La confiance est une denrée rare de nos jours... Peut-être que tu pourras remédier à cela ?

Gabriel De Agüero & Léonard Armstrong

Nous les avons tous connus. Mais si. Vous savez, ces jours où on ne veut pas sortir du lit parce qu’on a ce sentiment désagréable que la journée ne va pas être bonne. Que quelque chose va inévitablement venir nous tomber sur le coin de la figure. Et que nous allons avoir mal. D’une façon ou d’une autre… C’est avec cette idée gravée en tête que j’ai mis un pied hors du lit, ce matin-là. Un samedi, il me semble. Je suis sorti en laissant un mot à ma femme qui dormait encore. Je crois que j’avais besoin de quelques instants seul, un moment où je pourrai me sentir réellement libre. Pour cela, je suis allé là où j’étais certain de pouvoir trouver quelques coins de verdure qui me permettraient de pouvoir voyager à nouveau en oubliant, pendant un temps, la présence de la grande ville. J’avais l’impression que cette envie venait vraiment du plu profond de mon âme. Comme si l’animal qui était en moi voulait renouer avec cette liberté et cette nature qui lui sont si chères. Alors je n’ai pas résisté. J’ai accepté. Je me suis d’abord mis à l’abri des regards indiscrets et, lentement mais sûrement, j’ai laissé mon alter-ego revenir. Petit à petit, je me suis transformé en léopard. Entièrement. Au fond, ça m’avait manqué de ne pas pouvoir sentir toutes ces odeurs, tous ces bruits, toutes ces sensations… De ne pas me sentir tout bêtement vivant ? Pour la première fois depuis plusieurs années, en gambadant dans ces petites forêts, j’oublie. J’oublie tout. J’oublie ma famille, mon passé, mes secrets, mes relations, ce que j’ai été, ce que je suis. Je me contente de courir. De regarder droit devant moi. Sans penser à ce qui m’attend à l’instant où je retournerai en arrière. Parce que je sais que ce sera douloureux.


Et croyez-moi, il n’y a aucune métaphore dans ces mots. Bien malheureusement, suis-je tenté de dire. Les contes de fées n’existent pas. Les journées parfaites… N’existent pas. On ne reste jamais tranquille et paisible bien longtemps. Bien évidemment, je parle par expérience… Je courais sans faire attention. Pourquoi aurais-je pensé à le faire alors que mon objectif était de ne penser à rien ? Et là, c’est le drame. Un bruit, un craquement et une douleur qui me traverse de la patte jusqu’à la tête en épargnant aucun endroit de mon corps suivit par un long et puissant grognement et je m’affaisse. Je trouve malgré tout la force de tourner la tête pour observer ce qui me retient. Un objet métallique dont les dents pointues se sont refermées avec force sur ma patte arrière droite… Impossible de m’en défaire par mes propres moyens… La douleur est beaucoup trop forte, elle est lancinante. Ce piège n’a pas été placé là par hasard, j’en ai la certitude. Probablement des braconniers espérant, je ne sais pourquoi, toucher le gros lot par ici. C’est l’hypothèse qui me paraît la plus envisageable et surtout, à mes yeux, la plus enviable. Je préfère des simples chasseurs illégaux à des potentiels membres de la mafia, par exemple. Raisonnement logique bien qu’au final, aucune de ces situations ne soit particulièrement enviable. Enfin, à défaut d’avoir une autre solution, j’attends en priant pour que quelqu’un vienne rapidement me sortir de là… Quelqu’un qui n’ait pas d’intention hostile, de préférence… Le pire, c'est la douleur qu'il me faut supporter. Souffrir sans ne rien pouvoir y faire, c'est vraiment horrible.

