Effets secondaires + Ft. Mina

EFFETS SECONDAIRES

Maudits y a l'plafond qui m'regarde !

Elle sourit naïvement, similaire à une peste qui savourerait discrètement son oeuvre. Et c'est officiellement le cas. A dire vrai, elle ne cherche pas réellement à s'en cacher. Elle aime arracher le sourire arrogant qui ne s'efface que très rarement des lèvres de 'Mina. Silencieusement, elle scrute les traits de la blonde avec attention. En plein dans le mil. Il suffit d'une demi-seconde à la Stryge pour percuter enfin ce qu'elle subit insidieusement. Et voilà que Diane lui adresse un large rictus insolent. L'alcool a le don de la rendre puérile. Et, présentement, elle a tout de l'adolescente provocante et malicieuse. Cela étant, elle n'ouvre pas la bouche afin de l'accabler davantage. Elle laisse la chaleur émaner d'elle par vagues successives. Elle savoure ce que cela provoque entre ses côtes. Il n'y a que lors de ces rares fois où elle use de sa nature que Diane semble se réchauffer enfin. Cependant, utiliser ces particularités revient à accepter ce qu'elle est et, c'est une chose qu'elle réfute encore avec véhémence. Cela serait alors accepter l'éternité qui s'étend devant elle. Et, Diane n'est définitivement pas prête pour cela. Néanmoins, elle doit bien l'admettre; elle s'en amuse présentement beaucoup. Elle en vient même à croiser les bras contre sa poitrine, en une attitude à la fois nonchalante et condescendante. Elle se joue d'elle, arque un sourcil, faussement perplexe par l'attitude changeante de la Goule et finit même par demander innocemment:
- Tout va bien, 'Mina ?

Elle se concentre, accentue la brûlure qu'elle insuffle perfidement à son interlocutrice. Œil pour œil... vous connaissez la suite. Combien de temps avant que 'Mina comprenne qu'il s'agisse tout simplement d'elle ? Elle jette une brève œillade à la pendue encore suspendue derrière elle et réprime une gloussement éhonté. Un. Diane incline un peu sa petite tête; inquiète en apparence, alors qu'elle fait un pas vers elle. Deux. La blonde presse ses doigts contre son bas-ventre. Trois. La Sidh fronce ses sourcils, l'interroge du regard. Quatre. La distance se réduit davantage entre elles, alors que 'Mina semble s'agiter intérieurement.
- Ne joue pas avec ça, petite fille. C'est un conseil.
Cette fois, Diane ne dissimule plus son amusement cuisant. Elle tente d'étouffer son hilarité derrière ses doigts, puis secoue doucement la tête.
- Quoi ? Trop de siècles que tu es frigide, c'est ça ? Ça te titille ?
L'alcool décuple son étonnante frivolité. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ris de la sorte. Elle en presse sa paume contre son abdomen en pouffant tout sauf gracieusement. Elle a beau être vêtu de manière indécente et sexy, elle n'en reste pas moins alcoolisée. Ne lui en demandons pas trop.

Comme beaucoup d'événements dans son existence, Diane n'a pas le temps d'anticiper la suite. L'impact se fait ferme et sans appel contre son sternum, lui coupant instinctivement le souffle. D'une main, la Sidh se retient à la porte du réfrigérateur sur sa droite, alors que quelques points lumineux dansent dans ses yeux qui, eux, s'écarquillent de stupéfaction. La douleur se propage et résonne dans chacun de ses membres, si bien qu'elle croit, un instant, se briser en mille morceaux. Elle tâte son torse, empoigne fébrilement l'arme qui lui broie la cage-thoracique sans pour autant oser le retirer.
- Bo... bordel, crache-t-elle péniblement.
Le goût du sang emplie sa bouche, alors qu'il s'épanche d'entre ses lèvres. Elle se voûte légèrement vers l'avant, dégueule l'hémoglobine qui lui flanque clairement la nausée.
- Tu... tu fais chier.
Elle aurait dû boire davantage; voilà ce qu'elle se dit, tandis qu'elle dégage dans un râle assourdissant l'énorme pointe de sa poitrine. Le métal tinte lorsqu'il s'effondre enfin sur le sol.

