Après une putain de longue et rude journée où il avait dû plusieurs fois récupérer son père qui, sous sa forme humaine, s'amusait à taper à toutes les portes en clamant qu'il était le lutin de l'arc-en-ciel et que si on lui donnait une pièce d'or, il en rendrait cent. Sirius l'avait d'abord embarqué dans sa boutique, mais le vieux leprechaun s'était volatilisé dans l'atelier, sous sa forme normale cette fois, ravageant une bonne partie des travaux de son fils. Et puis, il y avait eu Nathanaël. Dans la boutique juste en face, Le Calice d'Argent. Depuis quand est-ce que ça lui faisait si mal d'y jeter un œil ? Pourtant, son cœur faisait de sacrés bons quand il le voyait. Et comme un abruti d'adolescent totalement attardé, il ne pouvait s'empêcher de venir piéger sa serrure, ou glisser une potion "empoissonnée" dans les siennes. Complètement con, hein ? Mais c'était plus fort que lui. Il ne parvenait pas à s'empêcher d'agir comme un crétin. Mais dans un sens, c'était aussi une partie de lui-même de faire des conneries comme ça. Emmerder les gens, c'était son credo.

Mais ça suffisait toutes ces conneries, ça suffisait d'avoir si mal au cœur pour rien. Il fallait se bouger un peu le cul. Attention, pas pour changer sa vie, non juste de changer d'air. De se mêler aux humains. Même si au fond de lui, Sirius avait juste envie de les massacrer un par un. Comme quoi, il était sacrément de mauvaise humeur. Après s'être assurer que son vieux leprechaun de paternel dormait bien et qu'il ne s'échapperait pas cette fois, le blond s'était plutôt bien habillé pour aller dans le seul endroit qu'il connaissait pour se vider la tête et... parfois autre chose : les boîtes de nuit. C'était peut-être là le seul endroit au monde, de toute sa vie où il pourrait faire abstraction de la nature des gens avec qui il parlait, de ceux qui pourraient s'approcher ou autres. Puisque tout ce qui se passait ici, restait ici. Enfin, non, mais si. Bref, c'était le même principe que pour Vegas, même si tout ne se passait pas juste dans ces quatre murs. Enfin, vous avez compris l'idée quoi.

- Une vodka. Et pas le verre. La bouteille.

Face au regard surpris de la barmaid, Sirius roula ses yeux dans leurs orbites et sortit son porte-feuille pour en sortir, non sans un très gros pincement au cœur, les billets pour payer sa boisson. La jeune femme l'avait à peine posé sur le comptoir avec un verre qu'il emporta le tout et se glissa parmi les danseurs pour rejoindre une des tables. S'installant en direction de ces dits danseurs, il posa son butin avec un soupir avant de déboucher la bouteille et de se verser un verre plein. Il serait sans doute déchirer avant de l'avoir fini, étant donné qu'il ne tenait pas l'alcool, mais qu'importe. Ses prunelles bleues se posaient de temps à autre sur les hommes entrain de danser. La plupart collé-serré contre des femmes. Qu'importe, au moins, ils étaient beaux à voir. Et ça lui permettait de ne pas penser à un certain Alchimiste. S'il n'avait pas autant peur de se perdre pour de bon, le Leprechaun se serait plongé dans une bonne illusion bien ficelée, histoire d'être vraiment bien. La dose d'héroïne qu'il s'était injecté un peu plus tôt ne faisait pas encore effet. Bientôt sans doute. Fermant les yeux un petit moment, Sirius s'installa plus confortablement sur la banquette. Pour une fois, il avait envie de laisser tomber le masque. Il avait envie d'arrêter de rire pour pouvoir hurler. Hurler un bon coup à s'éclater les cordes vocales. Que les putains de larmes qu'il gardait depuis si longtemps jaillissent enfin et apaise la grosseur qu'il avait sur le cœur. Sentiment purement humain. Ironiquement. Sentiment humain qu'un putain d'humain avait insinué en lui, l'avait fait pourrir et était parti, le laissant ainsi, sans potion, sans remède. Ni même colle pour ramasser les miettes qui restaient. Et qu'un autre, pas tout à fait humain, menace de reproduire.

Rouvrant les yeux, comme ramené par une illusion des plus macabres, il se redressa d'un coup et frappa la table du poing. Heureusement, la musique était beaucoup trop forte pour qu'on l'entende. Il fallait mieux. Qu'est-ce qu'il aurait eu l'air pitoyable sinon.

"Journée pathétique", se disait Astrid. La belle passa sa journée enfermée, à l'abris de la lumière du jour qui lui agressait la rétine. Cela faisait presque plus d'une semaine qu'elle avait pas touché à une seule goutte de sang, autant dire que la Stryge ressemblait vraiment à un cadavre. Enfin, un joli cadavre.
Cachée dans son studio, rideau fermés et pour seule lumière les innombrables bougies qu'elle affectionnait particulièrement. En t-shirt large elle s'était traînée toute la journée d'un coin à l'autre de la pièce principale, regardant des films ou s'essayant à des activités manuelles pour passer le temps. Elle attendait son temps, son heure favorite. La nuit.
Belle et cruelle était la nuit. L'heure des créatures nocturnes dans son genre, ce qui l'arrangeait. Elle appartenait à ce monde sombre depuis des années maintenant, et semblait être née pour vivre avec la Lune.
Vers la fin d'après midi, elle se décida à dormir un peu. Après tout, ce soir elle ne travaillait pas. Et elle comptait bien rester debout toute la nuit. Et c'est donc après quelques heures de sommeil agréablement tranquille que la jeune femme se leva et constata avec bonheur que le soleil s'était couché. Malgré sa condition physique très peu avantageuse, une énergie nouvelle s'insuffla en elle et la motiva.

