- Non, je ne connais pas... Disons que je ne me sers pas vraiment d'un vélo, ni même d'une voiture, je suis pratiquement toujours à pied, ou au pire, j'utilise les transports en commun, depuis tout petit. Alors toutes les techniques de réparation artisanale, je ne connais vraiment pas.

Ce n'était absolument pas vrai, en ce qui concernait les transports en commun. Avant qu'il ne sache comment utiliser ses ailes de Stryges, Willy préférait être à pied, toujours. Ça lui permettait vraiment de ne faire qu'un avec son environnement. Ça lui été arrivé de se servir des vélos à de rares occasions, ce n'était pas pour autant qu'il avait demandé un manuel d'utilisation et d'entretien. Et puis, à l'époque où il était enfant, ni sa mère, ni son père ne lui avait appris grand chose, du côté manuel, qui pourrait servir hors de la réserve. Il savait chasser. Il savait pêcher, d'ailleurs, il aimerait pouvoir effacer les derniers souvenirs qu'il avait de la pêche avec son père, mais bref. Il savait construire des abris dans la forêt et faire un arc, enfin, les savoir traditionnel de son peuple. Et avant qu'il ne puisse se familiariser avec les objets de son époque dans le monde hors de la tribu, d'apprendre à les maîtriser, Willy avait été changé en Stryge. Et son statut de mascotte et de nounours dans le clan qui l'avait recueillit avait fait qu'il ne se souciait strictement de rien à part la chasse. Et puis... avec Fall... Il n'avait rien appris, tout simplement.

Il ramassa la bassine pour la remplir donc d'eau froide pour que la jeune femme essaye donc de trouver le trou dans son pneu de vélo, avant de se tourner vers elle, écoutant toutes ses questions, ne sachant comment y répondre sans trahir sa nature, et donc son secret. Oui, il fallait qu'il réfléchisse vraiment à tout ce qu'il disait, l'Amérindien était tellement honnête et franc qu'il aurait très bien pû lui dire qu'il était sérieusement du siècle dernier et que c'était parce qu'il avait été banni de sa tribu, d'abord pour ce que son propre père lui avait fait subir, puis parce qu'il avait tué ce dit père qu'il ne pouvait plus retourner sur ses Terres Natales en le vidant de son sang après l'avoir torturé en usant de toutes ses forces de créature assoiffée de sang et de vengeance dont il était capable. Willy aurait pû le dire. Mais justement, il ne le fallait pas.

- Je viens d'une petite réserve en Utath, c'est dans le Nord du pays. Enfin, au milieu Nord. Quelque chose comme ça. J'ai toujours était un peu nul en géo, même avec mon pays. Et pour vous répondre, oui, ça me manque. Vraiment. Mais... je n'ai plus ma place là-bas. Alors, il faut bien que je me fasse une vie ici aussi. Vous êtiez partie ? Pourquoi ? Enfin, si ce n'est pas trop indiscret.

Willy se saissit de sa tasse en remerciant Hécate et renifla légèrement l'odeur et la petite fumée qui s'en échappait. Ça avait plus ou moins une odeur de plante séchée. En fouillant dans ses souvenirs, il se souvenait vaguement de cette odeur comme une boisson que prenait souvent sa mère le soir en lui chantant des berçeuses à l'époque où les cauchemars étaient revenus, mais où tous les monstres avaient le même visage. Bon, ça ne sentait pas le moisie au moins. Il coupa l'eau au-dessus de la bassine après avoir reposer la tasse et souleva le recipient en plastique, essayant de faire le plus attention possible pour ne pas en foutre partout.

- Je ne suis pas encore allez voir tout ça. Je ne connais pas grand monde ici et... comme je ne connais pas, je me cherche pas trop à découvrir tout seul. Mais, je vais essayer. Tout ce que je connais, c'est le grand parc de la ville. Vous pouvez faire votre bricolage ici, je vais juste prendre une serviette pour essuyer le pneu après. Est-ce que... vous avez une idée sur ce qui pourrait remplacer le caoutchouc ?

Tout en gardant les oreilles aux aguets pour entendre sa réponse, le Stryge alla dans la salle de bain pour prendre sa serviette de toilette, et attrapa aussi le vélo au passage pour emmener tout ça dans la cuisine. Qui commençait à être un peu encombrée d'ailleurs. Après avoir mit la serviette par terre, il releva la tête vers Hécate, tenant son vélo et sourie un peu plus.

- Je suis curieux de voir comment vous faites ça, je peux vous assister ?

- Et bien... disons que j'ai été obligé de partir. Je ne pouvais pas rester là-bas pour plusieurs raisons, et c'était la meilleure solution. Je ne voulais pas que ma mère souffre à cause de moi. En fait, je devais choisir entre être banni ou partir de mon plein gré. Et ne vous en faites pas Hécate, il n’y a pas de problème. Je vous demande juste de ne pas poser la question du pourquoi, s’il vous plait. Ce n’est pas contre vous, c’est… délicat.


