Picoler, c’était vraiment de la merde… A chaque fois, Willow avait tendance à regretter, surtout depuis le soir où elle s’était fait droguer au cabaret. L’Alchimiste se faisait méfiante, car bon … se faire avoir une fois, ok. Se faire avoir deux fois… bon passons. Mais se faire avoir trois fois heeeu non ! Fallait quand même pas déconner ! Certes Willow avait un faible pour l’alcool qui rimait souvent avec méga fiesta, surtout avec Darwin qui tenait mieux qu’elle mais finissait toujours par craquer. Mais s’il y avait une qualité que l’on pouvait bien lui admettre, c’était qu’elle se montrait souvent raisonnable et que l’ivresse n’était pas son dada, contrairement au Stryge du même nom (c’est faible je sais). Perdre ses moyens, c’était perdre des occasions de faire chier son monde ou de pigeonner quelques gentils messieurs, et elle ne prenait jamais vraiment le risque, si bien qu’il était vraiment très rare de la voir se mettre la murge de sa vie. Cependant… alors qu’elle se réveillait sans ouvrir les yeux, Willow sentait déjà le mal de crâne typique post-cuite lui arracher les mirettes et la moitié des neurones. Ouuuuh il était douloureux celui-là ! Elle se plaqua une main sur le visage… mauvaise idée, la résonnance à l’intérieur de son esprit vide la fit gémir de douleur. Putain mais… c’était incompréhensible ! Elle avait à peine picolé ! C’était l’âge déjà ? Elle supportait même plus d’enchainer quelques coupes de champ’, un cocktail et du punch ? La misère… Personne ne devait le savoir !

Lentement, Willow tenta de recentrer ses pensées, histoire de les mettre dans le bon ordre et de comprendre ce qu’elle avait bien pu foutre. Blackout… oh merde, elle y avait été si fort que ça ? Sans rire ! Au prix d’un effort certain l’Alchimiste fouina sans ses propres souvenirs. A ouais, le bal des Faës… Darwin… les merdeux à table. Lentement mais surement, la jeune femme commençait à revoir certains éléments de la veille, non sans geindre et cacher ses yeux dans ses mains. Un très léger trait de lumière arrivait sur elle, ce qui était inhabituel, car la fenêtre de sa chambre était censée donner de l’autre côté. Mais bordel, dans quel sens était-elle ? Elle s’imaginait déjà sans dessus-dessus, et envoya son bras dans les airs, toute grognon… Sauf que le bras en question ne tomba dans le moelleux de son édredons mais sur quelques choses de plus dur… de plus anguleux. Sa main prit alors le parti de tripoter l’élément indésirable jusqu’à venir à la conclusion qu’il s’agissait d’un visage. Ah bah très bien, elle allait pouvoir se rendormir et… attendez. UN VISAGE ? Le visage de qui ?! Cette fois ses yeux s’ouvrir d’un coup, même si la lumière elle-même était une douleur insupportable. Willow se redressa dans le lit d’un geste tout aussi mécanique alors que son estomac se soulevait en un haut le cœur qu’elle maitrisa au prix de quelques respirations profondes.

« Mais bordeeeeel c’est quoi ce délire ? »