Environ deux heures plus tard, la voilà dehors à errer dans les ruelles sombres comme à son habitude. Elle s'était un minimum apprêtée, son but premier ce soir là était de chasser. Réussir à attraper une quelconque créature non-humaine et s'en nourrir. Ensuite, elle verrait. Perchée sur ses talons, elle traversait les rues avec une démarche semblable à celle d'un félin, sûre d'elle. Elle commençait à connaître les tournants, les coins et recoins de ces quartiers peu recommandés. Non sans la surprendre, elle finit par croiser des "amis" de la nuits. Quelques humains et non-humains avec tous le même points communs : leurs déchéance. Drogues et alcool étaient leurs quotidien. En arrivant à Ottawa Astrid ne faisait que sortir de nuit, c'est là qu'elle les a croisés en premier. Elle n'était pas novice dans ce domaine, bien au contraire. Avec 500 et quelques années derrière elle dont une bonne partie à faire la fête avec des immortels, elle s'y connaissait même plutôt bien. C'est avec un grand plaisir donc qu'elle retarda son repas et fuma avec ses amis de la nuit. Elle tenait plutôt bien face aux substances illicites, mais moins l'alcool.

Tous couchés par terre où en train de rire comme des abrutis, la stryge laissa en plan les drogués. Son estomac commençait à sérieusement criailler qu'il était l'heure. Arpentant à nouveau les rues, elle écoutait au fur et à mesure qu'elle avançait. Elle cherchait du regard, au son et à l'instinct où est-ce qu'elle dénicherait de quoi se rassasier. Elle arrivait dans le quartier Sandy Hill, où elle remarqua plus d'agitation. Et c'est là, que son cœur fit un boum. Elle venait d'apercevoir quelques mètres plus loin le Mercury Lounge, mais surtout un jeune homme en sortir pour se mettre à vomir aussitôt. Un sourire vicieux se dessina sur ses lèvres. Sa pupille se dilata avant de redevenir normale, et elle s'avança en direction du jeune homme. Elle l'emporta plus loin à l'écart, ce qui n'était pas compliqué vu son état pathétique. Avec son bras au dessus de ses épaules, ils parcoururent plusieurs mètres, et Astrid le poussa contre un mur derrière une benne. Le fait d'être proche de lui avait confirmé sa pensée et la rassurait, il n'avait pas odeur humaine. A moitié dans le coma, il ne tenait à peine debout. Mais cela lui importait peu, elle avait faim. Elle n'eu pas même besoin de le tenir, de l'empêcher de se débattre pour lui prendre son sang. Le tenant juste par le cou pour qu'il ne tombe pas, elle le mordait au poignet. Le liquide carmin et chaud coulait dans sa gorge et lui donnait une sensation exquise. Ce n'était pas une Faë qu'elle avait sous la dent et heureusement, mais l'attente rendait n'importe quel sang délicieux. Après quelques minutes de succion, Astrid lâcha l'homme qui s'étala par terre de tout son long. Elle s'agenouilla, se pencha sur lui pour s'essuyer la bouche avec sa veste avant de repartir, satisfaite et rassasiée.

Elle entra dans la boîte, balayant la foule comme si les personnes présentes n'étaient que de vulgaire rongeurs. Elle décida de se diriger directement vers le bar, et se paya plusieurs tequila paf, avant de se prendre un sex on the beach et repartir. Qui sait, tomberait-elle sur une connaissance, ou mieux elle pourrait rencontrer un stupide étranger et le séduire. Le ramener chez elle, et le vider de son sang. Ce soir, c'était la nuit de l'excès qu'elle se disait. Zigzaguant entre les couples qui dansent, poussant les hommes peu ragoûtants et faisant des croches pattes aux "pétasses de service", elle se frayait son chemin sans que personne ne lui tienne tête. Cherchant désespérément une place qui offrait une bonne vue, elle n'en trouvait pas. Avoir une vue d'ensemble sur la boîte était un gros plus pour elle, elle aimait se sentir supérieure aux autres même si c'était par le biais de quelque chose d'aussi stupide. C'est alors qu'un visage qui ne lui était pas inconnu apparu dans son champs de vision. Un client de la nuit, elle se souvient de tous. Sortant son plus beau sourire, elle se dirigea sans gêne aucune vers la table en question. Elle le savait ou pensait fortement, il faisait partie des Faë. Mais qu'importe. Lorsqu'elle arriva, il avait les yeux fermés et semblait dormir paisiblement, mais pas vraiment. Sortant d'un seul coup de sa torpeur, il frappa du poing comme un homme possédé. Elle bien sûr n'avait pas esquissé un mouvement, si ce n'était un sourire amusé. D'une voix exagérément mielleuse, elle s'assit à côté du jeune homme mais à une distance raisonnable tout de même.

Ben alors ? On perd son sang froid ?

Elle avait choisit une expression tout aussi exagérée, feintant la compassion. Son sourire naturel revint rapidement cependant, un sourire plus amusé et espiègle. Son regard tomba sur la bouteille en face de lui, et elle haussa un sourcil. Il ne lésinait pas sur la boisson, et ça sen.. voyait ? Sentait ? Peut importe. Croisant les jambes, elle sirotait calmement son cocktail tout en ramenant son regard sur son interlocuteur.

Bonsoir sinon, elle marqua une légère pause avant de montrer d'un signe de la tête a bouteille sur la table avec un sourire, Tu célèbres quelque chose ou tu deviens tout simplement un vieil ivrogne ?

De toutes les personnes vivants à Ottawa, il y en avait deux que Sirius ne voulait absolument pas croiser, sous aucun prétexte et... voilà justement que la version féminine se présentait, ouais, il y avait un homme et une femme. Bon, en soit, elle lui était extrêmement utile étant donné son vice principal, qu'il fuyait les humains et la vermine humaine qui pouvait lui fournir ce dont il avait besoin. Et qu'est-ce qu'il supportait mieux que les humains ? Les Stryges. Non, en fait, non, ce n'était pas vrai, mais il avait envie de croire que cette femme respectait l'interdiction faite à son espèce de toucher la sienne, et donc de causer sa mort, d'une manière ou d'une autre. Et puis, c'était un faible, un faible drogué, il ne pouvait pas faire autrement. Il dépendait de ce qu'elle pouvait lui donner. Enfin, il était toujours très prévoyant, l avait toujours des doses de réserve, même si ça lui coûtait une petite fortune, comme quoi, leurs rencontres se faisaient quand même rares. Bref, son regard, quelque peu voilé par le shoot qui commençait à faire effet. En plus, elle ne se gênait pas, elle venait carrément s'installer à côté de lui. Pour qui elle se prenait ? Ah oui, vu les circonstances, elle avait un peu tous les droits. Sauf que sa moquerie ne plut absolument pas au Leprechaun qui grogna, c'était ce dont il était capable pour l'instant, histoire de se clarifier l'esprit le plus possible. Bordel, pire état de faiblesse en présence d'ennemie naturelle, ça n'existait pas. Et encore, heureusement qu'il était assis. Se redressant comme il le pouvait, et prenant son air le plus supérieur qu'il ait, Sirius passa un bras sur le dossier de la banquette alors que son autre main attrapait son verre pour boire une gorgée. Puis une seconde. Elle le prenait pour un pochtron, autant arroser ça.

