DON'T FALL ON THE RED CARPET ! | FT. CHIMAERA [FB]

DON'T FALL ON THE RED CARPET !

I don't care 'bout an Oscar, I have better, I have a girlfriend.

Le miroir de la honte lui écrase les côtes et la prive de respiration. En une fraction de seconde, il pulvérise son sternum et éclate chaque os qui le sépare encore des organes. Il s'enfonce plus profondément dans la chair, fait couler le sang abondamment. Et puis, en une secousse qui le brise en milles éclats, il s'affaisse au cœur du myocarde, sans même entendre les hurlements de son hôte. Le miroir de la honte, c'est indéniablement ce qui pousse l'Homme à soigner son image. Chacun fait en sorte de ne jamais être humilié, beaucoup deviennent superficiels et ne font pas de faux pas vestimentaire, et la plupart font en sorte d'être en permanence dans les clous, pour ne pas nuire à leur notoriété. A croire que tous se ressemblent, pour mieux vivre. Sauf qu'ils ont bien tord. Mais le miroir de la honte est leur fardeau, en permanence, toujours, éternellement. Et il se matérialise sur les côtes de la magnifique Circé Svensen. Pourtant, rien ne l'a poussée à entreprendre ce chemin étrange, et jamais elle ne se serait cru ici, en compagnie de toute cette communauté dont elle ne fait pas partie. Ce soir, le miroir de la honte est positionné sur son torse, et attend son heure en tremblant d'excitation. Car, pour la première fois depuis des siècles, Circé est anxieuse. Elle a peur de mal faire, de mal dire, d'être ridicule. Elle a pris toute la nuit à choisir sa panoplie, et cette longue robe de nacre qui contraste Noirceur n'était pas un coup de cœur ni une évidence, juste la somme d'une longue réflexion dans les méandres de son dressing. Et tant de questions se posent désormais ! Sera-t-elle assez bien ? Que dira-t-on d'elle le lendemain, dans les magazines ? Quelle relation aura-t-elle avec le tapis rouge ? Parlera-t-elle bien ? Sera-t-elle assez bonne actrice ? Il n'y a plus beaucoup de temps avant de le savoir. Et malheureusement, le stress la gagne, et la panique sera on héritage.

Alors, elle se tourne doucement vers la seconde passagère. Chimaera Vasilis. Incontestablement sa plus ancienne cliente encore en vie. Et celle qui l'a poussée à être ici, à devenir cette illusion qu'elle n'est pas. En la voyant derrière la porte, en début de soirée, Circé l'a regardée et a souri. Le fait que sa voisine soit magnifique est incontestable. Qu'elle soit considérée comme sa compagne dans la vie lui est plus que flatteur. Mais le fait de sortir de l'hôtel à son bras, sur ce gigantesque tapis rouge qui semble déjà l'avaler tout rond, est une péripétie qui risque de la mettre en mauvaise posture. Etrangement, elle n'a jamais été fausse envers Chimaera. Leur relation remonte à des années, et Circé a toujours considérée l'actrice comme une femme forte, et une femme de caractère. Oh, elle n'a pas suivi son parcours, ni au cinéma, ni dans les journaux. Mais lorsqu'elle quitta l'hôtel pour s'installer à Ottawa, Circé ne put relouer sa chambre. Comme si l'âme de celle-ci ne partirait jamais. C'est peut-être le cas. Sans qu'elle ne pose un quelconque mot dessus, leur relation s'est formée sur le conflit, la lassitude et la colère. Un combat de poules déguisées en coq. Aujourd'hui, Circé ne pourrait dire qu'elle est sa véritable amie, bien loin de là. Néanmoins, elle fait partie de ces rares personnes qu'elle estime, et qu'elle respecte. « Il faut que je sois honnête avec toi, une seconde. Je hais ce genre d'événement. » elle dévoile, platement. « Je n'aurais accepté si cela n'était pour toi. » elle répond à sa question avant même que celle-ci ne germe. Circé n'a jamais été célèbre au sein du peuple des humains. Mais au sein des Faës, elle le fut, et elle l'est encore, d'une certaine manière. Son pseudonyme, Noirceur, s'est répandu parmi les âges, et ceux qui le murmurent encore racontent comment elle a changé le monde des Ombres. « Ah, et je suis anxieuse, également. Sais-tu depuis combien de temps je n'ai pas été anxieuse ? Depuis si longtemps que je ne me souviens plus comment calmer mon myocarde ! » et elle se met à rire nerveusement, en se détournant vers l'extérieur, où les buildings rayonnent dans tous les sens. « Los Angeles. Je hais Los Angeles. Je hais les célébrités. Ne me laisses pas parler avec l'une d'elle, je risque de devenir insupportable rapidement. » le pire, c'est qu'elle se voit déjà leur mettre des gifles, à tous ces gamins imbus d'eux-mêmes. « Je crois que je tuerais tous ces petits acteurs boutonneux qui se trouvent absolument extraordinaires parce qu'ils voyagent à l'arrière de la porche qu'on leur a offert à leur anniversaire parce qu'ils n'ont pas le permis. » et elle rit encore, pour se dégager de tous ces sentiments qui l'envahissent. Elle se tourne finalement vers elle et plaque une main dans la sienne pour se calmer. « En fait, il vaudrait mieux que tu ne me laisses pas toute seule. Non seulement je risque de dire ou faire des bêtises, mais en plus, je risque de faire une allergie à l'hypocrisie. »

DON'T FALL ON THE RED CARPET !

