Haletante, elle court. Après quoi ? Aucune idée, elle n'en sait rien. Tout est flou, elle semble être perdue dans un brouillard dense et lumineux, pourtant elle n'a jamais été dans un endroit à l'aspect aussi sombre. Des figures, des silhouettes apparaissent, des visages familiers. Tous la regardent, semblent la juger et se moquer de sa détresse. Elle n'est obnubilée que par une voix qui l'atteint au milieux de toutes les autres, le même cri qui la hante depuis des décennies. Elle se retourne sur elle même, le cherche, hurle son nom pour l'appeler. Elle hurle son nom à s'en faire mal à la gorge, à en perdre la voix. Enfin, la voix lui répond. Elle l'appelle. Il hurle désespérément le nom d'Astrid, mais qu'importe, elle sait où il est. Elle reprend sa course effrénée, bouscule les personnes et les visages accusateurs jusqu'à ce que le brouillard ai totalement disparu. Là, elle ralentit sa course. Hors d'haleine, elle décéléra jusqu'à s'arrêter. Où était-il ?

Son regard balaya le paysage, vide. Puis apparu dans son champs de vision, deux silhouettes. Elle s'avance, mais l'espace entre elle et eux semble croître à chaque pas qu'elle fait. Son sourire disparaît, elle tente de courir mais rien n'y fait. La distance ne semble pas diminuer, elle déploie ses ailes et vole vers lui mais rien n'y fait. Ce n'est que lorsqu'il se relève, les mains en sang et le sourire au lèvres, que la distance semble se réduire. Pétrifiée, le visage horriblement familier qui lui sourit n'est autre que Lui. Lâchant le corps du garçon, celui-ci tombe au sol mollement. Toujours avec ce rictus dérangeant accroché aux lèvres, il se rapproche d'elle, incapable de bouger.


Dans un bond, elle se redresse. Son cœur battait dans ses tempes, en sueur. Pantelante, ses mains se crispent sur les draps de son lit alors qu'elle se laisse retomber sur le matelas. Épuisée par son cauchemar, elle se frotte les yeux un moment avant de tourner sa tête sur le côté, voir l'heure. Deux heures et quart. Soupirant longuement, son bras se lève et retombe sur son visage, couvrant ses yeux. Encore le même cauchemar, toujours le même. Celui où elle voyait son frère assassiner Dan, bien qu'il ne l'ai pas fait de ses propres mains, de son point de vue cela revenait au même. Ces dernières semaines elle en rêvait plus fréquemment, troublant ses nuits déjà très courtes. Elle se refusait aux somnifères, elle n'était pas assez désespérée pour se avoir recours à ce genre de médecine.
Elle inspira profondément, avant de se redresser lentement. Elle se leva et prit la direction de la salle de bain. Elle arriva devant son miroir, appuya ses deux mains sur le rebord du lavabo. Ses récentes nuits blanches étaient visibles sur son visage, très pâle et surtout fatigué. Il allait falloir qu'elle récupère son sommeil et rapidement, au risque que ces marques deviennent définitives, ce qui est loin d'être très esthétique. Elle, s'en moquait d'avoir l'air crevée. Mais le patron du cabaret où elle dansait, risquait d'avoir un avis divergent du sien. Soupirant une fois de plus elle se dévêtit et prit une douche, froide. L'eau glacée l'aidait à se réveiller, et plus ou moins à tenir loin d'elle la bête noire.

Vêtue de nouveau, elle sorti de l'appartement et descendit dans la rue mal éclairée. Il faisait frais, l'air sortant de ses poumons formait un mince nuage avant de disparaître quelques secondes plus tard. Mains dans les poches, elle cachait la peau nue de son cou dans sa veste. Tremblante, son mauvais rêve la hantait même éveillée et le froid n'aidait pas à contrôler ça. Elle avait besoin d'espace, de s'éloigner un peu et prendre du recul. Quand ce genre de besoins faisaient apparition, elle allait toujours au même endroit.