- Je célèbre la fin d'une journée totalement pourrie, et l'arrivée d'une seconde probablement similaire. Et en ce qui concerne mon sang froid, il va très bien, mais pas quand tu es dans les alentours.

Et pan dans les dents ! Avec cette répartie d'adolescent, le blond était pratiquement sûr que la Stryge allait bien rester là et continuer à lui pomper l'air jusqu'à ce qu'il craque. A voir comment il allait craquer. Et il espérait bien que ce ne serait pas de la façon la plus pitoyable qu'il soit, mais que son ego et sa virilité prendraient le dessus sur ses états d'âme. Mais étrangement, le fait d'avoir piquer sa petite colère digne d'un enfant, Sirius commençait déjà à se sentir un peu mieux. Comme quoi, ça ne tenait à rien. Signe qu'il n'était effectivement plus qu'une boule de nerf qui ne demandait plus qu'à exploser. Pendant l'espace d'un instant, il se demanda si la présence de la Stryge n'était pas finalement bénéfique et ne lui permettrait pas de se défouler un bon coup sur une chose et de pouvoir se coucher avec des poids en moins. Sauf que connaissant ces créatures, elle ne se laisserait pas faire et l'enfoncerait un peu plus. Et dans ce cas de figure, les alternatives qu'il avait n'était ni reluisantes ni très héroïques. Histoire de ne rien laisser paraître, Sirius reposa son attention sur les danseurs, si on pouvait les qualifié comme tel, essayant de trouver intéressant les quelques abrutis qui montaient sur les petites plateformes prévu pour ceux qui auraient l'audace de se ridiculiser aux yeux de tous, ou pour les bimbos voulant faire du pôle dance avec une barre de pôle dance invisible. Ridicule était encore trop faible. Et en plus, personne à se mettre sous la dent, la soirée promettait vraiment. Enfin, à part plusieurs nanas qui lui jetaient des coups d’œil, qu'il s'efforçait d'ignorer. Finalement, Astrid était probablement la seule personne digne d'attention. Il devait d'ailleurs être sacrément raide pour dire ça ! Vraiment. Soupirant, le Leprechaun se tourna à moitié vers la Stryge, l'observant de haut en bas. Difficile à croire qu'une femme de ce gabarit, qui avait l'air toute innocente, avec un visage tout doux, était en fait une oiseau suceur de sang.

- Et sinon, je me demandais, ça à quel goût le sang des ivrognes et des camés ? Parce que j'imagine que c'est pour ça que tu es là. Et comme ici, c'est le distributeur de sang contaminé, là il y a plus de produit chimique et toxique que dans une centrale nucléaire. C'est ta façon à toi de prendre ton pied, ou te chasser le dragon ?

De ce que Sirius savait, les Stryges n'avaient pas cette immense chance qu'était de pouvoir s'évader dans un monde des merveilles où pratiquement tout été possible et où les éléphants roses avaient eux aussi des ailes. Dommage pour eux. Constatant que son verre arrivait à la fin, il attrapa aussitôt la bouteille et le remplit, ce pauvre petit, reposant la bouteille, pile entre eux. Peut-être histoire de se mettre psychologiquement une barrière physique, aussi fragile soit-elle, mais aussi, c'était une façon de sa part, et oui, comme quoi, de l'inviter à picoler, même si ça ne lui faisait rien, ou presque rien. Peut-être histoire de dire qu'il était d'accord pour baisser les armes pendant un temps. Ou de ne pas gâcher une bouteille, et donc de l'argent, puisque lui même ne la finirait absolument pas. D'ailleurs, il allait probablement devoir demander à se faire ramener, vu que lui n'y parviendrait sûrement pas tout seul. Quoi que. Il avait déjà été dans des états vraiment lamentable par le passé et à confectionner ses inventions, donc peut-être bien. Tout ce qu'il fallait, c'était surtout qu'il ne perde pas la mémoire. Parce que se retrouver au pied avec une vermine humaine, dans un caniveau ou avec la moitié de son sang en moins le matin, même pas la peine. Surtout qu'il devait ouvrir la boutique, pas question de perdre de l'argent. Le Leprechaun ferma les yeux quelques instants en soupirant, les tympans agressés par le changement de musique dans la boîte, et les cris des abrutis complètement déchirés. Plus que lui. Bien plus. S'il n'avait pas l'alcool si triste, et s'il n'était pas par nature si... hargneux, il pourrait probablement se retrouver sur la piste à oublier ses problèmes, et profiter un instant de la vie. Comme ce qu'il tentait de faire la journée en créant ce qu'il aimait et en plus en les vendant. Enfin, il ne serait probablement pas aussi créatif et léger si sa circulation sanguine n'était pas une autoroute embouteillée par un tas de saloperie.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, et qu'il constata dans le miroir non loin de la place où ils étaient que le blanc de ses globes se teintaient de rouge. Là, il avait vraiment la gueule d'un drogué, comme tant il en avait croisé. Pendant la période où il pouvait encore s'auto-illusionné et vendait ses pouvoirs aux pauvres abrutis qui voulaient décollés sans prendre quoi que ce soit. C'était un excellent moyen de s'en mettre plein les fouilles, mais c'était également trop tentant d'y retourner. Et dans ce cas là, adieu Sirius Law Aquila, perdu dans son propre cerveau. Il y avait plus classe comme disparition.

