Histoire
Adieu to the fuckers that think that it's funny
Les dîners de famille, chez les Houston, se passaient toujours dans le silence. Monsieur disait que le bruit lui donnait la migraine et tout le monde, à table, savait parfaitement que ce qu'il considérait comme du bruit pouvait être le simple son d'une cuillère posée un peu trop brusquement sur la table. Et personne n'osait rien dire, car c'était lui qui assumait la subsistance du foyer.
Il y avait quelque temps de cela, Owen avait entendu une discussion entre son père et sa mère. Cette dernière avait essayé de lui faire comprendre que les règles qu'il imposait à sa famille étaient beaucoup trop dures, qu'ils ne pouvaient pas les accepter car, forcément, à un moment donné, ils seraient forcés de les enfreindre. Le père était entré dans une colère noire, l'avait frappée avant de lui dire que si elle se permettait encore la moindre remarque, il quittait la maison, et elle devrait se débrouiller seule avec deux enfants en bas âge. Elle avait pleuré.
Owen avait compris à ce moment-là pourquoi sa mère restait avec un individu aussi hautain.
Madame restait donc totalement silencieuse, le dos raide et les yeux toujours fixés sur son assiette. Parce qu'elle ne gagnait pas autant que lui, elle n'avait pas le droit à la parole et n'osait pas le contredire. Elle suintait le malheur, mais Owen ne savait pas faire comment la réconforter. Quant à son cadet, il arborait une expression neutre tandis qu'il essayait de piquer doucement un morceau de viande qu'on lui avait coupé au préalable, étant encore trop petit pour se servir d'un couteau. Neutre, mais pas malheureuse. Owen ne se souvenait pas l'avoir déjà vu triste. Même quand leurs parents le grondaient, il prenait un air contrit et promettait de faire plus d'efforts. Son grand frère s'était toujours demandé d'où il tirait cette force.
Quant à lui, il préférait ne pas savoir quel air il pouvait avoir lors de ces dîners. Il respectait les règles parce qu'il ne voulait pas déplaire à sa mère, mais sans doute devait-il lui ressembler. Alors que son cadet avait hérité des cheveux sombres et des traits durs de son père, Owen était le portrait craché de sa mère. Des cheveux d'un blond pur et clair, qui s'assombriraient sans doute un peu avec le temps, et qui avaient tendance à onduler lorsqu'ils commençaient à devenir trop longs, et une bouille adorable, angélique, qui donnait envie aux autres mères de venir lui pincer les joues tant il était mignon. Était-ce à dire qu'il hériterait de son caractère effacé et se laisserait marcher sur les pieds comme elle le faisait ? Owen espérait que non, et pas uniquement parce qu'il était un garçon. Il ne comprenait pas comment une femme pouvait se laisser faire ainsi par son époux. Il était trop jeune pour comprendre, mais il avait déjà conscience qu'il y avait un problème - que sa famille était un stéréotype du patriarcat agressif.
Il en avait de ce silence. Il désirait parler, raconter ce qu'il avait fait de son temps ; il paraît que c'est ce que font les familles normales quand elles se réunissent autour d'un repas. Ce cocon formé autour d'eux ne leur permettait pas de créer de véritables liens. Il détestait son père comme un oppresseur, il était assez indifférent avec sa mère même s'il avait conscience qu'il devait la supportait, et il ne savait pas quoi penser de son frère. Ce n'était pas là qu'il pourrait trouver de l'amour.
Le foyer Houston n'avait rien à offrir à ses habitants.
Son père ne se cachait pas. C'était sa maison, disait-il, il n'avait pas à se cacher sous son propre toit - il n'avait pas à avoir honte de ce qu'il faisait.
Il n'avait pas besoin de raison. Seuls les faibles avancent la nécessité d'une raison pour justifier la force, mais c'est uniquement pour s'en protéger. Ici, c'était lui qui faisait la loi. L'état ne pouvait pas intervenir sur son territoire ; et même s'il le pouvait, il aurait d'autres choses à faire en priorité.
Et Owen ne protestait pas. La façon dont il traitait sa mère, après tout, ne le regardait pas. Cela aurait pu être pire. Il aurait pu abattre ses poings sur lui, après tout.