A nouveau, elle frotta son visage, grimaçant sous l’effet de la gueule de bois qui vraisemblablement devenait plus trash de minute en minute et s’installait pénard. Avant de constater avec effarement qu’elle ne portait rien. Le drap avait glissé, et sa poitrine se retrouvait dès lors à l’air libre, tranquille, on laisse les teutons prendre l’air ! Alors là, c’était la meilleure ! Elle était bel et bien à poil dans un lit, en présence de quelqu’un qu’elle n’osait même pas regarder. Willow se prit la tête entre les mains… putain on y va là ! Souvenirs souvenirs souvenirs !! Et d’un seul coup, ils lui tombèrent légèrement dessus, le piano et le jet privé avec. Le poids l’écrasa presque physiquement, alors que lui revenait en mémoire Darwin, trinquant joyeusement avec elle… Darwin lui tripotant les seins devant l’assemblée des Faës et la Reine elle-même, déclarant qu’il n’y avait pas mieux dans tout Ottawa que les bouées de l’Alchimiste. Darwin, lui léchant le buste en déambulant dans la Cour pour trouver la sortie… Et putain. OH PUTAIN ! La LANGUE de DARWIN dans sa BOUCHE à ELLE !! Le trajet du retour n’avait été que pelotages mutuels et échanges de salives sauvages. De quoi la faire vibrer jusqu’au tréfonds de son âme, même à présent, alors qu’elle émergeait, souffrait d’un mal de crâne tout à fait épique et semblait trop nauséeuse pour apprécier des souvenirs de vigoureux enroulages de langues.

« Oh … merde. Darwin … »

Sa voix s’était faite fébrile, un souffle presque alors qu’elle ouvrait à nouveau les yeux en fixant un point dans les draps. Elle n’osait même pas se tourner… mais Willow savait que c’était lui. Qu’il était là puisque c’était sa chambre. Et qu’elle avait passé la nuit avec… Seulement, elle était encore trop chamboulée pour vérifier les indices que la nature pouvait lui avoir laissé, et confirmer si « l’erreur » avait été commise. Après quelques secondes, elle se trouva le courage de parler bien plus fort :

« DARWIN !! »

Le réveiller… c’était son seul objectif. Parce que pour le moment, Willow ne savait réellement pas quoi faire de mieux.

- DARWIN!!

L'appelé sursauta dans son lit, son cœur battant à dix milles kilomètres heures dans sa poitrine. Violent. Trop violent ! Tout comme ce mal de tête que le sommeil lui avait gentiment caché et qui venait subtilement faire savoir qu'il était là. Ooh bordel. Gardant les yeux fermés, il tapota en grognant  sur ce qu'il pensait être son réveil, se retenant de le balancer au travers de la pièce. Tient, bizarre, généralement il se trouvait sur la table de chevet et pas à côté de lui … Dans le lit … What the … Ce qu'il avait sous les doigts n'était pas ce à quoi il s'attendait. Cela ressemblait plus à un … Nez ? Un œil s'ouvrit, un nez ? Puis le deuxième, un réveil ça n'avait pas de nez et ça ne gueulait pas son prénom ! Ses traits s'étirèrent sous la surprise de sa découverte et très lentement, pour éviter d'avoir le mal de mer sur la terre ferme, il tourna la tête vers l'Objet Non Volant mais toujours Non Identifié. Oh. Putain. La. Race. De. Sa. Grand-mère. Willow !

Bon, du calme, ce n'était pas la première fois qu'ils se réveillaient dans le même lit … Ou dans un autre d'ailleurs. Tant qu'ils avaient toujours leurs habits, il ne fallait pas s'alarmer. Son regard se posa sur l'alchimiste, non pas dans le sien mais un peu plus bas … Entre sien et sein, il n'y avait qu'une lettre de décalage après tout et ses yeux se firent aussi rond que les deux perfections qui agressaient positivement ses rétines. Nue. Elle était... Nue. A poil. Sans rien. A Walpé. Bref, plus communément dans une tenue post-coïtale … Et ça, ça puait du cul violent ! Là le stryge pouvait commencer à paniquer ! Surtout qu'il sentait que lui aussi était en mode « Passion Nudiste » ce qui ne l'aidait pas franchement à se calmer. Coucher avec quelqu'un, loin de lui déplaire, le laissait quelque peu indifférent surtout que cela rimait la plupart du temps avec un bon repas en perspective mais là … Mais là, ça n'avait rien à voir. Willow était son amie, même sa meilleure amie et penser qu'ils avaient commis l'irréparable le laissait sans voix.

