Wasting my young years + Ft. Artemis

WASTING MY YOUNG YEARS

See my dreams all die

La brise caresse délicatement son visage, balaye quelques mèches revêches au gré de ses bourrasques incessantes. L'astre solaire n'est plus qu'une ligne ocre à l'horizon. La nuit, elle, semble prendre tout son temps pour venir, tel un parasite qui gangrènerait inexorablement la chair. Au dehors, la fourmilière continue de s'étendre. Les rires s'épanchent çà-et-là, les voix s'élèvent pour ne plus retomber, les véhicules déchargent leur impatience. L'univers s'enroule toujours plus, sans ne jamais s'arrêter un seul instant pour contempler son oeuvre. Dans toute cette cohue insensée, il y a Diane. Elle vogue entre ces entités agitées qui, visiblement, ne prennent pas une seule seconde pour regarder derrière leur épaule. Elle ne participe pas à cette mascarade. Elle regarde simplement, observe cette existence pleine de promesses qui, finalement, ne lui a offerts que peine et désolation. Elle passe une main agitée sur ses traits bien trop tirés. Pour quels motifs nébuleux le destin a-t-il décidé de la ramener ici ? Elle l'ignore encore. Elle n'a pas de but, pas de finalité dans cette réalité décadente qu'elle exècre plus que de raison. Elle n'est qu'un pantin de plus, qu'une ombre sépulcrale dont les ailes ne jurent que perdition. Un profond soupire lui prend la gorge. Elle est vaine. Alors, elle se dérobe, s'évapore entre les pas de ses anciens semblables. Elle devient un, puis une. Elle devient tout, et tout le monde. Diane disparaît. Diane se perd. Une fois de plus, elle s'immole dans les méandres de ses propres délires. Un homme l'interpelle mais, son regard passe à travers lui. Elle n'entend même plus les appels récurrents de cette vie qui l'entoure. Elle n'est pas véritablement présente. Elle n'est qu'un spectre sinueux dans lequel se fige l'amertume, le spleen et le deuil. Elle passe, s'émiette dans ses propres cendres, et ne jette pas une seule œillade au pauvre malheureux qui ne voulait que demander son chemin. Peut-être est-ce finalement cela qu'elle attend; qu'une âme audacieuse daigne enfin poser ses mains sur elle pour, ne serait-ce qu'une seconde, interrompre ses tourments. Mais comment le pourrait-on, puisqu'elle se meurt incontestablement dans l'oubli ?

Une frimousse à la fois familière et étrangère se découpe non loin d'elle. Diane baisse instantanément les yeux, craignant probablement que sa rétine ne se consume d'elle-même. Son myocarde se serre dans sa cage thoracique et, elle croit un instant qu'il se recroqueville jusqu'à ne plus être. Trop d'années se sont écoulées depuis leur dernière rencontre. Artemis n'était alors qu'une enfant et elle si peu de choses. Se souvient-elle de sa mère ? En éprouve-t-elle le manque, quelques fois, lorsque les soirées sont froides et que les heures flageolent ? Elle l'ignore. Sans doute préfère-t-elle ne pas le savoir. Cela fait désormais quelques semaines qu'elle foule les pas de sa fille, partageant secrètement son quotidien. Elle aurait pu, oui, comme toute génitrice, se présenter face à elle et, tout simplement, lui tendre les bras. Cependant, rien n'a jamais été simple entre elles. Et, Diane n'ose réellement se projeter de la sorte. Que pourrait-elle bien lui dire ? Elle se contente alors d'enfoncer ses poings dans les poches de veste, et talonne discrètement la jeune femme. Où va-t-elle ? Diane n'en a cure. Elle n'aspire qu'à passer un peu de temps auprès d'elle, même de loin. La honte qui lui broie les entrailles est bien trop acide, bien trop amère lorsqu'elle se permet de détailler son minois encore juvénile. Pourtant, elle aurait donné énormément ne serait-ce que pour plonger son regard dans le sien et, prononcer ces mots qu'elle n'a jamais daigné lui offrir. Mais elle est bien trop lâche, bien trop faible pour cela.

Combien de temps tournent-elles ainsi dans les rues désormais sombres ? Diane ne le sait plus. Cela étant, un sentiment indicible la torpille. Elle fronce ses sourcils, incline quelque peu sa petite caboche. Si elle n'a pas réellement pris garde au paysage qui l'entoure, elle est quasiment certaine d'être déjà passée par là. Elle balaye les alentours du regard, visiblement perplexe. Mais lorsqu'elle reporte enfin toute son attention sur sa fille, c'est pour constater avec effroi qu'elle n'est plus là.
- Merde, souffle-t-elle.
Elle bifurque au coin d'une ruelle qui ne lui présente qu'une belle impasse. A croire qu'elle s'est tout simplement dématérialisée. Diane passe une main agacée dans sa chevelure désordonnée, recule, puis se retourne enfin pour rebrousser chemin. Cependant, la silhouette qui lui fait désormais face l'immobilise promptement. Artemis. Elle papillonne des cils à plusieurs reprises, espérant sans doute chasser cette apparition, mais en vain. Elle ouvre alors la bouche, prête à articuler n'importe quelle banalité, pour ne sortir finalement qu'un pauvre souffle hésitant. Leur passé commun lui revient à la figure comme une gifle et, elle se voit contrainte de presser sa paume contre le flanc d'un bâtiment pour ne pas définitivement choir.
- Je...
Mais les mots s'engluent dans le creux de sa gorge.