Elle titube jusqu'à venir s'appuyer contre le plan de travail, le souffle lourd et court. Son myocarde continue de battre avec effroi entre ses côtes, lui rappelant que la douleur ne s'est pas encore dissipée. Elle papillonne à plusieurs reprises des cils, sans s'attarder sur les quelques paroles de 'Mina. De toute manière, il n'y a plus qu'un bourdonnement agaçant dans ses oreilles. Elle grimace, se redresse comme elle peut, mais se ravise.
- D’ailleurs comment tu es canée toi ? La drogue ? Le cancer du Sida ? Tu as bien une gueule à ça…
Ses prunelles lancent des éclairs. Elle n'aime pas parler de sa mort. D'ailleurs, mis-à-part, Artemis, personne ne sait véritablement les circonstances de son trépas. Cela étant, elle se surprend à inspirer profondément pour répondre d'une voix encore soufflée:
- Je me suis tirée une balle dans la tête.

Son visage s'assombri et, sans un mot supplémentaire, Diane se traîne hors de la cuisine, hors du regard critique de la jeune femme. Elle déglutie péniblement, la main toujours pressée contre la plaie qu'elle sent se refermer lentement. Elle traverse la demeure d'un pas lent, puis se réfugie dans l'ancienne chambre de Sygrid. Là, elle se laisse tomber lourdement sur le lit, savourant silencieusement les derniers picotements douloureux qui la torpillent. Elle ferme les paupières. Pourquoi lui a-t-elle demandé de venir déjà ? Elle n'est pas certaine de s'en rappeler. Peut-être parce qu'elle l'aime bien, au fond, malgré son dédain permanent. Peut-être parce qu'elle n'a pas totalement tort en ce qui la concerne et qu'elle a besoin de l'entendre. Quoi qu'il en soit, elle secoue mollement la tête dans un soupire las.

EFFETS SECONDAIRES

La seule arme qui m'intéresse, c'est le tire-bouchon

Les mots de Diane eurent un impact fort. Cette moquerie dans sa voix insupportait d'autant plus Mina qu'il s'agit là d'un complexe qui la rendait hautement vulnérable. Frigide... si elle avait été loin de l'être à une époque reculée, le mot avait été lancé en la blessant au passage avec une force qu'elle n'attendait pas. Si Mina s'était posée la question, à savoir pourquoi elle évitait de côtoyer du monde, la réponse venait douloureusement de se rappeler à son bon souvenir : Parce que c'était s’exposer à des jugements, et que sa carapace de glace n'était pas aussi solide que ce dont elle essayait de se convaincre. Surtout lorsque l'on s'attachait. Là, c'était encore pire. On ne pouvait pas réellement dire que Wilhelmina était éprise d'un sentiment d'amitié pour la Sidh mais quelque chose l'avait poussé à venir ce soir, prouvant à cette occasion qu'elle n'était pas insensible au sort tristement pathétique de Diane. Quelques similitudes avec sa propre histoire, ses propres ressentit avaient poussé son regard vers elle et donné suffisamment d'élan à sa curiosité pour braver la Cours et les Faës. Et ainsi, la rejoindre. La présence de Diane ne lui était pas insupportable, enfin pas entièrement. C'était au contraire très rassurant de voir une immortelle frôler ainsi l'état d'épave. Et puis... l'avoué était encore une source d’incompréhension mais elle l'aimait bien, Diane. Parce qu’à bien y regarder, elles étaient toutes deux égarées, aussi fragiles l’une que l’autre dans l’immensité de ce monde néfaste et trop vif pour des créatures comme elles. Pour Wil', cela se voyait juste moins. Devant sa suffisance et son mépris, il était difficile de voir qu’au fond, elle ne valait pas mieux qu’une Sidh éprouvée par la boisson.

