Histoire
Elle disait plaisamment de la religion et des lois, que c'était une paire de béquilles qu'il ne fallait pas ôter à ceux qui avaient les jambes faibles.
« Mon cher trou-du-cul de Darwin… laisse moi te dire, que tu poses trop de question. Ferme là tu veux ?! Nan ? Je te fais la tête au carré alors ... ou une brouette thaïlandaise dans ta rotule ? Le piquant-yakitori sauvage dans ta face ? Je te prévient c'est excessivement douloureux. Bien… je savais que tu étais une chiffe molle de trouillard. Couché… COUCHE ! Parfait… Bref, tu veux savoir quoi exactement ?Tu sais, ma vie avant le cirque - et non pas ma vie avant toi, ne sois pas nombriliste !- n'était pas vraiment épanouissante. Tu en connais déjà l'essentiel en plus... puisque tu en fais malheureusement parti depuis si longtemps que j'ai même du mal à croire que c'est pas toi le gros gosse baveux et chauve qui jouait avec moi au bac à sable. Et contrairement à toi mon pauvre ami, je ne m'aime pas suffisamment pour enregistrer mes mémoires. Par contre, les miennes sont identiques aux tiennes sur un point : tous le monde s'en branle ! »Ottawa, Canada
8 février 1994Echappant de justesse à la main de son beau-père qui avait tenté de se refermer sur son bras, Willow remuait telle une anguille entre le canapé et l’imposante table du salon pour filer loin d’une éventuelle prise. Certes, elle n’aurait pas dut se trouver là. Comme toujours, la jeune fille trouvait le moyen de s’attirer des ennuis, de se retrouver à espionner les conversations de sa mère sans aucuns scrupules. Depuis longtemps, elle avait compris qu’en observant et écoutant les adultes, il serait bien plus facile ensuite d’échapper à leurs vigilances en lançant quelques informations délicates grappillées de ci de là. Surtout quand sa mère tentait encore de lui imposer des leçons d’Alchimies dont elle n’avait que faire… Mais cette fois, elle s’était fait avoir à son propre jeu.
« Il suffit jeune fille ! Revient ici… Willow ! » Même sa mère ne tentait même plus de lui courir après… lui par contre, n’avait toujours pas compris que c’était parfaitement inutile, et tentait parfois de lui imposer sa volonté de vieil alchimos décérébré. Sans perdre une seconde, Willow avait bondit hors de son périmètre. Pourtant son beau-père tentait toujours de la rattraper, si bien qu’elle se retourna violemment vers lui.
« Laisse-moi tranquille où je t’arrache les yeux, tête de cul !! » Crachant son langage fleuris à point dans la cage d’escalier, il sembla cette fois-ci, parfaitement stupéfait de la voir dans un tel état de rage… Que croyait-il ce gros tas de conneries ? Qu’elle serait parfaitement ravie d’apprendre que son père, son véritable papa, et celui qui l’avait aimé réellement depuis sa naissance, était mort depuis presque deux mois ? Et que personne… surtout pas cette créature monstrueusement avaricieuse et malveillante qu’était sa génitrice, n’avait pris la peine de s’en trouver attrister. Et encore moins d’annoncer cette nouvelle, qui était un supplice, à ses enfants.
« Si tu ne le laisse pas, je te jure que je t’éviscère ! » Reculant d’une marche, le beau-père plissa les yeux. Il n’était pas effrayer… pas le moins du monde. Mais peut être que pour une fois, et devant le regard suppliant et désespérer de la jeune fille, il comprenait qu’il n’était plus temps d’exercer son ‘autorité’.
Une fois certaine qu’il la lâcherait, Willow reprit sa course dans l’escalier, parcourant les couloirs de la maison familiale… Familiale. C’était tout sauf une résidence chaleureuse ou régnait l’amour et le respect. Mais c’était là qu’elle vivait avec la génitrice et son nouvel idiot de mari, ainsi qu’Anthéa et Oreste. Et c’était dans la chambre de ce dernier qu’elle courrait sans même reprendre son souffle. Elle claqua la porte une fois à l’intérieur, cherchant son frère, mais hurlant avant même de le voir à assit son bureau.