Je suis arrivé(e) le : 21/12/2015

LITTLE GIRL, LITTLE GIRL, DON'T LIE TO ME

Tel me where did you sleep last night ?
In the pines, in the pines, where the sun never shines.

Cette sensation. Je posais ma main sur ma poitrine. Pourquoi je me sentais si oppressée ? Je respirais difficilement. C'était comme ça depuis quelques temps déjà. Je me sentais... mal à l'aise. Je me sentais comme prise dans un étau. Je le sentais, dans le fin fond de mes tripes. Cette impression que quelqu'un était en train de me suivre. Constamment. Dans la rue, à la fac, partout. Je marchais, je marchais. Pourtant je sentais cette présence derrière moi. Je le savais. Pourtant à chaque fois que je me retournais, il n'y avait personne. Le vide. Mes angoisses injustifiées. J'étais peut-être en train de virer paranoïaque après tout. Mais l'angoisse que j'avais était bien réelle, elle enfonçait son poing dans mes entrailles, les tortillait, les sortait de mon ventre, les nouais.... elle s'amusait avec un gamin avec un hochet. Ouais, autant dire que c'était franchement loin d'etre appréciable. Pour autant, je n'en avais parlé à personne, ni même à Flynn. Parce que dans le fond, j'étais arrivé à me persuadé que ce n'était qu'une impression, un fruit de mon imagination trop débordante, l'expression de ma fatigue. Je ne savais pas ce que c'était, mais ce n'était rien de franchement inquiétant... non ?

Je soupirais avec mon verre de soda entre les mains. Les autres étudiants avaient réussi à me sortir de chez moi pour que je me puisse me détendre un peu. Une petite fête qu'ils disaient, ça serait cool qu'ils disaient. Ouais, après tout, avant j'étais toujours d'attaque pour sortir. Boire, fumer, coucher, avant c'était un peu mon pain quotidien, mais depuis que ma relation avait évoluée avec Flynn, j'avais mis ça de coté. Maintenant j'étais... sage ? Ouais non j'étais pas non plus une nonne, mais je n'allais pas m'amuser à être infidèle, pas mon genre. Mais passons. J'étais donc avec mon verre de soda à cette sauterie qui me semblait bien emmerdante, il fallait le dire. Je n'avais qu'une envie, ramener mes fesses chez Gabriel pour me précipiter dans les bras de mon petit-ami. Je soupirais avant de terminer ma consommation. C'était sans compter sur ce sentiment qui était présent, d'autant plus. Je me retournai. Personne. Encore. Bordel. Je finis par sortir de l'endroit pour m'enfoncer dans les rues. Je me retournai une nouvelle fois. J'étais presque sure qu'il y avait.... quelqu'un, une ombre, un silhouette. Je devais en avoir le cœur net. Je commençai à accélérer le pas, sans pour autant courir, sinon ça aurait été trop flagrant, trop grillé. J'allais prendre ce petit connard à son propre jeu. L'arroseur arrosé. Je me glissais dans les rues, avançant presque sur la pointe des pieds. Pour le coup, mon totem m'aidait beaucoup. C'était un instinct animal. Puis le moment arriva, je l'avais semé et ma cible avait commis L'Erreur.

La confrontation ? Je serrai les dents. Elle était coincée, dans l'impasse, à tous les sens du termes. Je me mis stratégiquement devant la seule issue qu'il restait. Cartes sur tables, je dominais le jeu maintenant. Quand je vis cette forme au loin, je sus alors que je n'étais pas folle. Que je n'étais pas parano, ou je ne savais quoi. C'était réel. Pourtant quand la vision se précisa, je restais comme une imbécile. ELLE. La seule, l'unique. Diane Forrester. Ma mère. J'ouvris la bouche à mon tour, pourtant aucun son n'en sortis. Je venais de perdre en un clin d'oeil mes dix années. Je me retrouvais dans la peau de cette gamine naïve, dynamique, joyeuse. Cette gamine qui avait entendu à sinistre coup de feu, sans comprendre ce que c'était vraiment. Cette gamine qui avait ouvert une porte pour voir sa mère au sol, un trou dans le crane et sa cervelle sur le mur. J'avais dix ans, et je venais de voir ma mère morte, suicide. Je serrais mes poings. Elle était morte, je l'avais vu. Pourtant... elle avait toujours cette apparence, celle qu'elle avait quand jadis elle mit fin à ses jours. Elle n'avait en rien vieillit. Il n'y avait qu'une explication mais cette trop.... gros ? Je n'en savais rien, je ne voulais pas le voir, pas l'accepter. Tu étais morte, dis-je tout bas comme si je me parlais à moi-même. Je ne savais pas comment réagir, j'étais prise entre l'envie de hurler et celle de prendre ma mère dans mes bras. Elle m'avait manqué, mais personne ne savait à qu'elle point je pouvais la détester. Alors à la place, je restais, sans bouger sans rien faire. T'étais morte ! Répétais-je plus fort, à son attention cette fois. Pourquoi.... t'es revenue ? Pourquoi ? Sa simple mort avait fut à me traumatiser, à me déséquilibrer et à me faire chuter la tête la première... Je sentais mes jambes trembler, prêtes à céder sous mon propre poids, mais pourtant elles tenaient le choc. Une vrai miracle que je ne sois pas déjà en train de me décomposer, au sol en train de pleurer comme une gamine. Il fallait croire que j'étais devenu foutrement douée pour cacher mes sentiments. La seule chose dont j'avais envie c'était d'attraper mon téléphone et appeler Flynn au secours. Pourtant... mon corps était bloqué, figé, embourbé. Mes membres étaient trop lourd. Maman... étais-je arrivé à dire avec grande difficulté. Tu m'as... manqué.