Mais la colère avait balayé tout cela. Ne restait plus que cette irritation grandissante, cette impulsion misérable qui lui imposait de frapper à son tour, et pas qu’avec des mots. Et à présent qu’elle observait de toute sa superbe, droite et altière pour dédaigner comme il se devait le lamentable lombric qui ondulait sous la douleur… Mina souriait. Elle irradiait même. Et se sentait d’avantage à son aise maintenant qu’elle reprenait le dessus. C’était facile… La gargouille ne se faisait pas d’illusion là-dessus. Blesser physiquement une Sidh pour échapper à ses moqueries, c’était minable (et dans minable y’a Mina… Coïncidence ? JE NE PENSE PAS) mais diablement efficace. En tout cas assez pour effacer son manque de confiance flagrant et passer inaperçu. Et puis soudain, lorsqu’elle eut pris le dessus sur sa douleur, Diane trouva le moyen de répondre à sa question persiffleuse avant de trainer sa carcasse hors de la pièce. « Je me suis tirée une balle dans la tête. » L’information ne sembla pas contrarier la Stryge qui resta sans bouger quelques instants, le visage aussi peu marqué par la grisaille qu’auparavant. En réalité, elle s’en était doutée. Diane présentait un peu les signaux d’une suicidaire, rongée jusqu’aux entrailles par le mal de vivre bien qu’elle soit morte. La manifestation poignante d’un malheur passé, et encore trop présent. Elle croisa les bras… Mina ne voulait pas être touchée par cette révélation, mais elle le fut bien malgré elle. Parce que vouloir mourir, profondément… elle savait ce que c’était. La Stryge poussa un soupir, mais laissa Diane s’évaporer dans une pièce avant de repartir dans le salon. Rester ? Partir ? Mina s’interrogeait. C’était particulièrement chiant, mais sa conscience l’empêchait de s’en aller après cette entrevue. Ce qui la poussa à soupirer plusieurs fois encore, avant d’arrêter de force… parce que faire du vent ne servait vraiment pas à grand-chose. Tout bien considéré, c’était maintenant ou jamais pour se faire la belle. Avant que la Cours ne s’éveille, pour ne pas se faire remarquer…

Du coin de l’œil, Mina remarqua un tas de papier sur un meuble délaissé. Elle y fit traîner ses doigts pour dénicher le menu d’un livreur de Pizza spéciale Faës. BINGO ! Elle allait pouvoir manger ! Et en moins de 20 minutes qu’il disait, Ricardo. Après commande, elle s’installa dans un large fauteuil déglingué, les jambes par-dessus l’accoudoir pour regarder des vidéos You Tube sur ton téléphone. La technologie avait quelque chose de particulièrement grisant. Ou bien, elle parvenait assez à le lui faire croire et à tromper sa solitude pour la distraire. Puis après un énième visionnage du chat qui pète à cause d’un hoquet (Cette vidéo existe), sa 4 fromages frappa à la porte (enfin… le livreur) et la Stryge fut aussi bien enivrée par l’odeur de sa commande que par celle du jeune Faë. Donc le sang serait un délice. Mais elle résista, se contenta de lui refiler un billet pour régler sa dette et emporta sans réfléchir son acquisition fromagère dans la pièce où boudait Diane. Et, une part de pizza dans la bouche, elle débarqua sans ménagement :

« Tu fais la gueule ? Ooooh allez c’était juste un pic à glace… et il était à peine enfoncé. Un cure-dents ne t’aurais pas fait beaucoup moins mal tu sais ? »

C’était des excuses ? Oui … Pas terrible hein, mais elle était au max pour l’instant ! Sans attendre de réaction, elle grimpa sur le lit avec son carton dans les mains et le déposa sur le lit. Puis elle observa Diane en silence, sans réellement sourire. Avant de pousser le carton vers elle.

« Tu as faim ? Depuis combien de temps tu ne fais que boire, sans rien avaler ? Pas étonnant que tu es une dégaine de cadavre ambulant. Tu sais, j’ai rencontré des Sidh bien portantes, ce n’est pas une condition d’être bourrée, pâle et à moitié famélique. »

EFFETS SECONDAIRES

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Sa Mort. C'est un sujet bien trop délicat que Diane n'aime pas aborder. Comme beaucoup d'éléments dans son existence, sa Fin représente, elle-même, un échec cuisant. Elle se souvient encore de la fraîcheur du métal contre sa tempe, de sa main tremblante contre la crosse. Et cette attente, interminable, alors qu'elle se perdait en confusions délirantes. Ces voix à la fois familières et décharnées qui résonnaient entre les parois étriqués de sa petite caboche, qui l'accablaient toujours plus pour qu'elle ne presse enfin sur la détente. Et, elle l'avait fais. Elle s'était évanouie dans quelques éclaboussures pourpres, dans une détonation assourdissante. Elle s'était évanouie dans une effusion morbide, dans une déflagration dégoûtante. Elle s'était évanouie et, le temps s'était enfin arrêté. Puis, la vie avait repris son cours; la sienne y compris. Et, la Sidh n'assimile toujours pas quelle ironie avait poussé le Ciel à la recracher en ces terres hostiles. Affalée sur le lit, Diane contemple le plafond. Mais ce n'est pas réellement le blancheur agressive du plâtre qu'elle cherche. Naïvement et, encore quelque peu étourdie par les vapeurs d'alcool, elle fustige d'un regard sceptique une Divinité mystique. Elle ne parle pas mais, elle l'interpelle silencieusement. Puis, elle attend, bêtement, espérant un signe qui ne vient pas et, qui ne viendra probablement jamais. Alors, elle replie son bras contre son visage dans un profond soupire.