« Je le savais ! Je le savais Oreste ! Je t’avais pas dit que quelque chose n’allait pas ! Qu’il était arrivé quelque chose de grave ?! » Willow s’agitait dans tous les sens, mais ce n’était pas quelque chose de très original venant de sa part… C’était une gamine caractérielle et parfaitement intenable, dont les émotions débordaient sans cesse. Alors, même Oreste qui pourtant la couvrait d’une attention toute particulière, ne prit pas la peine de relever le nez à cet instant.
« Qu’est-ce qu’il y a encore la sauterelle ? » Sur quoi travaillait il ? Willow l’ignorait, et elle s’en fichait totalement. Elle était là, tremblante de rage, les yeux humides et le regard dément à rechercher le sien.
« Il y a que papa est mort ! Voilà ce qu’il y a … Il est mort depuis un putain de long moment… et Flora nous a rien dit… » Elle avait crié de plus belle, pour extérioriser cette douleur ignoble qui la frappait de plein fouet à l’idée que Lester n’était plus là. Qu’il était mort depuis longtemps. Qu’il ne reviendrait plus. Qu’il ne serait plus là pour lui raconter ses histoires débiles, mais tellement amusantes… Il était mort seul, loin de ses enfants, et ces derniers avaient jusqu’alors ignorés sont sort…
« Parce que c’est comme si il existait pas tu comprends ? Pour elle… putain elle est folle… elle est folle… je veux qu’elle meure Oreste. Et que papa revienne… » Une chose impossible, mais un vœux à la sincérité si intense que si elle avait été pourvu d’un don d’illusion, il se serait certainement ancré dans la réalité.
« Papa est mort ? » Cette fois, Oreste avait levé le nez… qu’il avait gros d’ailleurs. Mais cette fois ce n’était pas le sujet. Plongeant un regard à l’expression clairement bouleversé dans les yeux interrogatif de son frère, Willow garda le silence. Non, ce n’était pas une blague, c’était malheureusement un fait. Et elle s’était alors mise à pleurer sans un bruit, tombant assise sur le bord du lit de son frère. Mais ses forces la quittèrent presque, sa volonté aussi, si bien qu’elle glissa contre le lit pour se retrouver les fesses à terre, hagard. Et Willow se mit à hocher la tête frénétiquement pour répondre positivement à la question de son grand frère. Presque immédiatement, il se leva, et quitta la pièce. Certainement pour aller vérifier l’information auprès de Flora… mais il semblait presque titubant. Alors Willow ne lui en voulut pas de la laisser seule. Bientôt, Anthéa rentrerait à son tour, et il faudrait aussi le lui apprendre. Mais en attendant, Willow fixait le sol avec frénésie, cherchant à fixer son regard qui restait flou à cause des larmes qui pourtant refusaient presque de couler. Et puis, après un très long moment, elle parvint enfin à murmurer.
« Papa est mort… » Et la fatalité de cette phrase déchaina une haine plus profonde encore qu’elle n’avait jamais encore ressentit pour sa mère.
***
« Mais tu sais gros lard, j'ai quand même des secrets ! Et ouais... là je sens que je t'en bouche un coin. Tes facultés de Stryge sont si minable en comparaison de mes si grands talents d'Alchimiste ! Rigole pas ... putain mais non arrête de te marrer c'est sérieux pour une fois. Darwin !! Bon tant pis... tu resteras dans l'ignorance, et je garde mon secret pour moi. Ca fais mal hein... couine un peu pour voir ? Fais le beau ? Aller supplie moi... alleeeeeeeeeer juste un peu ! Bon alors dis juste 'S'il te plait'. Vas-y c'est pas compliqué... 'S'iiiiil teeeeeee plait !' Et bah tu vois comme quoi t'es pas aussi bête que moche ! »Ottawa, Canada
24 août 1998A regarder Anthéa faire, il semblait à sa jeune sœur qu’elle était faite pour être maman. La maman de Flynn. Elle savait y faire avec lui … Le bercer, lui chanter quelques airs, le cajoler comme si c’était la chose la plus naturel du monde. Et cela, alors que la mère du petit elle, n’arrivait même pas à le prendre dans ses bras sans vouloir immédiatement s’en débarrasser. A vrai dire, Anthéa semblait être la créature la plus parfaite que l’on puisse croiser. Elle avait cette sorte de faculté à rendre les choses belles, et tout à fait simples. Même gérer un enfant, alors qu’elle-même était relativement jeune encore. Deux ans, c’était le temps qui séparait les deux sœurs. Et pourtant, Willow était bien loin d’arriver à la cheville d’Anthéa. Dans un coin du salon et ayant investi la banquette du bow window, la jeune femme de 17 ans, désormais mère, avait toutes les peines du monde à trouver une assise confortable. Que cela soit les séquelles de son accouchement, ou la grande nervosité qui la rongeait alors. Sa décision avait beau être prise, elle n’en restait pas moins difficile, et l’annoncer était un fardeau dont Willow se serait bien passée. Mais si elle avait un don peu commun pour fuir les obstacles plutôt que les affronter, il y avait des situations que la jeune Deslauriers savait ne pas devoir négliger. Anthéa dorlotait le nourrisson, mais bientôt elle jeta un regard rapide à sa sœur et lança sans retenues.