WASTING MY YOUNG YEARS

See my dreams all die

- T'étais morte !
La réalité la heurte. Elle était morte. Elle est morte. Elle l'a abandonné. Ces quelques images passées la frappent, l'assaillent et lui rappellent vivement qu'elle s'en est allée bien trop tôt, bien trop vite. Tout n'est plus qu'un capharnaüm indistinct. Elle ne parvient plus à rattraper le fil de sa propre pensée. Artemis. Elle se tient présentement devant elle; apparition à la fois douce et brutale. Elle ne s'est pas préparée à cette éventualité. A dire vrai, elle ne s'est jamais projetée jusque là. Elle ferme les paupières quelques secondes, espérant naïvement que tout ceci ne soit finalement qu'une élucubration volatile de son esprit. Mais, force est de constater que cette réalité est bel et bien la sienne. Que doit-elle dire désormais ? Il y a-t-il seulement quoi que ce soit à déclarer ? Elle ne le sait plus. Pourtant, il y a tellement qu'elle aurait aimé lui avouer. Alors, elle la détaille à nouveau, contemple un à un chacun de ses traits. Il lui semble, d'ailleurs, y déceler une certaine familiarité. Cette évidence lui arrache un rictus emprunt d'émotions. Sa fille. Son enfant. Elle se reconnaît sans mal à travers son regard, décèle aisément quelques expressions similaires. Son myocarde se serre douloureusement dans sa cage-thoracique. Elle aimerait la prendre dans ses bras, ramper à genoux devant cette enfant qu'elle n'a pas vu grandir mais, qui porte incontestablement son essence, implorer son pardon. Seulement, une entité supérieure la contraint à rester ainsi; bras ballants, stupide face à sa stupéfaction qui mériterait bien davantage. L'iode lui brûle la rétine et, l'informe qu'elle est bel et bien vivante, que tout ce méli-mélo déroutant n'est pas qu'un leurre. Artemis. Diane secoue imperceptiblement la tête. Elle n'est pas prête pour cela. Mais, a-t-elle véritablement le choix ? Fuir n'est plus une option. Elle l'a bien trop fais par le passé. Alors, elle fait quelques pas instables en direction de la jeune fille. Elle prend son temps, s'immobilise par moment lorsque le sol tente de se dérober. La distance qui les sépare perd du terrain et, rapidement, Diane se surprend à respirer les parfums depuis trop longtemps occultés de sa propre fille.

- Artemis, articule-t-elle enfin, je suis... heureuse de te voir.
Sa main, tremblante, se lève pour venir se poser délicatement contre sa joue pâle. Un sursaut agite alors son épiderme. Elle n'ose véritablement y croire. De nombreuses confessions qu'elle ne délivrera jamais se cognent à sa boîte crânienne. Elle voudrait être capable de plus. Mais elle n'est, et n'a toujours été qu'une enveloppe vide de toutes substances. Ses prunelles désolées s'immergent dans les siennes. Il lui semble que des siècles se sont écoulés., que tout un monde les éloigne encore l'une de l'autre. Parviendraient-elles à surmonter toutes ces épreuves assommantes ? Rien est moins sûr.
- Comme tu as grandis...
L'émotion la déstabilise. Et, elle se trouve contrainte de reculer. Cette proximité a quelque chose d'improbable, de surréaliste. A-t-elle simplement le droit, après tout cela, de s'accaparer ainsi son espace ? Non. Elle aurait aimé s'y prendre autrement pour une première rencontre, peut-être tenter de faire les choses plus doucement. Mais, comme la totalité de son existence, rien ne se passe comme elle l'aurait souhaité. Elle croise les bras sur sa poitrine, enlace sa frêle silhouette, cherchant à se protéger d'un quelconque malheur à venir.
- Je... j'aurai aimé faire les choses autrement.
Elle détourne honteusement ses mirettes humides, les posent sur un point inexistant au loin. Elle n'a plus la force, ni même le courage de soutenir son regard. La véracité des faits lui flanque la nausée: elle l'a laissé comme l'on jetterait un chien sur le bord de la chaussée.

- Pourquoi... t'es revenue ?
Elle est revenue, oui. Même si elle ignore encore pour quelles raisons. Est-elle, d'ailleurs, réellement présente en ce monde ? Elle n'en est pas certaine non plus. Où se trouve-t-elle finalement ? Nul le sait. Mais, elle lui doit quelques réponses. Des réponses auxquelles elle ne sait rien. Elle lève le nez vers le ciel noir, quémande pour la première fois une aide Divine à laquelle elle ne croit pourtant pas. A l'époque, Diane est partie sans un seul regard par dessus son épaule. Aujourd'hui, voilà qu'elle se doit de répondre de ses actes. Peut-être est-ce cela son principal but, finalement. Peut-être est-ce pour cette raison que la mort l'a rejeté sur terre.
- Je suis revenue, oui, murmure-t-elle, j'ignore réellement... pour quelles raisons, mais l'on m'a renvoyé ici.
Le regret vrille dans le creux de sa gorge. Mais que regrette-t-elle ? La mort, la renaissance. Elle n'est définitivement pas certaine de le savoir elle-même. Un instant, elle songe à Sygrid. Elle aurait tant aimé qu'elle soit présente. Tout semble surmontable lorsqu'elle est là pour lui prendre la main.
- Maman... tu m'as... manqué.
Elle ne cherche plus à retenir les larmes qui, désormais, parsèment son visage. Elle serre les dents, lève les yeux dans l'espoir de contenir les tressaillements de son âme.
- Je suis... tellement désolée, Artemis.

