Journée de repos. Pas que ça te plaise pas de bosser, tu adores tellement ton métier -et ouais, qu'il l'aurait cru venant d'un feignant comme toi ?- mais c'est quand même bien mieux de ne rien faire du tout. Tu serais bien resté à glander à l'appart, mais ta chère maman en avait décidé autrement : grand ménage ! Alors quand elle est venue te réveiller à sept heures du matin pour te secouer les puces et que tu viennes l'aider à nettoyer les housses du canapé, tu as fui, lâchement. Prétextant une douche, tu as filé par la fenêtre de la salle de bain. Direction le centre commercial. Y a rien que tu aimes plus que flâner dans les boutiques jusqu'à trouver un bel objet bien brillant, bien beau, bien sympa, et d'attendre que personne ne regarde pour te transformer. Et après le grand suspense : quand est-ce que quelqu'un va finir par t'acheter ? Tu peux rester comme ça des lustres à regarder passer les gens. Puis quand on vient sur ton portant, qu'on t'attrape, te papouille, te regarde dans tous les sens, tu sais que c'est presque fait ! Pouvoir de persuasion Djinn, et ouais ! Finalement, tu repas dans un sachet en plastique jusqu'à un appartement où généralement, ton acheteur veut t'essayer. Tu avoues avoir un faible pour les pièces de lingeries coquines pour femmes !

Alors quand tu es sorti de chez toi, à pieds nus -tu as horreur de ses foutus chaussures qu'on t'oblige à porter au travail parce que soit disant, c'est pas hygiénique- seulement vêtu d'un pantalon en cuir camel et d'une chemise blanche, tes longs cheveux rassemblés en catogan volage, ta barbe un peu en vrac, tu commences déjà à planifier ta journée. Pourquoi pas un maillot de bain, le genre une pièce super échancré avec un dessin sur le devant qui dévoile beaucoup et suggère peu ? En taille 40 pour avoir plus de chance d'être acheté par une belle ronde voluptueuse et coquine. Mouahahah. Les gens dans la rue te regardent bizarrement, il parait que tu fais un peu bohémien dans ton genre. Mais en même temps, tu connais pas grand monde qui oserait se foutre ouvertement de ta gueule en face. Tu as, comment dire, un physique décourageant ce genre de critique. Et puis avec ton lien flamboyant avec la nature, tu risques surement pas d'attraper froid. Quoiqu'il en soit te voila presque arrivé.  Tu pousses les portes de la galerie, fin heureux de ta journée de voyeurisme en prévision quand quelque chose d'imprévu détourne ton chemin du magasin de maillot de bain.

Une grande banderole au dessus d'une boutique de jeu vidéo qui annonce la venue d'un champion de jeu en ligne. Et que quiconque arrivera à le battre au jeu de son choix, se verra offrir une console de jeu toute neuve. La tentation est forte : devenir le maillot moulant d'une belle pomme à croquer et pouvoir peloter ses seins à loisir OU affronter un héros dans le monde du jeu en ligne et repartir avec une console ... Hum, bizarrement, le maillot de bain attendra ! Tu entres dans le magasin où un bon groupe de geek était déjà amassés. Pas grave, avec un regard ou deux bien placés et quelques grognements impatients, ils sont beaucoup à te céder leur place. Personne n'a encore battu le champion -qui ressemble beaucoup à un petit avorton puceau qui pisse encore au lit, à ton humble avis. Tu te demandes un instant si tu as intérêt à utiliser ton pouvoir de persuasion et ton charme particulier sur lui, ou si tu le tentes à la loyale ... Puisqu'on te laissait le choix du jeu : allons-y pour la loyale. Parce que bon, avec l'âge que tu as, et ton goût pour ce que ta mère appelle si aimablement de sa voix douce et chantante "tes conneries pour gosses pré-pubères", y a moyen que tu écrases littéralement ce type ! Quand c'est ton tour, il croise un peu ton regard, franchement intimidé, et  te demande le jeu que tu as choisi. Sans suspense et avec un grand sourire malicieux tu réponds :

"Mario Kart"