« Et vous faîtes quoi de votre temps libre ? »
La question pouvait paraître banale au vu de son destinataire - et effectivement, le voyou éclata de rire face à la naïveté du gamin. Bah, il n'avait que quatorze ans, c'était normal de ne pas tout savoir de la vie, n'est-ce-pas ? Il n'avait pas l'air heureux, mais curieusement innocent, ce petit blondinet qui les suivait sans trop savoir ce qu'ils faisaient. Même sa rancune avait quelque chose d'incroyablement candide. Il était habité par une colère totalement infantile - le genre d'ire qui vous pousse à piquer des crises pour que l'on satisfasse vos caprices et qui cherche à savoir jusqu'où on peut aller avant que vous ne lâchiez prise. C'était cette colère, cependant, qui attirait l'attention du garçon plus âgé : cette colère pouvait être utilisée à bon escient. Owen en voulait à tout le monde. A tous les professeurs qu'il pouvait avoir et qui ne cessaient de lui reprocher son esprit trop libre, manquant de rigueur, et qui considérait que ses bavardages incessants étaient incompatibles avec le bon fonctionnement de leur classe. A tous les bons élèves qui le regardaient avec mépris parce qu'il faisait partie des cancres de la classe alors qu'il savait pertinemment que son intelligence valait largement la leur. Et puis, à son père - mais c'était une autre histoire.
Owen était en colère contre le système, tout simplement.
« Bah... on prend ce qui nous plaît. Et on s'amuse. C'est tout. » : répondit le jeune homme en essayant de se donner un genre - et ça marchait, Owen était captivé. « Tu veux essayer ?
- Essayer quoi ? »
Owen était peut-être naïf, mais il n'était certainement pas bête. Il n'était pas le genre à donner sa parole sans être certain de ce qu'il promettait. Et en l'occurrence, pour ne pas se faire avoir par plus malin que lui.
Le plus âgé désigna une vieille femme qui se promenait un peu plus loin, s'appuyant sur une canne pour faciliter ses pas. Légèrement voûtée, les cheveux gris, elle accusait son sage mais son visage avait quelque chose de perturbant - comme si elle était en paix, malgré tout. Ce n'était pas une image qu'Owen avait l'habitude d'associer avec la vieillesse. Pour lui, tout adulte était tourmenté, et par conséquent, ne trouvait rien de mieux à faire que de reporter ses problèmes sur les autres.
La femme, heureuse, portait négligemment un sac sur l'épaule.
« Tu la vois, la meuf ? C'est une cible facile. Tu vas, tu lui arraches son sac sans te faire attraper, et tu reviens vers moi quand la voie est libre. Compris, gamin ? »
Owen acquiesça simplement, ne semblant pas perturbé par l'idée. Au contraire, pourquoi s'en inquiéter ? Cela valait mieux que les problèmes que lui posaient ses professeurs, en classe. Il se leva donc tranquillement, commença à marcher l'air de rien vers la grand-mère puis, arrivé à sa hauteur, agrippa de toutes ses forces la bretelle du sac - si fort qu'il se demande s'il ne lui avait pas cassé le bras par son mouvement. Il ne s'arrêta pas quand elle lui hurla dessus. Owen était insensible aux hurlements des autres. Ceux de son père, ceux de sa mère, voilà qui lui suffisait amplement.
Alors qu'il courait se mettre à l'abri, Owen comprit qu'il y avait quelque chose de vrai à ne pas respecter bêtement les règles qu'on lui imposait. Ce sentiment d'excitation était nouveau, et diablement opportun. C'était quelque chose dont il avait besoin ; comme si, après des années à ne respirer qu'avec difficultés, il prenait une grande bouffée d'air et se rendait compte qu'il était au bord de l'asphyxie. Les battements effrenés de son cœur résonnaient comme une douce mélodie à ses oreilles. C'était un rythme enivrant, une sorcellerie qui le captura, et le fit basculer de l'autre côté. Ce fut sans doute à ce moment-là qu'Owen comprit à quel point l'institution éducative était une catastrophe pour les jeunes comme lui. Qu'elle détruisait les rêves de ceux qui ne désiraient pas un avenir tout tracé, droit, aseptisé.
Quand il revint vers le plus âgé, la lueur admirative de son regard ne lui échappa pas. Owen savait qu'il ne s'était pas attendu à ce que les choses se déroulassent aussi facilement. Les gamins posaient toujours problème. Mais Owen n'était pas comme eux.
« C'est cool, ce que vous faîtes. » : finit par conclure Owen avec un sourire.
« Est-ce que tu peux répéter ce que tu viens de dire ?