- J'peux te poser une question ? Et pour une fois, je te parle sans animosité ni rien, lança le blond tout à coup, la tête posée contre la paume de sa main. Pourquoi est-ce que tu me vends ta came ? J'veux dire, nos espèces sont ennemies jurées, et toi, tu ne rechignes même pas. Pourquoi ? T'as l'intention de me bouffer d'ici peu, c'est ça ?

Mon dieu, me voilà.. Offusquée ! Tant d'agressivité et d'amertume de ta part, tout ça me..

Main sur la poitrine, la belle semble avoir du mal à respirer de part la froideur du Leprechaun envers elle.  Elle se fait de l'air avec les mains avant de s'évanouir et s'écrouler sur ses genoux, puis se relever lentement en fixant le jeune homme dans les yeux. Son visage laissant transparaître une expression totalement désabusée, qui voulait clairement signifier " T'es mignon, essaie encore ".

Elle ne se donna pas la peine de répondre à sa petite provocation, et se contenta de suivre son regard. Sur les danseurs pro d'un soir, et les catins du quotidien. Astrid les reconnaissait, ces filles qui se font remarquer en boîte pour se faire payer plus tard. Un sourire moqueur s'empara de ses lèvres, elle méprisait la plupart des personnes présentes. Les prostituées, les hommes en manque, les alcooliques, elle pouvait faire une liste très longue des catégories de personnes ici. Elle ne voulait que les regarder tous se mélanger et se comporter comme des animaux, mais elle ne pouvait s'empêcher d'essayer de distinguer si une des personnes pouvait être son prochain repas de la soirée. Chassant cette envie indésirable de son esprit, elle se retourna vers son interlocuteur qui venait de finir de la dévisager bien comme il le fallait. Pas gêné pour un sous, mais après tout elle ne l'était pas non plus.

Quant à sa question, elle n'y répondit pas tout de suite. Elle prit le temps de siroter son cocktaïl qui serait bientôt vide, et de balayer la foule à nouveau du regard. Quand son verre fut vidé, elle le posa sans se presser sur la table devant eux avant de regarder le Leprechaun avec un demi-sourire.

Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne me.. Nourris pas de n'importe quoi, dit elle avec un ton de déni.

Elle avisa la bouteille qu'il posa entre eux deux sur la banquette, avant de la saisir et la porter à sa bouche. Prenant plusieurs gorgées le liquide lui réchauffait la gorge, et lui faisait légèrement tourner la tête pendant quelques secondes. Puis la sensation partait, et ne lui laissait qu'une vague impression de légèreté. Contrairement à ses semblables, la Stryge était plus sensible à l'alcool. Plus résistante que les humains et autres créatures, mais la plus vulnérable des Stryges pour ne pas dramatiser. Bien évidemment, avec les drogues c'était différent. Là, elle devait en ingérer ou s'injecter une dose importante avant de vraiment en ressentir les effets. Contrairement au pauvre Leprechaun assit à côté d'elle, qui avait les yeux qui devenaient rouges. Plus criant comme signal, on ne pouvait pas. Reprenant de la vodka, elle en avala encore quelques gorgées avant de la reposer. Sage décision. Elle put enfin, répondre au Leprechaun.

Mais pour répondre à ta question, ça dépend si c'est du sang à l'alcool ou de l'alcool au sang. Dans le deuxième cas, c'est pas vraiment bon.

Affichant un léger sourire qui se voulait presque amical elle remarqua que son interlocuteur divaguait, ou dans son language plutôt, il planait. Amusée, il allait falloir que la Stryge reste un minimum sobre pendant cette soirée et qu'elle baby-site le jeune homme. Soupirant discrètement, elle reprit la bouteille en main. En fait non, rester sobre était une mauvaise idée. Quite à devoir garder un drogué en laisse, autant s'amuser. Mais il fallait qu'elle garde les idées claires, et c'était la partie la plus complexe. Ne pas toucher au Leprechaun ni aux humains. Comme si ce n'était pas assez dur, elle se trouvait en boîte au milieu de dizaines d'humains. Elle aussi commençait à se perdre dans ses idées, quand une intervention de Sirius la tira de sa torpeur. Elle se tourna vers lui, avec un air indifférent. Toutefois, quelque chose dans l'attitude du Leprechaun l'amusait aussi son visage se détentit avecun sourire amical, presque invisible.

Un client est un client, peut importe son espèce, elle marqua une courte pausa pendant laquelle elle porta la bouteille à ses lèvres avant de continuer, Et puis ce conflit à commencé il y très longtemps, je n'étais même pas encore née. Je ne vois donc pas pourquoi il me concerne. Et bien que les Faës soient.. Délicieuses, je ne suis pas assez folle pour te tuer, il n'y à aucun intérêt à ça.

Sur ces quelques mots plus ou moins affectueux, elle posa la bouteille qu'elle avait vidé sans s'en rendre compte. Avec un air exagérement attristé, elle se leva et déclara qu'elle allait en chercher une deuxième. Commençant à s'éloigner, elle se rapprocha néanmoins et se pencha sur le jeune homme avec un rictus.

Tâche de ne pas te faire manger par une Stryge malveillante d'ici là.

Voulant taquiner Sirius qui n'était strictement pas en état de riposter si besoin, et donc extrêmement vulnérable. Contente d'elle, elle se dirigea vers le bar et ordonna une seconde bouteille de vodka. Alors qu'elle patientait pour son beuvrage, une bagarre éclata non loin. Deux homme saouls, comme on en voyait partout. Des bagarres comme ça, il en éclatait une dizaine par nuit. Sauf qu'une odeur particulière et qu'elle reconnaitrait entre milles la fit se crisper. Des veines se dessinèrent pendant quelques secondes sous ses yeux aux pupilles dilatées, et son instinct lui ordonnait de sauter sur celui qui perdait son sang. Prenant une profonde inspiration, aussitôt que la barmaid lui tendit la bouteille elle s'en saisit pour retourner vers la table où le Leprechaun attendait. Espérant qu'il était toujours en vie et au même endroit, si possible. Courrir après un Leprechaun était une tâche assez déplaisante, elle en savait quelque chose. D'abord, elle ne le vit pas, et fut prise par un vague sentiment entre panique et irritation. Insultant de tous les noms le maudit Faë, elle se dirigea vers la table pour voir si au moins il n'avait rien oublié. Mais à sa surprise, enfin pas vraiment il était là. Endormi, sur la banquette. La Stryge soupire, avant de s'asseoir sans délicatesse aucune. Peut être que ses mouvements brusques auraient suffit à le réveiller, mais elle poussa plus loin et l'attrapant par une épaule et le redressant. Le relâchant, elle se pencha vers la table et se servit un verre.