Un combat acharné, une course en trois manches gagnantes qui avait duré sur les pires cartes du jeu. Et la victoire ! Tu avais écrasé ce mollusque des égouts et c'était avec une grande fierté -et absolument aucune humilité- que tu es reparti avec ton bon pour la console de ton choix et trois jeux offerts. Sauf qu'à l'heure qu'il était maintenant, tu crevais totalement la dalle. Pour ça que tu as finis par décider d'aller au MacDo du coin pour manger un morceau. Même histoire, tu fais jamais la queue bien longtemps bizarrement, y a toujours des volontaires pour te laisser passer. Tu finis par commander trois menus maxi différents avec des litres de soda et une montagne de frites. Bah oui, toutes ses émotions, ça t'a creusé ! La vendeuse te paraît fuyante, comme si elle voulait t'expédier en deux temps trois mouvements. Groumpf ! Tu n'allais surement pas en rester là. A peine t'a-t-elle rempli ton plateau -enfin, tes plateaux- qu'elle se tire vers les réserves, surement pour prendre sa pause. Déjà qu'elle était mignonne comme tout avec ses petites joues à croquer comme des cerises bien mures, elle était d'autant plus jolie quand elle sortait de derrière le comptoir. Tu ne te prives pas pour admirer un peu la marchandise, et quand tu la vois se trouver une table, dans le coin, au calme, avec son petit plateau, la tentation est trop forte. Tant pis pour le maillot de bain, tu venais de trouver un jeu bien plus amusant !

Tu vas tranquillement t'asseoir en face d'elle, avec tes deux plateaux remplis de nourriture qui sentait le graillon à plein nez. L'air de rien toujours, tu déballes tes burgers et te mets à mordre dedans comme un espèce d'animal mal léché qui aurait pas bouffer depuis la fin de l'été dernier. Tu sens presque son regard te brûler la gorge, mais tu fais vraiment comme si tu ne te rendais compte de rien. Après avoir englouti un sandwich entier et mis une poignée de frites dans ta bouche, tu te retournes vers elle pour entamer la conversation avec un savoir vivre que toi seul maîtrise à la perfection :

"Wesh mademoiselle, t'es charmante ! Allez, j't'épargne, j'te fais pas l'coup d'la glace à la menthe. Tu sais, t'es mignonne, mais tu serais vachement plus sexy si tu souriais un peu. P'is pour une vendeuse, j'trouve ça vraiment bof d'envoyer les clients paître comme ça pour aller empiffrer dans un coin."

Il se penche sur son plateau et attrape son hamburger qu'il renifle avant de le reposer en froncer le nez de dégoût. Avec une grimace écœurée, tu pointes du doigts son déjeuner :

"Pouah ça pue la poiscaille ton truc ! Comment tu peux bouffer ça ?"

Alors, grand seigneur, tu lui donnes ton double cheese burger encore intacte, ta grosse paluche faisant apparaître le sandwich ridiculement petit tout d'un coup.

"Tiens prend, faut manger correctement sinon tu vas devenir tout maigre et on pourra te passer sous les portes. Ca craint ! Tu croiserais ma mère, elle aurait déjà sorti l'attirail à tajine pour te remplumer. T'as d'la chance que je sois arrivé avant elle ! Ahahahah. J'm'appelle Jahaal, et toi Miss ?"

Grand sourire avec quelques morceaux de frites dans les dents, un peu de sauce au coin de tes lèvres dans les poils de barbe. Tu lui tends ta main grasse et poisseuse.

Mouahahah. Tu comprends vite que la mignonne n'a que le physique d'une poupée de porcelaine. Dedans, c'est plutôt tout feu tout flamme. Ca tombe bien, tu es un Iphrine : les flammes ne te font pas peur. Et il n'y a rien de plus motivant que l'indifférence méprisante et agressive d'une petite boule de nerf sentant la frite. Tu es pas vraiment du genre à lâcher l'affaire, d'autant plus quand tu sais très bien que tu fais exactement ce que tu aimes : foutre la merde. La seule chance que la délicieuse Marie-Louise se débarrasse de toi, ça aurait été de te répondre avec un grand sourire et d'être gentille, tout simplement. Mais elle était rentrée dans ton jeu, les deux pieds dedans. Tu vois qu'elle prend ton burger simplement pour le reposer dans ton plateau. Tant pis pour elle, après tout, tu avais encore une grosse faim alors à peine sa petite main pâle revenue piocher dans les frittes, tu en profites pour l'engloutir. Elle a déliberemment ignoré ta poignée de main, ça aussi, ça ne fait que te donner envie de rester davantage pour la pousser à sortir de ses gonds.

"Enchanté Madame la Marquise. Et non, pas d'amis et pas de copine. Enfin pas qui soit plus intéressant que toi aujourd'hui ahah. Et c'est ton jour de chance, la frite, ça m'excite !"

