S'il avait été dans son état plus ou moins normal, c'est-à-dire moins défoncé qu'actuellement, Sirius se serait déjà barré beaucoup plus vite, mais surtout, il aurait probablement tiqué au fait qu'Astrid s'agrippe ainsi à lui comme ça. Et là, pour le coup... ça lui passait complètement au-dessus. Surtout parce qu'il ne réalisait pas vraiment ce qui était  en train de se passer. Mais alors, vraiment pas. Juste que tout à coup, la Stryge le tirait avec lui dans la boîte, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent enfermés dans un espèce de placard à balais dans lequel il se cogna. Ah bah ouais, il faisait un mètre quatre-vingt-quatorze le Leprechaun, et les placards à balais n'étaient pas vraiment réputés pour être haut de plafond. Grognant donc quand sa tête heurta le plafond, il se massa le crâne avant de regarder la "jeune" femme face à lui qui semblait complètement morte de rire. La téléportation ? Ah ouais, merde, il en avait parlé. Ceci dit, lui aussi se mit à rire en la visualisant comme en plusieurs moitiés, et la voir en fantôme avec un long vêtement blanc et compagnie, c'était plus que drôle, effectivement. Mais les coups portés à la porte du placard lui rappelèrent qu'ils devaient se tirer et vite fait.

- Mh... ouais... attends, faut déjà que je sache où tu veux aller. J'peux pas me téléporter sans savoir où, sans visualiser où. Enfin, soit courageuse, vu mon état, c'est possible que je me plante en beauté. C'est toi qui vois.

Bon, un peu de concentration, un peu de sérieux ! Il en avait vraiment besoin pour le coup. Fermant les yeux, et se doutant que sa partenaire de nuit de débauche ne saurait pas où elle voudrait aller, il visualisa tout simplement une rue dans le centre ville, et sans qu'il s'en rende vraiment compte, il planait beaucoup trop pour ça, le blond choisi la destination suivante : son ancienne boutique, celle qu'il avait ouverte avec son ex. Ouais, c'était plus ou moins loin de Sandy Hill, même par hasard, ils ne retomberaient sur le Mercury Lounge. Sans demander son avis à la Stryge, Sirius passa un bras autour de sa taille et la colla à lui, pour ne pas perdre un morceau en chemin. Il ouvrit un œil rapidement pour la regarder et lui lança avant de le refermer :

- Accroche toi bien à moi. Ça sera pas long, t'en fais pas.

Quelque part dans son crâne, la méfiance lui disait de ne pas trop rester collé à Astrid comme ça, que vu leur état à tous les deux, elle pourrait facilement craquer et le mordre, mais en même temps, ce n'était pas pour rester des heures comme ça. La téléportation était par définition rapide. Il n'y avait donc rien à craindre. Normalement. Bref, une fois de nouveau concentré sur sa destination, il prit une inspiration et pouf, ils avaient disparu du placard. Ça ne dura effectivement pas longtemps, à peine une seconde quand ils posèrent les pieds sur les pavés de la rue, plongé dans le froid d'une nuit canadienne hivernale, sur la place qu'il connaissait si bien. Pas exactement en face de son ancienne boutique, mais c'était déjà ça. Le Leprechaun fini par lâcher la Stryge et fit quelques pas en direction de l'endroit visé au premier abord. Ce n'était évidement plus une boutique de Farces et Attrapes comme avant, il n'y avait même plus de couleurs vives ni rien, c'était tout simplement une boutique comme une autre, une boutique de fringues, rien de plus. Mais les souvenirs étaient pourtant bien là. Et... la douleur aussi. Déglutissant, il se recula de plusieurs pas en passant ses deux mains dans ses cheveux. Tout ça, c'était derrière lui, tout ça, c'était fini, de l'histoire ancienne. Et c'était définitivement pas le moment de repenser à ça, justement. Il fini par se retourner vers Astrid qui attendait qu'il se bouge pour aller justement à l'endroit qu'il avait décrit au préalable. Un endroit chaud où il serait en sécurité et où il pourrait faire des conneries, probablement. Sauf que là, il n'avait pas la moindre idée de où ils allaient justement aller. De temps en temps, il y avait de bonnes fêtes à la Cour, mais d'une part, Astrid n'avait pas le droit d'y aller, et se serait mettre le loup dans la bergerie. Donc, une formidable mauvaise idée.

- J'ai une petite idée de ce qu'on peut faire, mais faut que tu me fasses confiance, juste deux minutes. Je connais le quartier. La boutique en face, la librairie, le patron garde du whisky sous le comptoir. Genre beaucoup. Y a pas de caméra de sécurité ni rien du tout. Je me téléporte directement dedans, je t'ouvre et on picole en faisant le tri dans ses bouquins. Ce mec est un connard, réellement, un putain d'homophobe qui m'a bien fait chier pendant un moment. J'ai envie de lui pourrir sa petite vie cette fois.

Finalement, cette petite nostalgie était bonne, Sirius avait à présent un tas de farces pas très sympas et vicieuses à faire à ce vieux libraire. Avec un petit rire, il se téléporta dans la boutique, mais son rire fini en un éternuement quand il fut à l'intérieur et que la poussière du lieux lui envahit ses narines. En quelques enjambées il alla ouvrit la porte avec un large sourire et invita sa compagne d'un soir à entrer, notamment avec une des grosses bouteilles d'alcool fort qu'il avait subtilisé.

Sa chère et tendre maman lui avait toujours apprit à ne jamais se moquer du malheur des autres. Mais bon, elle était dans un tel état que voir le Leprechaun se prendre le plafond la fit rire de plus belle. Et même si il la suivit dans son fou rire probablement pour autre chose, ça restait toujours très amusant. Elle tenait toujours la poignée de la porte et jeta un coup d'œil rapide à Sirius en hochant distraitement de la tête et en marmonnant un «Ouais ouais.. » pas très audible. Elle était plus concentrée sur la porte bien bruyante que sur son discours. Cela dit, dans les secondes qui suivirent les mots percutèrent dans son esprit embrumé et elle se retourna une seconde fois vers lui. Elle allait protester contre le fait qu'il était possible qu'il se plante et la tue par la même occasion, parce que, mourir de cette façon serait vachement ridicule à ses yeux et de bien des façons. Seulement, derrière la porte le personnel hurlait de plus en plus fort, les voix en colère et les coups portés sur le bois de la porte résonnaient dans sa tête qui semblait être dans une toupie. Elle devait être en redescente pour être à ce point dans le vague, pendant quelques secondes elle se détacha complètement de la réalité pour divaguer. La sensation du bras de Sirius qui l'attrapait la ramena à la réalité. Elle cligna plusieurs fois des yeux, eu un moment de courte réflexion avant de réaliser ce qu'il se passait. Il venait de la coller à lui, pour le trajet certes, mais le geste restait le même. Elle n'était pas gênée, non, ce n'était pas son genre. Seulement, même si le Leprechaun était en train de planer à deux mille mètres d'altitude, l'action restait exceptionnelle. Elle aussi était fort alcoolisée, mais pas assez pour ne pas remarquer la chose. Bref.

Suivant son conseil, elle s'agrippa fermement à lui. Si lui casser des os pouvait éviter le fait qu'elle perde une jambe, elle le ferait. Pareillement à quelques secondes auparavant, elle lui aurait bien rétorqué qu'elle ne s'en faisait pas du tout, juste par fierté. Seulement, ce n'était pas le cas. Bien le contraire. Jamais elle n'avait été téléportée, et encore moins grâce à un Leprechaun. Elle prit une brève inspiration et ferma les yeux, comme pour prévenir une quelconque douleur qui surgirait. Mais à sa grande surprise, à peine une seconde après qu'elle ai fermé ses yeux, elle sentit un sol froid sous ses pieds, et un vent glacer balayer ses cheveux dans son visage. Elle les rouvrit alors que Sirius la lâchait. Bouche bée, c'était le mot. Les voilà qui étaient maintenant dehors, dans une rue qu'elle ne connaissait point. Elle tourna et observa les alentours, déserts. Une fois la surprise passée, elle chercha Sirius du regard qui semblait absorbé par une boutique de vêtements. Elle se demanda pendant un instant si il voulait s'acheter des fringues, mais en déduit par son air totalement perturbé et l'émotion qu'il émanait que ça ne devait pas vraiment être ça. Elle haussa les épaules; si ça se trouve, il était tout simplement malade. Le trajet peut être ?

Il revint rapidement vers elle cela dit, exposant son plan. Au fur et à mesure qu'il expliquait, le sourire d'Astrid grandissait, semblable à celui d'une enfant à qui on venait d'annoncer le planning d'une journée à Disney. Ledit libraire ne lui avait rien fait personnellement mais si à chaque fois qu'elle avait pourri la vie à une personne, il lui fallait un prétexte.. Et bien, ça ne serait pas Astrid. Et puis, un peu de solidarité envers le petit Leprechaun dans ce cas présent ne lui coûtait rien. Elle hocha de la tête à celui-ci avant qu'il ne disparaisse. Autant, il pouvait tout simplement rentrer chez lui. Se téléporter loin d'ici, et la laisser poireauter dans le froid. Cette pensée traversa l'esprit de la Stryge. Il pourrait très bien le faire, en effet. Cela dit.. Il était dans un tel état de défonce, qu'il en semblait presque plus gentil.

Quelques secondes plus tard, un bruit de porte attira son attention. Elle reconnu la silhouette de Sirius de loin, et se dirigea vers lui. Sourire jusqu'aux oreilles et bouteilles à la main, il l'invitait à rentrer, et la Stryge ne se fit pas prier. Même si sa première réaction fut d'éternuer à cause de la poussière. En passant le pas de la porte, elle lui retourna son sourire en riant à moitié.

Dis donc, je pensais jamais te dire ça un jour et c'est sûrement la seul fois où tu l'entendra.. Mais Sirius, t'es un génie putain, lâcha-t-elle en lui piquant la bouteille des mains à la volée.

Elle s'avança dans la pièce sombre. Elle pouvait y voir, et la lumière des lampadaires du dehors traversaient les vitres, ce qui leurs donnaient un peu plus de clarté, suffisante pour ne pas se prendre chaque meuble. Elle se disait que ce n'était pas plus mal, parce qu'au fond une lumière trop vive lui brûlerait sûrement les yeux en cet instant précis. Elle ouvrit la bouteille et l'entama aussitôt, en laissant son regard traîner un peu partout.

Alors, avec quelle intensité veux-tu rendre la pareille à monsieur le libraire ?, elle se retourna vers lui en balayant un meuble avec son bras, faisant tomber par la même occasion tout un tas de bouquins, Un petit peu ? Beaucoup ? Passionnément ? À la folie ?

Elle ne tenait presque plus en place, et si elle le pouvait, elle aurait déjà saccagé la pièce en quelques secondes. Mais, cela dit ça aurait été moins amusant. Continuant à vider la bouteille, elle continua à fouiner dans la boutique, ouvrant un livre pour en lire trois mots, avant de le jeter derrière elle, puis recommencer avec un autre.

Sirius éclata de rire en l'entendant le qualifier de génie, mais pour le coup, il était plutôt d'accord et vraiment fier de lui. Pas que d'habitude, il n'était pas fier de lui, mais là pour une fois, tout en planant complètement, il se trouvait effectivement génial. La laissant entrer dans la boutique, il referma la porte derrière eux et tira les stores, histoire que les voisins ne voient pas des ombres suspectes. Ce qui lui permit d'allumer les lumières, comme ça, ils pouvaient se déplacer sans problèmes dans les lieux sans craindre de se cogner ou quoi que ce soit. Pendant qu'Astrid s'amusait avec les livres, le blond retourna près du comptoir pour se poser, ayant garder une des bouteilles avec lui et l'ouvrit, prenant une petite gorgée. Son regard azur se posa sur la vieille caisse enregistreuse.

- Passionnément. Je dirais même carrément à la folie. Ce type nous en a fait baver à mon ex et moi quand on bossait par là. Entre fausses accusations et mauvaises pubs, sans compter tous les flics qu'il nous a envoyé, je peux te garantir que j'ai une furieuse envie de lui pourrir la vie. Mon ex m'en a empêché par le passé, là, y a plus rien qui va me retenir.

Sans plus d'argument, et prit d'une folie soudaine, il tapa sur le tiroir de la caisse pour l'ouvrir, ce qui se fit effectivement. Le sourire du Leprechaun étira complètement son visage, jamais il n'avait été pour voler ses collègues commerçants, mais là, dans son état, il trouvait ça parfaitement juste et loyal, après la façon dont ce vieux type les avait traité Xion et lui. Fouillant sans ménagement dans les billets et la monnaie, il piocha dedans, mais au lieu de mettre cet argent dans sa poche, il le posa sur le comptoir et le fit glisser vers la Stryge. Fallait bien qu'elle ait sa part après tout. Et il ne voulait pas avoir le fric de ce déchet. Ensuite, il referma la caisse, reprit sa bouteille et se traîna dans les rayons pour voir ce que ce type vendait. Une fois, il avait essayé de s'intéresser à sa marchandise, mais il avait commencé à crier à la perversion et au démon, si bien que les clients aux alentours lui avait fait barrage, pensant que c'était lui le malade dans l'histoire. Sans surprise, il tomba sur des bouquins sur la religion, sur les opinions politiques les plus extrémistes. Et étonnement, saisissez l'ironie, bon nombre d'auteurs talentueux, ou ayant écrit des œuvres sujets à controverses ou justement à l'opposer de ce qu'il pensait étaient totalement absents des rayonnages.

Tombant sur un livre qui lui donnait littéralement la gerbe ne serait-ce que pour le titre, et le résumé en quatrième de couverture, Sirius l'ouvrit et commença à le feuilleter. Pas pour le lire, manquerait plus que ça, mais plutôt pour se décider de ce qui convenait de faire avec ce torchon. Comment des gens avaient pût écrire ce genre de truc, publier, vendre, acheter et lire ? Enfin, vu le stock qu'il y avait ici, peu probable que ce soit beaucoup acheté. Finalement, et très lentement, il déchira une page, la lançant par dessus son épaule, puis une deuxième, puis une troisième, et ainsi de suite. C'était beaucoup plus jouissif que ce qu'il avait pensé. Et puis, quand il relevait la tête pour voir ce que sa donnait, il avait l'impression qu'il neigeait dans la pièce. De nouveau, il rit, un peu comme un enfant cette fois. Et losqu'il ne lui resta plus dans les mains que la couverture du livre, il la lança un peu comme un boomerang à travers les rayons.

- Si j'avais de quoi peindre, je lui ferais une fresque qu'il ne serait pas près d'oublier... Pareil pour la façade. Ça aurait besoin d'un peu de couleur...

Le Leprechaun sautilla pour rejoindre sa comparse, dans une humeur de parfait petit lutin farceur et vint trinquer avec elle, buvant une longue gorge du whisky presque aussi vieux que le propriétaire des lieux, puis se laissa tomber près d'elle en la regardant. Sans la lâcher des yeux, il attrapa les bouquins autour de lui, eux aussi subirent le même sort que le premier, bien que cette fois-ci, il prit un malin plaisir à faire des petites boulettes avec pour le lancer sur la Stryge, ou au-dessus d'elle. A un moment donné, il visa une tête d'ours empaillée, dont la gueule était ouverte, mais le basket, ce n'était vraiment pas son fort.

- T'as une idée de ce qu'on pourrait utiliser pour repeindre les lieux ? J'ai envie de peindre, genre vraiment, mais j'veux pas utilisé mon sang.