J'allais te proposer à boire, mais ça ne serait pas vraiment une bonne idée. Enfin après, tu fais ce que tu veux tu es grand, dit-elle avec un sourire.

Même s'il avait écouté avec attention ce qu'elle disait, et regarder avec quelle vitesse elle avait fini la bouteille, Sirius ne restait pas totalement convaincu par ce qu'elle disait. Comment est-ce qu'il aurait pût croire une Stryge de toute façon ? Ces créatures étaient le mal, et même si ce qu'elle disait avait du sens, en ce qui concernait les âges et tout ça, puisque lui non plus n'était pas né quand le conflit avait commencé, mais là, avec son état, entrer dans de grandes réflexions, partir sur une philosophie, ça lui était juste impossible. Sans compter que plus le temps avançait, moins il comprenait les choses. Les merveilleux effets de la drogue. Sauf que quand elle lui lâcha une nouvelle pique, le Leprechaun se redressa, il était littéralement entrain de s'écrouler, et lui tendit son majeur. Quelle saloperie ces bestioles. N'empêche, il ne pût s'empêcher de jeter un œil à droite et à gauche, histoire d'être sûr qu'aucune autre Stryge n'était aux alentours. Manquerait plus qu'il se fasse bouffer dans cet état. Encore que, vu la dose de drogue qu'il avait dans le sens, plus l'alcool, il ferait un cocktail pas forcément buvable. Mais on était jamais trop prudent avec ces bestioles. Sirius la regarda se perdre dans la foule avant de s'étaler sur la banquette, une main sur le front, les yeux d'abord grand ouverts, qu'il fut ensuite obligé de fermer à cause du spot juste au-dessus de la tête qui lui brûlait la rétine. Sans même qu'il s'en rende compte, il sombra dans un espèce de sommeil, un sommeil où il n'était pas tout à fait endormi, mais pas totalement conscient non plus. Un des états qu'il aimait le plus. Dans ces moments, son cerveau lui renvoyait des images agréables, tendres, et surtout lumineuses. Et surtout une en particulier. Celle de sa mère. En douze ans, il n'avait pas vraiment eu le temps de la connaître ou de la voir, surtout pendant les périodes où elle se faisait réquisitionnée par les humains, elle ne revenait qu'après de longs moments. Un après-midi, sous sa forme humaine, elle l'avait amené au parc naturel, laissant son père seul pendant un de ses rares moments de lucidité, juste pour qu'il se retrouve tous les deux, rien que tous les deux. Elle s'était appuyée contre un arbre, ses longs cheveux blonds lâchés, lui fouettant le visage à chaque brise et avait sourie comme jamais Sirius ne l'avait vu sourire. Elle rayonnait littéralement. Ses yeux verts brillaient d'une lueur indescriptible. Sur le moment, l'enfant Leprechaun n'avait absolument pas compris pourquoi est-ce qu'elle souriait ainsi, mais la simple présence de sa mère lui suffisait.

En cet instant, le souvenir, ou l'hallucination, peu importe ce que c'était, était tellement présent, tellement convainquant que le blond tendit la main, comme si elle était là, juste à quelques doigts de lui, comme s'il pouvait toucher sa joue, sentir sa chaleur... Sans pour autant sortir de ce petit cocon, sa main ne rencontra que du vide, comme si des kilomètres et kilomètres invisibles les séparer encore. Et pourtant, il était bien décidé à la prendre dans ses bras, à la serrer contre son cœur, à enfouir son nez dans ses cheveux, peut-être même à lui parler, à lui dire combien elle lui manquait. se recroquevillant sur la banquette, même si dans son délire, il était debout, ou plutôt à genoux dans l'herbe, grognant légèrement. Le monde réel n'était même plus qu'un lointain souvenir, il n'existait tout simplement plus. Il n'y avait plus que sa mère et lui. Et cette monstrueuse distance. Chaque pas semblait l'éloigné encore un peu plus, comme dans un mauvais cauchemar.

- Pars pas. Reste... encore un peu... Juste un tout petit peu...

Sa mère s'était finalement relevée et se mit à courir, ne regardant pas derrière elle, le laissant là, comme un enfant perdu dans un monde hostile et sauvage. Sirius voulait lui courir après, l'arrêter, ou plus trivial... lui crier de revenir. En vain. Ses membres refusaient de bouger, d'obéir à son cerveau (ou est-ce que c'était son cœur qui parlait en cet instant ?). Si bien qu'il resta là, le regard rivé sur la silhouette de sa mère qui disparaissait peu à peu. Jusqu'à ce qu'il se sente brutalement secoué et qu'on le redresse vivement. Son hallucination éclata comme une bulle de savon, le ramenant cruellement au Mercury Lounge, avec son bruit en guise de musique, ses odeurs de fauves et d'alcool, et la Stryge Astrid, de retour à ses côtés. C'était vraisemblablement elle qui l'avait ramené à la réalité. Soupirant, Sirius appuya de nouveau son dos contre la banquette, la fixant pendant un long moment tandis qu'elle se servait un verre. Le sentiment d'abandon était toujours là, tout comme l'atroce douleur dans son cœur. De toute façon, le retour au réel était toujours violent et amer. Sans lui demander son avis, et lui arrachant presque la bouteille des mains, le Leprechaun bu directement au goulot, à grande gorgée, comme si cela pouvait noyé la déception de la réalité, mais la frustration du délire/souvenir. Une fois satisfait de la quantité ingurgitée, il reposa la bouteille sur la table, la tête toujours basculée en arrière.