Non pas qu'il la trouvait repoussante, bien au contraire, ou pas à son goût dans les deux sens du terme mais il aimait tellement leur relation, leur amitié qu'il avait peur que tout soit à présent différent. Darwin se passa une main sur le visage qui se décomposa à vue d’œil. Lui qui arborait toujours un sourire resplendissant, il paraissait à l'heure actuelle livide comme pendant une bonne grosse angine et encore … La maladie ne le faisait pas autant redouter et/ou regretter ses actes. Bordel. Riant nerveusement devant cette situation qui pouvait paraître cocasse pour le reste du monde, il prit enfin la parole tout en posant ses yeux cette fois-ci dans les siens :

- Willow gueule pas, j'ai un mal de tronche pas possible ! On y est allé un peu fort hier, je ne me souviens de rien … Ce qui m'embête un tout petit peu beaucoup pour dire vrai. Rassure-moi on a pas … Enfin nous n'avons pas osé … Noon c'est juste une grosse blague hein ?

Il chercha dans son regard une réponse à sa question implicite mais il remarqua qu'elle était tout aussi paumé que lui. C'était un vrai cauchemar ! Roulant sur le côté du lit pour se redresser, l'immortel enfila le pantalon qui traînait par terre, dernier d'une longue succession de textile en tout genre, avec une certaine pudeur qui lui était peu commune. Dire qu'il s'en voulait était peut-être un peu trop fort mais il espérait grandement qu'il soit allé un peu vite en besogne dans son cheminement. Oh oui, pour la première fois de sa vie, Darwin voulait que rien ne se soit passé parce que Willow était bien trop sacrée pour lui, pour coucher avec elle sans même s'en souvenir le lendemain. Alors qu'il lui faisait toujours dos, il jura à voix haute :

- Putain mais c'est pas vrai … C'est pas vrai !

« Willow gueule pas, j'ai un mal de tronche pas possible ! On y est allé un peu fort hier, je ne me souviens de rien … Ce qui m'embête un tout petit peu beaucoup pour dire vrai. Rassure-moi on n’a pas … Enfin nous n'avons pas osé … Noon c'est juste une grosse blague hein ? »

Bordel mais qu’il était loquasse lui !! L’espace de quelques secondes, Willow lui décrocha un regard de reproche absolu. C’était d’ailleurs rare quand elle exprimait quelque chose de semblable à une critique vis-à-vis de Darwin. A vrai dire, c’était même peut être la première fois. Tellement insolite qu’elle-même sembla se reprendre très vite, pour fuir son regard et se prendre la tête entre les mains. Putain de bordel de p’tit connard de merde ! C’était quoi le souci ? C’était si sale que ça de la tripoter ? Ou pire alors : de croire qu’ils avaient passé la nuit ensemble ? Parce que Willow elle, avait beau ne pas avoir de souvenirs concrets, savait faire parler son corps. Et le fait était que… non. Ils n’avaient pas été plus loin d’un échange de fluides buccaux certes très approfondit, mais qui restait bien peu répréhensible. Seulement, le seul souvenir de ce trajet avec Darwin la laissait pantoise, et presque frissonnante. Son imagination s’enflammait… un peu trop. L’espoir aussi et ça c’était plus difficile encore à supporter pour son cœur qui avait tendance à s’affoler au moindre contact du Stryge. Mais ses sensations étaient largement tronquées par des jours… des semaines de frustrations, de regards un peu perdus vers un Darwin qui devenait de plus en plus attirant. Le fruit défendu, c’était de la gnognote à côté de lui. Et ouais ! Adam et Eve, alias Puceaux-Premier du nom et la Grande Cucul-Coconne auraient succombés largement plus vite si le serpent avait proposé le corps divin de Darwin comme festin, même en mode cochon pendu sur l’arbre du délit.

