L'air est lourd, bien plus qu'en après-midi. Lourd de cette promiscuité entre humain, de leurs odeurs entremêlées,d de leurs sentiments enchevêtrés. Une Stryge ressent ce genre de choses même si Mara sait se mettre des œillères pour ne rien sentir, le visage fermé et l'attitude distante. Elle est cette habituée à la bouche pincée qui boit sa Caïpirinha sans soif ni intérêt, le regard perdu sur la silhouette de quelques pâles beautés perdues entre deux mâles en chasse. Cet air, il est lourd de promesse et de menace ; elle le déteste mais en a besoin comme d'une ouverture, d'un masque. Elle aussi chasse à sa manière, prédateur au delà des attentions humaines ; elle ne cherche qu'à étancher sa soif. Aucune des filles ne ressemble à cet sirène mélancolique aux grands yeux d'eau bleue qu'elle avait croisé au salon funéraire et qui malgré son air de biche aux abois, suintait d'un danger saisissant. Non, celles-ci ne sont que de vulgaires vulgaire proie. Quelques centilitres de sang, des minutes de confusion, de chaleur.

Ses yeux perçants tombèrent sur un homme aviné empressé de donner le change à une jeune asiatique qui visiblement n'en demandait pas tant. Pourtant la rousse ne fit rien, se contentant de quitter le zinc en avalant son cocktail d'une traite. Elle tira sur sa cigarette comme si elle cherchait à lui faire mal, la consommant d'un souffle hâtif, un peu nerveux que son apparence semblait dédire et sort. Rien de plus qu'un anonyme qui passe à côté sans agir, sans même offrir un regard à la jeune femme en détresse : ici c'est chacun ses affaires, surtout pour Mara qui avait toujours détesté se mêler des querelles d'autrui. Elle était Stryge, Goule à la force surhumaine ; que se serait-il passé si elle avait saisit le poignet de cet homme ? Surement aurait-il perdu sa main, ou pire.

L'air du dehors ne lui fait aucun effet particulier, maigre silhouette en tailleur-pantalon noir hissé sur une paire de hauts talons, tapie dans une zone d'ombre. Son instinct avait toujours été son meilleur instrument de chasse et lorsqu'elle vit la jeune asiatique agressée sortir avec le videur, un fin sourire prit son visage austère. Les femmes humaines sont faibles : elles ne savent que se laisser faire par les hommes et se cacher derrière eux. Au loin, la musique fait encore un peu vibrer a cage thoracique, presque douloureusement. Et pourtant, silencieuse et impavide, Mara demeura dans sa cache, à observer le couple d'humains discuter. De tout, surtout de rien ; ses sens lui permettent de capter la panique de la jeune fille qui redescend, l'embarras du videur, la tension alentour. L'autre femme porte toujours son verre à la main. Patiente, la Stryge attendit le départ de l'homme pour sortir de l'ombre, sans faire le moindre bruit en s'approchant de la jeune femme.

Elle se présenta comme une grande rousse très maigre en tailleur de marque, le regard un peu fuyant, une paire de talons à la main ; l'une d'entre elle était cassée, et elle allait pieds nus sur l’asphalte, la cigarette dans l'autre main. Pas de sourire, ni d'air engageant mais pour autant, son air n'avait rien d'hautain ou de froid ; elle était simplement neutre.

"Certains hommes ne savent pas quand s'arrêter", elle tira une bouffée de sa cigarette, veillant à ne pas enfumer son interlocutrice. Sa voix était un peu enrouée, vestige d'une angine passée, et son accent français était très prononcé, difficile à louper, "vous êtes seule ?"

Simple question pragmatique : Mara se doutait qu'une fille qui avait l'air si peu à l'aise ici soit venue sur sa seule envie. Elle la regarda un long moment sans rien dire, scrutant son regard, dardant le sien dans ces iris sombres avant de prendre un air concerné, presque indigné :

"Je suis Mara, excusez-moi j'oublie souvent de me présenter. Je suis une habituée."

Propre, net et concis, comme elle le faisait de coutume. Rien de spécial dans la voix, puisqu’il était simplement question de bavasser sur un bout de trottoir. Alors certes, la Stryge ne s'était pas encore nourrie ce soir mais elle n'était pas la plus goulue qui soit et elle avait cette tendance à la prudence qui l'incitait à jauger les gens - plus particulièrement les jeunes femmes - pour savoir quelle genre de proie elle aurait sous son nez.