Tu te sers dans son tas de frites sans gène et trempe un spécimen intéressant dans la sauce avant de la déguster en remuant lascivement ta langue. Tu aurais juré qu'elle a souris, juste un peu. Mais elle aurait surement trop de fierté pour s'avouer qu'en plus d'être beau, tu étais drôle. Qu'à cela ne tienne, tu te sers à nouveau dans son plateau en continuant de l'observer de tes grands yeux noirs. Elle baisse pas les yeux, toi non plus, ça promettait d'être rigolo !

"On peut jouer à "je te tiens tu me tiens par la barbichette", si tu veux, mais j'en ai plus que toi, je vais indéniablement gagner ! Et je suis quasiment sûr que je peux attendre la fin de ta pause juste pour que tu sois obligé de me répondre gentiment. Tu sais, j'ai toujours faim, ça s'arrête jamais vraiment, alors je peux commander des trucs à becter pendant encore longtemps. Mais au moins, tu as du caractère, j'aime ça. Un vrai tempérament sauvage ahah, un caractère de chien !"

Et le côté sauvage, ça te connait. Tu sens tes pieds nus collés un peu au sol gras et tu étends tes jambes brusquement, donnant un violent coup de pied dans la chaise de la Marquise qui était entrain de porter une frite à sa bouche. Le choc la fait bouger si fort qu'elle manque de se mettre la frite dans l'oeil ou de se mordre le doigts. Tu aurais pu t'excuser, mais non, tu éclates simplement d'un rire gras en mettant un deuxième coup dans la chaise, juste pour le plaisir qu'elle te fusille des yeux encore une fois.

"Oups, que je suis maladroit !"

Ça y est, tu l'as énervé. Le premier coup de pied était un accident, le deuxième volontaire, et ça avait eu juste pile poil l'effet recherché. La Marquise commençait à péter un câble et le Djinn au fond de toi jubile, mais jubile. Tu contemple sa bouille de poupée de porcelaine dont les yeux brillèrent une seconde d'or en fusion, devenir presque hargneuse à montrer les dents. Un jour, faudra sans doute que tu te fasses psychanalyser pour savoir pourquoi tu aimes autant faire chier le monde, mais pour l'instant, c'est trop jouissif pour abandonner. Le plus drôle, c'est qu'après s'être essuyé la sauce qui lui retapissait la tronche, elle a essayé de se venger. Enfin, faut dire que sans être macho, elle a quand même de la force la petite. Une force bizarre d'ailleurs. Mais tu t'en fiches un peu, tant mieux si c'est une créature surnaturelle : tu sais qu'elle n'est pas Stryge, ni Sidh c'est déjà ça ! Pour le reste, tu ne crains pas grand chose. Il te reste toujours la case "Maurice" si un problème arrive -Maurice c'est comme ça que tu appelles ta capacité à te transformer en serpent.

"Si mes couilles t'intéressent, je préfère de loin une jolie petite main qui sent la frite ... Ahahah ! Tu sais c'est fragile ces choses là, faut en prendre soin !"

Elle prend une mine boudeuse et capricieuse quand elle te demande de te barrer. Mauvais plan, encore une fois. Maintenant, tu la trouves trop intéressante et tu as envie de creuser derrière cette agressivité qui a jailli là, comme ... -restes courtois dans tes métaphores, y a peut être des enfants qui te lisent dis donc- comme un geyser. En vrai, tu n'avais rien fait de mal, et en soit, y avait aucun raison de s'énerver comme ça. Sauf si la pitchoune avait un truc qui la ronge à l'intérieur et qui fait le vide autour d'elle, pour avoir la paix. Ou alors peut être qu'il y a une raison plus sombre. Ni une ni deux, te voila prêt à relever ce nouveau défi. Tu continues à piocher dans ses frites à elle.

"Non j'ai pas envie de partir, j'aime bien parler avec toi. Tu es charmante comme fille en plus : souriante, gentille, calme, douce et tellement agréable. Alors dis moi Madame la Marquise, pourquoi tu as autant envie que je m'en aille ? Je suis plutôt bandant à regarder -me dit pas que c'est pas vrai, je sais l'effet que je fais aux femelles mouahahah- et même si je suis chiant, je suis pas méchant. Par contre toi, tu as un sérieux soucis avec moi, alors, c'est quoi ton problème ?"

