Astrid ne fit pas attention à la remarque d'Aétios, à vrai dire elle l'entendit à peine. Elle sentait le Berserker remuer sous son emprise, elle sentait sa peur. Elle sentait son cœur affolé battre la chamade, mais toute son attention était sur l'humain. L'humain que tenait son congénère, l'humain qui dans la seconde qui suivait se faisait mordre par l'Ange Noir. Quand la première goutte de sang coula, un frisson partant de la nuque de la jeune femme parcouru tout son corps. De terreur, d'envie, de faim peut être ? Ses mains, de façon imperceptible commencèrent à trembler. Alors que son visage restait figé, son corps progressivement trahissait cette explosion en elle, ce boum d'émotions qui se mélangeaient à des bribes d'images qui terrifiaient Astrid.

Aétios..

Elle souffla son nom, c'était à peine audible. Le ton était peu assuré, ce qui était si étrange venant d'elle. C'était presque celui d'une fillette au bord des larmes. Elle voulait qu'il arrête. Mais après tout, elle était comme lui, pourquoi ne pouvait-elle pas tout simplement l'envier ? L'envier d'être tombé sur un humain, de pouvoir se délecter de son sang ? Lui ne l'avait pas entendue l'appeler, c'était à peine si le Berserker à genoux au dessous d'elle l'avait entendue. Les crocs d'Aétios s'enfoncèrent encore un peu, le sang coulaient toujours.

L'humain flancha, il manqua de tomber mais le stryge le rattrapa pour mieux assurer sa prise. Quelques secondes passèrent, où la panique mélangée à la terreur commencèrent à apparaître sur le faciès de la jeune femme. Ses mains tremblaient toujours, elle n'essayait même plus de les arrêter. En regardant l'humain, son esprit le remplaçait par un autre. Les scènes s'inversaient, les visages se mélangeaient laissant dans l'esprit d'Astrid un chaos insupportable. Elle ferma les yeux, fuyant la scène du regard et tenta de maîtriser son ressenti. Là était une occasion d'essayer de dépasser cette crainte, cette terreur qui la suivait depuis des siècles. Elle lâcha le Berserker qui aussitôt s'écarta d'elle et porta ses mains à sa tête. Une main devant la bouche, l'autre le poing serré elle rouvrit les yeux sur Aétios qui semblait ne plus vouloir s'arrêter. La pression montait en elle, son cerveau était en ébullition.

AÉTIOS LÂCHE LE !

En un quart de seconde, elle craqua. Sans vraiment penser aux conséquences ni ce qui pourraient en suivre, elle se jeta sur Aétios pour le faire lâcher l'humain qui collapsa au sol. Elle réussit en le prenant par surprise à le pousser contre le mur derrière lui, l'affolement et l'angoisse faisant vibrer sa voix. Aussitôt qu'il avait lâché sa proie, elle s'écarta de lui, prête à en découdre avec lui. Le souffle court, les muscles engourdis et tendus à la fois elle évita de croiser le regard de son congénère. Son regard tomba sur l'homme au sol, et son sang qui coulait sur le pavé gris. Elle évita soigneusement de le regarder aussi, la scène étant beaucoup trop familière.

Elle ne savait pas quoi faire, elle ne savait pas où se mettre. Avant de devoir s'expliquer avec Aétios ou lui expliquer, elle pensa au Berserker. Celui-ci avait commencé à s'éloigner discrètement. Astrid le rattrapa en quelques secondes. Elle l'attrapa, et plongea son regard sombre dans le sien.

« Oublie nos visages. Si tu répète quoique ce soit à quelqu'un concernant ce soir, j'te retrouve et tu vas le regretter, compris ?! »

Elle lâcha l'homme, qui en hochant de la tête détala. Elle le regarda s'éloigner, avant de se retourner vers l'Ange Noir. Elle plongea son regard dans le sien, son visage était redevenu presque neutre, seuls ses yeux dénonçaient la terreur qui l'avait poussée à agir de la sorte.

Elle l'avait entendu hurler. Elle l'avait entendu, mais devait s'occuper du berserker. Plongée, bloquée dans ses pensées, elle avait tout de même capté le ton inquiétant de l'Ange Noir. Ce n'est qu'en se retournant, en se retrouvant face à lui qu'elle comprit à quel point il était énervé. Et c'était un petit mot.

En un éclair, il était arrivé devant elle, et l'avait soulevée par la gorge d'une seule main. La violence d'Aétios la tira de sa "torpeur" et lui arracha un cri étouffé, alors qu'elle s'agrippait à ses mains pour tenter de se soulever, et trouver de l'air. Elle n'écoutait plus ce qu'il lui hurlait dessus, ses pensées étaient beaucoup trop embrouillées. Le sang, tout.. Son instinct de survie lui criait de se débattre, de se défendre pour prendre la fuite, or elle en était incapable et c'était totalement futile contre un stryge aussi âgé et intelligent que lui. Il avait un peu plus de 200 années qu'elle, ce qui creusait un large fossé entre eux deux niveau force. Bien que la jeune femme était elle aussi âgée, elle ne survivrait pas si elle devait l'affronter.