Mara n'aimait pas s'insinuer dans les sensations et émotions de surface des gens mais c'était une manière simple et rapide de prendre la température d'une personne qui pouvait potentiellement vous nourrir. Ses sens de Stryges, affûtés même si elle était plutôt jeune,  captèrent le cendres froides d'une panique sur le déclin ; surement les agissements de l'homme aviné. Sa propre attitude était polie et neutre, faisant cas de ne pas se montrer entreprenante ou agressive comme elle le faisait souvent, elle qui n'aimait pas s’embarrasser de salamalecs quand il s'agissait de nourriture.  Pourtant une proie déboussolée peut devenir dangereuse, même pour une Goule. Elle ne le savait que trop bien. La rousse eut un mince sourire en voyant la jeune femme regarder ses chaussures, haussant simplement des épaules avec un air ennuyé.

"J'ai cassé un de mes talons en dansant", fit-elle avec désinvolture avant de balancer ses chaussures dans une poubelle non loin, sans quitter sa place, "des Louboutins toutes neuves. La poisse", puis, voyant l'asiatique regarder sa cigarette, "la fumée vous dérange ?"

Par un curieux égard, Mara éteignit sa cigarette et la jeta dans le caniveau sans rien dire de plus, pour ne pas incommoder l'autre femme. Ce n'était pas vraiment un geste de gentillesse, mais plus une tactique dont elle avait l'habitude. Plaire n'est pas obligatoire, mais c'est toujours important : histoire d'éviter d'avoir l'air patibulaire. L'asiatique acquiesça a ses dires volontairement misandres, et Mara n'eut rien à ajouter. Elle se contenta de l'écouter parler, sans la couper, sans chercher à prendre de l'importance dans une conversation qui se devait de rester superficielle, banale. Contrairement  la jeune femme, la rousse n'avait pas froid, pieds nus sur l'asphalte et sans manteau. Elle lui dit que ses amies sont encore à l'intérieur, et s'amusent...

"... sans vous ?", demanda Mara avec un sourire amusé laissant place à un soupir un peu cynique,. Elle renchérit, hocha de la tête : "hm-hm, je vois."

Leurs regards se croisèrent, et Mara la trouva jolie en diable. Jeune et fraîche, sans vraiment savoir si elle était ingénue ou pas : elle ne jugeait pas les livres sur leurs couvertures. Son rire était clair, contrastant à l'écho plus sarcastique de celui de la rousse, qui lui succéda. "Enchantée, Min", lui offrit-elle en retour, avec un sourire qu'elle espéra aimable, les yeux fermés. Elle n'avait pas l'habitude culturelle des poignées de main, mais saisit quand même celle de la jeune femme, un peu mollement. La peau de la Stryge était froide et un peu sèche, les doigts très osseux, sans force apparente. Le geste semblait un peu guindé, prouvant qu'elle n'avait pas l'habitude autant de serrer la main que des contacts en général, mais qu'elle faisait un effort.

Le silence lui allait, parce qu'il était plus éloquent que quelques banalités balancées pour le meubler ; le silence était son ami sincère depuis des années, à présent. Sortir de l'Enfer.... Mara regarda un long moment Min, un vague sourire aux lèvres. Pauvre enfant, d'autres Enfers encore plus ardents existent en ce monde. Une simple boite de nuit pleines de soudards n'est rien de plus que le jardin d'enfants. Cependant elle ne dit rien, se contentant de soupirer. L'Enfer, l'Enfer... les humains sont idiots.

"L'Enfer, c'est les autres comme écrivait Sartre", elle haussa à nouveau des épaules, comme agacée par ses propres dires, "c'est pour cette raison que je fais attention."

Rien de plus, pas besoin de raconter sa vie mais la méfiance suintant naturellement d'elle, Mara n'allait pas mentir sur ce fait. Elle hocha de la tête lorsque Min lui parle du fait d'avoir été embrassée, li prouvant encore une fois qu'elle avait tout vu sans agir. Tout ces regards qui vous mangent, quand vous êtes sur la piste. Ici, c'est comme danser avec des prédateurs. pas les plus grands, juste les charognards et leurs odeurs infectes de sueurs et de fèces. Elle la regarda suçoter son bonbon avec un air absorbé, celui d'une femme qui remarque la délicatesse des lèvres des autres, qui s'attarde bien trop pour passer inaperçue et lorsqu'elle vit que l'asiatique la regarda en retour, la rousse se fendit d'un simple sourire sincère. Serait-elle démasquée aussi facilement ?

