôt que celui n'était pas bien difficile à trouver. Un grand sourire s'étira sur son visage quand celui de l'indienne se dévoila. Elle était toujours aussi radieuse, décidément !
« Zohraaaa ! Bonjour !! », lança-t-elle, rayonnante, hésitant un instant avant de se jeter dans les bras de la jeune femme, son casque audio glissant le long de la chevelure pour venir pendre dans son cou. « Ça fait tellement longtemps !! Je suis vraiment heureuse de te revoir !! »
Zohra & LuaNamaste ! Long time no see !J’avais beau me dire que les choses ne se faisaient pas toutes seules, l’idée seule de devoir faire le ménage m’épuisait d’avance. Moi qui avais vécu dans un appartement minuscule depuis mon arrivée à Ottawa, on pouvait vraiment dire que tout cet espace-là était presque effrayant. Dans le sens où j’avais l’impression d’avoir toujours quelque chose à faire pour que tout soit parfait. Parce que je voulais que ça le soit… parfait. Pour Kassim. Il méritait que l’on prenne soin de lui, et j’imaginais que cet appartement était déjà un grand pas pour ce Stryge qui avait tant tardé à en prendre un (d’appartement héhé, pas un pas !). Avec moi dedans en plus, c’était un sacré bouleversement ! Je le connaissais suffisamment bien maintenant pour en avoir pleinement conscience et savoir apprécier ma situation auprès de lui à sa juste valeur. Même s’il n’était pas rare d’entendre Kassim râler pour telle ou telle élément de décoration un peu trop Bollywoodien à son goût… c’était toujours pour la forme me semble-t-il. Si j’étais heureuse, et fière de le présenter comme mon compagnon, je crois bien que c’était désormais réciproque. Mais si je m’activais pour nettoyer un peu le salon malgré des maux de dos qui ne me quittaient pas depuis quelques jours, c’était surtout car j’allais accueillir une invitée de marque ! Rien qu’à cette idée, un sourire égayait mon visage et je me surprenais à chanter avec légèreté. C’était vraiment réjouissant que de revoir la petite Lua ! Mine de rien, je crois que cette petite tête blonde m’avait beaucoup manqué.
Et dire qu’il y avait presque un an et demi que je ne l’avais pas vu. C’était presque honteux d’avoir laissé le contact se perdre, surtout après l’aide qu’elle m’avait apporté sans même s’en rendre compte peut être ! Parce que grâce à sa générosité, j’étais parvenue à m’installer sans trop de peine au Canada. Alors qu’à l’époque, j’étais arrivée avec une petite valise bien maigre, des économies qui l’étaient tout autant… et ma volonté, qui ne pesait pourtant pas lourd dans le monde des Occidentaux ! L’accueillir dans mon nouveau chez moi était alors un plaisir doublée d’une grande fierté. Et puis, si elle avait une nouvelle fois besoin de mon aide, je la lui accordais bien volontiers ! Après un brin de ménage, je me rendis à la cuisine en consultant l’heure. Elle n’allait sans doute pas tarder. Mais connaissant un peu la bête, il était probable qu’elle se soit un peu perdue ou qu’elle se soit éprise d’un élément qui la ralentirait sur son chemin. C’était une drôle d’enfant Lua, bien qu’adorable ! Mais j’avais peut être encore du temps… Du temps pour combler un peu le vide de mon estomac qui hurlait famine presque sans interruption ses temps-ci. Je devais sans doute me nourrir trop peu au Cabaret, je négligeais peut être le Nuckelavee. Mais un bon cupcakes, voilà qui me paraissait plus intéressant que l’excitation malsaine bien que nutritive, d’une foule de demi-pervers avide d’en voir toujours plus. C’est évidemment au moment même… à la seconde où je croquais avec force dans le gâteau plein de crème, tranquillement installée contre un meuble de la cuisine, que l’interphone se mit à brailler. La honte… je m’en étais fichue partout et ma gourmandise m’avait poussé à croquer une bouchée bien trop grosse… Je planquais alors le gâteau dans le frigo, pour me diriger vers l’appareil en question.
- Zohra ? C'est moi ! Tu m'ouvres ?
Je ne parvins à émettre qu’un faible ‘Humpufffll’ en postillonnant sur l’écran de la machine que j’essuyais frénétiquement avec ma manche, avant de foncer dans la cuisine pour essuyer ma bouche et faire passer le gâteau d’un bon verre d’eau salvateur. Il fallait faire bonne impression, quand même ! Et puis, c’est la porte qui sonna. Lua était arrivée. Un nouveau sourire se dessina sur mon visage alors que j’avançais vers l’entrée pour ouvrir et découvrir le visage joyeux de cette petite blonde lumineuse au possible. Mais j’avais à peine eut le temps de la détailler qu’elle se jetait déjà dans mes bras. Un geste qui m’arracha un éclat de rire spontanée, tandis que je la serrais à mon tour avec une joie non dissimulée.
