margareth & mara ▽ I'm waiting for you.

Je suis arrivé(e) le : 08/06/2016

I'm waiting for you.

"I'm waiting , I'm waiting for you , I'm waiting, I'm waiting for you. I am lost so I am cruel but I'd be love and sweetness If I had you. I am weak but I am strong. So I'm waiting , I'm waiting for you."

Woodkid - The Deer ▽ Plus les jours s'égrainaient et plus Mara avait l'impression qu'elle tournait à vide comme une machine inutile. Ses explications sur le renoncement qu'elle avait eu en face d'Heathcliff lui semblaient creux, dans le fond. Ce n'était que des mots mais pour elle, femme inhibée jusqu'à la douleur - parfois sourire lui faisait mal au visage - ils avaient semblé vrais, avoir du sens lorsqu'elle les prononçait. Et pourtant, la rousse continuait de s'obscurcir des plus belles illusions : on ne pouvait renoncer à quelque chose, quelqu'un, qui n'existait pas. Il fallait se persuader que cette apparition charmante, cette pâle adolescente, n'était que le fruit de son esprit déréglé par cette forme d'ennui mêlé à de la colère que ressentait la stryge en continue. Il n'existait nulle personne aussi pure que ce fantôme là, dans sa robe blanche d'été dont la vaporeux ressemblait à un linceul. Au delà de la passion, de l'envie et de tous ces sentiments très humains, il y avait le besoin. Elle aurait aimé la revoir, même si elle n'existait pas. Pour se dire qu'il pourrait exister quelqu'un comme elle en de monde. Pour se rassurer.

Mais dans la fraîcheur de la morgue, elle est seule avec des gens qui ne parlent pas. Le silence enveloppe l'allée de marbre blanc de l'ossuaire, avec ses tombeaux coincés dans les murs, attendant la mise en bière. Ici tout le monde dort et personne ne rêve. Ici, tout est calme, loin de la crainte que lui inspirent les vivants, ceux qui tout comme Heathcliff, ont le cœur plein de passion. Elle s'était amèrement souvenue de cet artiste dont elle aurait pu être la muse mais qui l'avait effrayé puis poursuivie de ses assiduités jusqu'ici, dans le tombeau. Surement lui avait-elle brisé le cœur, mais il avait commis l'erreur d'essayer de lui forcer la main. La cruelle ne regrettait rien : les choses se font et se défont ; pourtant les mots qu'elle lui avait adressé demeuraient un peu faux, même si elle avait voulu y croire. Renoncer avant même d'avoir possédé. Elle se masse l'arrête du nez : il n'y a que les hommes pour vouloir posséder les gens. De cette illusion aux cheveux blonds, Mara ne désire rien. Seulement de pouvoir penser à elle, au creux de ses journées mornes, à ses yeux curieux, à son sourire fuyant.

Elle avait vomi, ce matin. Son corps s'affaiblissait à cause du sang venimeux que lui faisait absorber Avalon. Les orbites creuses, la stryge avait caché sa fatigue morale derrière le fard et l'eyeliner, travestit son angoisse en froideur, comme à chaque fois. Martinez, le thanatopracteur avec qui elle partageait quelques pauses et mornes discussions, était en train de jeter du matériel passé dans l'incinérateur tandis que Mara buvait un café en fixant le corps de madame Robinson, toujours sur le billard. Son sang avait été remplacé par une solution physiologique ; ses veines étaient sèches. Comme les siennes. Elle l'observa longtemps, détaillant le travail parfait de son collègue. On aurait dit qu'elle dormait paisiblement. La mort des humains avait quelque chose d'affreusement ironique. En entendant son collègue débarrasser scapels et sacs mortuaire, une idée poignarda son cerveau, à vif : si elle récupérait du matériel qu'on allait jeter... personne ne se rendrait compte de rien. Pour en faire quoi ? Il parla d'un jeu de scalpels, deux sacs mortuaire et du chloroforme, excellent solvant pour de nombreux matériaux organiques tels que graisses, huiles, résines, cires... mais avec un tout petit peu d'iode, il devenait un excellent tranquillisant. Pour en faire quoi ?