Je suis arrivé(e) le : 21/12/2015

LITTLE GIRL, LITTLE GIRL, DON'T LIE TO ME

Tel me where did you sleep last night ?
In the pines, in the pines, where the sun never shines.

Morte. Oui, elle était supposée être morte. Je l'avais même vu, elle, sa dépouille. Même si à cette époque je n'avais pas compris toute la violence de la scène j'avais bien capté que quelque chose n'allait pas. Non parce qu'à 10 piges, quand tu vois maman avec un trou dans la tête, tu comprends assez vite que ce n'est pas normal. Bref, je me revoyais cette scène en boucle dans ma tête. Perpétuellement. Je n'avais pas vraiment compris tous les enjeux de ce geste quand j'étais petite, la seule chose qu'il était était ressortie ? C'était une grande et profonde colère. On m'avait dit que je ne reverrai plus ma mère, qu'elle n'était plus de ce monde. J'avais ainsi connu mes premières fureurs ? Sympa hein ? J'avais longtemps gardé cette colère en moi. Pourquoi ? Puis quand j'avais compris. Mais cela n'arrangea rien, bien au contraire. Ma rage avait été galvanisée. A cette époque je n'étais qu'une spirale infernale centrée autour de ma colère. Colère contre mon père, d'avoir été la raison de la mort de ma mère. Contre les autres de ne pas avoir sauvé ma mère. Contre moi de n'avoir été qu'une gamine stupide. Mais surtout contre ma mère qui m'avait abandonné. Au final, elle avait laissé une fille dans un sale état. Elle avait tiré une balle, mais c'était nous qui héritions des séquelles. Ma grand-mère, Maya, moi.

Je serrai les dents. Sans trop savoir ce que je devais ressentir. J'avais tant vécu dans la haine de ma mère. Je m'étais juré de ne pas devenir comme elle, de ne pas être elle. Elle avait fini par réussi à sortir de son mutisme. Heureuse de me voir ? Si seulement je pouvais affirmer le contraire avec certitudes... Je n'arrivais toujours pas à savoir si je devais retomber dans ma rage ou me mettre à pleurer comme une gamine. Mais alors que sa main se posa sur ma joue, tout sembla s'effondrer. J'avais encore du mal à croire qu'elle était bien là devant moi. Vivante.... ouais enfin tout était relatif hein. J'avais bien compris qu'elle faisait partie de la même race que Sonja. Cela expliquait entre autre chose le fait qu'elle avait l'air toujours aussi jeune qu'à l'époque de son décès. Et tu n'as pas changé d'un pouce pour ta part. Elle avait reculé ? Pourquoi ? Je voulais qu'elle laisse cette main sur ma joue. Elle finit par croiser les bras sur sa poitrine. Par réflexe, je fis le même geste, pourtant, comme j'avais envie qu'elle vienne me prendre dans ses bras. Dix années sans ma mère, putain. Elle m'avoua alors qu'elle aurait voulu que nos retrouvailles se passe autrement. Tu es là, c'est déjà ça. Départ brutal et retour qui l'était tout autant, au moins ça restait continue hein ? J'avais passé tellement d'années à remuer des pensées quand au geste de ma mère. J'avais tellement de questions en moi que je ne savais pas par ou commencer. Pourquoi était-elle revenue ? Stupide, mais je devais bien commencer par le commencement non ? Et visiblement.... elle était aussi paumée que moi sur cette question.

A cet instant, je n'étais plus qu'émotions et clairement cette distance ne pouvait pas durer plus longtemps. Je n'avais jamais été douée pour causer, c'était connu. Les mots et moi, ça faisait quinze. J'étais tactile, je l'avais toujours été. Quand j'étais en colère je frappais, quand j'aimais je câlinais. Bref. Le langage du corps c'était mon moyen d'expression principal. Pourtant j'étais arrivé à le dire. Dire qu'elle m'avait manqué. Pourtant jusqu'ici, j'avais été incapable de faire le moindre mouvement. Mince, elle pleurait là ? Merde, voilà que moi aussi je sentais que mes yeux étaient en train de s'embuer. Trop de trop. Je n'arrivais plus à retenir ce flot émotionnel. Alors je me rapprochais d'elle je posais mon front contre elle. Sers-moi s'il te plait. Ouais, je n'étais qu'une gamine de dix piges qui voulait que sa maman la sert dans ses bras, rien de plus. Je ne pouvais pas supporter ce fossé qui s'était imposé. Pourtant malgré cette envie de tendresse et d'amour, il y avait le reste. Pourquoi tu nous as abandonné maman ? Arrivais-je à prononcer tant bien que mal entre deux sanglots. Pourquoi tu m'as abandonné ? Mes main glissèrent sur le tissus de ses vêtements et s'y agrippèrent. S'était-elle rendu compte du mal qu'elle avait fait ? Mon envie de ne pas être ma mère était devenue maladive, névrotique. Je m'étais interdit tellement de choses. Pourtant j'avais fini par tomber dans ses travers. Le fait était que je savais de qui hériter. Et grand-mère elle... ma phrase vint s'éteindre dans ma gorge sans pour autant terminer. J'avais souffert de la mort de ma grand-mère preuve étant, je m'étais retrouvé bloquée dans mon corps de coyote pendant un mois. Mais ça, ma génitrice l'ignorait. Tu l'as lâché, elle, Maya et moi. Je redressais mes pupilles vers elle, laissant apparaître une couleur surnaturelle. L'autre était en train de s'exprimer. Le coyote avait pourtant été calme dernièrement. Mais là, je le sentais nettement que mon alter égo s'agitait. Pas bon signe.

