And siblings remain linked forever.
   

Comme quoi, le Qilin n'était pas au bout de ses surprises. Son existence avait été profondément chamboulée ces derniers mois, bien plus qu'il ne l'aurait pensé. Même toutes ces années passées à arpenter la terre gaiement ne lui avaient pas procuré autant de joie et de bonheur. Parce que c'était un fait avéré : voyager, c'était merveilleux, mais seul, c'était bien moins transcendant.

Oui, Selen était amoureux.

Il le savait, le sentait au plus profond de lui-même. Ce sentiment, il ne l'avait encore jamais véritablement connu, bien qu'il se plaçait en fervent admirateur de tout ce que la nature pouvait offrir. Proche d'une cohésion parfaite, presque en émoi devant chaque mystère composant sa planète. Jusqu'à très récemment d'ailleurs, il était persuadé qu'il s'agissait de la plus grande des transes émotionnelles, que rien ne pouvait supplanter le fait de faire corps avec ce que le monde pouvait offrir.
Mais non, il se trompait. Bien qu'il s'agissait d'une notion toute personnelle, son cœur lui dictait d'autres choses, et malgré ces troubles qui le faisaient vrombir, il battait d'une tendresse sans égale pour une jeune Berserker blonde qui lui avait retourné le cerveau.
Faut dire que leur histoire n'avait rien de simple. Et même après s'être avoué leur sentiment, même après qu'ils se soient accepté mutuellement en tant que compagnons, Selen savait qu'entre eux, ce ne serait jamais facile.
Peu lui importait, au fond. Bien qu'il ne sache pas comment l'exprimer pleinement, sans Siam, il se sentait désormais comme incomplet. Il parvenait à enfin mettre un terme sur la sensation qui l'avait habité pendant des années suite à son départ, sans qu'il ne le se soit véritablement avoué. C'était difficile, pour un être comme lui, de comprendre la teneur des sentiments humains. Sur ce point-là, il avait encore énormément de choses à apprendre, et il espérait de que Siam, quelque part, parvienne à l'éveiller.

Assis en tailleur au milieu de ses plantes tapissant presque l’entièreté de son appartement au sein de la Cour, il leur racontait ce qu'il s'était produit en lui. Tout ces mélanges étranges de bonheur, de peur, de surprise, de tendresse, de colère aussi, beaucoup, bien avant que l’abcès ne soit crevé entre lui et le Carcajou. Et aussi surprenant que cela pourrait paraître aux yeux des humains les plus aveugles, elles le comprenaient. Et lui prodiguaient conseils et douceurs. Touchant du bout des doigts certaines de leur feuilles, effleurant un pétale glissant le long de son index, Selen pressentait le pouls de la vie animant ces beaux végétaux. La sève battait à l'unisson avec son propre coeur, lui rappelant les jours de silence qu'il avait passé il y a bien longtemps sous la forme d'une fleur de Lune.
Parfois, l'envie lui reprenait de se mêler à la forêt. D'y faire corps, à nouveau, d'une autre manière que sous sa forme d'équidé singulier. Mais il n'y cédait pas, ou alors très peu de temps, quelques heures seulement, de peur de retomber de l'autre côté de la barrière. Il n'était plus seul. Sloan, Siam, Magyar... Tout autant de personnes qui tenaient à lui et qu'il ne pouvait délaisser durant des années, aussi formidable qu'était cette tentation. La nature l'appelait, c'était un fait. Mais telle une maîtresse un peu trop jalouse qu'il repoussait le plus délicatement du monde.

Un sourire frappa ses traits tandis qu'il continuait sa méditation parmi ses amis silencieux. Fougères, roses épineuse, camélias et lila. Lierre, citronniers et autres boutons de marguerite qui s'étalaient dans leur demeure.

Mais bientôt, on vint le troubler. Quelqu'un toqua à sa porte, brisant la quiétude installé dans la pièce, le poussant à rouvrir les yeux de manière un peu trop brute pour lui. Il regarda l'heure à la pendule œuvrant sur le mur en face de lui. Bizarre. Sloan était en compagnie de sa sœur, Siam travaillait et Magyar, lui, était sans doute en train de butiner on-ne-savait-où. Alors, qui cela pouvait-il être ?
Se relevant en maugréant un peu, il finit par aller ouvrir à cette personne inconnue qui semblait s'acharner contre le panneau de bois :

« Ça va, ça va, j'arrive... Pas la peine de tambouriner comme ç- »

Mais ce qu'il trouva derrière la porte le décomposa. La surprise était telle que son visage s'en retrouva paralyser. Lui. Ici ? Maintenant ?... Vraiment ?