Plus aucun bruit ne détonne dans l'immense demeure. Il n'y a que le souvenir fugace de Sygrid, qui l'enserre encore dans un étau incertain. Sygrid. Cette rousse un peu bancale est une plaie béante qui refuse de cicatriser. Le manque est un mal bien tenace et, Diane ne parvient toujours pas à l'apprivoiser. Elle se réfugie dans les quelques images passées, dans ces fragrances entêtantes qu'elle ne veut pas laisser s'évanouir dans l'oubli. Sygrid. Elle est partout malgré sa douloureuse absence. Elle est partout, et elle l'étouffe chaque jour un peu plus. La Sidh se recroqueville, tel un petit animal brisé, en ramenant un oreiller oublié contre son torse. Elle l'écrase entre ses bras fébriles, respire les dernières effluves clandestines qui s'en échappe. Sygrid. Elle a envie de vomir cette femme, d'arracher son empreinte qui, persiste à la ronger entre ses côtes. Le vide est vertigineux en cette soirée, malgré la présence de 'Mina. Une larme dévale sa joue. Et, elle se tend plus encore autour de ce dernier vestige d'une réalité achevée. Elle l'aimait. Et cela n'a jamais eu aucune cohérence. Elles n'étaient que deux particules nébuleuses dans l'atmosphère. Mais, ensemble, elles essayaient - souvent vainement - de ne pas définitivement choir dans l'obscurité.

L'éternelle élégance de 'Mina résonne enfin dans le couloir et, Diane ne peut s'empêcher de grimacer d'anticipation. Cette greluche est loin d'être la présence idéale, finalement. Pourtant, lorsqu'elle entre dans la pièce à son tour, un sentiment réconfortant vient réchauffer le cœur gelé de la Sidh. Une odeur singulière lui chatouille les narines, l'incitant à relever partiellement la tête. Elle arque un sourcil, amusé, puis lève les yeux au ciel. 'Mina et la nourriture; une grande histoire d'amour.
- Tu fais la gueule ? Ooooh allez c’était juste un pic à glace… et il était à peine enfoncé. Un cure-dents ne t’aurais pas fait beaucoup moins mal tu sais ?
Elle l'observe un moment, visiblement peu réactive, presque éteinte. Elle la scinde avec une apathie quasi-totale, l’œil légèrement plissé en une expression peu avenante. Mais, ses lippes s'étirent rapidement en un franc sourire. Elle pose machinalement sa main là où se trouvait précédemment le dit pic à glace, puis grommelle malgré tout:
- Ça fait mal, elle marque une courte pause, pétasse.

Diane détaille la pizza sous son nez d'un œil critique. Si l'alcool semble redescendre, cela ne lui ouvre pas l'appétit pour autant. A dire vrai, elle ne se souvient pas à quand remonte son dernier repas. A quoi bon manger, de toute évidence, ce n'est pas la famine qui la tuerait. Elle se pince la lèvre, comme une gamine qui se ferait réprimander, puis hausse mollement les épaules suite à la remarque de la blonde.
- Mais je mange commence-t-elle sans grande conviction, je mange bien. J'adore manger...
Le mensonge n'a jamais été son fort. Alors elle replie ses jambes contre sa poitrine pour dissimuler sa maigreur et sa nudité partielle, les entourant de ses bras, la joue posée contre un genou.
- L'alcool coupe la faim, avoue-t-elle.
Même de son vivant, Diane ne mangeait plus beaucoup lorsqu'elle s'était réfugiée dans la boisson. De toute façon, quand elle ne comatait pas, elle était bien trop occupée à rendre tripes et boyaux. Elle s'enserre plus encore, cherchant à se dissimuler davantage aux yeux de 'Mina.
- J'étais une bonne mangeuse avant, déclare-t-elle distraitement, j'étais même une bonne vivante. J'aimais vivre...
Sa voix se brise, n'est plus qu'un souffle. Et, elle détourne douloureusement la tête, pour fixer un point qui n'existe pas.