WASTING MY YOUNG YEARS

See my dreams all die

C'est sa fille. Et, rien que cette évidence devrait la pousser à davantage. Mais, le capharnaüm qui se déploie présentement en son sein semble dévorer jusqu'à sa raison. Droite comme un treuil, elle contemple ce visage qu'elle a mainte et une fois effleuré en rêve. Elle s'attarde sur ses deux prunelles d'une clarté quasi-hypnotique, s'immerge dans les flots indécis de ses émotions. Cela pourrait être plus simple, plus confortable. Il suffirait qu'elle se laisse enfin aller, qu'elle daigne se comporter comme une véritable mère. Elle voit déjà les gestes s’amonceler, les mots qui s'engluent dans le creux de son gosier se déverser en une caresse, mais rien ne daigne s'échapper de ses membres statufiés. Seul le givre s'épanche d'entre ses lèvres, pour s'évanouir en une brume impalpable. Diane l'observe s'élever dans l'obscurité, puis disparaître. Le temps se défile et, lui rappelle qu'il ne l'a pas attendu: Artemis est devenue une jeune femme. Elle soupire doucement, papillonne des cils alors que les larmes ne cessent plus leur course le long de ses pommettes. Là voilà bien faible, là, sous le regard inquisiteur de celle qu'elle a porté durant neuf mois.
- Tu es là, c'est déjà ça.
Mais pas assez. Un sourire désolé s'esquisse alors sur ses traits déjà bien affligés. Toutes ses cellules la poussent à plus, la torpillent pour dépasser les barrières invisibles qui la figent dans un mutisme déconcertant. Seulement, elle ne sait pas se conduire comme une mère; voilà la triste réalité qui l'accable douloureusement. Malgré ces dix années passées auprès de sa fille, jamais elle n'a su endosser le rôle qui, pourtant, s'impose. Elle s'agite sur ses jambes aussi raides que le bois, triture une mèche de ses cheveux. De nouveau, elle recouvre sa petite vingtaine. Elle aussi n'est qu'une enfant. Une enfant que les siècles n'ont pas épargné.

- Serres-moi s'il te plaît.
La supplique lui broie les entrailles. Son souffle se coupe et, bientôt, elle n'entend plus les battements de son myocarde qu'en sourdine. Le sol flanche, l'univers s'enlise sous ses yeux. Le vide l'avale, la dévore, la consume et l'immole de bas en haut. Elle accueille sa petite masse dans un fébrile soupire. Ses boucles chatouillent son visage, ses fragrances la submergent. Elle n'ose pas le moindre geste.
- Artemis, chuchote-t-elle.
Cela est avant tout pour s'assurer que tout ceci n'est pas un simple rêve. Artemis est véritablement là, blottie contre son sein. Une fraction de seconde suffit à faire revivre derrière ses paupières closes la fillette tout juste âgée d'une dizaine d'années qu'elle a abandonné, sans ne jamais regarder en arrière. Un doucereux frisson remonte le long de son échine et, ébranle jusqu'au givre entre ses cotes.
- Oh, Artemis.
Ses bras se referment maladroitement autour de sa silhouette, l'étreignent jusqu'à la déraison. Les secondes semblent alors retrouver une réelle cohérence. Ses lèvres se posent sur son front, offrent un baiser qui ne veut pas trouver de fin. Elle n'a pourtant plus rien d'humain mais, un second souffle se répand entre ses alvéoles. Est-il possible de renaître de ses blessures ? Diane en doute. Mais elle s'est rarement sentie aussi vivante. Elle s'accroche à elle, à cette enfant dont elle ne connaîtra jamais l'enfance, comme elle tenterait d'harponner ses propres années de vie manquées.
- Mon ange...
Et, l'espace d'une fraction de seconde, toutes les blessures s'évanouissent. Il n'y a plus qu'elles; la mère et la fille.

- Pourquoi tu nous as abandonné maman ? Pourquoi tu nous as abandonné ? Et grand-mère, elle... Tu l'as lâché, elle, Maya et moi.
La véracité des faits lui arrache une plainte douloureuse. Tant d'interrogations, dont elle n'est pas certaine d'en connaître les réponses. Elle ouvre la bouche, à plusieurs reprises, mais aucun son ne daigne s'en extirper. Comment pourrait-elle poser des mots sur l'indicible ? Elle déglutie avec peine, alors que les sanglots l'agitent enfin de leur joug accapareur et despotique. Elle voudrait l'enserrer davantage, par cette étreinte panser toutes les plaies qui ne cicatriseront probablement jamais. Seulement, rien ne saurait apaiser les tressaillements qui tremblent présentement en elle. Son regard croise de nouveau le sien et, ce qu'elle y décèle lui glace les sangs. Elle n'a pas besoin de l'interroger. Elle ne connaît que trop bien cette lueur insidieuse. Ses paumes viennent entourer le minois déconfit de la jeune fille, alors qu'elle lui adresse un rictus à la fois tendre et réconfortant.
- Artemis, écoute-moi.
Elle passe une main protectrice dans ses cheveux, puis vient poser son front contre le sien.
- Calme-toi. Je... je suis là. Artemis, je... n'ose imaginer ce que tu as ressentis durant toutes ces années. Mais... c'est terminé. Je... je suis là. Je ne pars pas. Je reste avec toi.
Est-elle réellement prête à assumer son rôle de mère ? Rien est moins sûr. Mais, elle est encline à rester auprès d'elle, d'une quelconque manière. Peut-être se comportera-t-elle davantage comme la bonne copine. Néanmoins, elle restera à sa disposition. Ses pouces viennent essuyer les quelques larmes encore présentes, tandis qu'elle frotte doucement le bout de son nez contre le sien.
- Je suis là, répète-t-elle également pour elle-même.