Putain … et voilà que maintenant, Willow repassait en boucle les paroles de Darwin. Sa réaction quand il avait compris, ou cru comprendre. Il avait semblé si horrifié en la découvrant nue à côté de lui… Ca au moins, c’était clair. Il filtrait trop peu ses émotions, Willow le connaissait trop bien pour déceler ses mensonges. Non seulement, il était choqué, mais il y avait autre chose… de la peur ? Du dégout ? Elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus et se trouvait bien trop bouleversé pour réfléchir d’avantage. Surtout que l’Alchimiste était elle aussi sous l’effet d’une cuite qui bloquait légèrement beaucoup ses capacités déjà limité en matière de réflexion ! Là s’était comme vouloir pousser des hippopotames de case en case pour gagner une partie d’échec version gros-lard. Mais même si elle ne le voyait pas, elle sentait l’expression anéantit de Darwin qui se levait du lit précipitamment. « Putain mais c'est pas vrai … C'est pas vrai ! »

Quelque chose en Willow éclata alors. Un mélange de colère et de rancœur, alors qu’elle avait espéré autre chose de lui. Une réaction moins fuyante, bien moins paniquée. Quelque chose de plus… de plus intime peut être. Mais ça, c’était ce que ses sentiments à elle avait attendu. Que Darwin peut être, reste plus calme et plus pragmatique, qu’il analyse différemment les choses. Qu’il lui dise que ce n’était pas si grave… parce qu’ils étaient très proches, qu’elle était importante… Et que le sexe ne viendrait que parfaire le début d’une histoire plus profonde (haha) entre eux. C’était ce qui avait traversé l’esprit de l’Alchimiste, alors pourquoi pas celui du Stryge ? Mais qu’elle était conne !! Une vraie midinette ! Ce n’était pas la première fois qu’elle se prenait une raclée en amour... elle n’avait jamais eu de chance et avait fini par conclure qu’elle n’était pas faire pour cela. Pourtant, ça faisait toujours aussi mal. Non, en vérité, ça faisait encore plus mal maintenant que c’était avec lui, que son espoir était déçu. Justement, parce que c’était Darwin qui lui filait le gentil coup de pelle ‘J’espère qu’on a rien fait parce que quand même, se serait vachement fâcheux tu comprends ?’, il l’achevait.

Aussi darda-t-elle un regard vivement hostile dans celui de Darwin, sentant que l’émotion prenait le pas sur la raison et même, dans son cas, sur le mal de crâne qui en résulterait sans doute.  

« Bah si c’est vrai Darwin ! Tu m’as bien prise comme il faut tu vois ! Et pas qu’une fois, donc c’est que quelque part, j’suis pas si dégueulasse que ça hein ?! Mais après tout, si tu n’avais rien tenté depuis ces 15 putains d’années, c’est sans doute qu’il y avait une bonne raison ! T’as pas tort, c’est vraiment une belle blague… Ah qu’est-ce que je rigole ! »

Par pure provocation, Willow se leva sans prendre la peine de couvrir son corps. Les yeux brillants aussi bien de colère que de fatigue, elle toisait Darwin avec un sourire qui pourtant reflétait son abattement. Elle se percha sur ses deux jambes, ce qui lui parut moins compliqué que ce qu’elle redoutait. L’adrénaline encore une fois, faisait des miracles. Puis elle contourna le lit pour se présenter devant le Stryge tout en essayant de capter son regard. Plus rien ne semblait avoir d’importance maintenant, elle voulait juste que les choses sortent… parce qu’à l’intérieur, c’était bien trop douloureux. Et que se réduire au silence c’était se condamner d’une autre manière. Plus terrible encore. D’un geste furieux, elle attrapa son menton pour qu’il la fixe, de grès ou de force, et lâcha avec un dédain évident :

« Alors qu’est-ce que tu vas faire maintenant, tu vas me bouffer ? Comme tes autres grognasses ? Ou encore mieux… tu vas me foutre au congèlo ? De toute façon qu’est-ce que ça peut bien te foutre maintenant que je suis passée à la casserole, toi, tu vas passer à autre chose nan ?! »