- J'arrête l'école.
- Owen, tu n'as que seize ans, et tu es intelligent. C'est une énorme bêtise, arrête tes conneries.
- Je fais ce que je veux. C'est ma vie, après tout.
- Ouais, eh bah, si tu veux pas étudier, gamin, j'ai aucune raison de te nourrir. Fous le camp. Ne remets jamais les pieds ici. »En y repensant, Owen se disait qu'il avait bien eu de la chance de ne pas s'être pris un coup. Il avait souvent vu son père dans une colère noire, mais ne l'avait jamais vu se retenir. Il ne se considérait pas pour autant comme privilégié ; en toute honnêteté, il ne pensait pas qu'être viré de chez lui à seize ans fût une chance. Bah, il n'était pas malheureux non plus. Son chef était peut-être assez dur et ne prenait jamais de gants, mais cela n'ennuyait pas Owen. Par rapport à son père, il était sans doute un type bien ; il était possible de bien s'entendre avec lui, du moment que l'on respectait son autorité. C'était ce que faisait Owen. Le jeune homme ne vivait pas dans le luxe, mais il acceptait de partager sa piaule en échange d'un loyer. C'était plus que suffisant. L'entente entre les deux était cordiale, voire chaleureuse. Dans le fond, Owen s'y sentait bien plus chez lui que dans son précédent foyer.
C'était juste que...
Il avait aussi trouvé sa place au sein du gang. Il approchait de ses dix-sept ans, lentement mais sûrement, ce qui faisait de lui un bon élément. Owen travaillait bien, suivait les ordres sans protester - parce qu'il avait choisi cette autorité, et reconnaissait qu'elle ne s'appuyait pas uniquement sur une prétendue légitimité étatique. De toute façon, le trafic de drogues, ça lui rapportait aussi, alors il n'avait pas de raison de se plaindre. Entre l'argent et le goût du risque, tout conduisait Owen à apprécier ce qu'il faisait.
« Donc, si j'ai bien compris, tu veux que je rencontre ce dénommé Sloan et que je lui propose de nous rejoindre ? »
Perdu dans ses pensées, Owen mit quelques secondes avant de comprendre que le chef de la bande lui parlait. Le soir était déjà tombé, Owen était rentré un peu tard parce qu'il avait passé du temps avec le gamin. Quatorze ans, c'était l'âge qu'il avait lui-même lorsqu'il avait sombré dans la délinquance. Le petit lui paraissait prometteur. Owen ne regardait pas trop les plus jeunes que lui - bien qu'il se doutât que son attirance allait plutôt vers les garçons - et ne pensait pas que cela irait plus loin ; en quoi il se trompait. Plus tard, il en viendrait à considérer Sloan comme un excellent ami, peut-être même encore meilleur que son propre chef. Pour le moment, il voyait surtout les bénéfices de son intégration au gang, et c'était ce qu'il expliquait à son propriétaire.
« Il pourrait vraiment nous aider, promit Owen, et le chef put lire l'éclat de la certitude dans son regard.
- Soit. Appelle-le et conviens d'un créneau pour un rendez-vous. J'en jugerai par moi-même. »
Owen sourit. Il savait très bien qu'il allait dire oui, de toute façon. C'était certain. Owen avait fini par remarquer qu'il était effroyablement bon quand il s'agissait de convaincre les gens de ce qu'il voulait. Ses dons de manipulateur lui seraient très certainement assez utiles par la suite.
Owen n'aurait pas dû être au courant de l'affaire.
Mais bien sûr, c'est d'Owen dont on parle ; quand il veut savoir quelque chose, il trouve toujours le moyen de s'informer. En particulier pour tout ce qui touche un certain Sloan ; Owen ne savait pas trop jusqu'où allait son affection, et s'il ne s'intéressait pas un peu trop à lui, mais il ne s'interrogeait pas vraiment là-dessus, estimant plutôt que, l'ayant fait recruter, il était normal qu'il le surveille un peu. Voilà pourquoi, alors que le groupe de musique qu'il avait rejoint quelques temps auparavant et dans lequel il jouait de la guitare prévoyait de faire une nouvelle prestation dans la rue, Owen déclina poliment l'invitation pour aller discrètement surveiller Sloan. Discrètement, c'était le mot ; le jeune homme commençait à avoir l'habitude des filatures, et le cadet ne s'aperçut probablement de rien.
