« Non mais en fait, cherche pas… vu comment c’est chiant quand tu parles, tu vas faire contrôleur des impôts, prof de compta ou … Opticien. Voila donc tu notes ça. Note. Contrôleur des impôts, prof de comptabilité… Opticien. C’est ça ton crédo, rencarde toi mon p’tit. Et si jamais tu sens que durant l’année, tu te décoinces un peu tu pourras sans doute envisager d’être maître blagueur chez Carambar mais bon, te fais pas trop d’illusions hein ! »
Et voilà, éjecté c’est torché. Le gosse n’avait pas eu le temps d’en décrocher une que Willow le poussait déjà hors de son bureau. Ou le chassait plutôt, pour enfiler son manteau au plus vite et sortir en douce. Il n’était pas tard… mais elle avait fait en sorte que son emploi du temps dès lors soit remplit de nom fictifs tel que Alain Posteur, Xavier Kapaêtrela, Matt Lecul ou Roland Culé… Magique. Grâce à cette astuce profondément débile, elle pourrait prendre une après-midi à l’œil sans se fatiguer dans le bureau du dirlo. Le pauvre avait déjà le cerveau bousillé à force de se prendre de l’hypnose en rafale, il l’avait encore prouvé le matin même en retirant son pantalon plutôt que sa veste lors d’un rendez-vous avec des parents d’élèves. Paix à son âme. En attendant, elle louchait encore et encore sur le SMS qu’elle avait reçu peu de temps auparavant de la part de Darwin. Putain mais qu’est-ce que son foutu frère pouvait bien avoir dans la tronche pour se radiner au manoir sans l’avoir prévenu au préalable ? C’était pas Oreste qui était censé être le p’tit génie de la famille ? En plus, il suffisait qu’il susurre des cochonneries à l’oreille de son téléphone pour que ce dernier balance un texto … c’était pour lui, d’une simplicité enfantine. Alors merde ! Bon… il fallait dire que l’idée d’un Oreste et d’un Darwin seuls dans le manoir ne l’enchantait pas. Au contraire, elle avait légèrement la trouille qu’un certain Stryge abime un peu la carrosserie du frangin. Raison pour laquelle elle hurla au téléphone dès sa sortit du collège, ordonnant à son chauffeur de cramer des feux rouges, d’écraser les mômes sur le passage piéton… mais de se magner la raie ! Aaaaah la confiance, que c’était beau !
Une fois dans le véhicule, Willow réactiva l’écran lumineux de son téléphone portable toutes les deux minutes avec l’impression sinistre qu’elle allait recevoir un autre texto du style « J’ai buté ton frère par accident avec un bâton de dynamite et une saucisse congelée… mais vraiment, j’ai pas fait exprès ! Tu me pardonnes hein ? » C’est qu’ils étaient franchement un-con-patible les deux cons (lawl vous l’avez saisi celle-là ?)… et Willow redoutait un coup de sang de Darwin qui aurait vite fait de casser la gueule d’Oreste, trop mou des genoux pour se rebiffer. Si bien qu’une fois arrivée, Willow hurla sur le chauffeur de s’arrêter, chaussa ses rainbow moon boot et sembla ensuite littéralement bondir de la voiture pour cavaler dans le manoir de Darwin où un larbin lui indiqua la présence du Stryge de et son frère dans le domaine… à cheval. Oh mon dieu…
Quelques minutes plus tard, Willow appuyait sur le champignon de la reproduction de la papamobile qu’elle avait offert à Darwin. Le véhicule glissait sur la neige non sans une certaine virtuosité, comme une véritable luge, mais au volant Willow avait simplement l’air de Cruella d’enfer. Elle se planta d’ailleurs en beauté comme cette dernière, en direct dans le canon à neige flambant neuf de Darwin… mais elle ignora les dégâts et le moteur fumant pour continuer à pied alors qu’elle apercevait Dada au loin, s’agiter autour d’Oreste. Ils n’étaient pas à cheval, ce qui était alarmant. Et elle eut immédiatement confirmation qu’il y avait quelque chose de louche rien qu’à voir la tronche de Darwin.
« TITBITUS MAN ! KESTA’FAIT ??! »
Elle s’approcha à grand pas d’ogre, manquant de tomber dans un ravin (genre 5 cm quoi…) de neige… mais Willow parvint rapidement aux deux individus pour se planter devant Darwin et le regarder dans les yeux, plissant les siens comme si elle lisait dans le cerveau du Stryge. « WILLOOOOW !! Comment tu vas ? Ha ha … Ha tu rentres bien tôt dit moi ! Oreste et moi on s'amusait comme des petits fous ! Hein poto !! »
« Tu as l’air tellement coupable … ! Mais tellement coupable mon vieux… Je te préviens si tu as déconné avec mon frère je vais te détruire ok ?… Me demerder pour choper l’angine du siècle et te la refiler à coup de postillon jusqu’à ce que tu sois MORT pour de VRAI… »
Aussitôt son regard posé sur Oreste, l’attention de Willow fut attiré par l’écharpe… l’écharpe de Darwin. Sur le nez d’Oreste. Oreste qui avait une véritable tronche de cake et ne disait rien… Puis à nouveau sur l’écharpe, souillée de … SANG ?! La tâche s’élargissait, et plus elle s’élargissait plus Willow approchait de son frère, sans dévier son regard de cette pute de tâche. L’espace de quelques secondes, elle demeura silencieuse, avant de retirer le tissu imbibé du visage de son frère pour découvrir quel immonde pif de troll il se tapait à présent… et bien vite, grâce à la présence d’Electrocutionist et Windar II, l’Alchimiste reconstitua la scène dans son esprit… pour éclater de rire sans aucune retenue.