Tu plonges tes grands yeux noirs comme la cendre dans les siens. Tu sais qu'elle cache quelque chose, tu en as la conviction. Mais tu ne veux pas utiliser tes pouvoirs pour le découvrir, ce serait moins marrant. Tu arrêtes alors complètement de manger, et tu la fixes, le menton dans les mains, les coudes sur la table, te rapprochant un peu d'elle, jouant à entortiller ta barbe avec tes doigts pleins de bagues dorées, clinquantes -héritage familiale, ta mère te tuerait si tu sortais sans. Elle allait finir par craquer : soit elle répondrait en s'emportant -c'est souvent là que la vérité fuite- soit elle s'en irait, et là, compte là dessus, tu la suivrais jusqu'au bout du monde. Ahah

Tu avais capté son regard, quand vous vous fixiez. Et même si t'étais pas vraiment un fin psychologue, y avait pas besoin d'un diplôme pour se rendre compte qu'elle mentait comme une arracheuse de dents. Y avait plein de trucs qui cogitaient dans sa petite tête, tu en mettais ta main à couper. Elle était beaucoup trop sur la défensive, la Marquise,  pour que ça cache pas quelque chose ! Tu fronces le nez, reniflant un peu dans sa direction. Ta mère t'avait toujours appris qu'on pouvait reconnaître facilement les créatures surnaturelles à l'odeur : boarf, faut croire que tu étais pas hyper doué pour l'exercice, en soit, à part trouver ta mère -et tu mettais plutôt ça sur le compte de son parfum d'Orient qui donne mal au crâne. Mais tu commence à avoir une idée derrière la tête. Tu n'arrêtes pas de la fixer avec la même technique, même si elle a coupé le lien visuel et qu'elle s'est mise à déblatérer à propos d'un groupe de nanas là bas. En l'entendant se targuer de ne pas être "ce genre" de fille, tu as un immense sourire.

"Tu sais, si tu étais une Marie-couche-toi-là, je suis pas sur que je trouverais ça si intéressant. En vrai, j'aime pas la facilité. Les pouff là bas, c'est à peu près certain qu't'as raison, mais c'est quoi le défi hein ? J'suis pas un piou-piou qui aime que tout lui tombe cuit dans le bec. Moi ce qui m'excite, c'est le challenge, ahah ! Et puis d'abord, comment tu peux savoir que'elles parlent de moi, hun ?"

Tu hausses un sourcil sardonique. Tu ne cesses de tripoter ta barbe et de la regarder, résistant à l'envie de voir le dit groupe de pouff que tu n'avais même pas entendu pour le coup. Vraiment, cette histoire était louche. Tu le savais, ton instinct te le dictait. Alors tu décides d'employer les grands moyens. Le charme de persuasion des Djinns. En soit, ça marche que sur les humains. Enfin pas vraiment, mais disons que ça marche beaucoup moins bien sur les autres espèces. Les Faës s'identifient facilement entre eux, de sûr, elle en est pas une. Les Stryges font froids dans le dos, et puis ils ont tendance à voir clair dans les illusions. Les Banshees, brrr, elles te filent tellement la frousse que tu les repères direct -à part ta chère Yana qui est une petite perle. A part ça ... les Alchimistes tombaient sans soucis dans le panneau et les Bersekers, avec leur instinct animal, avaient tendance à être complètement immunisés, même sous forme humaine, leur totem parvenait toujours à les avertir d'une façon ou de l'autre.

Mouais, tu prenais pas de trop grand risque -c'était plus discret que de rétrécir juste devant elle pour te mettre debout sur une frite en dansant la zumba et voir si elle était choquée ou pas ! Au pire, c'était juste une humaine particulièrement paumée. Alors tu joues ostensiblement avec l'une des tes bagues en marmonnant, les yeux fixés sur une des rescapées parmi les frites du plateau. Au bout de quelques secondes, la frite se mit à enfler devant tes yeux et à prendre la forme d'un gros lapin de garenne bien dodu. Avec un beau pelage sable, fauve et de grandes oreilles toutes douces. Il se met alors à folâtrer tout autour de vous sur la table, en poussant d'adorables petits couinements. Concentré, tu fixes la jeune femme et le lapin en alternance, attendant un quelconque signe qui finisse par trahir sa nature : si elle le voyait et que son instinct lui poussait à ne voir qu'une frite, alors, tu devinerais à coup sûr son petit secret ! Avec un sourire goguenard, très fier de ton idée, tu lui dis :

"Alors, tu as déjà vu un lapin en vrai ?"