Une légère angoisse lui nouait le ventre, comme à chaque fois que Sloan prenait des risques. Mais il choisit d'ignorer la sensation, comme à chaque fois. Se persuadant que ce n'était qu'un signe d'excitation ; qu'il ne s'inquiétait pas réellement pour lui. Le gamin était doué, il y avait donc peu de chances qu'il lui arrivât quelque chose. Il était plus fort que cela, tout de même. Alors qu'il le suivait de loin, Owen laissa son regard dériver dans le dos de Sloan. Il aimait la façon dont ses cheveux sombre formaient des boucles rebelles ; une fois, il avait eu l'occasion d'y glisser les doigts. Il ne se souvenait plus du pourquoi, mais le souvenir lui faisait chaud au cœur. Sloan n'était pas à lui ; il ne lui appartenait pas. Mais il y avait des moments où Owen se rendait compte de la profondeur de son affection pour lui. Même si, à bien y réfléchir, s'il avait touché aux cheveux de Sloan, ça devait très certainement être une façon de l'embêter. (Mais il y avait plus que cela, comme toujours entre eux deux.)
Toute à sa concentration, il eut un temps d'arrêt lorsqu'il vit la police se précipiter vers Sloan. Bien sûr, Owen savait parfaitement ce que cela voulait dire. Tout le monde, dans leur bande, le savait. Les flics, c'était la fin. Une fois qu'ils vous mettaient le grappin dessus, vous ne pouviez plus rien faire. Mais ce ne fut pas cette certitude qu'il ne pouvait pas le sauver qui poussa Owen à se plaquer contre le mur qui le protéger des regards de la police. Non. Ce fut une simple peur primaire, la peur de se faire avoir à son tour, la peur de finir en prison. Même si un sourire s'esquissa sur ses lèvres en songeant à quel point il touchait du doigt le véritable danger. Même s'il était heureux d'être encore libre et innocent. Il ne pensa pas à Sloan, pour le coup. Il ne pensa qu'à lui-même, qu'à la façon dont il pourrait s'en sortir, en se félicitant de ne pas avoir été repéré.
Au bout d'un moment, Owen passa la tête de l'autre côté du mur, afin de voir s'il était possible pour lui de s'éclipser discrètement. Personne ne regardait dans sa direction, le moment lui paraissait opportun ; une arrestation, ça attirait forcément tous les regards. Tous, sauf celui du principal intéressé. La colère qu'il lut dans les iris du garçon glaça son sang. Et Owen comprit ce qu'il avait vraiment fait.
Il avait laissé tomber Sloan.
Et celui-ci ne lui pardonnerait probablement jamais.
Le passant secoua négativement la tête, et Owen le laissa repartir, essayant de taire sa déception. Curieusement, il aurait pensé qu'au bout du millième refus (ou alors il n'en était pas loin), cette dernière saurait s'apaiser. Il n'en était rien. La douleur était toujours la même qu'au premier jour. Et Owen avait envie de rire de sa stupidité. Pourquoi donc prenait-il tant au sérieux cette recherche de Sloan ? Ce n'était pas si grave, après tout, ce n'était pas de sa faute si Sloan avait disparu, pas de sa faute s'il avait échoué dans sa mission, n'est-ce-pas ? Il n'arrivait pas à s'en convaincre ; tout lui criait que c'était bien de sa faute à lui, qu'il aurait dû faire quelque chose. Qu'il n'aurait pas dû se laisser paralyser par la peur.
C'était affreux de voir comme il lui manquait. Sloan avait fini par faire partie des acquis de son existence. Quelqu'un qui serait toujours à ses côtés, quoiqu'il arrive. Quelqu'un avec qui rire et pleurer, quelqu'un qui l'abandonnerait jamais. Et voilà qu'il n'était plus là, parce qu'Owen n'avait pas voulu se battre pour lui. Parce qu'Owen avait préféré faire passer sa propre personne avant la sienne. S'il avait su à quel point il en souffrirait, comprenant alors qu'il tenait beaucoup trop à Sloan, il aurait tout fait pour le sauver, quitte à se perdre avec lui.
Au moins, il aurait été
avec lui.
A présent, il était seul.
