Magyar avait été pas mal content de son coup... Le fait de duper gentiment sa patiente pour qu'elle ne sente rien, qu'elle n'est pas le temps de s’apercevoir de la prise de sang lui tira un sourire satisfait bien qu'un peu couillon. Surtout qu'elle même concédait qu'il avait bien joué son coup et elle n'avait pas l'air d'être la demie d'une quiche, bien au contraire ! Ça se voyait dans le regard, qu'elle brillait bien plus par son intelligence que Magyar ! Le Pixie se dandina presque sous la remarque d'Avalon, timidement content de recevoir cette sorte de ... compliment. Qui n'en était pas vraiment un, mais il le prenait comme tel, parce que ça lui faisait vachement plaisir... Aussi n'avait il pas réagit quand à la critique sur son pansement merveilleux et resta à flotter sur son petit nuage jusqu'à ce que haricots-têtard apparaisse à l'écran. L'espace de quelques secondes, il plissa le regard en se concentrant, scrutant l'image à l'écran, écoutant le moindre battement pour identifier une éventuelle anomalie. Mag' était d'autant plus attentif qu'il ne s’agissait pas d'une grossesse classique à cause de l'Alchimie d'Avalon. Mais après un moment, le sourire du Pixie réapparut puisque rien ne semblait clocher. Rien du tout ! C'était comme qui dirait, parfaitement parfait et l'enfant semblait être en parfaite santé, malgré les poisons que sa mère lui infligeait dès l'aube de sa petite vie.

« C'est un robuste, celui-là ! »

Il avait parlé sur un ton particulièrement enjoué, même s'il cachait quand même une certaine inquiétude à Avalon. Car Magyar ignorait les dégâts internes que pouvait provoquer le poison sur un si petit être... Pour cela, il faudrait trouver une solution rapide, et certainement du côté des Alchimistes. Mais sans la mettre dans la confidence... pour qu'elle ne se fasse pas un sang d'encre (y'a déjà du poison dedans, ça suffit les substances hein !) pour rien. Et puis soudain, la voix brisée d'Avalon le fit tourner la tête vers elle sans perdre une seconde. « Mathis aurait du voir ça. Il aurait du être là. » A voir les yeux d'Avalon s'humidifier, ceux de Magyar firent de même. Il ne supportait pas de voir la souffrance chez quelqu'un, surtout pas dans cette situation qu'il trouvait vraiment touchante. Avalon était touchante... Au regard du Pixie, la vulnérabilité de l'Alchimiste était très émouvante, et rapidement une larme, puis une deuxième dévalèrent les joues de Magyar. Il tenta de réprimer les autres, alors qu'il tournait à nouveau son regard rendu flou vers l'écran du haricot pour terminer l'examen. Puis il imprima une image, posa la sonde, et se tourna à nouveau vers Avalon tout en essuyant le gel sur son ventre avec douceur.

« Ne pleure pas... ou je pleure... Même si là, c'est trop tard ! Bravo hein ! »

Il lui adressa alors un petit sourire avant de se lever de sa chaise pour jeter le mouchoir plein de gel. Puis il lui attrapa la main d'Ava' et la poussa un peu dans le dos pour lui indiquer qu'elle pouvait se redresser. La jeune femme avait beau être en sous-vêtements, il agissait comme si elle était toute habillée, sans aucune ambiguïté. Il s'installa du bout des fesses sur la table d'examen, juste à côté d'elle mais en gardant sa main dans la sienne.

« Je sais que c'est difficile. Je suis passé par un deuil similaire il y a longtemps... A l'époque je n'ai pas trouvé de soutien pour m'en sortir plus facilement ou m'accrocher à quelque chose. Mon frère s'était engagé dans l'armée juste avant mon retour et je me suis retrouvé perdu, et tout seul. Alors... Bon, j'imagine que tu n'es pas toute seule toi, mais... Surtout, si c'est le cas ne le reste pas d'accord ? Tu viens me voir quand tu veux. Je suis sérieux ! Tu me promets que tu n'hésiteras pas ? »

Mag' au grand cœur ... Incapable de laisser quelqu'un sur le bord de la route, qu'il le connaisse ou non. Qu'il le mérite ou pas. Mag' ne faisait pas de distinction, c'était peut être pour cela qu'on le traitait de naïf. Il s'était souvent retrouvé dans des situations cocasses voir carrément craignos à cause de ce travers là. Mais il n'y pouvait rien, il était comme çà, et sa sincérité transparaissait dans son regard clair. Il insistait juste avec son expression et son sourire... et si elle refusait son aide, alors il lui collerait sans doute aux basques comme un vieux chewing-gum sous une tong en été !

