| Jeu 17 Mar - 12:08 | | Il est peu de mélodies qui sont plus douces à l'oreille d'une Ombre que celles des hurlements de peur provoqués par une victime qui l'a mérité. Le son de sa guitare, très certainement, en fait partie. Mais passé un certain stade, Owen en est venu à apprécier tout autant l'expression du désespoir qui jaillit de la gorge des victimes sous la forme d'un hurlement anéanti. Il préfère encore jouer, mais l'humain est un instrument qui peut tout aussi bien remplir cet office. Parce qu'il a ce besoin de détruire, Owen. Parce qu'il sait que cet homme est mauvais, que son cœur est noir et qu'il mérite toute cette souffrance. Alors Owen se laisse aller, créant des hallucinations qui produisent leur effet sur l'homme : peu importe ce que représentent ces images, leur essence est celle du mal et de l'effroi purs, sans doute des reflets du cœur torturé du Sidh. Elles ne sont sans doute pas loin du délire dans lequel il a été enfermé peu de temps avant de mourir - car qui sait vraiment discuter la réalité de l'illusion, lorsqu'on est ivre ? Au moins cet homme-là connaît-il un autre type d'ivresse. Owen se trouve pour l'instant dans un bus. Les transports en commun ne sont guère sa tasse de thé : cette promiscuité forcée le dérange, et il a toujours un peu peur qu'une main baladeuse vienne toucher la housse de sa guitare dont il ne se sépare jamais. Il ne le ferait pas, même s'il le voulait : l'instrument lui donne l'impression d'être plus vivant, ou du moins, d'avoir une véritable existence. Sans elle, il a l'impression d'être condamné à une errance sans but, où martyriser ceux qui empoisonnent le monde des vivants. Une façon de s'occuper certes intéressante, mais que serait le Sidh sans ce qui a consisté sa seule amie pendant le temps où il respirait encore ? Installé sur le siège juste derrière sa victime, Owen s'efforce de conserver un air innocent. Fort heureusement, le bus n'a l'air d'être rempli par de seuls humains, car personne ne lui prête la moindre intention. Ni à sa victime, d'ailleurs ; quelques regards inquiets se posent sur lui, avant de se détourner en se disant que l'homme doit sans doute faire un cauchemar. Peu de gens se soucient vraiment des autres, de toute façon. Owen le sait : combien ont songé à lui tendre la main lorsqu'il sombrait dans l'alcoolémie et le désespoir ? Absolument aucun. On ne peut pas faire confiance aux autres, sur cette Terre. Le bus s'arrête, prend de nouveaux passagers. Ni Owen ni la victime ne descendent ; peut-être est-ce l'arrêt de l'homme, mais aux prises avec les hallucinations, il ne peut pas s'en rendre compte. Quant à Owen, il n'a pas d'endroits précis où s'arrêter. Il est nomade : il a conservé ce trait de caractère, et ne désire pas se fixer. Alors peu importe où le bus l'emmènera, il trouvera toujours un endroit où se poser. Ses exigences sont devenues si basses, en terme de confort... Un siège de bus lui suffit. A ce moment-là, un autre jeune homme s'approche, et si Owen daignait lever la tête, il se rendrait compte à quel point celui-ci a l'air mal. |
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