"L'alcool, c'est souvent une excuse. Je ne bois pas, comme ça je peux assumer ce que je fais sans me chercher d'excuses. Et vous ? Oh, je vous ennuie peut-être", elle eut un instant suspendu, étudiant les traits du visage de Min, "vous êtes... coréenne ?", demanda-t-elle juste comme ça.

Surement Min parle-t-elle trop, mais Mara trouva cela charmant : les femmes volubiles lui plaisait, dans leurs manière de prendre toute la place. Ainsi lui offrit-elle un sourire indulgent, sans rien dire de plus et ne sembla pas surprise de la franchise de sa question qui avait un petit quelque chose de rafraîchissant.

"Vous êtes plutôt franche..", s'amusa Mara, "j'imagine qu'il vaut mieux une réponse franche, alors. Je viens ici tous les soirs."

Elle toussa pour s'éclaircir la voix, vestige d'une mauvaise angine qui traînait à complètement disparaître.

"Je n'aime pas le bruit, et je n'entend jamais ce qu'on me dit ici, donc bon, la conversation.... La musique ne m'intéresse pas ; je viens ici pour rencontrer des femmes et rentrer avec elles, c'est tout."

Plus franc, tu meurs. Mais Mara n'était pas une femme de nuances et à la sincérité, elle offrait la sincérité en retour. Elle était une créature qui devait vivre du mensonge, mais n'aimait pas ça : le fond de sa personnalité était entier, loyal et honnête. Pas bienveillant, mais moralement honnête.

Mara n'aurait pu manquer le regard de la jeune fille sur son geste un peu désinvolte concernant ses chaussures ; un objet cassé reste cassé, même réparé. Elle n'était pas le genre de femme qui s'attachait aux choses et qui acceptait les concessions. Des talons cassés le sont pour de bon, et ce qui casse fini jeté. De tout temps, elle avait vu les choses comme ça, en noir et blanc, sans aucune nuances de gris. Un fin sourire habita l'espace d'un instant ses traits mornes, amusée par la curiosité de Min. Se voir remerciée de son geste la conforta dans le fait que c'était une bonne idée de jeter sa cigarette, pour la mettre en confiance.  C'est important, la confiance. Min semblait faire partie de cette importante couche de population qui est dérangée par des choses mais refuse de le dire haut et fort, de peur de... déranger. La stryge connaissait ce genre de ressenti, qu'elle n'appliquait jamais. Comme dit, elle n'était ni une femme de nuances, ni de concessions. Elle prenait ce qui lui plaisait, faisait ce qui lui chantait mais s'accordait parfois aux gens, le temps d'un repas. On attrape pas les mouches avec du vinaigre.

"Pour moi, ça le serait", fit-elle très sincèrement en croisant les bras sur son buste maigre, la tête crânement en arrière. Elle ne jugeait pas, mais son ton était direct.

Nulle familiarité ou effronterie dans sa voix, rien de bravache, d'inconvenant.  Mara était simplement de ce genre de femme qui disait la vérité toute nue, celle qui ne plait jamais. Elle n'aurait pas apprécié être mise au banc par ses connaissances mais le monde étant bien fait, il se trouvait qu'elle n'avait ni amis, ni connaissance. La rousse eut un vague sourire.

"Voilà pourquoi je préfère ne pas avoir d'amies..."

... et encore moins d'amis. La stryge sourit plus largement en apprenant qu'elle ne dérangeait pas la jeune femme, sans décroiser les bras. Son attitude était renfermée, mais son ton était à l'aise, paradoxalement. Elle abordait la discussion avec un mélange d'air craintif et désinvolte, comme quelqu'un qui n'aime pas la compagnie des autres mais n'est pas associable non plus. L'alcool... elle en buvait un peu, pour la convenance : depuis qu'elle était stryge, toute la nourriture humaine avait perdu sa saveur. Plus rien n'avait de saveur ou d'odeur et seul le sang la nourrissait. Elle chassait peu, ne buvait surement pas assez ce qui lui donnait cet air efflanqué et pâle, les orbites un peu creusées. Boire, c'était donner le change, se faire passer pour une humaine pour approcher plus facilement ses proies. Elle laissa la jeune femme parler encore une fois sans rien dire, sans jamais parler d'elle en retour. Elle était si volubile. Plus Min parlait, plus Mara la trouvait adorable. C'était peut-être simplement une vue de l'esprit.