Keep calm because you're my girlfriend

La célébrité faisait rêver, bien souvent. Elle animait quelques aspirations pleines d'étoiles et de strass éblouissantes. Elle éconduisait le plus faible, dévorait jusqu'à la moindre miette de vie privée. Il fallait être coriace, il fallait être un fin stratège, présenter la meilleure carte pour ne pas perdre définitivement la face. Et, c'était pour cette simple raison, que Chĭmæra se retrouvait présentement à l'arrière de la limousine en compagnie de Circé. Elle ne disait rien mais, elle ne pouvait s'empêcher de lui lancer quelques regards à la fois inquiets et amusés. Elle ne l'avouerait pas clairement, cependant, elle était soulagée de la savoir auprès d'elle. Jusqu'à ce qu'elle ne retrouve la jeune femme au pied de l'hôtel, elle s'était persuadée que la blonde finirait par se dégonfler. Dans un sens, cela aurait été compréhensible. Tout le monde n'aurait pas accepté ce mensonge éhonté qu'elles se devaient, désormais, d'assumer face aux caméras. Chĭmæra n'était plus certaine de comprendre pourquoi, mais surtout comment la situation avait pu leur échapper de la sorte. Par quelle folie l'avait-on soupçonné d'être la compagne de Dame Svensen ? Elle ne se rappelait pas avoir agis de manière suspecte, ni même d'avoir une seule fois prononcer son nom lors d'une conférence. Cela étant, les rumeurs, discrètes au départ, étaient devenues au fils des jours omniprésentes. Et, aujourd'hui, le public s'impatientait de rencontrer, enfin, ce couple discret et mystérieux. Elle passa nerveusement ses doigts le long de sa robre bien trop étroite, puis inspira profondément. Dire qu'elle était nerveuse était un doux euphémisme. Elle était tétanisée à l'idée d'exposer ouvertement ce leurre - un brin charmant cela dit - aux yeux de tous. Elles se devaient d'être parfaites mais, avant tout, éperdument amoureuses l'une de l'autre. Amoureuse. Chĭmæra se retint pour ne pas se perdre dans un rire sardonique et, profondément nerveux. Amoureuse, comme si elle se souvenait de ce que cela signifiait !...

Si Circé détestait ce genre d'événements, Chĭmæra, elle, avait appris à les apprécier. Ce n'était pas tant la notoriété qui la transportait, mais davantage ce bain de foule qui, souvent, transpirait le seul amour qu'elle osait s'accorder. Elle n'était pas une femme de cœur. Sans douce fut-ce pour cette raison que son public la voyait comme une personne froide, hermétique. Si cela semblait être débordant de vérité lorsqu'on ne la connaissait pas, il était, finalement, tout autre. Il suffisait de gratter un peu le marbre sous le masque pour entrevoir le peau rouge, vive, écorchée. Cela étant, il était, souvent, bien plus confortable de se contenter de ce que l'on avait sous le nez, sans chercher à savoir le pourquoi du comment. Et, si Chĭmæra aimait ce public plein d'amour et de larmes, elle n'était pas dupe: ils n'aimaient qu'une image factice.
- Quel honneur me fais-tu là, minauda-t-elle dans un sourire pincé.
Trop fière pour simplement la remercier, Chĭmæra se dissimulait derrière une certaine désinvolture. Mais, Circé la connaissait suffisamment, désormais, pour ne pas s'outrer de son attitude. Elle n'était pas expansive du moins, elle ne l'était plus. Elle n'ouvrit la bouche à aucun moment. Elle laissa la blonde extérioriser ses angoisses. Jamais elle ne sourcilla, pourtant, elle eut envie de glousser à plusieurs reprises. Sa compagne n'était pas dans son élément, malgré la renommée de son hôtel.
- Seigneur, détends-toi, tu vas finir par me rendre malade. Tu n'es pas forcée de converser avec le premier venu. Nous serons peut-être en public, oui, mais ce n'est pas une raison pour jouer les Mères Térésa. De toute évidence, personne n'y croira, dit-elle tout en la détaillant de la tête aux pieds en une moue critique.
Les doigts de Circé se refermèrent autour des siens, la faisant légèrement hoqueter. La proximité physique, même simple et banale, avait le don de la tendre sur-le-champ. Elle se mordit la lèvre, se perdant dans ses grandes prunelles affolées, puis esquissa finalement un rictus à demi réconfortant.
- Je ne te laisserais pas toute seule. Et puis, tu es ma compagne, non ? Alors je me dois de rester à tes côtés.

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