La voix de Sygrid résonnant dans son crâne fit sursauter Lorcàn qui échappa sa cigarette sous la surprise. Qu'est-ce qu'il détestait quand elle faisait ça ! Il avait l'impression d'être schizophrène et ce n'était pas vraiment agréable. Cela dit, il l'écouta parler tout en fixant le blessé et se contenta de hocher la tête, signe qu'il avait bien reçu le message. « Ne force pas. » … Bien évidemment que si, il allait forcer ! Hors de question de laisser le Berserker croupir dans le sang de sa jumelle juste parce qu'il avait un peu mal au dos. Descendant souplement de son perchoir de pochetron, le pixie s'approcha doucement de Ciàran qui avait heureusement reprit forme humaine. Il semblait inerte et peu enclin à se rebeller mais un rapide coup d’œil sur son physique lui dit qu'il ne devait pas être très léger. Bon, il allait falloir prendre sur soi et espérer ne pas rester alité deux semaines pour problème lombaire.

S'agenouillant près de lui, il remarqua dans sa main un morceau de … Ok. Ok. De boyau appartenant sûrement à sa sœur. Aussi solide qu'était Lorcàn, il ne put que détourner le regard pour ne pas flancher devant cette scène. Délicatement, il fit lâcher le butin du Berserker et parla d'une voix presque murmurante :

- C'est fini Ciàran, tu ne peux plus rien faire … Rester ici ne la ramènera pas alors, pour elle, fait un petit effort et accroche toi d'accord ?

Il passa un bras sous ses genoux et l'autre sous ses bras et dû s'y reprendre à trois fois avant de réussir à se relever. Oui, il faisait son pesant de cacahuète le bougre ! Une désagréable sensation se fit sentir sur son torse et il n'eut pas besoin de baisser les yeux pour comprendre que ce qui lui restait de T-shirt était entrain de s'imbiber de sang. Génial. Restant concentré pour ne pas se péter la gueule, il pensait à son frère et l'inquiétude semblait lui donner des ailes. Plus vite ils seront dehors, plus vite il pourra le rejoindre et le protéger s'il le fallait. Il ne céda pas à la panique, cela ne servait à rien et il passa enfin cette foutue porte. A deux doigts de plier sous le poids de Ciàran, il le posa doucement au sol, retirant sa veste pour en faire un coussin de fortune. Heureusement, dans la cours, il ne faisait pas froid car l'homme a demi-conscient était nu comme un ver et il n'avait pas de quoi le couvrir.

Lorcàn se releva ensuite difficilement, poussant un petit soupire fatigué et vint s'adosser contre un mur. Un rire nerveux passa ses lèvres alors qu'il s'allumait une nouvelle cigarette, jetant son paquet à Sygrid comme au bon vieux temps.

- Et beh … Quelle journée! Par contre, je ne sais pas pour vous mais je ne vais pas trop traîner dans le coin longtemps ! Flynn, peux-tu appeler une ambulance pour Ciàran ? Mon téléphone a dû tomber dans le couloir tout à l'heure.  

Son portable n'était effectivement plus dans sa poche et ça, c'était vraiment relou … Aucune chance de savoir à présent si Magyar était en sécurité ou non. Il ne fallait pas qu'il tarde à les abandonner ...

On ne lui répondit pas. Et au final c'était sûrement mieux ainsi. Parce qu'il n'aurait sûrement pas apprécié la réponse le garçon. Il n'aimait pas très souvent les réponses qu'on lui donnait. Parce que même si c'était encore qu'un gamin on ne le ménageait pas vraiment. C'est pas si bien parfois d'être plus mature que ce que être censé être. Ou un truc comme ça... On ne parla pas de Ciaran alors. Ou alors on ne parlait que de lui justement. Mais le fait est qu'on en parle comme si il était pas là ça fit soupirer le plus jeune. Certes son esprit n'était certainement pas là. Sans blagues, regardez le, las et perdu. Surtout perdu. Merde... Ouais perdu. Et avec toutes les raisons du monde d'ailleurs. Flynn se passa une main sur le visage avant de l'essuyer sur son pantalon. Allez savoir ce qui était le plus poisseux. Les deux étaient pas mal dans la matière. Puis finalement les deux hommes -si on pouvait qualifier Flynn comme ça - s'avancèrent vers la Phoenix et le Berserker.