Elle jeta un regard à sa droite puis sa gauche, guettant une quelconque présence.. Personne. Sans plus attendre, elle se dirigea vers l'arrière de l'immeuble. Elle s'attendait à tomber sur une bande de drogués, ceux qui fréquentent souvent les rues sombres de nuit, mais non personne. Soulagée de ne voir personne, elle jeta plusieurs coups d'œil derrière les bennes ou encore les buissons pour être sûre que nul ne la verrait. Fermant les yeux, elle souffla un bon coup. Elle ne s'était toujours pas habituée à la douleur, et ne pensait pas s'y habituer. Serrant les dent, elle lâcha un juron pendant qu'une paire d'ailes, immenses, apparaissaient derrière son dos. Comme "à son habitude" elle laissa couler une larme, qu'elle essuya aussitôt. Elle mit un genoux à terre pendant quelques secondes, le temps de s'habituer à nouveau à ce poids que représentait les ailes. Elle les aimait beaucoup, elle en était fière. Particulièrement grandes, marbrées. Elles lui offraient de la puissance, et surtout lui permettait de voler. Le prix était la douleur à chaque fois qu'elles devaient réapparaître, mais ça en valait le coup.

Elle finit par se relever, la douleur s'étant dissipée. Lentement, elle remua ses ailes pour les chauffer. Elle ne devait pas trop traîner, quelqu'un pourrait arriver, et elle n'y tenait pas vraiment. Elle s'élança donc, et s'éleva dans la nuit.

Elle veilla à rester discrète, et surtout passer rapidement la ville. Elle préférait que personne ne la voit, pas même une autre Stryge. En quelques minutes de vol hâtif, elle atteignit un recoin isolé du parc. Le genre de recoin où les visiteurs nocturnes n'allaient pas vraiment, la nature y avait vraisemblablement reprit ses droits, et y accéder était assez compliqué pour un humain. En douceur, elle atterrit au milieu d'arbres et bruissons, le bruit des plumes brassant l'air trahissant sa présence pendant quelques secondes. Une fois les pieds au sol, elle resta immobile et observa son environnement. Seul le son du vent  sifflant dans les arbres, de l'eau dans les ruisseaux et ceux des animaux présents se faisaient, ce qui la rassurait. Après quelques minutes de parfaite immobilité et silence, elle s'autorisa un profond soupir de soulagement. Elle se mit en tête de faire une petite marche sans but, pour se changer les idées. Les arbres étaient assez espacés pour laisser passer ses ailes, ce qui l'arrangeait; elle était à l'aise avec et aimait sentir leurs poids dans son dos, alors pourquoi s'en priver ? C'est sur ces pensées qu'elle se mit à vagabonder, flâner entre les rochers couverts de mousse et buissons sauvages. Le ciel était dégagé cette nuit là, la seule lueur de la Lune suffisait à lui éclairer son chemin. Cette pâle clarté lui révélait le tableau qu'était ce sous-bois, peinture dans laquelle la créature ailée errait. Il lui sembla pendant sa marche qu'elle cessa totalement de penser, et que son corps ne faisait plus qu'avancer, comme un automate. Pareillement au loup ou au renard, son pas se faisait léger, et elle évoluait entre les arbres avec aisance et légèreté. Comme si elle avait passé sa vie dans ce milieu, sans réfléchir elle marchait sans hésiter. Pourtant, son esprit était bien occupé ailleurs.

C'est le bruit d'une chute d'eau qui la ramena à la réalité, quand elle se retrouva face à un petit lac, plutôt une grosse marre. L'eau provenait d'un petit monticule de pierre, et celle-ci tombait par minces filets plus bas. Elle observa autours d'elle, calmement. Elle était assez étonnée d'être arrivée là, cela relevait du somnambulisme pour elle. Plus ou moins.