EFFETS SECONDAIRES

La seule arme qui m'intéresse, c'est le tire-bouchon

Un sourire avait étiré la commissure de ses lèvres au moment de se prendre l’insulte de Diane. Et Wil’ avait retenu l’envie de rire un peu. Mesurément peut être, mais quand même. Avec sincérité … Cette espèce de vigueur dans ce simple mot après cette courte interruption… c’était marqué d’une énergie qui était propre à Diane. Se faire insulter n’était pas le genre d’expérience qu’elle appréciait… pas comme la Sidh justement, qu’elle imaginait bien se rouler dans les jurons qu’on pouvait lui lancer, parce qu’elle semblait être une adepte du masochisme. Mais il y avait une vibration dans ce mot qui indiquait à Mina des émotions bien éloignés de la haine ou de la véritable colère. C’était très paradoxal, elle n’en avait pas l’habitude. Mais c’était ainsi qu’elle ressentait les choses et comme toujours, la Stryge se retrouvait à s’interroger sur sa relation avec Diane. Sur la manière dont elle la percevait, sur ses propres sentiments. Mina ne ressentait pas grand-chose habituellement. A l’instar de la matière qu’elle pouvait aborder, son cœur était un roc et ne s’emballait que rarement. Le granite dont elle essayait de se constituer était friable, de toute évidence. Surtout devant les chiens égarés. Après tout, Mina en était un aussi… une créature blessée, errant sans but dans l’immensité du temps. Elle croisait des gens, mais personne ne marquait ses souvenirs ou son présent. Si bien qu’elle avait l’impression de nager sous des eaux troubles, sans même une petite lumière à suivre pour se guider. Pas vraiment d’espoir, juste de la résignation. Alors, quand elle tournait son regard vers Diane, elle semblait trouver de temps à autre l’image fragile d’une personne à qui elle pourrait peut-être venir en aide… et qui a son tour, pourrait la secourir. Mais cette pensée souvent, lui faisait honte … C’était non seulement accepter que la solitude la faisait souffrir, mais aussi qu’elle était en détresse. Le genre de chose qu’elle repoussait toujours avec véhémence, mais qui naissait toujours, encore et encore… comme une jeune pousse après un incendie.

« Mais je mange… je mange bien. J'adore manger... L'alcool coupe la faim. » Wil’ n’avait pas ouvert sa bouche. Non pas parce qu’elle était pleine de pizza (bien le cas, mais elle aurait sans ménagement craché des morceaux de fromage au visage de Diane si elle avait voulu en placer une) mais parce qu’elle attendait une suite à cela. Bien sûr, que l’alcool coupait sa faim à Diane. C’était quelque chose dont elle se doutait mais l’entendre était finalement frappant. Le spectre avait donc pleinement conscience de son état et de ses conséquences. C’était désolant… et même si elle jugeait Diane du regard, Mina savait… Elle savait que pour elle, ce n’était pas l’alcool. Mais qu’il y avait autre chose. Il y avait toujours autre chose … pour éviter de faire face à sa réalité. « J'étais une bonne mangeuse avant, j'étais même une bonne vivante. J'aimais vivre... » C’était difficile à croire, ça. Imaginer Diane préparé un cheesecake à la framboise, ou rire à gorge déployé pendant une partie de carte avec ses copines ringardes… Non ce n’était pas vraiment le pied. Mais elle haussa les épaules et se contenta de lancer le trottoir de sa pizza dans le carton avant de jeter un œil sur Diane. Cette révélation avait brisé sa voix, et elle regardait désormais ailleurs. Eviter le regard de Mina semblait désormais une nécessité pour elle… Sans doute parce qu’elle s’attendait à recevoir un nouveau coup de bâton. La Stryge pourtant n’en avait pas envie. Elle marchait souvent aux sarcasmes… C’était ainsi qu’elle défendait ses apparences et qu’elle éloignait le monde de sa petite vie monotone. Cela lui permettait de survivre. Mais ce n’était pourtant pas, parfois, l’envie de s’ouvrir qui lui manquait. Cette fois c’était presque douloureux. Elle ne voulait pas le faire, sous peine de passer pour une imbécile… de souffrir, de regretter. Les mots étaient pourtant sur le bord de ses lèvres. Pour quelqu’un qui ne savait pas s’exprimer, Mina était perplexe devant la simplicité en cette occasion, de parler.

