La stryge devait s’habituer à cette ville qu’elle découvrait à peine. Mais elle ne doutait pas une seule seconde de s’en sortir parfaitement. Elle avait déjà trouvé où vendre ses articles en tant que journaliste. De toute manière, sa petite réserve d’argent serait bien suffisant pour vivre sans aucun encombre. Mais cette nuit elle voulait chasser, elle voulait le goût soyeux du sang sur sa langue, rien de mieux pour se sentir ensuite comme un poisson dans l’eau. C’était du moins l’idée générale qu’elle avait. Elle se baladait dans le quartier populaire, sondant la foule du regard. Elle se rendait bien compte des regards sur elle, mais n’y prêtait que moyennement attention. Angélique tenait une brochure d’une agence immobilière. Elle voulait habiter non loin d’Aétios pour mieux le reprendre. C’était un plan complètement tordu, mais un plan digne d’elle. Elle ne comptait absolument pas se laisser faire par la vie et par cette foutue louve qui prenait sa création. La blonde rangea la brochure dans son sac à main qui faisait plus décoration qu’autre chose, se pinçant les lèvres. Un geste qu’elle stoppa rapidement car cela risquait de lui donner des rides au coin de la bouche… Blague mise à part, elle faisait toujours attention à rester impeccable.

Les températures douces de la saison l’avaient poussée à arborer un pantalon en jeans et un pull assez épais pour qu’elle n’ait pas froid. Ses cheveux étaient laissés lâches et battaient ses épaules tandis qu’elle ne marchait ni trop vite, ni trop lentement. Il n’y avait que les femmes d’un passé bien lointain qui soignaient encore leur manière de paraître, les autres semblaient s’en ficher. Si cela leur permettait de mieux vivre cette vie, Angélique s’en ficherait. Parfois elle regrettait son époque, son temps, mais clairement pas les maltraitances qu’elle avait subies. La stryge enferma tous ses souvenirs sombres dans un coin de sa mémoire. Elle ne voulait pas y penser, elle ne voulait pas que son esprit fissuré souffre davantage. Alors elle cachait tout au fond de son esprit, menaçant de se pourrir la vie avec cela, mais elle s’en fichait bien. Angélique était habitée par le désir étrange de vouloir vivre, quelle ironie franchement. On aurait pu croire qu’elle aurait décidé de se pendre au bout de quelques années, mais jamais elle n’avait été de ce genre-là. Elle avait eu sa fierté la stryge et ceci depuis sa vie d’humaine.

Sans même s’en rendre compte, elle suivait les odeurs appétissantes des gens, tôt ou tard elle espérait tomber sur quelqu’un de paumer et ainsi assouvir ses pulsions sur cette dite personne. Cela ne la dérangeait absolument pas d’agir ainsi, après tout c’était sa nature profonde, elle était un monstre et rien d’autre. Angélique se glissa dans un pub irlandais, décidant que c’était ici qu’elle trouverait une victime. Elle était toujours sidérée par ce qu’elle ressentait dans certains lieux, la présence presque étouffante des autres créatures, dont des faës. La blonde s’accouda au bar et demanda une petite blanche tout en regardant autour d’elle. Son regard accrocha certains regards masculins et elle fit un sourire timide, baissant les yeux en signe de timidité. C’était bien connu, les hommes avaient souvent tendances à plus vite céder quand la femme semblait fragile et avoir un grand besoin de testostérone, bande de mufles va. Sauf qu’elle sentit la présence d’une autre stryge et Angélique tourna la tête vers cette énergie, plissant les yeux.

Elle n’aimait pas partager ses parties de chasse, clairement. Elle le reconnut dès qu’elle vit sa chevelure claire et ses yeux encore plus claires. Angélique fit un sourire mutin, Nils. Il était aussi fou qu’elle et elle l’appréciait. Enfin attention, apprécier était un bien grand mot qu’elle utilisait rarement. La stryge quitta le bar et d’un pas élégant, s’approcha de la stryge mâle. Elle glissa son bras sous le sien et de manière charmeuse, rapprocha sa bouche de son oreille. « Nils, cela faisait si longtemps. » La dernière fois ils s’étaient croisés dans un autre pays, elle à la recherche d’Aétios et lui… Elle ne savait même plus. Angélique recula la tête et redressa légèrement le museau pour pouvoir mieux le contempler et donner ainsi l’illusion qu’il lui avait manqué. Ou peut-être ne simulait-elle pas, elle n’en savait rien. C’était complètement le bordel dans son tête..