Mais au-delà du mépris qu’elle affichait, s’était surtout le regard d’une femme blessée que l’on pouvait apercevoir. Willow n’était pas du genre à camoufler sa sensibilité et ses émotions pour laisser le temps aux gens de la comprendre. Elle n’y arrivait tout simplement pas… Pourtant, Darwin avait été celui qui la connaissait tant, et si bien qu’un simple regard suffisait pour qu’il lise en elle comme dans un livre ouvert. Alors pourquoi est-ce que ça, il ne le voyait pas ? Pourquoi est-ce qu’il ne parvenait pas à comprendre qu’elle l’aimait bien plus fort qu’elle ne le voulait. Plus fort que jamais. Après quelques secondes, elle le lâcha. Et d’une manière parfaitement contrite et le cœur lourd, lui tourna le dos pour chercher à son tour de quoi se couvrir.

« J’suis conne… j’suis vraiment trop CONNE ! Pourquoi j’ai cru que ce serait une bonne chose ! A croire que tu es vraiment trop vieux pour avoir du cœur… »

-  Bah si c’est vrai Darwin ! Tu m’as bien prise comme il faut tu vois ! Et pas qu’une fois, donc c’est que quelque part, j’suis pas si dégueulasse que ça hein ?! Mais après tout, si tu n’avais rien tenté depuis ces 15 putains d’années, c’est sans doute qu’il y avait une bonne raison ! T’as pas tort, c’est vraiment une belle blague… Ah qu’est-ce que je rigole ! 

Lui, bizarrement, ne se gaussait pas des masses. Au contraire, si l'anti-rire n'existait pas Darwin venait tout juste de l'inventer vu la gueule qu'il tirait à présent. Il avait beau essayer de se souvenir de la nuit soit disant passée avec Willow mais rien n'y faisait, le punch avait été plus efficace que le machin des Men in Black qui efface la mémoire des gens à coup de flash blanc dans leurggle ! Le stryge secoua la tête comme pour se rassurer lui-même que tout était faux, qu'elle le faisait marcher mais la culpabilité commençait à croître de plus en plus vite le laissant totalement pantois devant ses paroles. Oui cette phrase est beaucoup trop longue. Surtout que l'alchimiste faisait totalement fausse route, jamais il n'avait pensé une seconde à faire quoique ce soit avec elle car c'était son amie. Son unique Amie. Et cette amitié venait tout juste d'exploser pour une sombre histoire de fesses. Il se croyait sérieusement au cœur d'une Télénovela.

Il pensait pourtant qu'elle était au courant de sa position envers lui. C'était presque un privilège qu'une femme partage sa vie de cette manière sans servir d'objet ou de réserve de nourriture. Mais il fallait croire que l'alchimiste, pour il ne savait quelle raison, avait décidé de ne plus voir ceci comme un privilège mais comme un manque de reconnaissance. L'immortel avait-il dit ou fait quelques choses ces derniers temps pour que ce retournement de veste soit à présent visible ? Il n'en savait trop rien. Gardant toujours le silence, il sentit un mouvement dans son dos. Willow s'était levée et lui faisait face, nue comme un vers, le forçant à la regarder en attrapant son menton. On pouvait lire dans les yeux du stryge un mélange de lassitude et de non-compréhension.

- Alors qu’est-ce que tu vas faire maintenant, tu vas me bouffer ? Comme tes autres grognasses ? Ou encore mieux… tu vas me foutre au congèlo ? De toute façon qu’est-ce que ça peut bien te foutre maintenant que je suis passée à la casserole, toi, tu vas passer à autre chose nan ?!

Il poussa un long soupire, bougeant la tête pour se libérer de son emprise. Mais c'était quoi son problème ? Bien sur que non, Darwin n'allait pas la tuer ou pire, la bouffer comme une misérable proie dont il était friand d'habitude. Même si la faute était commise, lui faire du mal semblait lui être impossible. Il ne comprenait pas sa réaction. Il ne comprenait pas pourquoi elle ne comprenait pas son point de vue. Tellement ancré dans ses principes, accepter la vérité et les sentiments de la jeune femme était bien trop difficile. Pour lui, seule une amitié les unissait … Puissante, ambiguë pour certains certes mais immuable pour l'immortel. Depuis quand cela avait changé ? Avait-il été aveugle à ce point pour ne pas le remarquer ? L'amour pour lui était quelque chose d'abstrait, de superflu. Jamais il n'avait aimé une femme. Et sûrement jamais il n'en aimera une.