"Il y a de très bons cocktails sans alcools", argumenta la rousse en haussant les sourcils, cherchant un exemple, "avec du jus d'orange, vous avez.... hm...  l'Orange Velvet, l'Afterglow, le Red Light, le Pussy Foot... ils en font ici, vous devriez demander."

S'adossant au mur d'enceinte sans décroiser les bras, Mara eut un air satisfait d'avoir découvert les origines de la jeune femme à sa physionomie. Elle avait fait une école de commerce, et se trouvait être polyglotte. Elle avait voyagé ça et là, dont récemment en Corée du Sud. Mais cela, elle n'en parla pas non plus. Mara ne parlait pas d'elle, elle préférait écouter. La rousse apprécia à la dérobée les rougissement de l'asiatique en semblant un peu plus détendue, plus accessible, mais se tendit imperceptiblement lorsqu'elle vit la surprise de cette dernière et son air choquée, étonnée elle-même de voir une jeune personne s'étonner autant d'une chose devenue presque banale avec le temps.

"Euh, comment vous dire...", elle chercha ses mots, pétrifiée par l’innocence de Min, "je n'ai pas d'amies, je n'en veux pas."

Visiblement, les mots de Min allaient plus vite que sa pensée et d'un coup, la stryge se raidit, quittant le mur pour s'éloigner un peu, comme sur le qui-vive. Un réflexe naturel, cette crainte d'être heurtée par les autres. C'était plus fort qu'elle.

"Non, je ne les touche pas", affirma-t-elle sur un ton plus rogue, plus dur, "sauf si c'est leur désir."

Le timbre plus tendu, Mara sembla soudain moins sympathique, sans devenir agressive ; quelques choses dans ses yeux clairs semblaient tirer une étrange sonnette d'alarme, craignant quelque chose. Elle avait la peur animale d'être jugée mais ne savait, pour se défendre, que gonfler son plumage comme un oiseau effarouché.

"Soyons claires : je voulais vous proposer un cocktail sans alcool pour vous faire goûter, mais ne vous faites pas d'idées. J'aime les femmes, mais je ne suis pas un prédateur sexuel comme tous ces porcs qui nous touchent sans notre consentement. Je ne drague pas toutes les femmes que je croise..."

Une bien pauvre vision de l'homme conduisait Mara à monter rapidement sur ses grands chevaux alors qu'elle n'en avait jamais connu aucun. Ton ton était monté sans qu'elle décide de s'en excuser, croisant à nouveau les bras comme une dérisoire défense à un danger absent, pour se donner de la contenance.

Certaines filles étaient faciles à distraire ou à recadrer, sans avoir l'air de le faire. Min semblait être de ces femmes-là, volubile sans le vouloir, dispersée dans en avoir l'air. L'instant d'avant elle cogitait à quelques questions profondes, l'autre, après avoir parlé de cocktails à l'orange, elle fut partie sur de la curiosité saine. Mara avait cherché dans sa mémoire le nom de quelques cocktails sans alcools à base de jus d'orange, que semblait adorer Min ; il n'était pas difficile de trouver une boisson au goût de chaque femme : cela révélait un peu de leur personnalité, pour Mara. Une touche de jus d'orange pour une personnalité fraîche, mais passionnée. L'orange est un fruit immature, mais qui s'accorde toujours avec les autres ingrédients, conciliant, sachant se faire discret. Elle aimait ce genre de métaphore.  La rousse serait plutôt un Bitter Spritz : de l'eau gazeuse pour la vivacité, du vin blanc sophistiqué et du Campari au goût très amer, liqueur de couleur rouge vif, parfumée avec de l'écorce d'orange et diverses herbes aromatiques, sur un lit de gros glaçons pour refroidir le tout et que jamais le liquide ne touche le fond du verre.