- T'en fais pas pour moi va. Je ne suis pas aussi vieux que toi, et je n'arriverai jamais jusqu'à ton âge actuel, mais je sais ce que je fais, murmura le blond avant de reposer plus attentivement les yeux sur sa compagne de boisson, bien qu'il dût plisser les yeux et qu'il y eut un long moment de silence avant qu'il ne réalise la chose. T'as une de ces tronches ! On dirait que tu vas mordre.

Se trouvant drôle sur le moment, Sirius laissa entendre un petit rire qui n'avait pourtant rien d'enjoué. Dans un état normal, du moins, son état le plus normal possible, il n'aurait sans doute pas jouer avec le feu, mais puisqu'elle avait dit, s'il avait bien compris clairement, qu'elle ne lui ferait aucun mal, du moins tant qu'il restait son client, il pouvait bien tenté de faire son malin. Sauf qu'il lui semblait qu'elle avait dit tuer. Mordre, c'était tout à fait possible. Si tenté qu'une Stryge puisse se contrôler quand elle mord une Faë. Fallait-il encore que ce genre d'acte ait jamais eu lieu. Cela dit, c'était possible. Enfin bref. Ramenant une jambe contre son torse, fixant le dancefloor de ses prunelles bleues, un faible sourire étira ses lèvres.

- Tu boulottes pas n'importe quoi, c'est ce que t'as dit. Tu bouffes quoi alors ? Ça m'intéresse, profites-en, surtout que j'aurais probablement tout oublié à mon réveil. C'est le moment où jamais de me faire tes plus sombres confidences. Puisque t'as l'air de voulu rester picoler avec moi.

Tout en disant cela, Sirius attrapa son verre abandonné pour le re-remplir, histoire d'être civilisé quand même et de ne pas non plus partager les germes de la Stryge, toujours pour la même raison, on ne sait jamais, mais trinqua tout de même avec elle avant de prendre une gorgée.

Lui arrachant presque la bouteille des mains le Leprechaun bu, longuement et avidement. Comme si poussé à le faire, cela semblait presque vital pour lui à ce moment là d'ingérer une si grande dose d'alcool. Astrid n'en était plus sûre, mais il lui semblait que les Faës n'avaient une résistance particulièrement plus élevée à l'alcool. Aussi, pendant que son compagnon de beuverie de la soirée se saoulait avec des airs d'ivrogne, elle se demandait combien de temps allait-il tenir tout seul et quand allait-il devoir tout dégobiller. L'idée la répugnant légèrement, elle n'avait pas envie de lui "tenir les cheveux" mais alors vraiment pas. Dès qu'il reposa la bouteille elle s'en saisit, et la garda en main un petit moment. Alors qu'elle la portait à ses lèvres, elle sentit le regard de Sirius posé sur elle, de façon on ne peut plus discrète. Laissant échapper un léger grognement à sa remarque, elle bu quelques gorgées avant de lui répondre en plaisantant à moitié.

Ne me tente pas.

Une belle paire de pochards, que formaient ce duo plutôt atypique. Voulant oublier sa faim causée par sa précédente "rencontre" avec les deux humains qui se tapaient dessus, Astrid se mit elle aussi à boire. Beaucoup. Elle pesa le pour et le contre avant, et ne trouva aucune raison de ne pas le faire. L'alcool remplissait son ventre, la rendait moins active et réactive, et lui permettait de se détendre. Tout cela malgré le fait qu'un idiot à l'autre bout du Mercury Lounge soit en train de se vider de son sang. En dépit de tout l'alcool qu'elle se forçait presque à ingurgiter, l'odeur de sang lui parvenait toujours plus ou moins. Désespérée de pouvoir ôter cette odeur pire qu'alléchante de son nez, elle se laissa aller et s'affala contre le dos de la banquette. Sirius prit alors la parole, ce qui la surprit assez, étant donné son état. Et puis, ses propos étaient plutôt bien formés et clairs. Mais décidemment, quelle plaie ce Leprechaun.

Certain que tu auras tout oublié d'ici demain, une longue réflexion s'imposa à elle. Elle ne trouvait aucun intérêt à mentir, rien à perdre à lui dire, et puis surtout elle avait trop bu pour vraiment s'en inquiéter. C'est donc sans vraiment réfléchir, et en lâchant un rire amer qu'elle lui répondit le plus simplement du monde, Principalement des Berserkers et des Stryges. Je ne touche plus aux humains, du moins j'essaie.

Elle se mit à rire après, se moquant d'elle même . Les Faës ont détestés les Stryges depuis des décennies, les trouvant dénaturées et horribles de par leurs besoins en chair humaine. Sirius ne faisait pas exception, et bien qu'il tolérait la présence d'Astrid, il était loin de l'apprécier et le porter haute dans son estime. Elle en était consciente, et ce soir elle s'enfonçait selon elle encore plus. De son point de vue, elle ne trouvait pas de but à essayer de se lier d'amitié avec le Leprechaun puisque c'était tout simplement perdu d'avance. Ajoutant à cela le fait qu'elle se nourrisse de ses congénères, elle serait bientôt vue comme une vulgaire anomalie. "Quitte à être un monstre aux yeux du monde, autant en être un vrai, un mauvais", pensa la jeune femme.  Elle abaissa son regard sur son verre, pensive. Son expression restait la même, ni  joyeuse ni triste. Il y avait quelque chose de dérangeant dans ce visage de marbre, il était comme un masque qui cachait toute sa monstruosité, toute son histoire et sa faiblesse, seuls ses yeux la trahissaient. Parce que toute une foule de souvenirs datant de plusieurs siècles remontaient, et l'envahissait. Il l'emportait comme une vague, un tsunami destructeur qui venait de faire s'effondrer le peu de contenance qui lui restait. L'alcool la rendait pathétique et assez vulnérable à elle même, si elle se voyait d'un œil extérieur elle serait plus qu'exaspérée et passablement énervée. Elle soupira bruyamment. Elle tourna son visage pour regarder le Leprechaun en sale état pendant quelques secondes, avant de fixer la foule. Sans le regarder, elle donna une "explication" à cette aberration qu'elle était.

Pour faire court, je subis depuis plusieurs siècles un petit trauma psychologique qui m'empêche de me nourrir de personnes humaines, jusqu'au moment où j'atteins une certaine limite à mon sevrage.

