Qu'est-ce qu'il pouvait être barbant de parler de lui encore et encore sans jamais changer de sujet ni même lui poser une seule question à son sujet. Oh bien sûr, tu n'es pas du genre à te taire et à écouter les gens sans piper un seul mot, mais son flot de paroles te saoul plus que l'alcool qui se trouve dans ton verre presque vide Tu en es à combien déjà? Oh on s'en fout, si l'alcool peut faire son effet, tu en serrais plus qu'heureuse. Si c'est ça son plan drague - merci à ta créatrice qui t'a refilé une espèce de rendez-vous arrangé avec une autre Stryge encore plus narcissique que toi-même -, il peut aller se brosser s'il pense que tu vas succomber à son pseudo charme inexistant. Accoudée contre le rebord de la table du petit resto, tu lèves ton verre en direction du serveur pour lui faire comprendre qu'il est temps de te ramener une bouteille afin de le remplir d'un précieux liquide qui te permettrait d'oublier la présence masculine à tes côtés. Autant dire tout de suite que tu regrettes d'avoir accepté ce rendez-vous. Enfin, accepté voulait dire en d'autres mots que si tu te décommandais à la dernière minute, cela aurait débuté la troisième guerre mondiale entre toi et ta créatrice... Plus les minutes passent, plus le peu de patience qu'elle possède s'effrite à vue d’œil au point où tu ne peux pas te retenir de te lever d'un bond non sans afficher un sourire presque poli - ou plutôt une grimace qui ressemble à un sourire -.

- Excusez-moi, mais j'dois aller fumer. Je reviens bientôt. Fumer, d'accord, mais fumer quoi? Certainement pas une clope. Sans prendre la peine d'attendre sa réponse, tu te mets à marcher jusqu'à une porte qui te mène vers cette sortie libératrice. En fait, si tu pouvais ne pas revenir à l'intérieur du bar et lui poser un lapin, ça t'arrangerait. Malheureusement, ta veste de cuir est toujours sur le dossier de ta chaise et tu n'es pas prête à l'abandonner. Le joint maintenant entre tes lèvres, tu t'appuies le plus confortablement possible contre le mur, les yeux dans le vague, sans te soucier une seule seconde des regards insistants que les passants t'accordent comme s'ils n'avaient jamais vu un joint de leur vie. Pour l'instant, tu es surtout préoccupée à trouver une solution à ton problème. Les minutes passent jusqu'à ce qu'une idée germe dans ton esprit légèrement embrouillé par l'alcool et la drogue. Enfin, tu ressens les effets. Au moment où un petit sourire s'esquisse sur tes lèvres, la silhouette d'un homme agréable à regarder s'introduit dans ton champ de vision. Il faut que tu passes à l'attaque. Maintenant!  

- Hey! Salut! Ni une ni deux, tu te plantes devant lui tout en passant ta main libre dans ta longue chevelure blonde. Tes yeux bleus, pour ça il faut dire merci à tes lentilles, ne quittent pas ceux de l'inconnu pendant que ton sourire s'élargit un peu plus. Dis-moi, est-ce que tu as envie de tenir compagnie à une jeune femme qui tente de se débarrasser d'un pot de colle? Parfois, pendant une microseconde, tu te demandes ce que peuvent bien penser les gens de ton attitude ou encore de ta manière d'agir qui est assez particulière - pour ne pas dire tout simplement dérangeante -. Le point positif avec toi, c'est qu'on ne s'ennuie jamais en ta compagnie. Certes, tu as un tantinet menti en disant que tu veux te débarrasser d'un pot de colle, mais ton côté baratineur t'empêche souvent de raconter la vérité que tu le veuilles ou non.

Je t'invite à venir boire un verre. Un ou douze. Le nombre n'a pas vraiment d'importance. Tout ce que tu veux, c'est de te débarrasser de l'autre type en te voyant au bras d'un autre et récupérer ta veste sur le dossier de ta chaise sans que tu aies à lui raconter un mensonge. Si jamais ta fausse excuse vient aux oreilles de ta créatrice, tu passerais un sale quart d'heure tandis que si tu es avec quelqu'un d'autre, l'engueulade sera plus supportable. Les histoires de famille, c'est toujours chiant et compliqué.