Elle s'approcha de l'eau, et s'agenouilla devant l'étang. L'eau était nette, néanmoins troublée par les ondulations causées par l'écoulement plus loin. Elle observait ainsi, le reflet des arbres au dessus d'elle dans cette eau. Elle s'observait aussi; ses traits déformées, une partie des ailes étaient visibles dans l'eau. Elle les bougea, les tendit pour les apercevoir dans le reflet. Non pas qu'elle était narcissique, elle souhaitait juste les observer. Bien que cela fasse bientôt 550 années qu'elle les portait, les contempler était toujours un petit plaisir personnel qu'elle s'accordait de temps à autre. Cependant, un bruit dans son dos attira son attention. Discret, mais pas assez pour être totalement animal. Si c'était une personne, elle était suffisamment proche pour la voir. Et ça, ça n'annonçait rien de bon pour elle. Cela pouvait dans le pire des cas être une Stryge ou un humain, quoique le dernier, elle l'aurait entendu arriver. Lentement, sans hâte ni geste brusque la jeune femme se releva. Cacher ses ailes maintenant ne servirait à rien, c'est pourquoi elle décida de les garder visibles. Progressivement, elle se retourna. D'abord elle tourna simplement son visage, puis son corps pour voir ce qui était à l'origine du bruissement, ou plutôt, qui.

Un petit animal apparu derrière elle, et ne semblait guère effrayé par la Stryge. Il s'avança même vers elle, et s'assit non loin. La petite martre se contenta de rester là, et semblait observer Astrid. L'étrange comportement de l'animal suggérait à la jeune femme qu'il s'agissait là d'un Berserker en fusion et non pas d'une simple petite bête. Elle décida de se rapprocher. Bien que selon elle il s'agissait d'un humain, elle ne souhaitait pas paraître menaçante et s'abaissa à son niveau. Elle s'accroupie à une distance raisonnable de l'animal, tentant de le sonder. Elle ne ressentait aucune peur à travers l'animal, mais plutôt de la curiosité. Ses capacités de Stryges étaient limités, aussi elle n'avait la capacité que de ressentir l'émotion qui se dégageait le plus d'une personne. Les yeux posées sur la martre, elle l'observait en retour.

Tu n'es pas qu'un simple animal, n'est-ce pas ? , dit-elle en prenant un ton étonnement doux pour elle, comme si elle souhaitait ne pas brusquer le petit être ou bien briser le silence ambiant.

Elle sourit en riant à moitié. Elle se sentait un peu stupide, parler à un animal n'était pas vraiment dans ses habitudes. Bien qu'il s'agissait là en réalité - et elle en était persuadée d'un Berserker, elle était la seule à parler, s'en était presque gênant. Elle posa ses coudes sur ses jambes repliées, et déplia légèrement ses ailes pour s'équilibrer ( la position accroupie, pas la meilleure des choses ). Un groupe d'oiseaux vola plus haut dans le ciel, s'envolant depuis un arbre. Elle leva le regard pour les observer, avant de retourner son attention sur la martre.

Je ne sais pas si la transformation est douloureuse, mais ça te dérangerais de reprendre forme humaine ? À moins que tu en ai pas la moindre envie, tu peux tout aussi bien continuer ton chemin.

Bien que sous entendant dans ses propos qu'elle ne voulait pas forcer l'animal, au fond elle espérait que la personne accepte de se montrer. Car cette personne sous ses airs très attendrissants de petite martre, l'avait vue elle et ce qu'elle était. Et cela pouvait poser problème si un jour ça se retournait contre elle. Si au moins elle pouvait savoir qui était-ce et discuter avec, voir ses intentions, cela pouvait la rassurer.

Il fut rapidement percé a jours mais non dans son identité, aussi par raison de bienséance, il s'acquitta d'écouter le propos de la jeune femme et de retourner chercher ses vêtement. Il disparut donc rapidement dans les arbres. Le russe supposait que cela suffisait a son alter-égo, qu'il n'avait guère besoin de plus finalement et qu'il faudrait bien redevenir humain a un moment ou a un autre. Mikhaïl retrouva donc l'endroit ou il avait laissé l'essentiel de ses affaires aisément, car son totem était apte a une vie nocturne, donc en soi, son corps était adapté à la faible luminosité.

