Il parait que les américains sont les meilleurs en falsification de cartes d’identité. Fauve avait pu s’en dégotter une, mais elle n’osait pas encore trop s’en servir. Certes, elle connaissait un agent de police, mais être prise en flag avec une fausse carte, c’était surtout un aller simple pour le commissariat. Pourtant, quand Mairead lui propose ce soir-là de sortir au Crazy Darwin, Fauve se sentait de si bonne humeur que tous ses doutes s’étaient envolés. « Ok on y va, mais discret, hein. » Rares étaient les descentes de flics, mais on ne savait jamais – et parfois les barmans étaient super pointilleux. Mais bon, autant tenter une fois, non ? Elles s’étaient habillées de manière à faire croire qu’elles avaient au moins vingt-et-un ans, et pour pas trop faire tâche dans un bar non plus et elles étaient parties sans l’accord des éducateurs bien évidemment ; faire le mur en plus d’utiliser une fausse carte d’identité, c’était juste un peu la base. Bras dessus, bras dessous, elles prirent le bus – ouais elles avaient de jolies robes mais pas assez d’argent pour taxi ET boissons – et Fauve comprit combien elle avait hâte d’avoir dix-huit ans pour avoir enfin accès à son compte en banque avec tout l’argent qui sommeillait dessus. Elle resterait encore un moment au foyer, car elle voulait faire des études, mais un jour ou l’autre, ils finiraient bien par la jarter une fois qu’elle aurait la possibilité d’avoir son propre appartement. Elle ne s’était d’ailleurs jamais réellement demandé quand ce jour arriverait…

Elles arrivèrent devant le Crazy Darwin vers 22 heures, et il y avait déjà pas mal de monde. En arrivant devant, elles comprirent que le bâtiment était séparé en deux parties : une salle de repas ainsi que de bar, et dans l’aurte, une salle de spectacle pour mater des danseuses. Fauve avait toujours eu un a priori pas vraiment sympathique envers les danseuses de spectacle, c’est pourquoi elle demanda à Mairead de rester dans la salle de bar, car elle ne se sentait pas vraiment à l’aise avec toutes ces femmes à moitié nues. Mairead n’était pas non plus des plus déjantées, alors pour une première soirée, elles trouvaient ça correct de se mettre une mine à la vodka et de rentrer la queue dans les pattes. « Si jamais on se perd, on se retrouve à l’entrée, ok ? Et si un mec te fait du gringue et que tu ne l’aimes pas, coup de genou là où je pense. » De deux ans sa cadette, la petite blonde semblait si frêle que Fauve se demandait même si elle pourrait entrer dans le bar. Mais elle était aussi sacrément sexy, alors elle espérait que ça passerait.
Elles n’eurent pas de soucis pour l’entrée, maintenant, il fallait attendre de voir si les barmen avaient une conscience professionnelle ou pas du tout ; elles prièrent pour la deuxième solution.
L’ambiance était plutôt sympa, et Fauve posa directement son regard sur le bar, derrière lequel se cachait – ou plutôt travaillait – un homme plutôt mignon. Il avait un regard sûr et Fauve voulut tenter sa chance pour obtenir un verre. « Ce sera une vodka citron pour moi. » Elle se posa sur les tabourets en face du bar, plongeant son regard dans celui du barman. Elle attendit de voir sa réaction avant de faire un signe à Mairead si elle voulait s’incruster dans la conversation. « Ca vous plait de travailler ici ? » Fauve la bavarde était de retour, pour vous jouer un mauvais tour. Il paraissait qu'il fallait toujours en dire trop pour paraître sûr de soi... elle allait vite voir les limites de sa théorie.