Tout s'enchainait trop vite pour elle. A peine avait-elle eu le temps de se "remettre" de ce qu'elle venait de voir que son congénère lui avait sauté dessus, et voilà maintenant qu'il la balança contre le mur sur son côté, contre un vulgaire chiffon. Elle était résistante, certes. Mais lui était vieux, fort, et surtout enragé. Elle l'avait vu à ses yeux, des yeux encore inconnus pour elle. Elle eu du mal à se redresser, aussi elle resta au sol quelques secondes. Chaque stryge à sa part d'ombre, sans exception. Certaines sont juste moins.. envahissantes et fortes que d'autres. Elle n'avait jamais vu Aétios dans cet état, dans une telle colère. Elle savait que c'était en lui, mais jamais elle ne l'avait vu et elle aurait préféré de jamais voir. Pour une des rares fois dans sa vie, elle eu peur pour sa vie, pendant une fraction de seconde.

Elle se redressa sur ses mains, alors que quelque chose entra dans sa vision. Elle eu à peine le temps de reculer, que le corps de l'humain qui empestait le sang tomba juste devant elle. Elle s'en éloigna aussitôt, se relevant en panique, maladroitement, titubant presque. Elle en tirerait sûrement quelques bleus, de cette soirée au final ; l'impact l'avait sonnée. Encore une fois elle l'entend hurler, alors que ses yeux font des allers retours entre le corps presque sans vie et le regard terrifiant d'Aétios. Elle ne savait plus ce qui l'effrayait le plus; lui, ou l'homme qui lui rappelait Dan se vider de son sang à ses pieds. Serrant les poings, elle inspira profondément. Il fallait qu'elle reprenne le dessus, rapidement. Elle quitta l'humain du regard pour le plonger à son tour dans celui d'Aétios, semblable à une bête. Elle se força à avoir un air calme, alors qu'une pensée lui traversa l'esprit : la tuerait-il vraiment ? Alors qu'elle entendait la respiration de son congénère s'accélérer et s'emplir de colère, elle recula malgré elle d'un pas. Elle hésitait à fuir.

Aétios je..

Son regard noir lui ôtait les mots. Elle ne savait pas comment réagir. Est-ce que si elle le provoquait, il s'énerverait et finalement n'irait pas jusqu'au bout ? Un pari risqué, beaucoup trop risqué. Sa seule option était d'essayer de le calmer. Son regard tomba quelques secondes sur l'humain au sol, encore. Même dans cette situation, il ne quittait pas ses pensées. Elle ne voulait pas le laisser mourir là, elle ne pouvait pas. Cela dit, pour l'instant elle n'avait pas le choix. En plus, la vue et l'odeur du sang la rendait plus instable qu'elle ne l'était déjà. Elle recula encore, pour s'éloigner et de son congénère, et du corps.

Calme toi Aétios, reprends toi s'il te plaît.., elle ne savait pas quoi dire, elle n'avait jamais été douée pour calmer les gens ou autres aussi elle devait s'improviser un petit peu, Ce n'est pas toi là Aétios, reprends toi.

Sa voix tremblait, alors qu'elle essayait d'avoir l'air posé, calme. Sa vie était peut être réellement en jeu. Elle n'avait aucune envie, ni aucunement l'intention de mourir ce soir. Encore moins des mains de l'Ange Noir en face d'elle.

Son cœur battait à un rythme bien trop élevé depuis quelques minutes, elle n'aimait pas vraiment cette situation. Aétios avait complètement sombré, et sa tentative pour le calmer et le ramener avait lamentablement échoué. Plus elle reculait plus lui s'avançait vers elle. Elle était certes une femme très orgueilleuse et par moments vantarde, or là elle s'en abstenait. Sa vie était en jeu, et ça ne la faisait absolument pas rire. L'Ange Noir ricasse devant les propos d'Astrid. Un léger bruit attire son attention ainsi que celle de son congénère; l'humain est encore en vie. Elle le regarde, alors que le Stryge place son pied sur sa gorge, privant l'humain d'air. La jeune femme se retint d'intervenir, alors que les paroles de l'homme en face d'elle lui glacèrent le sang. La peur passa à nouveau dans ses yeux, rivés sur lui alors qu'un bruit sec retentit.

Ses yeux tombèrent sur l'humain que la vie venait de quitter. Sa tête tomba mollement sur le côté, ses yeux encore grands ouverts la fixaient. Un frisson la parcouru. Ce bruit.. C'est comme si il cassa quelque chose. Astrid resta les yeux rivés sur le corps, alors qu'Aétios la blâmait pour ça. Après quelques secondes, elle planta son regard dans celui de son congénère. Toute peur, tristesse ou les quelconques sentiments qu'elle avait éprouvés plus tôt s'étaient évaporés avec la vie de l'humain. Il était mort, elle ne pouvait plus rien faire.

Ma faute ?

Il shoota dans le corps sans vie, qui atterri à ses pieds. Elle le regarda quelques secondes; cela lui faisait à présent ni chaud ni froid. C'était comme si en retirant la vie à l'humain, il avait supprimé les émotions d'Astrid. Enfin, temporairement. En état de choc, elle semblait anesthésiée à ce niveau là. Quittant l'humain des yeux, elle regarda à nouveau son congénère, un sourire au coin des lèvres.

Si ça c'est vraiment toi.., elle ricana doucement, Je me demande ce que la petite Berserker en pensera.

La rancœur imprégnait le ton qu'elle venait d'utiliser, et avant qu'il ne puisse répondre quoique se soit elle shoota à nouveau dans le corps sans vie pour qu'il atterrisse sur lui. Sans attendre, elle profita de cette distraction pour s'éclipser.
Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'était pas prête d'oublier cette nuit, ni sa colère contre L'Ange Noir.