Pour lui montrer qu’il n’avait vraiment rien contre elle, Willy lui sourit doucement et se redressa en l’écoutant parler, apparemment, elle aussi voulait cacher la raison de son départ. Chacun ses secrets, et très sincèrement, il ne lui en voulait absolument pas, c’était normal. Ils n’allaient pas non plus se confié leurs vies alors qu’ils ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Eve. Mais en même temps, la douceur qui émanait de cette femme le rassurait énormément, allez savoir pourquoi. Peut-être parce qu'elle était douce, du moins, elle avait l'air extrêmement douce, et gentille. Depuis bien longtemps il n'avait pas croisé une personne comme elle. Surtout qu'elle avait quand même sacrément l'air de savoir se débrouiller avec tout ce qui était la vie quotidienne. Bien mieux que lui. Bon, en même temps, elle était humaine (ça, il en était plus que sûr), et même s'il y avait un machisme sacrément marqué dans le monde, c'était une femme forte, même si d'apparence elle avait l'air chétive, et une femme est tout à fait capable de se débrouiller sans un homme. Il en avait eu la preuve pendant la seconde moitié de sa vie d'humain avec sa mère. Et il avait un autre exemple sous les yeux. Enfin bref, trêve de discours égalitaire avec lui-même, l'Amérindien secoua négativement la tête en ce qui concernait la pompe, mais pour le remplacement de la rustine, il la quitta de nouveau pour aller chercher le vieux rouleau de scotch gris qu’il avait trouvé dans les placards, sans doute laissé par l'ancien locataire quand il avait déménagé. Dans un petit soucis de se rendre utile quand même et de ne pas paraître trop ignorant de la vie pour son âge, Willy attrapa les trois quatre pailles qu'il avait récupéré un soir en fin de service, des pailles non utilisées bien entendu, et repris sa place près du pneu.


- Je veux bien essayer. Je ne vous garantis pas un bon résultat. En plus, autant vous le dire, je suis très maladroit. Enfin, non, plus exactement, je n'ai pas de chance. Faites attention, je serais capable de vous blesser.


Sa mère lui avait toujours appris à être honnête avec les gens, quoi qu'il arrive. Et dans la mesure du possible, il l'était toujours. En dehors de ce qui concernait sa nature de Stryge bien entendu. Et puis bon, c'était toujours une forme de sécurité qu'Hécate soit au courant, qu'elle ne soit pas surprise. Et qu'elle soit sur ses gardes. Au passage, il lui tendit ses trouvailles, et notamment les pailles.


- Je ne sais pas si ça peut servir, mais on ne sait jamais. J'ai pas mal de souffle. Ça peut toujours remplacer une pompe ?


Elle allait le regarder bizarrement ? Oui, c'était extrêmement possible, mais ça aussi, c'était pourtant vrai. L'avantage quand on était un mort vivant, on avait pas besoin de reprendre son souffle. Après, c'était vrai que s'imaginer entrain de regonfler un pneu de vélo à la paille avait l'air plus que ridicule, mais il fallait tenter. Et puis, il n'avait rien d'autre à lui proposer. N'empêche, heureusement que le ridicule ne tuait pas, il serait mort plus d'une centaine de milliard de fois.

Au moment où Hécate posait la question justement interdite, le Stryge allait pour répliquer en fronçant les sourcils quand elle le coupa tout simplement pour lui dire que c’était une plaisanterie, aussitôt, il se sentit un peu mieux et se permit même un petit rire. Non pas qu’il trouvait la blague drôle, mais plutôt de voir qu’elle voulait le mettre à l’aise. Du moins, c’est comme ça qu’il interpréter la chose. Cette femme était vraiment bienveillante, et curieusement, elle lui donnait l’image d’une maman. Fatalement, il ne pût s’empêcher de penser à sa mère et… quelque part, même s’il ne la connaissait depuis peu, Willy était persuadé qu’elle pourrait être une maman de substitution. Elle avait tout pour l’être, elle était douce, gentille, patiente, tout comme une mère de famille. Une question lui vint à l’esprit, mais il n’osa pas la poser, de peur de faire une gaffe ou de paraître étrange. Après tout, il commençait à peine à reprendre contact avec les autres êtres vivants, il ne savait plus (avait-il jamais su) ce qu’il convenait de dire ou au contraire de ne pas dire.

- Je vous préviens, ça risque d’être vraiment long, je ne suis pas ce qu’il y a de plus débrouillard. Mais j’apprends vite quand même !

Ce qui était vrai, il voulait au moins la rassurer sur ce point, il avait toujours appris assez vite. Mais personne n’avait vraiment eu la patience de lui expliquer les choses. Du moins, jamais comme cette femme voulait le faire. Il la remercia d’un sourire et prit la chambre à air qu’elle lui tendait, ne sachant au départ comment la tenir. Enfin, il comprit quand même que c’était dans l’espèce de bidule qui dépassait qu’il allait devoir tripatouiller et dans lequel il allait devoir souffler. D’ailleurs, en entendant les remarques d’Hécate, Willy se mordit la lèvre en baissant légèrement les yeux.

« J’aurais probablement dû me taire, tout humain normalement constitué n’est pas vraiment capable de retenir son souffle sur une grosse période, ni de souffler comme ça comme un abruti dans un tout petit orifice sans s’essouffler… »

Mais il ne se laissa pas démonter pour autant et se racla la gorge en se redressant un peu. Hécate avait dit que son pneu était crevé, mais est-ce cette chose qu’il avait dans les mains était considéré comme une partie du pneu ou il faisait totalement fausse route ? Non parce qu’il pouvait dès maintenant commencer à souffler, mais si c’était là-dedans qu’il y avait un trou, il n’était pas vraiment sortit de l’auberge. Et en plus, il aurait sacrément l’air idiot. S’il n’avait pas déjà l’air idiot.

- Et bien, c’est l’occasion ou jamais de voir si ça peut fonctionner ou non. Si je me souviens bien, on dit bien « qui ne tente rie n’a rien ». C’est toujours mieux que rien en plus. Au pire, j’aurais essayé et si vraiment ça ne marcherait, on ira frapper chez mes voisins pour voir s’ils ont une pompe ou quelque chose comme ça. Alors… comment on procède ?