« Un souci Will ? Tu as l’air d’avoir les fesses posées sur un tas de punaises. » Oui, c’était sans doute le cas. Répondant d’abord par un regard noir, évitant de préciser que ce qu’elle ressentait au niveau de son arrière train ressemblait fort à cela, Willow tira méchamment sur les manches de son pull.
S'était le moment... celui de prendre enfin la parole tandis que l'enfant était encore calme et ne réclamait pas toute l'attention de sa tante, qui le berçait calmement. Mais comment faire ? Comment avouer à Anthéa qu'elle allait s'en aller... et à Oreste, par extension, même si ça l'effrayait bien moins. Qu'elle allait, ou qu'elle désirait s'en aller. Prendre le large, et laisser derrière elle cette famille qu'elle aimait, mais dans laquelle Willow n'était jamais parvenue à trouver une place qui lui convenait. Plus encore maintenant qu'il y avait un bébé. Son bébé... Mais le rejet dont elle faisait preuve envers Flynn démontrait bien qu'elle n'était pas prête et ne voulait aucunement faire d'efforts. Willow avait peur. Peur d'offrir une vie misérable et si peu d'affection à cet enfant qu'il deviendrait plus malheureux encore qu'elle ne l'était elle même. Si il y avait bien quelque chose qu'elle souhaitait effacer de sa vie un moment, c'était bien sa famille...
« Anthéa ? » Pas plus fort qu'un souffle, elle avait appelé sa sœur, relevé es yeux vers elle pour les baisser dès qu'elle croisa le regard d'Anthéa. Cette fuite... toujours. Une attitude qui ne la quittait pas depuis quelques mois, et que Willow savait bien faire parler à sa place. Du moins, avec Anthéa, car elle n'avait jamais vraiment besoin d'entendre quelque chose pour le comprendre.
« Hum ? » Un soupir plein d'angoisse parvint enfin à sortir de la gorge de Willow, suivit d'un sanglot qu'elle eut toutes les peines du monde à retenir... D'un coup, elle éclatait en pleure et tentait de se maintenir un peu hors de l'eau... sans succès.
« Je suis désolée je... j'arrive pas... à... » Et Willow pleurait de plus belle... Quelque chose bloquait. Non pas la peur de se retrouver seule dans ce monde, d'avancer sans Anthéa, sans Oreste, et sans les quelques personnes qui avaient eu de l'importance dans sa courte vie. Non s'était autre chose... c'était un peu le réconfort de sa conscience que Willow cherchait ainsi. L'approbation d'Anthéa. Mais c'était une chose difficile à demander. Parce que si sa sœur se montrait rude, n'acceptait pas sa décision, alors Will' resterait sans doute... pour vivre une vie qui l’étouffait déjà. Cette oppression l’empêchait presque de respirer, alors que les sanglots la secouaient encore et qu'elle parvenait à reprendre son souffle avec difficulté. Et puis, Anthéa lui offrit un geste aimant, doux, qui eut le don de surprendre sa petite sœur, mais aussi de la calmer presque instantanément. Elle prit sa tête, avec lenteur, pour la poser sur ses genoux et caresser les cheveux de Willow d’une manière si rassurante, que les sanglots cessèrent. Et même si les larmes coulaient encore des yeux de la jeune mère, il lui semblait alors qu’il était désormais moins pénible de respirer.