"Promenons-nous dans les bois, pendant qu'un léopard y sera ♫"

Gabriel De Agüero & Léonard Armstrong

Quoi de mieux qu'une petite balade en pleine forêt un samedi matin ? Certains diront une bonne grosse grasse matinée ou alors devant des dessins animés (ou motus pour les plus courageux d'entre nous) à s'empiffrer de céréales trop sucrées et autres gâteaux succulents faisant plein de miettes sur le canapé. Gabriel ne leur donnerait pas tort … Bien au contraire mais aujourd'hui, il avait envie de sortir et prendre l'air ! Accompagné de son fidèle compagnon le hérisson, qui pour ne pas changer, râlait sur son épaule, il s'était mis en tête de refaire un stock de plantes pour la concoction de ses potions et autres remèdes en tout genre. Quitte à se promener, valait mieux rentabiliser son temps et son énergie ! L'alchimiste parti donc en quête de fleurs, de feuilles, d'écorce et de sève, non sans s'émerveiller sur la nature qui l'entourait et tâchant de ne pas abandonner Mojito sur une branche d'un arbre, légèrement exaspéré par ses plaintes incessantes.

- Tu sais Gabriel, les plantes … Elles auraient aussi été là cet après-midi hein ! Je ne vois pas pourquoi on était obligé de venir si tôt ! Arrête de râler et profite un peu du calme matinal, au moins on est tout seul ici, c'est pas mieux ? Non, il n'y a personne pour me trouver trop « mignon » et me filer les gâteaux de leurs gosses ! Dios mio, tu n'es pas possible ! Puis c'est toi qui a dit oui pour venir, je ne t'ai pas forcé … Hmm, c'est pas faux. Ça va, tu as gagné ! Je me tais ! C'est pas trop tôt. Ne soit pas médisant non plus, je peux très bien recommencer !  

Un soupire dépité fut poussé par Gabriel, accompagné d'une légère brume blanche, signe qu'il faisait froid. Elle était bien loin la chaleur de Cuba et pour être franc, elle lui manquait énormément. En quinze ans, il avait réussi à s'acclimater mais au début, cela avait été un vrai calvaire ! Entre les rhumes, la neige qui vous tombe dessus tel un ninja, les routes aussi glissantes que dangereuses et les parties de cache-cache avec sa voiture, tout portait à croire que ce pays était bien plus hostile que la forêt amazonienne ! M'enfin, comme on dit, on s'habituait à tout ! Quoique non cette phrase était fausse … Jamais il s'habituera à l'absence de sa femme. Non, ce n'était pas le moment d'y penser ! Il secoua la tête pour effacer cette pensée mais un puissant rugissement le stoppa net dans ses mouvements. Levant le nez dans la direction du bruit, ses sourcils se froncèrent d'étonnement et d'inquiétude.

- Rassure moi, c'était ton ventre hein ? Chuuut Moji' ! Le hérisson se mit à murmurer, Roh ça va, un peu d'humour ! On aurait dit un chat se coinçant la queue dans une porte ! C'est un très gros chat alors … Tu sais, vu ma taille, tout est bien plus impressionnant ! Tais-toi bon sang, j'essaye de savoir d'où cela vient ! Il faut que je trouve cet animal, il est peut-être blessé ! Et dangereux … Mais non, mais non !

Enfouissant le museau de son âme jumelle dans sa main pour le faire taire, il réveilla ses sens afin de retrouver ce fameux gros félin. Laissant tomber sa cueillette, Gabriel parti en direction du grognement et tomba nez à nez avec un … Léopard ? Qu'est-ce qu'il faisait là ? Ce n'était pas son environnement naturel ! Ooh … Serait-ce un Berserker ? Cela n'était pas très important car ce qu'il vit, le fit paniquer légèrement. Un piège à loup enserrait sa patte arrière à présent sanguinolante. Sans plus de précaution et par habitude, l'alchimiste s'approcha du félin à toute vitesse pour désarmorcé la mâchoire d'acier et libérer son membre probablement cassé. Assis à ses côtés, il posa une main rassurante sur son flanc et lui parla avec douceur :

- Je suis là pour t'aider d'accord ? N'aie pas peur, je ne te veux pas de mal … Je peux te soigner. Si tu es un Berserker, essaye de ne pas reprendre ta forme humaine tout de suite, je dois d'abord résorber ta plaie. Cela risque d'être un peu douloureux, je m'en excuse.

Joignant le geste à la parole, il apposa ses mains sur la blessure et laissa son flux magique agir tout en incantant de vagues formules en espagnol. Une vive chaleur se dégagea, provoquant de la vapeur à cause du froid mais déjà, on pouvait voir le saignement s'arrêter. Le plus dur restait à venir car effectivement, l'os était brisé. Lançant un petit regard rassurant à la pauvre bête, il puisa au plus profond de son être pour que l'opération soit rapide et pas trop douloureuse. Un craquement sinistre se fit entendre … L'os était revenu à son état initial.