Assis sur le tapis de feuilles, il amorça la métamorphose inverse, ménageant assez de place pour sa taille humaine. Il avait souvent cherché a statuer si la douleur était plus forte de l'humain a l'animal ou de l'animal à l'humain et jusque la il s'était fait à l'idée que c'était sans doute le retour à la condition humaine qui était le plus éprouvant. Qu'importe. De toute façon les recommandations de sa grand mère avaient été claires à ce sujet, la fusion est une chose magnifique, mais il ne faut absolument pas en abuser. Enfin. Ses vêtement enfilés une fois qu'il avait repris son souffle, il s'aida d'un arbre pour se redresser.

Chaque fois il lui fallait un temps pour se réhabituer à sa condition bipède. Le challenge suivant fut de mettre ses chaussures qu'il avait négligé en premier lieu. Puis il fallait aussi retrouvé le lac a coté duquel était posé la stryge. Après quelques ratages dû majoritairement au fait que ses sens étaient bien réduits ainsi ils se présenta dans la clairière. Ainsi plus grand, le russe pouvait la considérer sous un autre angle. Si un peu plus tôt il avait trouvé la stryge impressionnante, ici il lui trouvait avec l'obscurité environnante un air presque plus humain et ce malgré ses grandes ailes. Comme pour communiquer quelque chose, il esquissa un sourire. Forcément maintenant, les masques tombaient.

- Je sais que je ne suis pas très effrayant, en tant qu'animal.

Il resta la, appuyé a un arbre, avec cet espèce de sourire plus ou moins assuré.

- Drôle de coïncidence n'est ce pas ? Je ne sors pas si souvent ainsi, et pile le soir on je passe en fusion on se croise. En tout cas, je suis enchanté de voir que maintenant nous n'avons plus grand chose a cacher je suppose.

Mikhaïl tentait d'insstaller une atmosphère détendue, parce qu'au fond de lui il savait que la stryge serait sans doute capable de l'anéantir en un battement de cil. Du moins, lui était grandement incapable de se défendre face à sa race d'ange de la nuit. Forcément il avait quelques craintes, mais sa raison semblait sans cesse vouloir calmer le signal d'alarme du sonnait en lui. C'était une amie, une bonne connaissance, elle ne lui ferait pas de mal. L'animal qui vivait en lui était plus craintif, maintes fois il fallait camoufler sa détresse interne. C'était un jeu auquel il était devenu bon. En général il avait une bonne symbiose, parce qu'il sentait que le mustélidé lui correspondait bien. Il n'en tirait pas une fierté particulière, pour lui c'était autant un trait personnel qu'être blond ou brun, donc rien d'incroyable.

C'était sans doute la première fois qu'il observait une stryge de si près. Généralement il n'en connaissait que les rumeurs qui pouvait lui parvenir a leur sujet, à propos de leur comportement, de leurs pouvoirs. Si il s'était fait une idée sur la chose, la voir ainsi, cette fille, le faisait réviser ses croyances. Le russe ne pouvait raisonnablement par la fuir sur ce prétexte, et il n'en avait pas l'intention...

L'animal sembla patienter jusqu'à ce que la Stryge eu finit de parler, puis commença à bouger. Il se leva, et disparu dans la pénombre. L'avait-elle écouté ? Ou est-ce qu'il s'en allait pour de bon ? Cette question la turlupina pendant quelques minutes où elle resta debout, fixant les ombres. Devait-elle le suivre ? Elle haussa finalement les épaules. Si la personne allait se manifester dans le futur, et bien elle se manifestera et tant pis. Elle retourna près de l'eau, et s'assit sur un roc juste au bord. Croisant les bras sur ses genoux, elle fixait la surface qui reflétait le ciel nocturne. La nuit était douce, quoique un peu fraîche. Elle joignit ses mains ensemble, dans le but de les réchauffer un peu. Des bruits de pas l'alertèrent. De la même direction d'où est venu puis reparti l'animal, quelqu'un arrivait. L'individu progressait lentement, semblait en difficulté. Retournée à moitié, elle haussa un sourcil; le Berserker était-il de retour, ou était-ce encore quelqu'un d'autre. ?