- C'est pas bien compliqué... Juste un peu de physique basique. Et du temps à perdre sur internet. - Heureux que ça ai pu aider Lorcàn en fait.

Il sourit doucement en la regardant avant de se placer en tête de file. Génial. Il n'avait jamais fait ça. Ça l'angoissait? Mais non si peu? Bon, monsieur le radar pouvait aussi se révéler pratique. Alors autant qu'il le soit.

Flynn secoua négativement la tête. - Non pas cette fois-ci. Ça semble calme...

Ça semblait le point était là. Ceci dit, le jeune homme n'avait pas la tête emplie d'un énième bourdonnement. Ce qui devait être la définition de "C'est bon tout va bien" non? Et en effet tout allait bien. Sortant enfin, tous, très certainement prirent une grande respiration. La vache il avait cru une bonne vingtaine de fois ne plus retrouver le dehors. Stupide non? Il avait été plutôt bien entouré.

- Pas de soucis.

Sortant l'appareil de sa poche Flynn soupira en trouvant un écran légèrement -pour ne pas dire totalement défoncé- faisant une légèrement moue il bougea comme une magnifique danseuse étoile pour capter du réseau et donc passer un coup de fil aux urgences qui... Bizarrement avait l'air peu sereine.

- C'est bon...

Je suis couché sur le sol, remarquant à peine ce qui se passe autour de moi. J'ai l'impression que je vis un cauchemars éveillé, que j'allais reprendre connaissance et qu'Aileene serait là, riant de ma tête de con comme toujours. Malheureusement, ça ne sera plus jamais le cas. Elle ne va plus jamais rire, elle ne va plus jamais crier après moi parce que j'ai laissé mon linge sale devant sa porte pour qu'elle le lessive...Ouai, plus jamais rien ne sera comme avant. J'entends un bruit proche de moi et une main se poser sur la mienne, me faisant lâcher prise sur l'un des restant de ma jumelle. Je tourne simplement les yeux vers le Pixie qui tentait de me faire réaliser la fin. Il me demande de m'accrocher mais je ne sais pas si j'en étais encore capable. Sans elle, tout me semblait tellement...sombre, difficile. Bordel, pourquoi ? Pourquoi je n'avais pas réussis à la sauver.

« J'ai pas réussis...j'aurais dû. »

Je murmure ses paroles alors que la culpabilité me prend à la gorge. Je ne tente même pas de résister, perdant durant quelques secondes connaissance à cause de cette foutue douleur. Je ne senti pas mon corps être soulevé ni même déplacé, je sombre doucement, les yeux clos, me réveillant une ou deux secondes, mais la douleur vive de mes os brisés, de mon corps en feu semblait avoir raison de moi. Je suis inconscient, pourtant, j'ai toujours cette vive souffrance en moi. Quand l'ambulance arriva et que les hommes tente de me déplacer je pousse un hurlement brutale voir féroce. Ils n'ont rien à craindre, même si je souhaitais me transformer je n'en étais absolument pas capable. Je sens un de mes os tenter de se briser, il se fissure, sans plus un bref craquement retenti et les ambulanciers s'observent sous le choc. Ils pensent sûrement avoir fait une fausse manipulation. Ils ne savent pas, ils ne sauront sûrement jamais.

« Aileene... Aileene... »

Je divague. La douleur me rend cinglé, je suis brûlant et les ambulanciers essayent de faire vite alors que ma température corporelle semble dépasser un seuil critique. Ma tête se tourne vers les trois survivants, ces trois personnes avec qui je m'étais battu pour sauver nos vies. Mon regard croise le leur et je fini par sombrer une nouvelle fois.