Elle sourit face à la méconnaissance de l'asiatique, y trouvant quelque chose de rafraîchissant, de réconfortant. Cependant m'ambiance change rapidement de cap lors de la révélation franche et insouciante de Mara. Elle recula d'un pas, comme rendue méfiante par l'air de surprise de la jeune femme, montant alors sur quelques grands chevaux en se comparant à une faune masculine des plus critiquée, imaginée comme de grands ogres mangeurs de jeunes cuisses féminines. La rousse n'avait jamais connu d'hommes, et les fuyait sans trop savoir pourquoi. La réaction de Min face à elle lui rappela sa propre crainte face au sexe dit "fort", ses propres fuites. Les yeux grands ouverts de surprise, Mara sentit la colère lui monter au nez en sentant la peur de Min. N'avait-elle pas écouté, cette stupide dinde ? Elle n'avait pas écouté, non, toute dédié à sa crainte de la différence qu'elle ne comprenait visiblement pas. Lasiatique jeta un oeil à l'entrée de la boite de nuit, comme si elle se sentait prise au piège ; c'était affreusement vexant et n'ayant pas prévu ça, Mara resta bouche bée, absolument silencieuse.

Pourtant, la peur sincère de la jeune femme lui noua la gorge, instillant une tristesse infinie en elle. Son teint devint cireux, ses yeux portaient avec eux un regard blessé et contus. Toute cette incompréhension la faisait presque suffoquer et au fond de sa poitrine, comme une vieille horloge capricieuse, son cœur mort avait offert quelques sourds battements d'émotion. La stryge serra les dents, serra les poings et se retint de pleurer, autant qu'elle le pouvait. Combien de fois avait-elle eu droit à des démonstrations d'homophobie ? Elle ne les comptait plus mais celle-ci... de la peur, aussi forte, aussi claire... les larmes vinrent à ses yeux clairs sans qu'elle le désire, bien plus touchée qu'elle ne voulait se le figurer.

"Oh, pitié", vociféra la rousse, "je ne vous veux aucun mal. Je n'ai aucune envie de vous toucher...."

Elle avait reculé d'instinct, particulièrement blessée et agitée tout d'un coup, préférant se retrancher en arrière. Elle préférait l'idée de partir, plus triste qu’agacée mais ne désirant pas montrer de faiblesse malgré les larmes qu'elle essuya dignement du dos d'une de ses mains, le visage devenu écarlate.

"Ce qui n'est pas normal... ce qui l'est.... je n'en sais rien et j'imag...."

Sa phrase fut arrêtée toute nette par le videur de tout à l'heure qui avait aidé Min à sortir de la boite de nuit, ouvrant la porte dans un grand fracas en ayant entendu la jeune femme supplier qu'on ne la touche pas. Il se fit rapidement sa propre idée de la situation en saisissant Mara par le col de son veston pour la décoler un peu du sol et la pousser loin de l'asiatique, avec un air décidé. La rousse en réagit pas tout de suite, assommée par cette arrivée éclair et la brutalité ferme de l'empoignade de l'homme.

"Qu'est-ce que tu lui as fais ?"

"Je....", balbutia Mara, les yeux grands comme des soucoupes, "... rien !"

Elle, la stryge, aurait ou le broyer en un instant. Renverser sa tête dans un angle impossible, briser tous les os de son corps ; elle n'en fit rien. Au lieu de quoi, elle se laissa molester sans rien dire, recevant injustement une claque au visage avant d'être jetée dans l'arrière de la ruelle, contre un tas de poubelles malodorante. Le videur la pointa du doigt, hargneux, tandis qu'au sol, la rousse se releva en se tenant la mâchoire, un peu sang coulant de son nez.

"Va donc jouer ailleurs, et arrête d'ennuyer la demoiselle...", il se tourna vers Min, l'air rassurant, "ça va aller ?"

La stryge ne dit rien, se contentant de rassembler ses esprits sans colère, décidé à ne pas faire de vagues même si elle n'avait absolument rien fait. Elle n'avait pas eu les circonstances pour elle et n'avait pas envie de se battre ; jamais. Au lieu de quoi, elle préféra soupirer lourdement en retrouvant sa lucidité et tourner les talons sans animosité, même si la situation était injuste. Elle avait fait peur à Min, même sans le vouloir, même si elle n'avait pas fait le moindre mal. Mara ne voulait faire de mal à personne, surtout pas à une femme. L'air affaissée, elle fit comme on lui demandait : elle tourna lentement les talons pour aller jouer ailleurs...

Même si tout cela était affreusement injuste et qu'elle avait envie de hurler de rage, bien plus blessée moralement que physiquement.