Elle ne s'attendait pas vraiment à voir l'homme qui se présenta à elle. En apercevant son visage, elle se releva, interdite. Elle le savait Berserker, mais quelques minutes plutôt, elle n'aurait jamais songé tomber nez à nez avec. Il sorti de l'ombre, appuyé sur un arbre avec un léger sourire. La transformation devait l'avoir fatigué, elle en savait quelque chose. Elle se demandait si celle des Berserker était semblable à celle des Stryges, mais là n'était pas vraiment le moment pour discuter de cela.

J'ai frôlé la crise cardiaque..., lâcha-t-elle en posant une main sur son cœur pour illustrer ses propos.

Un petit sourire se dessina sur ses lèvres, aussi mal assuré que celui du médecin. Petite touche d'humour, elle essayait tant bien que mal de détendre l'atmosphère. Il n'avait pas l'air plus effrayé que ça par ses grandes ailes et sa nature d'ange de nuit, et elle espérait que cela allait rester ainsi. Postée légèrement de côté, elle se positionna face à lui, et fit un pas en avant pour réduire la distance. Elle croisa les bras, alors que les grandes ailes dans son dos se repliaient doucement, traînants sur le sol.

C'est vrai, sacré coïncidence..., elle laissa planer un petit silence avant de rajouter, Cela dit je te savais déjà toi, et ton frère, Berserker. En revanche ça doit.. Te faire un choc de ton côté, plus ou moins.

Elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser, ce qui était très rare. Cela aurait été n'importe qui, monsieur Dupont ou Madame Gérard du coin de la rue, elle l'aurait selon l'humeur vidé de son sang jusqu'à ce que mort s'ensuive ou tout simplement contrainte à oublier, et passer son chemin. Or, ce n'était pas n'importe qui. C'était quelqu'un qu'elle connaissait, même bien. C'était un ami. Des amis comme Mikhaïl, elle en avait très peu. Elle avait des amis avec lesquels elle sortait le soir, d'autres avec qui elle s'alcoolisait jusqu'au matin - et la liste peut être très longue encore. Mais avec le médecin, on pouvait décrire cette amitié comme la plus simple du monde. Ils n'avaient pas besoin d'occupation particulière ou de points communs en nombre, c'était de la pure et simple bonne entente. De plus, son frère était son professeur de danse. Au départ, elle avait eu du mal à le croire, surtout que Piotr était l'aîné. De plus les deux frères étaient très différents. Enfin, c'est encore une autre histoire.

Malgré ce petit conflit intérieur, rien ne pouvait vraiment trahir cette émotion hormis peut être son corps un peu trop immobile, qu'elle n'osait bouger plus que ce qu'elle avait fait. Elle avait gardé un ton naturel, assuré, presque amusé. Souhaitant paraître normale, du moins le plus possible, elle tenta de se décontracter. Elle ne sentait pas de méfiance particulière émanant du médecin, et elle souhaitait garder les choses ainsi.

Il était en effet fatigué. Par l'heure, par les deux transformations successives. Le russe sentait des courbatures, son corps répondait encore mal. Mikhaïl était content de voir qu'elle prenait bien la situation, que cela ne la dérangeait pas qu'il connaisse sa nature. En tout cas, pour le moment elle ne tentait pas de le vider de son sang et c'était une bonne chose. L'échange passait bien, il retrouvaient leurs marques, malgré le fait que le voile soit levé. Ce qui en soit n'est pas plus mal. Il raffermit la prise d'une main sufr une branche basse.

- Si c'était le cas j'aurais pu faire quelque chose pour réparer ça.