- Ne soit pas idiote Willow ! Tu es entrain de faire ta drama queen là ! Calmes-toi, la situation est déjà bien assez compliquée pour que tu en rajoutes des tonnes en plus !

Sa tête le faisait horriblement souffrir, pouvant à tout instant imploser et redécorer le plafond de sa cervelle en surchauffe. La panique était passée cela dit la situation le dépassait toujours. Foutu bal. Foutue Reine. Foutu punch « Royal ». La cuite aussi était royale, bien installée confortablement sur son trône, asservissant chacun de ses neurones (déjà peu nombreux) et limitant affreusement sa réflexion (déjà peu élevée). Pourtant plus le temps passait, plus il voyait clair dans la consternation de Willow. Et ça aussi, ça le faisait grave souffrir. Pourquoi avait-elle ouvert les yeux sur leur relation ? Eux qui étaient si bien, si proches sans cette volonté d'en avoir plus, d'en attendre plus. Darwin s'était évertué à garder une certaine distance avec elle pour que justement, elle ne tombe pas de haut devant un refus de sa part. Il ne voulait pas de ça. L'amour n'était rien face à leur idylle amicale, l'amour allait juste les affaiblir jusqu'à les lasser l'un de l'autre. Puis la séparation aurait été inévitable. Mais maintenant, il savait qu'il avait échoué lamentablement. Il savait que plus rien ne sera comme avant. Tout venait de se briser en une nuit. Des années de conneries, de bonheur et de rire explosées en un claquement de doigt. Ou de rein, pour rester dans la thématique.

Mais le plus difficile à avaler furent ses dernières paroles. « Trop vieux pour avoir du cœur …  ». Ne pas savoir aimer une femme et la protéger de lui en restant simplement à ses côtés en tant qu'ami voulait dire qu'il n'avait pas de cœur ? Darwin se mit à rire. Un rire nerveux, jaune et sarcastique. Lui, le misogyne comme disait Kassim, n'avait pas de cœur ? Donc tout ce qu'il avait fait pour elle ne comptait plus ? La soutenir dans les moments difficiles, la relever pour l'aider à essuyer ses échecs, la protéger quand elle était en danger … Tout ça ne valait rien juste parce qu'il refusait le fait d'avoir couché avec elle ? Et c'était lui l'être superficiel par excellence ? De la mauvaise foi, voilà ce qu'il en pensait. L'ange noir se releva, enfila un haut, la rage se pointant dangereusement dans son esprit encore brumeux. A son tour, il vint lui faire face puis se mit à la fixer, le visage fermé à toute expression. Willow n'avait pas pesé ses mots comme à son habitude mais là, elle l'avait vexé … Preuve que si, l'immortel avait un cœur.

- C'est donc ce que tu penses ? Alors je me suis aussi trompé sur ton cas. Je pensais que tu me connaissais, que tu savais vraiment ce que je valais. Mais j'ai dû me gourer, pas de bol. Sache que, pour ta gouverne, je ne suis pas trop vieux pour ressentir des émotions mais toi, tu dois être trop jeune pour les comprendre. Tu me rabaisses à la simple bête qui m'habite depuis plus d'un millénaire mais si je n'étais que cette facette de ma personnalité, cela ferait belle lurette que tu serais morte Willow. Alors, apprends à réfléchir avant de me balancer n'importe quoi à la figure juste parce que tu es blessée de ma réaction qui n'est pas en accord avec la tienne...