Evidemment le con de Pixie n’avait rien écouté et avait forcé, chopant le Berserker traumatisé comme la princesse qu’il n’était vraisemblablement pas. Enfin, Sygrid ne pouvait pas juger Ciàran, ce dernier en avait bavé plus que les autres. Enfin, il avait assisté impuissant à l’exécution de sa sœur donc… il avait le droit d’être légèrement au bout du rouleau. Malgré cela, Sygrid n’appréciait pas le fait que Lorcàn puise encore une fois dans les forces qu’il lui restait pour sauver le jeune homme que le Phoenix aurait probablement laissé à l’abandon sans le moindre scrupule. S’il y avait bien une créature sur terre qu’elle souhaitait protéger, c’était son p’tit Lolo. Si bien qu’elle voyait d’un mauvais œil son acte d’héroïsme, fait en dépit du bon sens. Mais elle lui emboita le pas sans un mot, après un dernier regard vers le petit tas de cadavres qui se consumait encore au centre du bar. Pour sûr, elle ne reviendrait plus picoler dans le coin. Elle aimait plus la déco.

Une fois dehors, Sygrid ferma les yeux. Le soleil perçait doucement à travers les nuages et même si l’air était glacial, elle l’appréciait vraiment. Comme à chaque fin de mission, c’était l’instant qui laissait une sensation des plus vives. Une sensation que pourtant, Sygrid n’avait jamais vraiment ressentit à l’époque où elle était dans l’armée : se sentir vivante. Elle avait au contraire eut à cœur de mourir. Mais cette fois… elle était heureuse d’être en vie, et frappée par cette évidence.  Bien que perturbée par cette sensation, Sygrid ouvrit à nouveau les yeux au moment où Lorcàn lui envoyait un paquet de cigarette qu’elle attrapa au vol. Sans attendre, elle en pinça une entre ses lèvres et l’alluma : feu du Phoenix bien sur… on ne va pas se faire chier hein ! Et tandis qu’elle fumait et que les autres s’occupaient d’appeler une ambulance, elle vint s’accroupir à côté de Ciàran pour l’écouter divaguer.

« Ouais… bah il est clairement au ras des pâquerettes pépère. »

Compassion zéro. Elle se redressa cependant pour refiler sa clope à Flynn, puis elle lui agita les tifs avec un air toujours un peu absent.

« Tu rentres chez toi p’tit hein. Et tu travailles bien à l’école, c’est important. Sinon tu vas finir aussi con que les Stryges qu’on a croisé. Et t’es pas le dernier des imbéciles, se serait dommage. »

Sans attendre, elle se dirigea ensuite vers Lolo, qu’elle étreignit précipitamment. Il pourrait sans doute ressentir son inquiétude à son égard, puisqu’elle le serra avec bien plus d’affection qu’auparavant avant de lui tapoter un peu le dos.

« Prend soin de toi Soldat, on se revoit bientôt. Maintenant que tu es de retour je te lâche plus, surtout que tu me dois un resto. Tu te souviens le pari de la mission Round-up ? »

Le gars avait parié qu’il ne perdrait pas son futal lors du saut en parachute… et n’avait pas écouté Sygi quand à son équipement. Bah voilà, un Pixie quasi-cul nu dans le désert lors d’un assaut = fait !

« Je décolle, dans le vrai sens tu termes. Tu récupères mes fringues ? Y’a mon adresse dans mon téléphone, j’attends de tes nouvelles. »

D’un geste presque tendre, le Phoenix lui tira la joue avec un léger sourire. Elle aurait bien aimé rester encore un peu, maintenant que Ciàran était pris en charge par des spécialistes (j’avais noté : socialistes XD C’était flippant.) mais son inquiétude pour le Pixie -et accessoirement le p’tit alchimiste qu’elle aurait pu ramener chez lui histoire d’être altruiste, mais non – n’était en rien comparable à celle qu’elle éprouvait vis-à-vis de Gabriel. Aussi tourna-t-elle rapidement sur elle-même, prenant la forme du grand oiseau qui la transporterait vers son ‘époux’. Au plus vite…