Je suis arrivé(e) le : 21/12/2015

LITTLE GIRL, LITTLE GIRL, DON'T LIE TO ME

Tel me where did you sleep last night ?
In the pines, in the pines, where the sun never shines.

C'était réel. Tout était réel. Je n'étais pas en train de rever, je le savais bien. Ma mère était là, juste devant moi. Mais alors que dix années étaient passées pour moi, le temps n'avait pas marqué les traits de son visage. Cette simple vision suffisait à me faire revenir tout ce que j'avais vécu quand j'étais gamine. Propulsée à mes 10 ans, je n'étais qu'une gosse frêle qui voulait l'amour de sa mère. Dix années loin d'elle, la seule chose dont j'avais vraiment envie, c'était que ma mère me prenne dans ses parents. Alors quand je sentis ses bras s'enrouler autour de moi... c'était comme si toutes les pièces brisées de mon palpitant s'étaient remises ensemble. Je voulais qu'elle me serre fort, fort au point de les souder toutes ensemble, définitivement. Si seulement les choses pouvaient marcher aussi facilement. Quand mon prénom franchit la barrière de ses lèvres je ne pus m'empêcher de frissonner. Alors pourquoi avais-je aussi mal ? N'étais-je pas censée me sentir heureuse à cet instant ? C'était le cas je l'étais... mais pas totalement. J'avais beaucoup trop de sentiments en moi. Tout se mêlait et s'entremêlait dans un sac de nœud que je n'arrivais pas à dénouer. Ses retrouvailles m'infligeaient autant de souffrance émotionnelles que son départ.

Mon souffle s'accéléra doucement, en même temps que le rythme de mon cœur dans ma poitrine. J'avais voulu être forte, mais j'en avais été incapable. J'avais seulement fait semblant de l'être. Je n'avais fait que fuir la réalité. Je m'étais promis de ne pas devenir ma mère, pourtant maintenant que je l'avais en face de moi, je nous trouvais tellement de point communs. Cette idée me terrorisa. Cette idée raviva en moi ce sentiment de colère qui m'avait longuement hanté. Quand maman s'était suicidé, quand mamie s'était éteinte.... et maintenant rebelote. Alors les vieilles questions resurgirent en moi. Pourquoi. Pourquoi ? Je me mis à cracher toutes mes interrogations qui sonnaient comme des accusations. Je sentais la colère me gangréner de l'intérieur. Je sentais bien que l'autre était en train de s'agiter. Cela faisait un petit moment que j'étais arrivée à calmer cette présence animale en moi... Bon, ok, c'était notamment du à Flynn qui avait toujours eu un don pour calmer le coyote – ça et sa nature d'alchimiste. Mais là, il commençait à prendre de plus en plus le pas sur moi. Mes yeux avaient carrément changées de couleurs, passant à la couleur bleu acier.

Les main de ma mère vinrent encadrer mon visage. Elles me semblaient si froides. Pourquoi devais-je l'écouter après tout ? Pourquoi ? Elle avait fuit elle. Elle m'avait abandonné, elle nous avait tous abandonné. Il fallait croire que nous n'étions plus assez suffisantes toutes les trois pour la tenir en vie. Et maintenant elle revenait nous infliger ça ? Elle revenait m'infliger cette peine de voir sa présence fantomatique ? Je voulais fuir, moi aussi. Je voulais reprendre ma forme de coyote et de ne plus redevenir humaine, comme quand grand-mère était morte. Mes larmes coulèrent le long de mes joues. Plus elle parlait, plus je sanglotais. Puis cette dernière phrase, qui sonna comme une claque. « Je suis là » Fuir. Non. Je ne pouvais pas fuir. Diane. Elle était revenu, elle était là maintenant. Je ne pouvais pas me permettre de fuir. Je fermais les paupières. Je ne pouvais pas fuir, j'avais encore des personnes qui me rattachaient à mon humanité. Flynn. Flynn. Oui, lui. Je posais mes mains celles de ma mère. En rouvrant les yeux, la crise était passée. Je suis désolée. Je suis tellement désolée. Je voulais être forte mais.... Les larmes continuaient à couler le long de mes joues. Ma vue était maintenant totalement embrumée. Je suis faible, je ne sais que fuir. Je sentis mes jambes vaciller. J'avais l'impression quelles étaient en coton. Un rien aurait pu les faire flancher et les faire céder sous mon propre poids. C'était trop pour moi. Trop d'un coup. Trop de choses à assimiler. Je m'éloignais doucement du corps glacé de ma mère, passant mon bras sur mes joues pour essuyer les larmes. Merde, je faisais franchement pitié à voir. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Je... tu veux venir prendre un café chez moi ? Je continuais tant bien que mal d'essuyer tout ce qui venait se déverser sur mes joues. Comment j'étais censé... faire ? Tout ça ? Parler avec ma mère ? Je ne pouvais pas faire comme si rien ne s'était passé c'était certains. Et niveau discussion il était clair que ce n'était pas avec un chocolat chaud et des dessins animés que le dialogue pourrait être relancé. Je finis par passer ma main derrière la tête. C'est plus compliqué que je ne l'aurais cru. J'ai besoin d'un whisky je crois.