Il aurait suffit de tranquilliser une fille pour la cacher dans un sac mortuaire et le jeter dans le coffre de sa voiture. Très grande et très maigre face à la carcasse de la vieille Robinson, Mara chassa cette idée dégueulasse de son esprit en ressentant une affreuse nausée qui la conduit directement aux toilettes de l'étage pour y rendre un flot de sang ; elle qui ne mangeait aucune nourriture humaine et ne se nourrissait que de sang perdit le résultat de sa chasse de la veille, éveillant un creux acide dans ses intestins. Elle demeura longuement à genoux contre la porcelaine du toilette, tremblant comme une feuille. Ses mains agrippaient la cuvette comme si elle allait tomber en arrière ; la rousse ne sentait plus ses jambes. Ces envies Carnassières ne cesseraient-elles donc jamais ? Mara n'avait aucun ami pour la retenir, aucune famille qui la regretterait si elle assassinait quelqu'un et qu'elle était découverte. Elle n'avait que le grande vide de son appartement et un perroquet stupide comme compagnon. Sa solitude ne lui avait jamais pesé auparavant alors pourquoi maintenant ?

Les larmes virent toutes seules, sans un sanglot annonciateurs. Ici, personne ne la verrait faiblir. Elle se laissa aller du plus qu'elle le put, serrant si fort la mâchoire que ses dents s'entrechoquèrent. Pouruqoi les choses devaient être si compliqués ? Elle aurait préféré retourner à sa vie d'avant, seule et libre. Elle aurait préféré ne jamais croiser ni Merry ni Artemis, ne pas avoir d'amis. Pouvoir extirper de son esprit ce souvenir lancinant et un peu fou, cet idée surement cliché d'une fille pure et innocente qui n'avait pas de réalité. L'haleine chargée de Diane qui ne lui parlait plus. Les ombres immenses et terrifiantes de Noirceur, dans les Ténèbres de son propre appartement et les brutalités de l'Ombre, comme message clair comme de la roche. Elle pleura, longuement ; elle se faisait mieux à la mort qu'à l'absence. Elle se faisait mieux à la solitude qu'à l'absence. Et son obsession marchait sur le fil de ses espérances. Pourtant rien ne se passerait. Elle devait se relever et continuer avancer pour demeurer une femme et ne pas devenir une aliénée qui pense avoir le monde comme ennemi.

Elle avait pleuré, une rare fois, avant de recomposer son allure, son maquillage, ses cheveux. Son soin maniaque à son apparence l'attestait profondément toque et accro au contrôle, mais c'était dans sa nature. Pourtant ses yeux demeurèrent bouffis et rouges au sortir des toilettes, et elle peina à faire avorter de nouvelles larmes de fatigue et de crainte. Si elle n'avait pas accepté d'avoir d'amis... elle ne se sentirait pas si faible. Il fallait qu'elle oublie tous ces gens si elle ne voulait pas que Noirceur revienne pour lui faire à nouveau payer ses excès. Machinalement, la rousse se rendit dans une des salles mortuaires où reposait une corps en attente de la mise en bière. Ses clients ne venaient pas avant quinze heures et elle avait déjà fini le dossier des obsèques de la Robinson et ses coups de fils à son notaire,s 'octroyant une étrange pause au chevet d'un cadavre inconnu. C'était ici-même qu'elle avait croisé l'illusion, il y avait quelques semaines.

Quel était ce défunt qu'avait visité l'adolescente ? Mara consulta le registre, les yeux encore un peu larmoyant. Elle se sentait fatiguée et nerveuse et ses talons crissaient désagréablement sur le sol de marbre de la pièce. Elle se sentait étriquée dans sa robe grise à col blanc digne d'un membre de la famille Addams ; elle avait chaud, et froid en même temps. Ses ongles griffaient nerveusement le papier, tandis qu'elle cherchait l'identité de la personne reposant dans le cercueil... à quoi cela la mènerait-il de savoir cela ? C'était stupide. Cela ne ferait pas revenir la jeune fille car elle n'existait pas.

Elle n'existait tout simplement pas ; ce n'était qu'une illusion que Mara s'était inventé pour se rassurer.

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