Elle laissa un silence glisser quelques secondes entre elles, avant de tripoter un morceau de pizza dont elle n’avait en réalité même pas envie. Puis elle posa sa tête sur un oreiller, délaissant la nourriture humaine dont elle raffolait toujours autant. Elle poussa un soupir après une grande inspiration qui avait largement soulevé sa poitrine, puis tourna à son tour la tête à l’ opposer de Diane. Si elle la regardait, c’était perdu… Si Diane la regardait maintenant, Mina se refermerait sans attendre et retournerait se cacher au fin fond de ses eaux troubles.

« Je connais une fille. Enfin … j’ai une amie… »

Elle laissa planer un nouveau silence. Ses mots étaient parfaitement choisit. Bien sûr, elle parlait de Diane, et cette dernière le devinerait aisément. Mina employait la bonne vieille excuse du ‘je connais quelqu’un’ pour ne pas se sentir assiégée. C’était là une porte de sortie ridicule, mais la Stryge ne pouvait faire autrement…

« Elle aussi c’est une Sidh, elle picole trop. Elle se paume un peu là-dedans, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi mais c’est compulsif. Le souci c’est qu’elle ne perçoit pas les choses de la bonne manière. Etre morte ne la rend pas pour autant diaphane et au contraire… elle déborde d’émotions et donc… de vie. »

Diane l’était, vivante. Elle l’était même plus que Mina, plus que n’importe qui, humain ou non… parce qu’elle combattait tellement son état, son appartenance au monde des défunts et l’emprise de la Mort qu’elle en devenait ardente. Par tous les pores de sa peau, la Sidh méprisait la Faucheuse. Son malheur le plus grand était sans doute de se perdre dans les méandres de souffrances passées, qui la faisait pourrir. Quelque part, elle semblait aimer cet état, s’y complaire, c’était sans doute cela que la Stryge méprisait chez la Banshee. Mina ferma les yeux, et se tourna pour blottir ses bras contre elle. Dos à Diane, elle se sentait plus en sécurité et bien trop loin de son regard pour en pâtir.

« Je n’arrive pas à lui faire comprendre, parce que je ne sais pas m’exprimer. Je ne sais pas gérer les choses, les gens… Alors je la laisse faire mais, c’est pénible parce que je ne sais que la blesser. Et donc c’est pour ça que parfois… Je viens lui rendre visite jusque dans la Cours des Faës… quand elle semble ne pas aller bien. Même si je ne suis pas éloquentes et que je l’altère, j’aimerais bien la protéger d’elle même... »

Finalement il y avait bien une petite lumière sous la surface de l’eau. Elle était juste exténuée, et prête à se souffler. Mina se demandait simplement s’il y avait une chance pour que l’éclat l’aperçoive enfin. Et qu’elle soit la chaleur l’une de l’autre.

EFFETS SECONDAIRES

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Elle aimait vivre. Quelques souvenirs passés l'assaillent et lui serrent douloureusement le cœur. Elle aimait vivre. Mais, cela n'a plus réellement de sens désormais. Cela n'a plus véritablement d'importance. Elle n'était plus. Et, jamais plus elle ne serait. Pourtant, parfois, lorsqu'elle croise son reflet à travers les miroirs, il lui arrive d'apercevoir encore la femme qu'elle fut. Cependant, ce n'est plus qu'une pathétique chimère, dont le regard se brise en une fraction de seconde. Parce qu'il ne faut qu'une simple brise pour balayer la seule esquisse d'un sourire. D'autrefois, il ne lui reste plus rien. Même son visage s'est creusé. Ses traits transpirent le désarroi de cette existence dénuée de sens que tout être subit docilement, derrière quelques éclats factices. Tout n'était que perdition, finalement. Peut-être est-ce pour cela qu'elle s'immerge sous ces litres de liqueur ? Peut-être ne désire-t-elle qu'annihiler l'autour ? Diane ne relève plus la tête vers la blonde. Elle a honte, quelque part, de ce qu'elle est devenue depuis toutes ces années. Elle a honte de n'être qu'une ombre, un qu'un pâle reflet de ce qu'elle fut. Elle a honte parce qu'elle a tout simplement abandonné, contrairement à ceux et celles qui s'évertuent à lutter encore et encore jusqu'à la fin. Se battre est bien trop difficile, bien trop éreintant et, la Sidh n'a plus de force à user pour cette grotesque mascarade. Alors elle attend, simplement, assise sur la chaussée à regarder la vie qui ne cesse pas même une seconde sa ronde. Le monde tourne, c'est indéniable, et jamais il ne prend une minute pour contempler ses enfants, jamais il ne s'arrête pour constater les dégâts qu'il abrite. Sans doute est-ce plus confortable, pour lui aussi, de fermer les yeux. Sans doute serait-il malade en constatant que ses apôtres ne sont, en réalité, que de pauvres âmes errantes, sans but, ni promesse de lendemain.

