Une odeur de bouffe trop grasse dans le coin de la restauration, des gens dans tous les coins du centre commercial et de la musique populaire que la radio crache tous les jours. Quoi de mieux pour devenir complètement cinglé quand on l'est déjà un peu à la base? Tu détestes ce genre de grande surface où ces animaux sauvages sans manière ni politesse que tu appelles humains se rassemblent afin de tous acheter le même exemplaire  d'un même produit. Certes, tu n'es pas un être raffiné qui se croit supérieur à tous les autres, mais tu ne fais pas parti de la catégorie des imbéciles qui n'ont aucun savoir vivre. On s'est souvent moqué de toi à cause de tes manies, de ta personnalité ou encore pour ton obsession du Joker, mais certaines personnes devraient apprendre à se regarder dans une classe avant de balancer des jugements plus stupide les uns que les autres. Oh, bien entendu, tu n'es pas un pur égoïste qui hait tout le monde, car il t'arrive parfois de rendre service, mais à chaque fois, tu viens réclamer ton dû. Rien n'est gratuit dans ce monde. Aujourd'hui, tu viens justement réclamer une dette.  

- Tu me dois un service, tu t'en souviens? Je ne vais pas l'oublier de sitôt surtout quand ça concerne un potentiel séjour en prison.Tu as sur tes lèvres un grand sourire d'enfant pendant que tu penches légèrement ta tête sur le côté afin d'observer ton interlocuteur. Entre un homme en costard et toi dans tes habits qui trahissent ton fanatisme clownesque assis l'un à côté de l'autre à une table dans la section des restaurants qui discutent à voix basse au milieu des autres clients peut sembler un tantinet suspect. Non, j'vois pas d'quoi tu parles Kai. S'il-te-plait, laisse-moi tranquille et ne me contact plus, d'accord? Tu vas finir par m'apporter des ennuis. J'veux plus rien accepter d'toi. Le regard fuyant, l'homme en costard transpire à grosses gouttes devant son repas constitué d'un hamburger et de frites excessivement salées. Devant sa voix tremblante qui tente sans grand succès d'être plus ferme, tu ne peux pas t'empêcher de rire comme un gamin. Cette grosse tache de graisse essaie de te dissuader de le harceler d'un service qu'il te doit depuis plusieurs mois. As-tu une tête de quelqu'un qui lâche facilement prise? Pourtant tu n'as pas craché sur l'argent que je t'ai refilé, dis-tu tout en attrapant une frite du plateau de ton interlocuteur avant de la porter à ta bouche. Je... Je t'ai dit de partir, tout de suite. Qu'est-ce qu'il ne comprend pas dans ''tu me dois un service''? Pourtant tu parles la même langue que ce crétin empestant la transpiration, non? Puisqu'il ne semble pas vouloir changer d'idée, ton sourire s'estompe peu à peu jusqu'à afficher une mine beaucoup plus sérieuse. Une expression qui ne te ressemble pas et qui est loin d'être rassurante. C'est ta dernière réponse? Tu ne vas pas changer d'avis? Le silence et le vague regard «menaçant» - quoique celui-ci trahit une certaine frayeur - de sa part te confirme aisément sa réponse. Bien! À nouveau, ton sourire refait son apparition sur tes lèvres, sauf que celui-ci n'a absolument rien de rassurant, voire il possède quelque chose d'inquiétant. Oh non, il ne va pas s'en tirer aussi  facilement que ça.

D'une manière totalement naturelle, tu te lèves de ta chaise avant de faire un bond afin d’atterrir sur la table dans un «bang» sonore. Puis, sans la moindre gêne, tu donnes un violent coup de pied sur le plateau du pauvre type en costard dont la bouffe va terminer sa course sur vos voisins de table... Debout au milieu de la section des restaurants, tes bottes noires martelant la table le plus fort possible afin de faire du bruit, tu fais tout ce qui est en ton pouvoir pour attirer l'attention sur ta petite personne. Bonjour cher public! Je vous présente monsieur Kingsley, un petit nouveau dans le monde des avocats! Allez on dit bonjour pour être poli! C'est que tu ne te gênes pas pour faire de grands gestes exagérés dans le but de capter l'attention de ton public toujours avec ton éternel sourire collé sur tes lèvres. À la fois sous le choc et horriblement intimidé par la situation, l'avocat en question tente de saisir ta cheville afin de te ramener au sol. Quel manque de politesse à ton égard! Heureusement pour toi, cela se transforme en une tentative ratée puisque tu te penches vers l'avant dans le but de le repousser... Oh oui, cette pauvre tache de graisse a maintenant une excellente raison de transpirer au point de tremper son costard bon marché. À nouveau «calme», tu peux reprendre allègrement ton petit discours. Écoutez bien, ne faite pas confiance à monsieur Kingsley comme avocat, car il a les mains sales! Monsieur accepte des petits cadeaux sous forme d'argent puisqu'il trempe dans des affaires louches. Donc, pauvres êtres hypocrites et cruels que vous êtes, vous ne devriez pas vous en approcher, sauf si vous trempez dans des trucs louches! Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité? Mensonges, son espèce ne fait que mentir tout comme leurs clients!

