 Jeu 11 Aoû - 16:31 | |  Dawn is breaking now You'll think, "How'd I get here, sitting next to you ?" Elle ne voulait pas lui faire de mal. Et, Jezabel s'accrocha plus encore à cette unique certitude. Si la faim lui broyait l'abdomen, la volonté de ne pas faire de son époux une vulgaire pièce de viande, comme cette jeune femme qu'elle avait eu le malheur de croiser, elle, était bien plus forte. Eros était la seule personne qui, parvenait à la raisonner finalement. Elle n'avait qu'à poser les yeux sur lui, qu'à croiser son regard incontestablement aimant pour retrouver ne serait-ce qu'un brin de courage. Il était sa force, l'espoir dont elle avait besoin pour ne pas définitivement flancher. Et, ce fut pour cette raison qu'elle refusa sa proposition. Elle se devait de tenir pour lui, pour eux. Quelques passants la frôlèrent alors qu'elle avançait, tête basse, tel un animal blessé. Elle gronda dans le creux de sa gorge, à plusieurs reprises. Elle gronda de frustration, mais également de menace pour ces pauvres gens qui ne prenaient pas la peine de la contourner. Elle aurait pu se retourner sur l'un d'eux, étendre ses ailes et refermer sa gueule despotique sur une gorge. Mais, elle n'en fit rien. Elle se recroquevilla davantage, la silhouette animée de soubresauts incontrôlables. Elle était épuisée. Et ses traits, habituellement si lisses, s'étaient creusés d'épuisement. De loin, Jezabel n'était plus qu'une silhouette endolorie par un mal silencieux, mais profondément sinueux. Son reflet lui flanqua la nausée lorsqu'elle le rencontra à travers la vitre de leur véhicule. Ses lèvres et son menton étaient maculés d'une fine pellicule pourpre. Elle les essuya d'un revers de main, d'un geste quasi-frénétique. Elle était monstrueuse.
Jezabel s'engouffra dans la voiture. Elle ne dit rien. Elle ne porta même pas un regard sur Eros. Elle appuya simplement sa petite tête contre la fenêtre fraîche, les paupières closes. Elle inspira profondément pour tempérer l'effusion qui gangrenait encore ses cellules. Cependant, sa voix retentit dans l'habitacle et, elle ne peut s'empêcher de tourner les yeux vers lui. Il était fébrile. Il était secoué. Et, elle se maudit de le voir ainsi. Ses doigts dans sa chevelure rousse lui volèrent quelques frissons délicieux, qu'elle accusa dans un papillonnement de cils. Sa bouche s'entrouvrit, comme pour chercher de l'air. Il était doux, d'une tendresse infinie, malgré la vie qu'elle avait manqué de prendre, malgré son attitude indécente dans la ruelle. Les larmes voilèrent sa vision. Comment pouvait-elle mériter un tel époux alors qu'elle n'était qu'une charogne ? Il n'avait pas demandé cette vie, il n'aurait pas dû avoir cette vie. Mais il restait là, à ses côtés, indétrônable, loyal. Jezabel se lova contre lui, l'enlaçant de ses bras à la fois frêles et réconfortants. Sa main vint se poser délicatement sur l'arrière de son crâne en quelques douces caresses dans ses cheveux bruns.
- Je suis tellement désolée, Eros, souffla-t-elle à son oreille, je ne voulais pas faire de mal... tu sais que je ne suis pas comme ça... je me sens... perdue.
Et, implicitement, elle lui avouait qu'elle ne savait plus, qu'elle n'était plus certaine d'elle, ni même de ses aspirations maintenant qu'elle était stryge. Elle se détacha de lui, pour saisir son visage en coupe, ses grandes prunelles mouillées, mais incontestablement amoureuses.
- Tu es ma force... tu... si tu n'étais pas là... si tu n'étais pas là, je ne sais pas ce que je deviendrais...
Un sanglot brisa sa voix. Elle avait tellement peur qu'il ne finisse par disparaître, qu'il l'abandonne. Et, dans un sens, elle ne pourrait pas lui en tenir rigueur. Le baiser sur son front lui arracha un faible sourire.
- J'ai si peur, Eros...
Mais elle résisterait. Du moins, elle le ferait aussi longtemps que possible. Elle déposa ses lèvres sur les siennes, le souffle court, pénible dans sa cage-thoracique.
- Mais... je vais tenir... je te le promets...
Elle l'aimait. Et, cela prenait les tripes lorsque l'on prenait le temps de regarder dans les tréfonds de son regard. Elle l'aimait plus que de raison. Il était tout. Il était ses souffles, ses espérances et son éternité. Sa main caressa sa joue. Et, Jezabel lui adressa un rictus sincère, plein d'émotions.
- Tu es fatigué, et moi aussi... rentrons.
Ils n'oublieraient probablement jamais cette soirée. Comme ils n'avaient pu occulté la première fois où Jezabel s'était nourrie sur lui, sur leur amour. Mais, ils étaient ensemble. Et, finalement, ils étaient robustes. Les difficultés, ils les chassaient ensemble, main dans la main. Si l'un s'écroulait, l'autre s'arrêtait pour le relever. Ils étaient une seule et même entité. Leurs cœurs battaient à l'unisson. Ils s'aimaient, de cet amour que l'on ne rencontrait que trop rarement.
Mais, pour combien de temps encore ?© fiche par Ell, optimisée par Superno√A pour ASN
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