Encore des plaisanteries par rapport à sa fonction de cardiologue. Cardiologue, réparateur de cœurs cassés. Il commençait à devenir bon dans cette fonction. Il regarda la jeune femme, l'ange de la nuit approcher avec une certaine apréhension tout de même. Si jusque la il avait choisit de faire conscience, car il se disait que si elle avait voulu boire son sang elle aurait eu beaucoup d'autres occasions, la il se sentait un peu trop a portée de crocs. Le russe, comme d'ordinaire, cachait ce que son alter égo pensait. A savoir trouver un échappatoire, parce que le situation sentait le danger. Son totem était un peu craintif, alors depuis le temps, il avait appris a composer avec.

- Il faut préciser que tu es la première stryge que je vois comme ça, si je connais d'autres stryges. Je ne connais que ce que l'on raconte a votre sujet et même avec cela je me dit que si je ne suis toujours pas mort c'est que ainsi ou en humaine tu n'as pas l'intention de me vider de mon sang.

Logique qui lui semblait un peu bancale, mais il n'avait pas de meilleurs arguments pour justifier le fait qu'il restait sans ciller. Ayant l'habitude que les animaux sentent la peur, il savait comment faire pour ne pas la laisser paraître. En tout cas il se disait que de toute manière si elle le tuait son frère ne risquait plus de lui donner la moindre leçon de danse. Maigre consolation, bien qu'il se disait encore que de toute façon non, elle ne lui ferait rien, ils étaient amis, bien amis et ce mot avait du sens. Le russe décida de reporter son attention sur autre chose. Il regarda les ailes.

- Tu as vraiment de très belles ailes.

Elles lui faisaient un peu penser a celles de son frère. Le hibou en avait de moins grandes, mais elles semblaient avoir une puissance comparable par rapport a leur taille. Il espérait que le compliment la touche, lui soit agréable, la rassure. Faire en sorte de dissisper l'espèce de gêne latente en parlait de ce qui les différeciaient. Drôle de façon de faire, mais il fallait bien exorciser le malaise d'une façon ou d'une autre.

- La sensation de voler doit être agréable je suppose.

Il n'était pas sujet au vertige et pensait réellement à cela chaque fois que Piotr prenait son envol. Lui était attaché au sol, aux arbres, surtout aux arbres qui étaient plus que son appartement un endroit ou il se sentait en sécurité. L'odeur de la sylve était l'une des meilleures pour lui. Son sourire voulait se faire plus franc. Son corps se detendit totalement, car les pensées qu'il avait étaient rassurantes pour son alter égo. Lui, l'animal, régissait une partie de sa conscience. Malgré toute la maîtrise qu'on Berserker peut avoir, le totem règne toujours d'une façon ou d'une autre...

Sa réponse suivant la sienne lui arracha un autre sourire. La gêne et le malaise semblait se dissiper progressivement; lentement, mais sûrement. Un vent frais de passage lui rappela l'heure tardive, ou plutôt matinale. Elle se frotta les mains pour les réchauffer superficiellement, avant de les mettre dans ses poches. Elle observa le médecin, toujours appuyé contre l'arbre. Elle se fit la remarque une seconde fois, mais cette fois la fatigue se fut légèrement plus apparente chez lui. Rien de grave, cela dit.

Peut être tu voudrais qu'on s'assoit ? Enfin, c'est comme tu le sens, demanda-t-elle avec un sourire amical.

Bien que ça ne l'enchantait pas vraiment, elle pourrait rester debout ici pour parler. En vérité c'était plus pour lui qu'elle posait la question, elle n'allait pas non plus le forcer si il n'en avait pas besoin. Il était adulte et médecin après tout. Après qu'elle ai fait un pas vers lui, il précisa qu'elle était la première Stryge qu'il voyait. Et que malgré de ce qu'il savait de son espèce, il en avait déduit qu'elle ne voulait pas lui faire de mal. Cette réflexion lui arracha un rire discret, et elle regarda ses pieds pendant quelques secondes. Secrètement elle avait espéré qu'il n'en sache pas de trop sur sa nature, et ce que cela impliquait. Lui expliquer n'aurait pas été facile, surtout la partie "nourriture". Mais bon, un mal pour un bien, elle n'aurait pas à lui annoncer. Elle le regarda ensuite lui.