« … Sig' ? Putain, Sig ? C'est toi ?! »

Des années et des années qu'il n'avait pas revu son frère aîné... son cher, son imprévisible frère aîné Sigvard.
… La tranquillité était décidément une notion de courte durée.

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Alors ça. S'il s'était attendu à revoir Sigvard aussi subitement dans sa vie... Le plus jeune des deux Qilins n'en revenait pas. Il ne crût pas tout de suite à ce qu'il voyait, et eut, pendant l'espace de quelques secondes, un léger doute. Jusqu'à ce que son frangin ouvre la bouche, évidemment. Là, impossible de le confondre avec un autre... c'était bel et bien son grand frère, en pleine forme et égale à lui-même, qui avait trouvé son adresse on-ne-sait-comment pour faire on-ne-sait-quoi. Selen avait beau l'adorer et savoir qu'il s'agissait de sa seule famille, l'imprévisibilité de son caractère faisait que, en soi, Sigvard était très compliqué à suivre. Ou tout du moins, c'était le souvenir que Selen en avait gardé. Quelqu'un de terriblement fantasque et joueur... un peu trop parfois.

« Mais... woh, attends. », déclara-t-il, comme pour mettre un frein à la logique de son aîné. « Comment t'as su que j'vivais ici ? Et dans la Cour, qui plus est ? »

Question stupide... Sig' avait des yeux et des oreilles partout. C'était ce genre de personne, du style « Frankie les bons tuyaux », mais en un peu plus classe tout de même. Il savait sans doute où chercher. Et quelque part, voir que son frère ne l'avait pas oublié faisait tout de même plaisir à Selen. Des années qu'il ne s'était pas vu.

Soupirant légèrement en refermant la porte suite au passage de son frère, il se tourna ensuite vers lui, l'observant faire comme chez lui et regarder la demeure en silence, avant qu'il ne reprenne subitement. Selen haussa les épaules le plus simplement du monde. Avec son frère, il n'était pas comme d'habitude. Ce n'était pas flagrant, même pour ses proches, mais il restait... le « petit ». Après tout, Sigvard l'avait élevé suite au départ de leurs parents. Pour une raison tout à fait inconnue, d'ailleurs, que le tatoueur n'avait jamais souhaité creuser. C'était ainsi. Il n'était pas destiné à avoir d'autres parents que la figure d'autorité que représentait Sigvard. Une figure si imposante que même s'ils avaient été séparés durant la période de protection d'un petit village et sa phase en fleur de lune, leur lien restait intacte. Était-ce à cela que l'on reconnaissait les véritables frères, malgré leur différence ?

« Ouh la... Tu pars de loin, frangin. Niveau neuf... y'en a eu de belles depuis que j'ai le cul vissé chez les Canadiens. », lança-t-il, un léger rire frôlant ses lèvres.

De belles, ça, c'est clair. Tellement de rencontres. Certaines plus importantes que d'autres... et un petit tour case prison. Du croustillant, donc. Mais avant de raconter tout cela au plus vieux des deux, il se dirigea vers le frigo posté vaillamment dans le coin cuisine, avant de sortir deux bières.

« Mais, et toi ? », lui demanda-t-il, décapsulant la sienne et posant celle destinée à Sigvard sur le comptoir. « Me dis pas que t'as rien foutu depuis toutes ces années ? Qu'est-ce que t'as branlé après avoir quitté le Japon ? »

Il finit par lui sourire, tout de même. Mine de rien, c'était agréable de renouer un peu. Même s'il ignorait encore le pourquoi de sa présence ici... et ses instincts lui hurlaient qu'une affaire louche se tramait là-dessous. C'était Sigvard, après tout. On ne savait jamais ce qui lui passait par l'esprit, ni comment il y parvenait, mais il arrivait comme un grand à se foutre dans les emmerdes jusqu'au cou.

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