« Je sais exactement ce que tu vas me dire Will. Depuis longtemps d’ailleurs, je le sais. Tu vas partir, c’est ça ? » Même si Willow avait été épaté par la clairvoyance de son ainée, elle hocha doucement la tête pour acquiescer. Oui, elle allait, et devait partir… C’était bien plus qu’un besoin, c’était une vraie nécessité. Et maintenant qu’Anthéa avait prononcé ces mots-là, c’était limpide. Il lui fallait partir, même si cela ressemblait à des allures de fuite. Willow ne pourrait pas supporter ce destin, cette famille, ce bébé… C’était impossible. Jusque dans les pores de sa peau, elle refusait de s’imposer cette vie-là.
« Oui… » Pas la force de dire d’avantage, ou pas le courage, surtout. Mais Anthéa qui après avoir gardé une certaine immobilité dans la réflexion, s’était remise à caresser les cheveux de sa sœur, lui en donna sans le savoir.
« Ce ne sera pas éternelle petite sœur. Prend le temps qu’il te faut… Je m’occuperais de Flynn en attendant ton retour. » Fermant les yeux, profitant encore un peu de la chaleur que lui apportait Anthéa, Will’ soupira lourdement.
« Merci. » A Oreste, elle ne dirait rien. Ils s’entendaient bien, mais il était loin d’avoir la perspicacité nécessaire pour la comprendre… Alors oui, elle partirait sans un mot, et reviendrait sans doute avec bien plus d’aplomb qu’elle ne l’avait quitté.
***
« Et après… bah après je sais pas quoi te dire mon lardon, en vérité la suite des évènements tu l’as vécu avec moi. Ou presque. Enfin c’est vrai pas avant que tu me sauve des griffes d’un stryge trop moche pour qu’on lui parle, histoire de tenter de me bouffer ensuite… -sache d’ailleurs que c’était l’expérience la plus lamentable de ma vie… mais bon- mais en gros, tu étais là pour les moments les plus importants de ma vie. Genre, quand je me suis fait arrêter par les flics parce que j’arnaquais les gens et Bonnetau à Miami… où quand on mimait des coïts dans la caravane du laidron qui put pour lui attirer des nenettes… c’était marrant quand même ! Et puis, tu étais là quand je me suis mariée, en robe style abat-jour… même si tu tirais une tronche de flan. A ce propos je te propose désormais la carte fidélité du témoin, puisque clairement je ne vais pas me marier qu’une ou deux fois… »Bâton Rouge, Louisiane
23 mars 2007Devant ce spectacle désolant, Willow poussa un très long soupir qui lui fit gonfler les joues comme un ballon de baudruche. C’était plus que désolant d’ailleurs, c’était accablant. Car n’importe qui dans sa situation aurait été paniqué et aurait eu la jugeote d’appeler les pompiers, l’armée de l’air, la garde nationale des États-Unis, ou un troupeau de Républicains attardé pourquoi pas… Mais d’appeler quelqu’un quoi. Au lieu de cela, la jeune femme restait à contempler sa caravane prendre feu avec plus d’ampleur à chaque seconde, se contentant de placer les mains sur ses hanches et de hocher la tête d’un air désolé. Il devait être 3 heures du matin, si bien que les flammes envoyaient des braises rougeoyantes dans le ciel de la Louisiane. C’était presque beau en vérité. De voir ces particules ardentes s’élever comme autant de lucioles pour virevolter joyeusement. Ça aurait été presque beau, s’il ne se trouvait pas quelqu’un à l’intérieur de la caravane, et dont les particules pouvaient provenir…
Etrangement, les craquements de l’incendie ne rameutèrent qu’une personne. Les autres membres de la troupe du cirque semblaient tous dormir, ou alors… ne se souciait guère du sort du mari de Willow. Et à en croire sa réputation, son comportement, c’était vers cette dernière supposition que penchait Willow. Sean avait beau posséder un charisme incroyable, être doté d’un talent d’orateur particulier, il n’en restait pas moins un parfait connard. Dangereux, infect et sans limites. Sauf que des limites, Willow en possédait, malgré tout le mal que l’on pouvait penser d’elle. Alors, lorsqu’elle avait appris de la jeune Charlotte, que Sean avait usé de ses charmes et abusé de la naïveté de cette toute nouvelle demoiselle, la colère glaciale qui l’avait saisi n’avait pas suffi à amoindrir la démesure de ses représailles. Il flambait désormais parmi les quelques affaires qu’avait jusqu’alors possédé le couple que formait jusqu’alors Willow avec ce type. Un an de mariage seulement, et pourtant la fumée était épaisse…
« Tu vas foutre encore un bordel, Willow… t’imagine pas. Les flics vont tomber sur le cirque. Je ne sais pas si je dois te féliciter de ton geste, ou alors t’égorger pour les efforts que tu vas me forcer à fournir pour réparer cette connerie… » Elle ne fit même pas attention à lui. Darwin vint se placer presque contemplatif à son tour, et observa la caravane d’un air fort contrarié. Pourtant, il n’avait pas l’air si mécontent que cela, au contraire. Et depuis le temps Willow savait presque sans le regarder, quand elle avait du souci à se faire. Ce n’était pas le cas. Darwin approuvait, totalement. Elle en était persuadée.