Plus seul qu'il ne l'avait été depuis ses quatorze ans. Plus de trois années s'étaient écoulées déjà, et Owen n'avait jamais connu un tel désœuvrement. Autrefois, il avait sa famille. Puis, quand il n'avait plus de toit à se mettre sur la tête, le chef de sa bande lui avait tendu la main. Désormais, il n'avait plus que deux choses : sa guitare et sa douleur. Tant mentale que physique - le visage d'Owen n'était pas beau à voir, suite à la dérouillée que celui-ci s'était pris lorsqu'il avait annoncé son départ. Il n'oublierait jamais le mépris du jeune homme, qui lui reprochait d'être un amoureux transi. La pique avait surtout pour but de le ridiculiser, mais oh, c'était sans doute un peu vrai. C'était cet aspect de la question qui effrayait le plus Owen. Amoureux ? était-il vraiment amoureux de Sloan ? Non, certainement pas. L'amour, ce n'était pas cela ; c'était un sentiment transcendant, dont on avait conscience dès le départ, et non lorsqu'on venait de perdre l'être adoré. Owen était sans doute bien plus un grand frère incapable de supporter de n'avoir pas joué son rôle.
L'hôtel dans lequel il avait choisi de loger était dans un état déplorable, et probablement insalubre. Mais le prix d'une chambre était le plus bas qu'Owen avait pu trouver, et il préférait cela plutôt que de dormir à la rue. Il pourrait probablement gagner sa subsistance en jouant de la guitare, à nouveau ; cela ne lui rapporterait cela dit pas beaucoup, juste assez de quoi vivre au jour le jour. Se trouver un véritable emploi ne lui convenait guère ; il n'aimait pas les limites que se fixait la société afin de vivre sans inquiétude. Owen estimait que de toute façon, il n'avait pas le droit à une telle protection. Non parce qu'il avait été un délinquant - mais parce qu'il avait été lâche.
Parce qu'il gagnait toujours un peu plus que ce qui lui était nécessaire pour se payer le logement du soir, le couvert et le blanchissement, Owen aurait pu économiser. Il ne le fit pas, estimant que c'était une perte de temps inutile - et il engloutissait son temps et son argent dans l'alcool. Il ne restait jamais au même endroit, de sorte qu'il devait également prendre en compte d'éventuels frais de transports - il se déplaçait à pied dès que c'était possible, mais parfois le soir commençait à tomber et il avait besoin de se payer un ticket de bus pour ne pas avoir à dormir à la belle étoile, une infamie qu'il se refusait encore. Même déchu, Owen continuait d'avoir quelques exigences. Il ne renonçait que partiellement au confort, s'efforçant de trouver la rédemption dans cette vie de bohême.
Il n'avait simplement pas prévu qu'il allait mourir entretemps.
Veiller sur des humains ?
Absolument impossible.
Pas avec toute cette rancune qui le rongeait de l'intérieur depuis tant d'années.
Pas avec toute cette haine qu'il en était venu à accumuler pour la race humaine.
Pas avec la certitude que l'être humain est fondamentalement mauvais.
Comme lui-même l'avait été en ne sauvant pas Sloan.
L'égoïsme des vivants ne parvenait qu'à l'emplir d'amertume.
Il y avait tant de gens contre qui il nourissait quelque grief - des gens réels, comme cette fille qui l'avait tué sans qu'il ne sût pourquoi ; des gens stéréotypés, comme l'ensemble du corps professoral.
Non, il ne pouvait rien pour eux.
Il n'aspirait qu'à leur malheur.
Désirait les entraîner dans sa spirale.
Devenir Ombre était d'une logique implacable pour Owen.
Bien sûr, c'était aussi une façon de remettre en cause ses propres choix. Son existence lui paraissait si terme, si pathétique qu'il ne pouvait le supporter. Que n'aurait-il donné pour la réécrire. Pour se rendre plus fort, plus combattif. Pour ne pas perdre ce qui était important à ses yeux.
La guitare toujours en main, Owen prit le chemin de la vengeance sans une seule seconde d'hésitation.
Il lui semblait que tout, au fond de lui, était noirci, pourri.
Il n'aurait jamais pu prendre une autre décision.K. alias ArsinoéAlors je crois avoir trouvé le forum sur un topsite. Je suis perturbé parce qu'il y a un effet sur la balise em et que je l'utilise tout le temps. J'ai trop de personnages, mais je ne pouvais pas passer à côté d'Owen. Je n'aime pas parler de moi par timidité et peur de paraître trop bizarre. Je vis dans une autre temporalité, selon les dires des gens, mon temps ne s'écoule pas de la même façon que les autres. Et j'aime quand il fait froid.