Rien qu'en mentionnant cette infime partie visible de l'iceberg, Astrid ressentait une profonde mélancolie et tristesse. Le tout était caché par son immuable expression neutre et un peu hautaine qu'elle adoptait pour cacher ses pensées. Mais tout son esprit était occupé quelque part, quelque part il y a plusieurs siècles. Après de longues secondes, elle décida que la séquence émotionnelle interne était finie et avait duré trop de temps. Passant une main hésitante dans ses cheveux, elle se redressa et croisa la jambe. Son regard était plus ou moins sûr de lui, et elle toisait de nouveau cette foule grouillante de vies humaines. Un serveur passa juste à côté de leurs table, elle se pencha pour le retenir de partir.

Six tequila paf s'il vous plaît. Dépêchez vous.

Le jeune homme sembla d'abord surprit. Réaction légitime, vu la gueule que tiraient déjà les deux compères. Il voulait sans doute déconseiller cette boisson en plus à Astrid, mais comprit rapidement au regard qu'elle lui lança qu'il ferait mieux de courir et ne rien renverser. Alors qu'il repartait avec hâte vers son comptoir, la Stryge jeta un regard au Leprechaun. Démuni de quelconque joie, la jeune femme s'était irritée toute seule. Elle comptait bien continuer à boire, jusqu'au matin si il le faut pour faire passer ce goût amer dans sa bouche. Le serveur revint avec tous les verres, les posa sur la table avant de repartir rapidement. Se penchant, elle en saisit deux. Elle se relève, et en tend un à Sirius avec un air qui voulait dire "Ne te fais pas prier et accompagne moi dans ma déchéance alcoolique pour cette nuit".

Soit il venait de quitter son état post-hallucinatoire pour replonger dans un monde ou plus rien de ce qu'il voyait et entendait n'était réel, soit la Stryge à ses côtés était véritablement... une psychopathe. Bon, en même temps, c'était justement une Stryge, c'était limite normal ! Alors... est-ce qu'il avait rêvé, ou elle avait avoué qu'elle bouffait ses congénères ? Hein, il avait halluciné ça, ou c'était bel et bien ce qu'elle avait sortit ? Toujours contre la banquette, Sirius la fixait de son regard  azur teinté de rouge, ne sachant pas vraiment si elle se foutait de lui ou si elle était sincère. En même temps, pourquoi est-ce qu'elle lui inventerait un truc pareil alors qu'ils étaient tous les deux dans un état... proche du lamentable, et qu'ils avaient visiblement laissé les guerres de race de côté ? Pour aucune raison. Le Leprechaun n'avait donc qu'une seule solution, elle bouffait vraiment ses congénères et c'était plutôt comique dans un sens. Toujours les yeux sur elle, il l'observait avec une certaine attention, essayant de l'imaginer entrain de chasser sa propre espèce. Est-ce que ces choses avaient réellement des règles  entre elles ? Est-ce que Astrid pouvait boire le sang des siens sans avoir de problème ? Durant l'espace de quelques secondes, Sirius imagina ce que ça pouvait donné une guerre déclenchée au cœur même des Stryges à cause d'une des leurs ? Non, sûrement pas. Mais ça pourrait être extrêmement marrant de voir ces bestioles s'entre tuer, lui assis non loin du carnage à picoler pour arroser tout ça. Ouais, ça pourrait être sacrément drôle !

- Et bien continue avec ce régime alimentaire là, ce n'est pas moi que ça va gêner, répliqua le blond en rouvrant lentement les yeux et en croisant les bras sur son torse. Sa voix avait baissé légèrement dans les graves, ce qui lui arrivait souvent quand il arrivait à une certaine dose d'alcool et de drogue qui obstruait sa gorge. C'est plus sûr pour moi, mais sacrément... dégueux en ce qui te concerne. Enfin, je ne te juge pas.J'voudrais pas que tu changes d'avis.

C'était peut-être tenté le Diable que de continuer de se foutre d'elle, mais en même temps, Astrid venait carrément de lui tendre une perche. Ceci dit, quand le Leprechaun l'entendit commander les Tequilas, il haussa un sourcil en passant ses mains dans ses cheveux, les ébouriffant au maximum. C'était sans doute parce qu'il était totalement déchiré, mais Sirius avait cru voir une once de tristesse se peindre sur le visage de la Stryge avant de disparaître tout aussi rapidement. C'était à peine croyable, preuve donc que c'était un effet du produit mélangé dans son sang. Ceci dit, il n'allait pas non plus cracher sur l'alcool qu'elle avait commandé, surtout si c'était elle qui payé. Il n'allait pas non plus l'inviter, faut pas déconner non plus ! En tout cas, une fois que les verres furent posé devant eux, et qu'elle lui eut lancé un regard presque sévère, ainsi qu'un verre, enfin, tendu plutôt, parce que si elle lui avait lancé le verre à la gueule, il aurait sans doute fait pareil. Il prit donc le verre sans la quitter du regard, trinqua d'ailleurs avec elle et le bu d'une traite. L'alcool lui réchauffa la gorge de nouveau, ainsi que son œsophage, son estomac, comme si c'était un serpent de feu qui se faufilait lentement, mais sûrement dans son corps. Et sans vraiment attendre qu'elle ait bu ou quoi que ce soit d'autre, il ingurgita le second shot et le dernier, puisqu'elle en avait prit six, trois chacun, le compte était bon.
Le blond soupira d'aise et se laissa aller sur la banquette, les jambes écartées, les bras croisés sur son torse et les yeux clos. Là, il entrait dans sa phase "tout va bien, tout est super bien, je suis au paradis", cette phase où plus rien ne le gênait, où plus rien n'existait, où plus rien ne pouvait lui faire du mal. C'était totalement con, vraiment, comme pensée et sensation, mais c'était hautement libérateur pour lui. C'était toujours ce qu'il avait recherché depuis... pas sa plus tendre enfance, mais quelque chose du genre. Bon, cette phase ne durait jamais réellement, c'était bien ce qu'il regrettait d'ailleurs, et ce qui le faisait regretter ses propres illusions. Dans cet état cela dit, il ne trouvait plus aussi dérangeant de parler et de passer la soirée avec Astrid. Il l'a trouvé même carrément sympathique. C'est pour dire.