Ne nous mentons pas, ça n'allait plus réellement pour Nils. Il avait fait un petit nombre de conneries qui le mettait mal à l'aise. Enfin, ce n'était pas les conneries qui le gênait. Sans rire, il en faisait tout le temps -Même si tuer une gamine était peut-être la plus grosse qu'il ai faite-. Enfin, la question n'était toujours pas là. La question c'était il pouvait faire quoi pour se sentir mieux? Être une Stryge n'était pas tous les jours facile à vivre. Et pourtant ceux qui en étaient se faisait un plaisir de vivre comme il pouvait. Si comme il pouvait était un petit mot. Parce qu'ils vivaient tout de même plutôt aisément. Oui oui Nils enchaînait des contre pensées à longueur de temps ces jours derniers. Mais bon, comme il n'y avait personne pour l'arrêter ça ne le gênait pas lui même. Passant une main sur son visage il chercha un moyen de s'occuper ce soir. Tiens, il ne s'était pas rasé... Marre de passer pour un déchet, il fit un tour dans sa salle de bain pour attraper son rasoir. La vache elle lui manquait l'époque où ils avaient des barbiers qui bossait beaucoup mieux que lorsqu'il était question de couper soigneusement une barbe.

Haussant un sourcil plutôt surprit de lui-même il se regarda dans le miroir un bon moment. La vache... Il venait de prendre un sacré coup de jeune. Retirez lui... Hm... Cinq ans. Ha... Ironique pour un mec immortel en fait. Le physique ça changeait beaucoup de choses. Et Nils avait la chance de se considérer comme pas dégueulasse. Et les gens qui lui étaient tournés autour devaient sûrement en penser de même. Comment s'appelait-il... Le Stryge qu'il avait rencontré il y a quelques temps déjà... Willy. Ouais, ça lui faisait pensé à une baleine c'était bien ça. Et bien Willy. Où était-il d'ailleurs? Quel avait été son positionnement dans les derniers événements au passage? Oh et si il était mort? Bah... Ça faisait qu'une autre personne sur le tas des gens perdus. Après tout ils n'avaient fait que passer quelques bons moments ensemble. A vrai dire Nils ne le pleurerai pas. Ceci dit, ce n'est pas comme si il pleurait encore. Il n'avait plus pleurer depuis la seconde guerre mondiale... Croyez-moi ça avait été légèrement éprouvant comme moment de l'histoire. Et encore il avait lâcher une larme une seule fois. Les autres il avait fait avec. Il faisait toujours avec... Le temps ça réglait tout très facilement aussi.

Et puis Nils avait eu l'idée du siècle. Celle qui l'avait fait sourire parce qu'il n'avait aucune envie de rester chez lui à se languir. Il avait faim. Alors la Stryge avait fait comme à chaque fois qu'il avait faim, il avait poussé la porte et était sorti prendre un verre. Avec un peu de chance il trouverai bien un peu de sang frais. Et en effet. Au bar il croisa une jolie femme. Elle était assez ravissante et amicalement, l'homme lui proposa un verre. Avec empressement elle accepta, sortant une excuse d'une style "C'est vrai il fait chaud" ce qui eu relativement le don de lui faire lever les yeux au ciel. C'était possible d'être aussi bête ?

Tirant légèrement sur son bras qui craqua, l'homme secoua doucement la tête. Est-ce que un "Il était trop vieux pour ces conneries" passait bien dans une telle situation? Mouais, plus vraiment en fait. Hochant la tête une nouvelle fois en faisant mine d'être intéressé, Nils soupira discrètement. Quelle idée il avait eu d'aller chasser un boulet comme celui-ci. Puis finalement on vint lui crocheter le bras, pour glisser quelque chose à son oreille. Un petit sourire apparut sur son visage tandis qu'il tourna son regard vers la demoiselle. « Angélique ... En effet, un long moment. » Il sourit en se détournant de la personne avec qui il parlait dernièrement. Angélique. Disons "qu'un moment" était extrèmement petit. Ça faisait plus de quelques centaines d'années qu'ils ne s’étaient pas croisés. La madame qui portait si mal son prénom. Enfin, il lui allait bien mais il ne s'accordait pas trop avec son caractère...« Que me vaut l'honneur de ta présence dans cette ville »