- Zohraaaa ! Bonjour !! Ça fait tellement longtemps !! Je suis vraiment heureuse de te revoir !! »
Très naturellement, je lui embrassais la tempe, me perdant un peu dans sa longue chevelure blonde avant de fermer la porte tout en gardant un bras autour de son épaule. C’était peut-être un comportement tactile et familier, mais j’avais tendance à l’être… Surtout avec des gens aussi réceptif que Lua, qui demeurait la personnalité attachante et lumineuse de mes souvenirs. Je n’avais alors, aucun mal à reprendre mes anciennes habitudes avec elle.
- Moi aussi je suis contente de te voir petit trésor ! Que tu es belle… j’ai l’impression que tu ne cesseras jamais de grandir, d’embellir encore moins !
Sans cesser de lui sourire avec affection, je l’attirais dans le salon. J’étais impatiente de lui parler, de savoir ce qu’il s’était passé dans sa vie depuis notre dernière rencontre. Comment allait son père, comment se passait ses études… de ce dont elle avait besoin ! Tout ! Comme une grande sœur, comme une amie que cette visite enchantait vraiment. Je ne pris même pas le temps de lui faire visiter les lieux que déjà je l’amenais au canapé pour s’y installer à deux.
Zohra & LuaNamaste ! Long time no see !Aux côtés de Zohra, Lua n'avait que des bons souvenirs. Rien de ce qui unissait les deux jeunes femmes ne pouvait être considéré comme malheureux ou tristes, dans la mesure où la jeune fille avait beaucoup d'admiration pour son ancien professeur. Après tout, que pouvait-elle trouver à lui reprocher ? L'indienne était belle, fraîche et intelligente. Et peut-être bien que durant les quelques mois où ces deux-là s'étaient retrouvées à vivre sous le même toit, Lua avait sans doute un peu pris cette étrangère marquante pour modèle. Ça lui aurait bien plu de grandir et de devenir aussi rayonnante... La blonde se surprit à rire légèrement à ses compliments, faisant preuve pour elle d'une sincérité qui lui allait droit au cœur.
« Oh... merci ! Je peux dire la même chose de toi ! », lança-t-elle d'un ton joyeux. Ses éclats de voix pure ne détonnaient jamais entre eux, oscillant entre la brillance et la chaleur. Elle n'avait, après tout, aucune raison d'être malheureuse.
Au creux des bras caramels, maternels au possible pour cette demoiselle qui n'avaient pas eu beaucoup de repères féminins dans sa courte existence, elle se sentait aussi bien qu'auparavant. Rien n'avait vraiment changé chez son amie plus âgée, rien du tout. Elle retrouvait son sourire comme au premier jour de leur rencontre, quand elle se présenta chez elle pour répondre à l'annonce de professeur particulier. Affublé d'une expression digne des gamines les plus attendrissantes, la petite blonde se redressa et répondit le plus énergiquement possible à l'indienne :
« Bien, extrêmement bien ! Et toi, comment tu vas ? Ça fait tellement longtemps ! Je suis sûre que tu as un tas de choses à me raconter !! » Elle s'emballait tant à l'idée de la revoir que les mots coulaient de sa bouche dans un débit particulièrement rapide, ponctué d'enthousiasme.
Elle fit finalement quelques pas dans le séjour, observant l'appartement avec les yeux remplis d'étoiles, à l'instar de celles qu'elle aimait tant regarder le soir venu par la lunette de son télescope. Un léger « Ooooh... ! » s'échappa de sa bouche rosée alors qu'elle était perdues dans les couleurs qu'arborait l'appartement. Si elle s'attendait ! L'endroit respirait littéralement la joie de vivre et la jeune fille resta quelques instants interdite devant l'amoncellement de décorations, entre bougies et tentures d'Inde, tableaux épileptiques de nature mortes de pommes dans un coin ou la grande fenêtre, imposante, imposée, baignant la pièce d'une splendide clarté.