Il y avait vraiment très longtemps qu’il ne s’était pas ainsi confié sur son passé, sur l’épreuve qui avait fait de lui l’être solitaire et triste qu’il restait au fond. Jamais il n’avait l’air malheureux. Ce que l’on pensait de lui était peu souvent négatif, bien au contraire ! Sauf quand on le trouvait stupide, et là c’était pas rare. Magyar était une personne sociable, et généreuse. Qui était toujours partante pour aider les autres et surtout, qui gardait toujours un sourire ou un gentil mot pour tout le monde. Il était l’épaule sur laquelle pleurer, celui qui préparait du thé et des brownies, mais aussi celui qui tendait la main. Pourtant lorsqu’il rentrait chez lui, loin du regard des autres, dans cette maison affreusement vide de la présence de son frère, Magyar ne souriait pas souvent. Il errait simplement comme une âme en peine, attendant que le temps passe. L’heure de diner, l’heure de regarder un film, l’heure de se coucher. Et puis enfin, le réveil sonnait et il repartait à l’extérieur, au cœur d’un monde qui le voyait comme un joyeux bout en train. Mais la solitude lui pesait. Surtout parce que lui, ne laissait jamais personne seul… mais qu’on ne lui rendait jamais la pareille. Mais cela ne l’empêchait pas de continuer à aider son prochain, comme avec Avalon. Il fallait dire que cette femme le touchait, particulièrement. Parce qu’ils avaient certains traits commun mais aussi parce qu’elle semblait ne pas pouvoir contrôler ses sentiments. Alors que… il fallait bien l’avouer, elle avait plutôt l’air d’une femme dans le contrôle. De celle qui n’aurait pas hésité à l’écraser lui, dans d’autres circonstances. Mais pas là !

Aussi s’était-il permit de lui prendre la main, de la soutenir du mieux qu’il le pouvait. Il ne faisait pas cela avec toutes ses patientes, heureusement ! Il fallait dire qu’elles n’étaient pas toutes en détresse… ouf ! Mais la manière dont Avalon s’accrochait déjà à lui comme à un radeau de fortune le surpris un peu l’espace de quelques secondes. « Je suis vraiment profondément désolée pour ce que tu a vécu, personne ne devrait endurer de telles choses seul. Et pour te répondre je suis seule, ma famille c'était Mathis. Et il n'est plus. Si je viens te voir quand je veux j'espère que tu n'as pas peur d'être réveiller dans la nuit et que tu as un réserve de ces délicieux cupcake. » Il avait écouté attentivement au départ, puis avait légèrement bugé. Même si son sourire restait toujours large et épanouie sur son visage. Il lâcha alors, sur un ton un peu frimeur :

« Et bien à vrai dire… je parlais d’ici. Tu pourras venir me voir au cabinet quand tu le souhaites, voilà ce que j’exprimais. Mais si tu  es déjà accro dès le premier rendez-vous je me ravise un peu… Tu ne serais pas du genre harceleuse à vouloir déjà mon adresse personnelle ? »

Pour le coup, il s’attendait encore à la voir froncer les sourcils et lui taper le bras comme elle l’avait fait peu de temps auparavant ! Mais il l’aurait mérité, et attendait cette réaction en lui offrant tout de même un rire amical. Puis il fila lâchement avant que cela n’arrive, sous prétexte d’éteindre l’appareil et de rapporter l’échographie à Avalon.

« Garde là tout contre ton cœur celle-ci, elle a une importance capitale. Parfois, celles qui deviennent mère pour la première fois ont du mal à  prendre conscience de ce qui se passe à l’intérieur de leur ventre. C’est un peu surréaliste… Elle t’aidera sans doute à trouver des accroches. »

Surtout sans sa situation à elle où elle devait gérer un deuil, et une grossesse qui pourrait s’avérer compliqué. Il ajouta cependant, pour la rassurer aussi quant à sa propre disponibilité.  
« Et bon … je serais un bien piètre médecin si je ne pouvais pas me rendre disponible aux cas particuliers. Ma maison sera la tienne quand tu en auras besoin ! »