WASTING MY YOUNG YEARS

See my dreams all die

Elle a mal à l'âme. Il lui semble qu'elle se tortille entre ses cotes, qu'elle lui hurle à la gueule son désarroi. Elle voudrait fuir; voilà la triste vérité. Elle n'a pas les épaules pour endurer cette situation. Elle n'en a pas le force. Elle dodeline à plusieurs reprises de la tête, étourdie par cette vague indicible qui se déploie inexorablement en elle. Artemis. Elle la contemple de ses grands yeux à la fois perdus et navrés. Comment a-t-elle pu l'abandonner de la sorte, sans même une hésitation ? Elle ne le sait plus. Mais, présentement, elle se flagellerait bien sous son nez. Ses paumes enserrent davantage son visage, alors qu'elle ne sait définitivement pas les gestes à accomplir pour apaiser les tressauts du cœur qui lui fait face. Elle aimerait lui délivrer les mots justes, ceux que sa fille aimerait entendre. Seulement, elle ne les connaît pas. Pour la simple et bonne raison, qu'elle ne connaît pas la jeune fille. Si elle éprouve aisément ce qui la retient à elle, elle ignore, en revanche, qui elle est. Trop d'années se sont effacées, trop d'années qu'elles ne pourront jamais rattraper. Alors, Diane se laisse aller à ses remords, se laisse aller aux larmes qui ne savent définitivement plus s'arrêter. Ses doigts se glissent à nouveau dans sa chevelure, viennent tendrement masser sa nuque. Les iris reluisent encore dans l'obscurité. L'animal s'éveille devant elle, cherchant très certainement à protéger son hôte. Cette évidence la souffle. Elle lui a fait tant de mal. Indéniablement trop pour qu'elle puisse encore en supporter davantage. Diane serre les dents pour ne pas céder au hurlement démesuré qu'elle sent poindre dans le creux de sa gorge. Elle se déteste. Elle se hait de lui infliger autant.
- Je suis tellement désolée, souffle-t-elle à nouveau, si tu savais comme... je suis désolée.
Mais elle baisse la tête. Aucune excuse ne saura réparer ce qu'elle a causé.

La frêle silhouette d'Artemis tremble et s'agite. L'animal gagne du terrain. Comment étreindre la cohue qu'elle perçoit non sans mal à travers son regard ? Comment esquisser, ne serait-ce qu'un instant, un lendemain sans chagrin ? Diane l'ignore. Elle regarde avec une rare intensité au tréfonds du noir de ses pupilles, cherche la bête pour l'amadouer. Elle se doit de l'apprivoiser, elle aussi. Et, sans même le dire, elle sait déjà que le chemin sera périlleux. Prendrait-elle le temps pour cela ? Elle l'espère. Elle ferait son possible, à n'en point douter.
- Je suis désolée. Je suis tellement désolée. Je voulais être forte mais... je suis faible, je ne sais que fuir...
Puis, la silhouette se dérobe à son étreinte. Diane croise les bras sur sa poitrine à nouveau, enlace son buste alors que cette distance la gèle plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle aurait aimé la sentir encore, la sentir plus fort. Mais, a-t-elle seulement le droit d'en demander davantage ? Rien est moins sûr. De toute évidence, elle n'a plus aucun droit envers cette enfant. Elle détourne les yeux, esquisse un rictus peiné à l'obscurité.
- Tu es bien plus forte que tu ne le crois. Tu es bien plus forte que moi...
Non. Artemis n'a rien de similaire avec ce qu'elle fut, avec ce qu'elle est présentement. Si quelques traits familiers les rassemblent, Diane n'a pas besoin d'en savoir plus pour constater que sa fille sera bien plus solide qu'elle ne l'a été. A dire vrai, cette constatation lui fait l'effet d'une caresse. Jamais elle n'aurait pu lui souhaiter une quelconque ressemblance avec sa mère. Elle avale péniblement sa salive, se fait violence pour soutenir son regard sans ciller.
- Il suffit de te regarder pour savoir que... tu ne finiras pas comme ta... mère. Et j'en suis heureuse. C'est tout ce que je pouvais te souhaiter...

Si tout parent digne de ce nom aspire à s'apercevoir au travers sa progéniture, ce n'est certainement pas ce qu'espère Diane. Au contraire. Que vont-elles faire désormais ? Il y a-t-il seulement une marche à suivre pour ce genre de cas ? La Sidh tente vainement de réfléchir à une quelconque alternative mais, elle ne sait définitivement pas par quel bout commencer.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Je... tu veux venir prendre un café chez moi ? C'est plus compliqué que je ne l'aurais cru. J'ai besoin d'un whisky je crois.
Heureusement, il y en a au moins une pour rattraper l'autre. Diane hoche doucement sa petite tête. Cependant, elle ne peut s'empêcher de demander, les sourcils visiblement froncés en une expression à la fois sévère et interloquée:
- Tu n'es pas un peu trop jeune pour boire ?
Les mots se déversent plus rapidement qu'elle ne l'aurait souhaité et, bientôt, elle se surprend à se fustiger silencieusement. Artemis est suffisamment grande pour se gérer, elle-même. Peut-être. Du moins, elle l'espère. Elle papillonne des cils, s'humecte nerveusement les lèvres, puis sourit bêtement.
- Allons boire un verre, ajoute-t-elle alors, je... m'efforcerai de répondre à toutes tes questions, si tu en as.
Elle n'est pas préparée à cela mais, elle le lui doit.