Alors que tu passes une main dans ta chevelure verte afin de replacer quelques mèches rebelles, tu observes les visages de ces inconnus qui s'offrent à toi. Tous montrent une mine extrêmement sérieuse, sans qu'aucun d'entre eux n'ait un moindre rictus amusé sur les coins de leur bouche. Pourquoi êtes-vous tous aussi sérieux!? Une question qui peut sembler stupide pour le commun des mortels, mais qui est importante pour toi. Pourquoi tous ces imbéciles ne réagissent-ils pas?! N'es-tu pas en train de faire une bonne action?

La journée avait plutôt bien commencé, c’était toujours mauvais signe. Le karma, où quelque chose comme ça, se plaisait toujours à faire de la vie de Jun une vaste blague douteuse. Et cette journée ne dérogerait pas à la règle, elle le savait. C’était même évident, en fait. Alors, armée de courage, elle avait décidé de sortir prendre l’air plutôt que de rester enfermée toute la sainte journée à attendre que le temps passe. Elle avait emprunté une des nombreuses robes de sa nièce, celle avec les branches et les corbeaux. Et il fallait vraiment qu’elle cesse cette manie présomptueuse à fouiner dans l’armoire qui ne lui appartenait pas si elle ne voulait pas finir en brochette Yakitori. Pour l’instant, cela ne lui avait jamais vraiment porté préjudice, mais il fallait toujours se méfier de l’eau qui dort. Toujours.

Elle passa par une librairie dans laquelle elle flâna une heure ou deux avant de repartir au large, butinant telle une abeille les boutiques qui défilaient le long des allées. Elle continua ainsi un moment avant d’atterrir finalement dans un centre commerciale qui lui était encore jusque là inconnu. Son premier réflexe fut de visiter, observant les lieux comme une sorte d’animal de laboratoire qu’on étudie avec attention, puis l’odeur de la nourriture grasse la fit stopper ses investigations. Son cerveau lui envoya des signaux de détresse. Elle avait alors une folle envie de soda. Mauvais pour la ligne, mais qu’en avait-elle à faire puisqu’elle était morte depuis deux bons siècles ? Son corps ne changerait pas si facilement.

Elle entra donc, et d’une voix nonchalante, elle passa la commande. Elle était en train de payer quand des éclats de voix commencèrent à monter à l’autre bout du fast-food. Jun suspendit son geste tandis que l’employé, impatient, attendait le payement en tapant du pied.

Et elle le vit, son karma de la journée.

Son patron se tenait debout sur une table, après avoir sauté sur celle-ci, et se lançait à présent dans un discours à propos de celui qui l’accompagnait. Si elle n’était pas devenu si insensible à ce qui l’entourait, elle se serait déjà frappé le visage de désespoir. Dieu qu’il lui faisait honte, là tout de suite. Elle s’estimait chanceuse qu’il ne l’ai pas reconnue dans son petit numéro de clown pathétique.

Son objectif premier fut de payer sa boisson, et ensuit de fuir au plus vite. Mais en voyant un vigile au-dehors avancer vers l’entrée de l’endroit, Jun se sentit responsable de l’autre crétin bruyant, et sans attendre, elle se dirigea vers lui, ignorant les protestations du vendeur. « - Bon, vous m’excuserez, mais faut mettre les voiles, grogna-t-elle à Kai. » Et sans prendre compte du reste, elle l’attrapa par la manche et le tira, l’obligeant à descendre de son perchoir. En passant, elle en profita pour attraper son gobelet de soda, et paya le vendeur encore maugréant. Avant de sortir, elle se retourna rapidement pour lancer un « - Vous payez sa part ! » à l’homme en costard avec qui il semblait être venu, puis quitta le restaurant sans autre forme de procès.

A coté, le vigile les lorgna du coin de l’œil, suspicieux, mais continua sa route sans dire un mot. Jun en profita pour lâcher le vert, et le foudroya du regard. « - Bon sang, vous savez vraiment pas vous tenir en public … J’espère pour vous que ça n’arrive pas tous les jours, je vous dis pas la réputation que vous devez avoir après, sinon. »

En fait, elle n’en avait pas grand-chose à faire, il pouvait bien faire ce qu’il voulait, mais ce moment avait été tellement gênant qu’elle préférait encore s’assurer qu’il ne recommence plus quand elle serait dans le coin. Question de dignité.