« C'est vraiment magnifique, chez toi... ! », murmura-t-elle, une certaine fascination transpirant dans ses mots d'enfant naïve. Elle s'assit sur le canapé le plus délicatement du monde, comme si elle n'avait pas le droit de toucher à un millimètre carré de ce décor particulier. Finalement, ses iris bleutées se tournèrent vers son amie à nouveau : « Quelle chance tu as de vivre ici... oh, d'ailleurs ! J'ai vu un second nom à côté du tiens sur l'interphone, tu t'es trouvé un colocataire lorsque tu es partie de chez nous ? Au fait, j'ai dis à Papa que je passais et il te salue ! »
Zohra & LuaNamaste ! Long time no see !La vive luciole qu'était Lua n'avait pas vraiment changé. Elle était toujours cette petite lumineuse et souriante que j'avais connue, et qui avait eu à mon égard, une grande générosité. Certes, elle avait grandi. Mais elle gardait ce visage doux et poupon, ses rires et son cœur d'enfant. C'était une bonne chose d'ailleurs, car j'aurais été bien accablée de la découvrir autrement faite après l'avoir découverte si altruiste et optimiste. J'avais appris au fil de nos conversations de l'époque que la vie ne l’avait autrefois pas beaucoup gâté, mais que la chance qui lui avait été offerte lui suffisait à voir son existence comme heureuse, qu'elle se considérait comme chanceuse. Une telle personnalité était rare, et précieuse. J'étais donc plus que ravie de voir en elle, l'âme vertueuse et la petite créature adorable à qui j'avais donné des cours.
- Oh... merci ! Je peux dire la même chose de toi ! Bien, extrêmement bien ! Et toi, comment tu vas ? Ça fait tellement longtemps ! Je suis sûre que tu as un tas de choses à me raconter !!
Son enthousiasme m'arracha un rire vif et tinté de la joie qu'elle m'inspirait.
- Et bien je crois que nous n'allons pas beaucoup travailler aujourd'hui ! Je vais très bien petit ange, aussi bien que toi à priori.
Elle était toujours aussi expansive, et bavarde... ce qui s'était parfois révélé être un sacré défaut quand il s'agissait de lui faire comprendre une leçon, et que Lua semblait bien plus intéressée par tout et n'importe quoi plutôt que les exercices que je lui concoctais ! Mais comment résister à cette frimousse... Enfin, si elle revenait maintenant, il y avait fort à parier que je devrais encore trouver de nouvelles techniques pour canaliser son attention et ses joyeux bavardages, semblables aux gazouillis des mésanges au printemps. Je la gardais encore un instant au creux de mes bras, heureuse de retrouver sa chaleur juvénile et de sentir ses émotions si pures, et si bienfaisantes. Je ne connaissais en ce monde que peu de gens capables d'émettre autant de bonté, d'en ressentir encore plus. Chez elle, tout était limpide, et c'était peut-être qu'elle me rappelait ainsi, ma petite sœur Sonam... Aussi avais-je une affection particulièrement forte pour Lua.
Et puis, le petit oiseau quitta mes bras pour retrouver sa curiosité naturelle et visiter l'appartement. Il baignait dans une jolie lumière aujourd'hui, la météo se trouvant être clémente... ce qui devait expliquer que la jolie Lua soit si admirative devant ce qu'elle voyait. Même pas le temps de lui demander son avis, qu'elle le donnait en s'asseyant avec une politesse exacerbée.
- C'est vraiment magnifique, chez toi... ! Quelle chance tu as de vivre ici... oh, d'ailleurs ! J'ai vu un second nom à côté du tiens sur l'interphone, tu t'es trouvé un colocataire lorsque tu es partie de chez nous ? Au fait, j'ai dis à Papa que je passais et il te salue !
Sa naïveté me fit rire à nouveau tandis que je disparaissais quelques instants pour chercher deux verres et une grande carafe de jus de fruits frais. Déposant un verre devant elle, sur la table basse, je me forçais à ne pas rire en imaginant la tête que ferais Kassim en se voyant attribuer le statut de 'colocataire'.
- Alors... Non. Quand je suis partie de chez vous, j'ai pris un appartement du côté de Glebe. Mais je l'ai quitté il y a quelques semaines maintenant pour emménager ici. A la demande de Kassim, qui est mon compagnon et non mon colocataire.
Mon sourire devenait plus grand, je le sentais ! Et je restais bien sur incapable de maitriser cette expression alors que je repensais à la manière dont il s'était livré ce jour-là... Comme Lua, Kassim portait en lui une lumière étincelante. La différence, était que sa flamme avait été malmenée avec force, et que j'avais longuement soufflé dessus pour la ranimer. Aujourd'hui cependant, il la nourrissait de lui-même, à nouveau... Du moins j’en avais la sensation. Tout en adressant un clin d'œil à Lua, je lui versais du jus de fruits. Une fois fais et nos deux verres pleins, je vins m'installer près d’elle pour cogner gentiment mon épaule contre la sienne.
- En parlant de ton père, comment va ce bon vieux ronchons ? Toujours accroché à son bon vieux journal du matin et à son regard désapprobateur ?
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Sam 30 Jan - 18:47