Je suis arrivé(e) le : 21/12/2015

LITTLE GIRL, LITTLE GIRL, DON'T LIE TO ME

Tel me where did you sleep last night ?
In the pines, in the pines, where the sun never shines.

Désolée ? Elle était désolée ? C'était tellement facile à dire. Comme elle l'avait dit si bien, il ignorait tout ce que j'avais pu vivre. Tout ce que nous avions pu vivre toutes les trois. C'était connu, les balles faisaient des dégâts collatéraux. Nous avions été toutes les trois touchées par cette foutue balle. Dix années à survivre à être en désaccord total avec mon totem. Dix années à subir les colères et les rages de l'animal... ou les miennes, c'était dur à savoir en fait. J'avais appris à vivre. J'avais appris à faire avec. J'avais grandis tout simplement. Avec le temps, j'avais fini par cicatriser. Vivre sans ses parents après tout, ce n'était pas si grave que ça. Grand-mère elle avait fait de son mieux. Oreste aussi avait été présent pour moi, endossant bien souvent le rôle de mon père absent – bien que celui-là ait mis les voiles récemment. Pourtant... sous la peau fine de la cicatrice, un rien aurait pu l'ouvrir. Alors j'avais fait attention, je ne m'étais jamais attaché. Le fait était que pendant un temps, je m'étais contenté de simples coups d'un soir, de peur d'avoir une relation sincère avec quelqu'un d'autre. De peur de finir indéniablement comme ma mère avait fini sa vie, rongée jusqu'à la moelle. Mais j'avais fini par surmonté cette peur. J'avais fini par vaincre ce vieux démon, celui qui me disait sans cesse que j'étais appelé à répéter les mêmes erreurs que ma mère. J'avais voulu m'endurcir. Maintenant je me rendais compte que je n'avais été ni forte, ni admirable, ni rien du tout. Le fait était que je n'avais fait que fuir mes problèmes. Dans le fond, je n'étais pas mieux que ma mère. J'étais aussi faible qu'elle, en voulant ne pas être elle, j'avais l'impression d'être devenu elle. A croire qu'une destinée ne pouvait pas s'éviter.

J'avais fini par m'éloigner d'elle. Je séchais ses larmes sur mes joues. Trop d'émotions pour moi. Pourquoi avait-il fallut qu'elle revienne ici ? Pourquoi avais-je autant peur de souffrir par la présence de ma mère ? Forte moi ? Plus forte qu'elle ? Si seulement elle m'avait vu quand grand-mère était morte. Elle n'aurait jamais dit que j'étais forte. Je n'avais que très peu de souvenirs de cette époque. Je n'en gardais que des sensations, des flashs mais surtout des émotions. Je me souvenais que la tristesse avait envahit mon cœur comme un tsunami. J'avais voulu courir, vite, loin. J'avais pris ma forme de fusion. Mais rapidement, j'avais cédé la place à mon alter-égo, par lâcheté, pour ne plus ressentir cette peine en moi. Il ignorait tout ça. Si seulement elle savait, elle saurait qu'au fond, je n'étais aussi forte que ça. Ce n'était qu'une façade. Je faisais semblant de l'être, mais j'étais fragile.

Et maintenant quoi ? On se regardait dans le blanc des yeux. Comment j'étais censée renouer les miens avec ma mère ? Les choses étaient loin d'être aussi simple qu'il n'y paraissait. Il allait falloir plus que de simples embrassades pour recoller les morceaux. Je proposais alors d'aller chez moi. Mais à cet instant, j'avais surtout besoin de boire. De boire encore et encore de l'alcool. Comme quoi, les chiens ne faisaient pas des chats. Alors l'expression de ma mère changea, pour une que je ne lui connaissais pas..... sévère ? Wow. C'était une première ça. Comme quoi... Quand elle me demanda si je n'étais pas un peu jeune pour boire, je ris à gorge déployée. M'man, j'suis plus une gosse. J'ai largement passé la majorité. Quand elle accepta un verre, je souris légèrement. Je me dirigeai vers le bars le plus proche. Je sortis par réflexe un paquet de cigarette de ma poche. J'attrapai deux cigarettes, j'en calais une dans ma bouche et je tendis la seconde à ma mère. Quelques secondes après j'avais allumé le bout de la mienne et fis de même avec la seconde. J'entrais dans l'établissement, toujours la clope dans ma bouche. Réflexe, je m'assis vers le bar et commandais deux verres de whisky. Je me tournais vers ma mère. Je ne savais pas du tout ou je devais commencer. J'avais tellement de questions... mais d'abord. Tu es....euhh comment dire. Je pris un bouffée sur ma cigarette en regardant en l'air pour chercher les mots justes. Depuis quand tu es revenue ? De l'autre monde et.... à Ottawa ?

Wasting my young years + Ft. Artemis

Sujets similaires

Sujets similaires