-Je connais une fille. Enfin … j’ai une amie…
Diane arque un sourcil. Et, sans ouvrir la bouche une seule fois, elle écoute avec attention le timide laïus de la Stryge. Il lui fait très peu de temps avant de comprendre qu'il s'agit en vérité d'elle. Alors, elle s'affaisse un peu, le rouge aux joues et l'iode à l’œil. Le moins que l'on puisse dire, c'est que 'Mina - si elle est relativement taciturne et très peu avenante - sait aussi se montrer aimante. Diane ne tourne pas une seule fois les yeux vers la blonde. Elle devine aisément la pudeur de son amie, comme elle ne parvient pas encore à surmonter la sienne. Elle écoute, silencieusement, et son cœur se gonfle doucement. C'est une étreinte doucereuse et pleine de chaleur humaine qui s'épanche contre son épiderme de givre. Elles n'ont rien d'humaines pourtant. Mais, l'espace de quelques minutes, la Sidh savoure cette fausse impression. De toute évidence, il n'y a qu'auprès de 'Mina qu'elle s'illusionne parfois à penser qu'elle n'est qu'une simple mortelle un peu gauche, un peu cassée, mais débordante de vie. Il n'y a toujours eu que 'Mina pour lui apporter cette dose intangible mais quasi-nécessaire de souffles. Elle enserre davantage ses jambes contre sa poitrine afin d'étrangler l'émotion qui semble vouloir vriller entre ses cotes. Elles ne sont pas grands choses dans cette réalité mais, force est de constater qu'elles ne sont pas si différentes que cela. Il lui suffit de plonger dans les grandes prunelles de la blonde pour le percevoir. Elle aussi a cette lueur fébrile et fatiguée qui, pourtant, cherche encore à s'agiter de mille feux. Sans doute est-ce pour cette raison qu'elle s'est sentie si proche d'elle à leur rencontre. Sans doute est-ce pour cette raison qu'elles ne se sont plus quittées par la suite. Elles ont cette similitude qu'il est difficile de ne pas voir et cette étroite connexion qu'il quasiment impossible de ne pas palper.

- 'Mina, je...
Prudemment, Diane se mouve sur le lit. Elle craint d'affoler son amie qu'elle sait souvent méfiante. Elle s'allonge derrière elle, suffisamment proche pour se laisser bercer par ses parfums, mais juste assez loin pour ne pas la toucher. Elle regarde longuement sa chevelure blonde éparpillée sur l'oreiller, incapable d'ajouter quoi que ce soit. Veut-elle seulement que l'on vienne lui porter secours ? Rien est moins sûr. Pourtant, elle se doit de faire un effort. Ne serait-ce que pour sa fille qui a déjà subis bien trop de frais par le passé et, pour Circé peut-être. Elle ferme les paupières, se laisse happer par la descente chaleureuse de l'alcool qui enlace fiévreusement son cerveau, jusqu'au moindre songe. Elle inspire profondément l'air inutile autour d'elles puis, dépose simplement sa paume entre ses omoplates. Elle a besoin de la toucher ne serait-ce que du bout des doigts. Elle a besoin de la sentir un instant, de sentir sa présence et ce qu'elle représente dans son univers. Elle sourit doucement dans son dos, presque prudemment, alors qu'elle savoure simplement le fait qu'elle soit là.
- Merci...
La voix pâteuse de Diane, n'est finalement plus qu'une murmure. Un sommeil factice la guette au loin et, la Sidh ne s'y fait pas prier. Elle se laisse lamentablement glisser vers quelques abysses délicieux, loin de toute cette demeure qui ne lui renvoie que son éternelle solitude.
- Il faut... que j'arrête... ça.
L'alcool. Elle le sait. Mais elle n'y arriverait probablement pas seule. Peut-être est-ce, d'ailleurs, une manière détournée de demander l'aide de la blonde ? Peut-être. Mais Diane est déjà bien loin. Et, le monde, lui, continue de tourner sous elle.

-CLOS-

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