Le temps s’écoulait différemment pour des créateurs comme eux. Angélique avait l’impression que cela faisait à peine une semaine que leur chemin s’était séparé et les voilà à nouveau face à face. Sauf que cela faisait des centaines d’année qu’ils ne s’étaient pas vus. La stryge n’était même pas étonnée qu’il se détourne de l’humaine pour lui parler à elle. C’était tout à fait normal selon elle. Elle avait la beauté après tout pour elle, plus belle qu’une simple humaine qui se fanait année après année. Elle souriait avec pudeur et en baissant légèrement les yeux en signe de soumission comme on lui avait appris des siècles auparavant. Elle était née à une époque où la femme n’avait aucun droit, une fabrique à bébé, rien de plus. Cela n’empêchait pas Angélique d’avoir un sacré caractère, elle le cachait derrière des manières Cela n’empêchait pas les autres stryges de savoir qu’elle était une stryge qui mordait et n’hésitait pas à abattre les autres. Il fallait se faire respecter un minimum, ou être folle, comme elle. Elle ne se rendait même pas compte que son comportement était anormal et inquiétant. Cela lui passait complètement au-dessus mine de rien. Peut-être devrait-elle y faire plus attention, mais elle s’en fichait un peu pour le coup. « Je cherche quelqu’un et toi ? » Elle le détailla attentivement, admirant la beauté qu’il était.

Elle n’hésitait jamais bien longtemps à faire sentir aux autres qu’ils étaient importants à ses yeux. Ils n’étaient pas forcément importants de la manière dont ils pensaient, mais elle ne le précisait jamais. « Tu t’es rasé. » Sa manière à elle de dire qu’il était admirablement beau mine de rien. Ce n’était pas rien venant d’elle. Angélique sentait bien le regard des humains envieux, mais aussi celui méfiant de certaines créatures. Cette ville était remplie de créatures tout aussi étranges que les stryges. Angélique redressa légèrement les épaules et regarda Nils. « Je ne pensais pas que cette ville était si peuplée, même si j’avais entendu des rumeurs. » Elle parlait des autres créatures magiques, même si magique n’était pas le terme qui convenait, bien loin de là. Surnaturel n’était pas un mot qui lui convenait, mais il était déjà mieux dans son esprit. Oui elle avait tendance à se faire des nœuds dans la tête toute seule, pour passer le temps ou occuper son esprit tourmenté. Bien entendu, cela était fait inconsciemment et dans l’idée de survivre toujours plus longtemps pour atteindre ses buts. Rependre le mal ? Non ce n’était pas une méchante de dessin animé, mais il y avait de l’idée.

« Tu chassais ? » Sa question n’était pas si innocente compte tenu du fait qu’elle aussi chassait, sauf qu’elle garda cette information pour elle. Il n’avait pas forcément besoin d’être devin pour savoir qu’elle chassait. La belle blonde avait envie d’aller mordre dans bien des jugulaires, mais prenait sur elle, restant au bras de Nils comme une belle potiche. Elle ne se gênait pas d’être collée à lui, collant ses courbes contre les siennes. Elle ne le draguait pas. Ils se connaissaient suffisamment pour savoir ce qu’il en était. Bien entendu Nils était beau, difficile de le nier, mais Angélique n’était jamais d’humeur à le draguer quand elle le croisait. A croire qu’elle était sans cesse en rogne. Oui un peu, voire énormément. Mais la vie l’avait façonnée ainsi, faisant d’elle la main du mal. C’était du moins ce qu’elle se plaisait à croire quand elle réfléchissait sérieusement à la question. De toute manière Angélique n’avait aucunement dans l’optique de devenir une gentille fille, bien loin de là, plutôt se pendre. La gentillesse était source de faiblesse selon elle. Son maître le lui avait suffisamment répété pour qu’elle l’intègre bien.