- Dis donc, j'me disais, tu veux qu'on reste à croupir ici ou on bouge ? J'te dirais bien, pour une fois, et profite, c'est probablement la première et dernière fois que je te le dis, j'te dirais bien donc de venir chez moi pour qu'on continue de picoler, j'ai quand même du bon alcool, mais t'passeras jamais les portes d'entrée de la Cour... Alors... On peut s'poser dans un coin, un coin chaud de préférence, chaud... j'veux dire, où il fait pas froid quoi, et continuer de picoler... Un coin où toi et moi... on risque rien, quoi...

C'était donc officiel, Sirius Aquila était totalement torché et déchiré ! Non, mais pour venir s'inquiéter de la santé et la sécurité d'une Stryge, c'était que vraiment, il était très, très, très loin de la réalité. Et pour lui prouver ses dire, le Leprechaun se leva, pas vraiment avec grâce et légerté, mais bon, il parvint quand même à tenir debout et lui tendit la main pour l'aider à faire de même. Là encore, qu'il se montre galant, avec une donzelle en plus, était une preuve supplémentaire qu'il n'était pas dans son état normal. Enfin, qu'il était encore pire, puisque son état normal c'était justement d'être perché. Il l'entraîna vers la sortie, ayant depuis le début l'idée de ne pas payer les consommations, et en guise de paix entre eux pour cette soirée de déchéance la plus totale, il lui offrait... la gratuité. De toute façon, le temps que le serveur le réalise, ils seraient probablement loin. S'ils arrivaient à se traîner loin.

- J'te proposerai bien de t'accrocher à moi pendant que je me téléporte, mais tu pourrais ne pas arriver en entier... Ce qui pourrait être dommage.

La réponse du Leprechaun était prévisible, elle commençait à connaître sa façon de pensée à force. Loin de se vexer, elle sourit et lâcha un petit rire.

C'est dégueulasse ouais, comme tu le dis.

Levant son verre et trinquant avec lui elle l'imita en s'enfilant les verres, un par un jusqu'à ce qu'ils soient totalement vides. C'était une scène plutôt amusante, la Stryge et le Faë côtes à côtes, se déchirant la gueule. Même sans l'ironie du fait que leurs espèces soient ennemis jurés, les humains autours d'eux devaient bien rire en voyant les deux loques. Car effectivement, lui avait les yeux qu'on pouvait distinguer rouges depuis l'opposé de la salle et elle, était tout simplement ivre. Elle en avait conscience, mais n'en voyait que les côtés positifs; elle riait d'elle même, elle riait de tout et tout, semblait être bien. Elle jeta un coup d'œil au Leprechaun qui s'affaissait sur la banquette, et ne put s'empêcher d'étouffer un rire. Pitoyable. Cela dit, quelques secondes plus tard la voilà qui sans aucune gêne s'allongeait, remontant ses gambettes sur la banquette. Vraiment, c'était quelque chose. Alors que Sirius semblait s'endormir, elle était plus réveillée que jamais. Elle trouva les bagues à ses doigts fascinantes, avant qu'un jeune homme non loin ne capture son attention. Il lui rappela lui et son beau sourire qu'elle avait faim. Lui rendant son sourire, elle lui fit un petit signe ridicule de la main. Au fond elle se moquait bien de lui, mais ce qui l'étonna était plutôt qu'elle songea à se nourrir sur lui, et cette pensée ne l'écœura ni ne la dérangea.  Quel soulagement !  Elle se sentait légère, presque libérée de sa condition d'Ange Noir qui la pesait si souvent ces dernières années. Se redressant, elle allait entreprendre d'aller chercher le jeune garçon et croquer à pleine dents dans son joli petit cou quand la voix de Sirius l'interpella. Elle se retourna vers lui, surprise. Pour elle, il s'était endormi.

Sa proposition fit sourire Astrid, qui voyait en perspective une nuit pour le moins très intéressante. Elle se retint de rire en le voyant se lever très maladroitement, et attrapa sa main et fit de même. Quand elle fut sur ses deux pieds, le monde sembla tourner autour d'elle. Assise et debout, l'alcool n'était pas la même chose et n'avait pas la même ténacité. Elle s'agrippa à lui plus de temps qu'elle l'aurait voulu, le temps que sa vision se calme. Quand elle y repensera demain, elle se trouvera bien pitoyable mais sur le moment, elle trouvait ça assez amusant. Une fois capable de se tenir toute seule, elle regarda Sirius avec les yeux pétillants à l'idée de potentiellement, faire plein de conneries.

Pas de soucis mon petit Leprechaun ! Je te suis !

Ils commencèrent ainsi à s'éloigner vers la sortie, quand il lui proposa de s'accrocher à lui pendant qu'il se téléporterait. C'est à ce moment là qu'elle entendit le serveur derrière eux leur hurler de revenir pour payer leur grosse consommation. Sirius lui était totalement perché, alors Astrid du l'attraper par une manche et commencer à courir, morte de rire. S'ensuivit une course poursuite pour le moins amusante pour la Stryge, qui traînait derrière elle un Leprechaun qui planait. Bousculant tout le monde sur leurs passage, tout le staff commençait par contre à vouloir arrêter les deux délinquants. Elle ne vit plus qu'une option, le placard à balais. Tirant Sirius avec elle à l'intérieur, elle claqua la porte au nez des serveurs en colère et bloqua la poignée. Se tournant vers le Leprechaun toujours avec le même sourire gravé sur les lèvres, elle lui dit en riant.

Bon pour ton machin de téléportation, maintenant serait le bon moment je crois, elle fit une pause le temps de reprendre son souffle avant de continuer, Par contre s'il te plaît j'aimerais rien rester entière, ça serait dommage oui. Et puis si tu foire quand même et que je me retrouve sans ma moitié et que je meurs, j'te jure que je te hanterais jusque la fin de tes jours.

Elle ne savait pas vraiment si elle en était capable, mais dans son esprit c'était carrément cool.