« Mais Oreste tu t’es cassé la gueule d’Electrocutionist ? Grand dieu, le machin fait 10 centimètres t’es pas sérieux ? »
Appuyée sur l’épaule du frangin, elle se tenait le ventre de sa main encore libre et littéralement pliée en deux, Willow imaginait la chute au ralentit … Non mais en vrai, c’était impossible de tomber d’un si petit canasson, et de se casser le pif DANS DE LA NEIGE FRAICHE ! Le truc de fou… Mais l’Alchimiste entendit à peine Darwin se la ramener aussi, qu’elle cessa de rire, se redressa et lui adressa un regard noir.
« Toi, MEME PAS TU RIGOLES !! Tu rigoles pas, TU TE TAIS ! » Lâcha-t-elle à l’attention du Stryge avant de se tourner vers son frère. « Et toi t’es con au point de le suivre et de détruire un tarin gros comme l’Amérique du sud ? Mais t’es fous ou quoi, il va devenir encore plus moche ! Vous êtes… des crétins ! On ne peut vraiment pas vous faire confiance merde ! Bon Oreste traine ton costa croisière ensanglanté par-là, faut soigner ça… »
Sur ce, l’Alchimiste tourna les talons, se dandinant dans la neige non sans passer devant Darwin à qui elle adressa un joli majeur avant de hurler :
S'il avait su que le reste de la journée aurait été si mouvementé, Oreste serait resté au chaud chez lui, à méditer sur le sens des neutrons avec une bonne tasse de thé à la bergamote. Mais non, bien sûr, l'alchimiste s'était mis en tête de se rendre sur le territoire inconnu du terrible et imposant « What the fuckisme. » Depuis qu'il avait mis les pieds ici de toutes manières, rien ne tournait rond, que ce soit sa magie, ses actions, et même les échanges qu'il avait pu avoir avec Saltzmann. Et voilà que maintenant s'ajouter une nouvelle valeur à tout ça... le retour de Willow. Super. Non seulement il s'était ridiculisé pendant des heures devant le blond, mais c'était au tour de sa petite sœur de constater à quel point il pouvait faire preuve de bêtise. Lui qui ne voulait que se rapprocher d'elle enchaînaient bourdes sur bourdes, et démontrait tout son art à rendre sa vie impossible.
Alors qu'elle approchait, il sentait pourtant Darwin excessivement nerveux, tant et si bien qu'il se demanda lequel des deux était véritablement dangereux. Si sa sœur parvenait à dompter un Stryge... c'est qu'avec le temps, elle était devenue capable de choses incroyables. Peut-être plus que ce qu'il ne pouvait accomplir lui... ce qui, en soi, et vu son état, n'était pas bien compliqué. Le nez en sang derrière le tissus blanc, sa tête commençait à tourner. Perdre du sang vu l'atroce bilan de santé qu'il se trimbalait depuis trois ans, c'était la pire fausse bonne idée de tout les temps. Et il se sentait de plus en plus mal à chaque seconde filant. Même si, bien sûr... il ne devait rien montrer. Surtout pas devant Willow qui semblait ne pas décolérer depuis la seconde où elle était arrivée.
« Willow, tout va bien... je t’assure... ha ha ha... c'est rien de grave... »
Bien que sa voix était faible, et qu'il semblait pouvoir tourner de l'oeil à n'importe quel moment, le sourire d'Oreste restait en place, peu lui importait sa douleur. Si ça pouvait au moins lui permettre de distraire l'inquiétude de sa sœur... c'était déjà ça. Mais ce que l'alchimiste avait du mal à comprendre, c'était bel et bien le fait qu'elle n'était pas si simple à duper. Son statut de frère aîné l'empêchait de la prendre pour autre chose qu'une petite fille à qui l'on raconte de jolis contes pour l'endormir... Jusqu'à quand pourrait-il continuer à lui mentir sans éprouver de remords ?
A sa question, il émit un léger soupire et tourna les yeux vers l'arme du crime, en train de gambader gentiment et de brouter un peu d'herbes. Déjà qu'Oreste avait bien du mal à comprendre les animaux, contrairement à son meilleur ami à qui il enviait ce pouvoir... mais là, il resterait fâché un long moment avec tout ce qui ressemblerait de prêt ou de loin à un équidé. Centaures inclus.
« Quant à ma chute, euh... on va dire... que le courant est mal passé entre nous ? », lui répondit-il, avant de rire légèrement nerveusement. « Oui parce que... courant... Electrocutionist... tout ça, tout ça... »
Non, non... même lui avait sa fierté, aussi minime était-elle devenue. Et il préférait largement faire diversion avec une blague douteuse plutôt que d'avouer que oui, en effet, il était tombé d'un poney fort têtu. Autant se ridiculiser de lui-même cette fois-ci, en en étant parfaitement conscient et sans subir les caprices du hasard.
Mais c'était pas ça qui allait réparer son nez tuméfié. Seul un docteur pouvait s'en charger, de préférence à l'hôpital... Il était presque blasé d'y aller si souvent. Mais à croire qu'il manquait de chance, depuis trois ans... ce qui ne l'aurait pas étonné. Ainsi donc il se retrouva entraîné par une Willow en furie... et il sentit que cette interminable journée ne trouverait jamais de conclusion satisfaisante...
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