Non rassure-toi, je n'en ai jamais eu l'intention, elle marqua un temps de pause avant de continuer, Cela dit, tu as l'air d'en savoir un minimum sur ce que je suis, pourtant tu es revenu. Tu aurais pu partir, mais non. Pourquoi ?

Et par "partir", elle voulait dire "enfuir". Cela restait pour l'instant un mystère dans son esprit, pourquoi était-il resté. N'importe quelle personne connaissant les capacités d'une Stryge se serait enfuit, surtout de nuit. Certes, il n'était pas très à l'aise, mais il était là. Aussi, elle se félicita de ne pas s'être complètement changée en Stryge, mais d'avoir eu le bon sens de ne faire voir que ses ailes. Sinon, il se pourrait bien que le Berserker ait prit ses jambes à son coup. Mais Astrid n'utilisait cette forme que très rarement. Elle trouvait l'apparence "naturelle" des Stryge relativement déplaisante et très peu pratique.

Le compliment sur ses ailes la fit sourire. Elle en était extrêmement  fière, de ses ailes. Aussitôt elle se détendit, et le stress commençait à la quitter. Cela prouvait encore une fois, qu'il cherchait autant qu'elle à détendre l'atmosphère. Parce qu'au fond, si il avait choisit comme elle l'avait dit plus tôt de s'enfuir devant elle, cela l'aurait blessée. Bien sûr, elle se serait contenté d'hausser les épaules et continuer sa balade nocturne. Mais de voir que leur amitié passait au dessus de ce "léger défaut", lui faisait plaisir.

Merci. Oui c'est vrai, c'est quelque chose dont je ne me suis toujours pas lassée malgré les années.

Voler était pour elle une véritable bénédiction. Si sa condition de Stryge la mettait de nombreuses fois dans de difficiles conditions, elles en valaient le coup. Premièrement, elle avait eu le droit à eu une seconde vie, une seconde chance. Elle en avait payé le prix, comme chaque Stryge. Ensuite, elle avait reçu le don que beaucoup d'enfants ont rêvé d'avoir, voler. Bien évidemment, là aussi elle en payait le prix à chaque fois. Mais cela restait pour elle quelque chose d'incroyable. Une petite échappatoire, un défouloir et un moyen de voir d'autres horizons. Peut être allait elle encore voyager.

Ton alter ego est très mignon aussi, très jolie fourrure.

Ce retour de compliment complètement hasardeux et maladroit la fit rire d'elle même. Ce n'était pas dit sérieusement, elle souhaitait juste continuer à briser la glace entre eux deux. Il y avait tout de même une part de vérité dans sa plaisanterie. Elle observa plus silencieusement le médecin. Comme pour prouver sa bonne foi, elle songea un petit moment à faire prendre à ses ailes des congés. Après tout, les porter était fatiguant et peut être que si elle paraissait totalement humaine, le malaise qui persistait toujours quelque peu s'en irait. C'était certainement pas très malin de sa part, mais elle resta totalement immobile et debout lors du processus. Elle pensait ne pas avoir besoin d'appui, et qu'elle réussirait à cacher la douleur passagère qu'était le retrait des ailes. C'était certes moins douloureux que de les faire apparaître, mais ça l'était toujours. Après quelques secondes qui semblèrent être une éternité à la jeune femme, elle desserra les poings qu'elle avait d'instinct serrés. Elle lâcha un léger soupir de soulagement, et par cette expiration la tension dans son corps sembla s'envoler. Le haut de son dos la gênait un peu, comme des courbatures persistantes, mais c'était largement supportable. Elle regarda à nouveau le médecin, et haussa les épaules.

Peut être que je suis un peu moins effrayante maintenant, dit-elle sur un ton qui se voulait amical mais surtout un peu ironique encore une fois.