- C'est fini à présent, désolé, cela n'a pas été très agréable. Je te conseille d'attendre un peu avant de te relever ou de te transformer. Je vais rester là pour surveiller ton état, d'accord ?

La confiance est une denrée rare de nos jours... Peut-être que tu pourras remédier à cela ?

Gabriel De Agüero & Léonard Armstrong

Oh bordel, que ça fait mal mais mal ! Je continue à rugir en espérant que quelqu’un de relativement bien attentionné ne passe dans le coin. Ce n’est pas comme si j’ai la possibilité de faire autrement, de toute façon. Même me retransformer en humain, ça me semble impossible. Déjà parce que ça n’atténuerait pas la douleur, au contraire. Et en plus, parce qu’inévitablement, je me retrouverais tout nu en plein milieu des autres personnes et ça, dans l’immédiat, je préfère vraiment éviter que ça n’arrive. Alors je patiente… Pendant que ma patte continue à saigner. L’avantage, c’est que je ne peux pas trop la bouger à cause du piège qui l’enserre toujours. Je n’essaye pas non plus de me défaire par mes propres moyens. Je sais que c’est suicidaire et qu’à part abîmer encore un peu plus ma patte, au final, ça ne servira à rien. Et contre toute attente, un homme accompagné d’un hérisson finit par arriver devant moi. Certes, voir un animal comme moi dans un tel endroit, c’est assez improbable mais s’il n’est pas étranger au monde surnaturel, il devrait assez rapidement comprendre ce que je suis réellement. Il n’hésite donc pas à s’approcher de moi pour me libérer de ce piège. Sur le coup, je grogne une nouvelle fois alors que ma patte se trouve désormais à l’air libre. Mais je ne peux pas plus la remuer pour autant. Cassée. Elle est très probablement cassée et j’espère que cet homme est aussi gentil qu’il y paraît… Autrement, je ne donne pas cher de ma peau. Mon pelage s’hérisse légèrement lorsqu’il passe sa main sur mon flanc mais, la tête posée à même le sol, je le regarde et je l’écoute attentivement, sans bouger. Espérant ainsi lui faire comprendre que je saisis très bien le sens de ses paroles. Il dit qu’il est là pour m’aider et qu’il ne faut pas que je me retransforme immédiatement alors n’ayant pas tellement le choix, j’obéis et je le laisse faire comme il le sent.


Au moins, maintenant, j’ai la certitude qu’il appartient ou qu’il a connaissance du monde surnaturel puisqu’il a évoqué la possibilité que je sois un Berserker. D’un côté, je dois avouer que c’est un fait plutôt rassurant. Comme ça, je n’aurai pas à me justifier lorsque je reprendrai ma forme humaine. En tout cas, il n’a pas menti. Ses soins n’ont pas été extrêmement douloureux mais ils n’ont pas été entièrement doux et sans aucune douleur non plus. Pourtant, j’ai pris sur moi. Je l’ai regardé poser ses mains et j’ai clairement senti la chaleur se dégager. Il prononce ensuite quelques mots étranges et déjà, la plaie se referme. Mais il ne s’arrête pas pour autant et il va même encore plus loin. Et c’est là que c’est un peu plus douloureux pour moi. Après un regard rassurant dans ma direction, un craquement se fait entendre… Je mets quelques secondes avant de comprendre qu’il s’agit, en réalité, de mon os qui est revenu à un état normal. En fait, il a l’air d’être quelqu’un de vraiment gentil. Au point de prendre la peine de rester à mes côtés et d’être certain que tout aille pour le mieux. Alors comme il me le conseille, je vais attendre que ça aille mieux avant de tenter une nouvelle transformation. Ne sachant trop comment lui montrer ma gratitude, je m’approche doucement de lui et je me laisse guider par cet instinct animal en approchant ma tête et en lui faisant une rapide léchouille sur la main. J’espère juste qu’il ne va pas mal le prendre et qu’il va comprendre l’intention mais étrangement, je n’en doute pas trop.

hrp: