Marion court dans les couloirs du temps.
Marion aux yeux bleus.
Marion aux lèvres rouges.
Marion est belle et éternelle.
Et elle rit, cette éternelle femme, quand elle court dans les couloirs du temps.
Eli ! Eli !
Eli entend la voix de Marion.
Il fait noir sur Ottawa.
Il pleut sur Ottawa.
Eli entend son nom comme des gouttes de pluie.
Eli ! Eli !
Dans le long couloir de pierre, il se retourne.
Marion court vers lui.
Dans ses voiles noirs, sa robe blanche, ses nuages noirs.
Marion l’entoure de ses bras blancs.
Eli, il y a une nouvelle-morte pour toi.
Pour moi ?
Elle est morte, elle ne le sait pas encore.
Pourquoi moi ?
Tu le découvriras.
Il pleut sur Ottawa.
L’eau tombe en trombe.
Ottawa est vide de chairs. Les hommes se sont réfugiés dans leurs bâtiments de verre et d’acier. C’est le silence de la pluie, sur les toits et sur les trottoirs. Les cris des sirènes quand l’urgence pousse les hommes à braver l’eau du ciel.
Les murs sont nus. Les fenêtres sont pleines de pluie.
Il fait noir. Il fait minuit.
Dehors, les éclairages de la rue frappent contre les vitres.
La ville éclaire la salle vide.
Une femme sur le carrelage.
Une femme de brume, habillée de vagues transparentes.
Un homme à genoux près d’elle.
Un homme de nuage blanc, habillé d’un costume blanc.
Ils sont irréels et pourtant présents.
Il se penche vers elle, regarde son visage.
Il ne la connait pas.
Il ferme les yeux, demande à la Mort de lui présenter la femme.
Sonja ?
Murmure Eli en ouvrant les yeux.
Elle s’appelle Sonja, il ne le savait pas.
Elle s’appelle Sonja, il ne la connait pas.
Il pose une main sur le front de Sonja. Il caresse le front pâle et sans vie. Il écarte les cheveux immatériels.
Sonja…
Il pose sa main dans ses cheveux épars.
Elle dort, Sonja. Elle rêve peut-être à une vie qu’elle n’a plus.
Elle va exister, Sonja. Exister une vie enfin qu’elle n’aura plus.
Il enfonce ses doigts dans les cheveux épars.
Il caresse le front qui vibre de lumière cimetière.
Sonja, réveille-toi.