Calme. Il reconnaissait son odeur a mesure qu'elle s'approchait, car le vent tourné imperceptiblement et portait vers lui les effluves. Si un instant il fermait les yeux, il pouvait toujours deviner sa présence que ses ailes rendait imposante. Il entendait surtout leur souffle régulier, ses paroles, le bruit des pas sur le tapis de feuilles. Tout s'apaisait doucement. D'une manière ou d'une autre il avait toujours associé les personnes ailées a des images religieuses. Il n'était pas assez croyant pour s'associer a une religion, mais il se considérait comme déiste. Par tradition, en Russie, les gens sont orthodoxe, bien que le régime en place ait fait de son mieux pour effacer toute cette religiosité considérée nuisible en un sens. Donc, il ne pouvait s’empêcher de penser surtout a cette image de l'ange bienfaisant sans tout à fait concevoir le monstre derrière. La lueur faible de la nuit donnait aussi une autre dimension à la chose. Rien n'apparaissait de jour comme de nuit et chaque créature se retrouvait sublimée ou éclipsée dans l'une ou l'autre des phases de la journée.

– Bien sur que nous pouvons nous asseoir. Je n'y avais pas pensé

En réflechissant a sa réponse, il la trouva un peu idiote, mais il était vrai que tout cela lui avait un peu ôté de l'esprit toute forme de disposition pratique. Histoire de donner le ton, il commença par s’asseoir lui, au pied de cet arbre, sans s'installer sur ses jambes pour ne pas couper la circulation du sang. Son métier lui avait fait prendre quelques bonnes habitudes de vie, ce qui était une bonne chose puisqu'il n'en avait pas grande notion avant.

– Je n'ai pas senti d'agressivité ou quoi que ce soit de mauvais de ta part, alors j'ai choisi de faire confiance. Nous ne sommes pas des inconnus non plus, je me disait que cela jouerais

Les animaux ont davantage que les humain le sens de percevoir le langage des postures, du moins tout ce qui était du domaine de l'informulé. Puis il ne savait pas quelle était la force exacte d'une stryge, sa capacité a se retenir de se nourrir et a quel point ces créatures devaient se nourrir. Il n'avait surtout vu qu'une Astrid avec des ailes, malgré tout ce qu'il avait pu entendre sur la dangerosité de ces anges noirs. Enfin, savoir qu'une chose est dangereux n'implique pas savoir en quoi elle l'est et qu'es ce qu'elle est exactement. Alors certes, il était proprement incapable de se battre. Ce qui en soit déjà ne lui accordait pas beaucoup de chance au cas ou il se serait trompé.

Après l'échange de politesses sur leur coté non humain respectif, ce qui était étrange d'une manière ou d'une autre, elle commença a ranger ses ailes. Maintenant, après ce spectacle bien particulier qui finalement s'apparentait un peu a une métamorphose, ils étaient comme revenus en ces moments ou il passait au studio et ou ils discutaient comme n'importe quels jeunes adultes. Ce n'était pas plus mal, même si la présence des ailes ne le dérangeait pas vraiment. Il n'avait pour le moment rien contre les stryges, du peu qu'il en savait. A part le fait que peut être, au gré d'une mauvaise rencontre avec un représentant de cette espèce il pourrait mal s'en tirer.

– D'une façon ou d'une autre, c'est bien. Je t'ai dit, je connais trop peu les stryges pour que cela me trouble vraiment. Enfin maintenant, on se voit comme on est d'habitude, a part le fai qu'il fasse nuit et que nous soyons en pleine forêt. D'ailleurs, si tu es venue en volant je peux te deposer chez toi en voiture, si cela peut te depanner

Même si il voulait considérer qu'il n'était pas plus un bon samaritain que n'importe qui, il fallait se rendre a l'évidence qu'il n'hésitait jamais avant de proposer ce qu'il était en mesure de faire pour arranger les choses. Peut être était ce dû a sa condition de médécin qui l'obligeait à cela aussi. En tout cas il n'avait pas toujours été ainsi. Avant c'était plutôt lui qui se faisait protéger, par son frère, sa grand mère, ses parents... Drôle de retournement de situation qu'il avait été obligé d'effectuer en venant s'installer seul ici, dans une ville et un pays qu'il connaissait peu, ayant tout juste commencé a avoir un bon contact avec son alter égo...