« De toute façon il devait être tellement plein d’alcool qu’il a brûlé presque spontanément alors… si sa se trouve, ils trouveront rien. » Elle lui adressa un très bref regard, où filtrait une certaine malice, et l’assurance que les flics ne trouveraient rien. Et si c’était le cas, elle s’amuserait encore à rependre son hypnose partout, comptant aussi sur les talents de Stryges de Darwin pour l’aider à faire le ménage dans les cerveaux de ceux qui se penchaient sur cette affaire de caravane incendiée.
Un long silence fit alors place, alors que peu à peu, quelques membres de la troupe virent les rejoindre sans vraiment s’alarmer de la situation. Les plus curieux sans doute, même s’ils ne devaient pas se douter que Sean se trouvait à rôtir à l’intérieur. Et puis, Darwin reprit la parole en se penchant vers Willow. C’était affreux, comme il puait la mauvaise blague à 10 kilomètres…
« Tu sais comment on appelle un nain qui brûle ? » Willow leva les yeux au ciel, mais laissa dans le même temps, un sourire étirer le coin de sa bouche.
« C’était pas un nain… c’était un minable, nuance. » Darwin lui, ne prit même pas la peine de relever et lâcha immédiatement.
« Un nain-cendie ! » Et il partit dans une sorte de semi-esclaffade, à côté d’une Willow parfaitement décédée intérieurement. Jusqu’au moment où une toux indignée l’interrompe. Devant Darwin se tenait une personne de petite taille, en pyjama et bonnet de lui… le ‘nain’ de la troupe, un cliché effarant mais qui semblait tenir à Darwin.
« Ouais désolé Jimmy, c’était vraiment moche de ma part… » Le Jimmy en question secoua la tête d’un air chagriné, et s’en alla en jurant après avoir jeté, de rage, son bonnet de nuit à terre… Ce geste parfaitement singulier déclencha l’hilarité des deux compères, qui après avoir désespérément tenté de rire en silence, éclatèrent de rire en se tenant l’un l’autre comme pour se maintenir debout mutuellement. Et la caravane elle, brûlait toujours.
***
« Ok… je sais ce que tu vas me dire. ‘Willow j’avais raison ! Le deuxième il était aussi périmé que le premier' mais non mon grand tu te fourre le doigt dans le … nez. Le deuxième… c’était pas pareil, comme toujours c’est moi qui déconne. Mais je te jure que le prochain, la première question que je lui pose, c’est s’il y a des maladies du type Téléthon dans ta famille, ça te va comme ça ? Rassuré ? Impeccable… Bien. Bah après le second donc, me suis cassée, et j’ai brisé ton petit cœur de stryge. Je le sais, c’est Dorothée la femme poney qui me l’a dit… raconte pas de mytho aller, assume ton plein amour pour ta Willow se sera autant de temps de gagné ! Je le sais… t’as même pas tenu deux ans mon pote ! Deux ans… et tu es revenu me coller aux basques sous prétexte de m’entretenir dès que tu as appris que j’étais à nouveau libre comme l’air… si c’est pas de l’amour et du désespoir ça ?! Grand con va… je t’aime quand même… »Detroit, Michigan
10 décembre 2012Quelques jours, quelques semaines. Un mois. Voilà ce à quoi s’attendait Anthéa ce jour-là. Le jour où tendrement, elle lui avait donné la bénédiction de s’en aller. De se ressourcer après cette grossesse éprouvante pour une enfant de 17 ans. Et pourtant, c’est à une absence de presque 15 ans, à laquelle Willow faisait référence… Et oui, il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas remis les pieds à Ottawa. Le Canada pourtant, elle l’avait souvent parcourut avec le cirque. Il n’était même pas rare, qu’elle passe non plus de sa ville natale où elle savait pouvoir facilement retrouver son frère, sa sœur… son fils. Et pourtant, jamais en 15 ans, Willow n’avait été frappé à leurs portes. Pas une fois même, l’avait-elle envisagé. Elle ne leur avait jamais passé un coup de téléphone, et les cartes qu’elle pouvait poster à leur attention étaient relativement rares. Alors pourquoi après tout ce temps, ressentait elle ce besoin presque intenable d’aller retrouver Anthéa et Oreste ? C’était comme si ils étaient de parfaits étrangers. Ils n’existaient plus que dans son passé, qu’ils hantaient encore pourtant avec beaucoup de persistance. Mais ils existaient pourtant néanmoins… et Willow voulait à présent ‘rentrer chez elle’. Depuis qu’elle avait quitté Ottawa avec le cirque de Darwin, elle avait mené une vie tambour battant, sans jamais vraiment s’arrêter. Vivre avec passion était pourtant fatiguant, et les erreurs avaient été fort nombreuses. Sean le premier. Devenir Willow El-Sobih… elle hésitait encore à qualifier son second mariage comme une erreur, et ce, même si elle tenait l’acte de divorce entre ses mains.
« Et encore une erreur… » Une parmi tant d’autres… tant qu’elle ne les comptait plus vraiment. Arrachant un morceau de sandwich entre ses dents, Willow mâcha exagérément, lâchant un soupir qui affaissa ses épaules. Non, Zaahir n’avait pas vraiment été une erreur. Quitter le cirque, s’éloigner de Darwin en revanche en était une très certainement. Mais elle n’avait à l’époque, pas été capable de concilier les deux, et son choix s’était porté sur le futur mari qu’elle aimait, à cette époque. La nostalgie, c’était vraiment de la merde.
« Tu crois que c’était destiné à tomber à l’eau dès le départ ? Finalement Darwin avait sans doute raison. Darwin mon pote hein… pas Darwin genre ‘Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes gnagna je suis vieux et con.’ Tu suis ? » Elle s’adressait alors directement au SDF assis à côté d’elle. Enfin SDF … elle ignorait en réalité quel était la situation de ce type là, mais il était asser sale, il lui manquait deux dents, et lorgnait avec envie sur le sandwich de la jeune femme… Willow ne pouvait donc qu’en déduire qu’il s’agissait d’un clodo, mais de là à prendre du temps sur l’info, non. Elle continua à mastiquer lentement, les yeux dans le vide un moment tout en pensant à ce que sa vie serait prochainement. Trouver un job… mon dieu mais quelle tragique ironie !
« J’ai rendez-vous chez Oscar de la Renta demain, pour un poste qui m’intéresse pas. Car faut travailler quoi, et c’est un truc pénible, tu comprends ? » Les yeux encore dans le brouillard, fixant sans les voir les canards qui batifolaient joyeusement dans l’étang du parc où elle se trouvait, Willow prit quelques secondes pour y réfléchir et sursauta presque en se rendant compte qu’elle parlait à un clochard…
« Bah ouais tu comprends, je suis conne … Bon dis t’as vendu ta personnalité sur ebay ou tu en a jamais eu ? » Là encore, il ne décrocha pas un seul mot. Alors elle soupira encore, mais avec plus de rage en fond de gorge (ouais c’est de la rage en fond de gorge qu’elle a… et pas un chat) devant l’effarant manque de réactivité du type à qui elle monologuait depuis presque une heure. Décidemment, on ne pouvait plus compter sur quiconque aujourd’hui. Même pas pour un conseil, ce qui pourtant avait la réputation d’être gratuit. Mais même pour cela, il fallait payer. Et de l’argent, elle n’en avait plus. Raison pour laquelle elle hésitait encore à aller voir son frère, et sa sœur… car pour une fois, ce n’était pas des raisons matérielles qui la poussaient à vouloir repartir à Ottawa mais bien un besoin clairement sentimental. Hors, aux vues de sa situation, les Deslauriers penseraient certainement l’inverse… La vie, c’était de la merde. Une fois éloignée du banc, et après avoir ripé sur les cailloux du chemin (non sans avoir juré comme un chartrier mal luné) Willow jeta vigoureusement son sandwich à la poubelle pour reprendra sa route. Cette même route, qui la mènerait enfin quelque temps plus tard dans sa ville natale…