«  Ne soit pas idiote Willow ! Tu es en train de faire ta drama-queen là ! Calmes-toi, la situation est déjà bien assez compliquée pour que tu en rajoutes des tonnes en plus ! » Cette phrase-là resta en suspens dans l’air quelques secondes, prenant son temps pour la mettre littéralement hors d’elle. Évidemment, c’était elle l’idiote… qui exagérait, empirait la situation. Bien sûr, elle jetait de l’huile sur le feu. Alors que lui, quoi ? Souhaitait simplement l’étouffer ? Ignorer la situation ? Il avait beau être immortel, le Stryge le plus ancien qu’elle ait croisé, il n’en restait pas moins un homme, avec ses réactions attenantes évasives à souhait. Mais au-delà de la colère qui l’animait et commençait réellement à l’aveugler, Willow semblait toujours aussi paumée. Elle semblait osciller dangereusement entre la rage transcendante et une tristesse si profonde qu’elle lui faisait mal, physiquement. L’alchimiste ne savait plus quoi dire, quoi faire… agir avec justesse semblait impossible, ses mots dépassaient ses pensées et en même temps restaient quelque part en parfait accord avec. La recherche du juste équilibre se soldait par des échecs consécutifs, si bien qu’elle semblait irradier de colère, bien plus que de douleur. Willow tentait de garder la tête froide pour présenter un aspect moins blessé, même si c’était clairement peine perdue. Il savait aussi lire en elle avec une facilité qu’elle déplorait aujourd’hui férocement, même s’il n’avait jusqu’alors pas décelé ses sentiments à son égard. Ou peut-être qu’il n’avait tout simplement pas voulut les voir… Quoi qu’il en soit, garder le peu de dignité qu’il lui restait semblait une tâche aussi pénible que difficile. Voir impossible. En réalité, lui restait-il seulement de la dignité ? Non, sans doute pas. Et l’espoir lui, s’envola rapidement devant les mots, le regard blessé, sévère que lui adressa Darwin.

« C'est donc ce que tu penses ? Alors je me suis aussi trompé sur ton cas. Je pensais que tu me connaissais, que tu savais vraiment ce que je valais. Mais j'ai dû me gourer, pas de bol. Sache que, pour ta gouverne, je ne suis pas trop vieux pour ressentir des émotions mais toi, tu dois être trop jeune pour les comprendre. Tu me rabaisses à la simple bête qui m'habite depuis plus d'un millénaire mais si je n'étais que cette facette de ma personnalité, cela ferait belle lurette que tu serais morte Willow. Alors, apprends à réfléchir avant de me balancer n'importe quoi à la figure juste parce que tu es blessée de ma réaction qui n'est pas en accord avec la tienne... »

D’un geste vif, alors que les larmes lui montaient aux yeux, Willow se dégagea de son emprise et chercha immédiatement à fuir son regard. Pendant quelques secondes, la jeune femme blessée elle aussi, garda le silence, pour retenir des larmes et des émotions qui perçaient à travers sa colère ou sa frustration. Puis elle eut une sorte de rire, toujours très triste en déclarant :

« Pas en accord avec la mienne … Au moins, c’est clair ! »

Puis elle se détourna de lui, pour chercher ses dernières affaires éparpillées dans la chambre. Cette fois, il semblait que la rage avait laissé place à une acceptation froide et malheureuse. Elle gardait le silence, dépossédée du feu qui l’animait pourtant d’ordinaire, de sa vigueur et de cette joie de vivre parfois un peu trop dévorantes qui avaient fait d’eux les meilleurs complices qui soient. Flamme éteinte, Willow s’habillait dans un silence presque religieux (il était curé toussa toussa XD). Mais après quelques secondes, elle reprit d’une voix terne et tremblante, toujours dos à lui alors qu’elle enfilait sa robe de la veille avec lenteur :

« On n’a pas couché ensemble Darwin… mais j’aurais aimé que ce soit le cas. Enfin ça aurait eu du sens… Mais ta réaction est explicite et oui je la déplore. Parce que tu te trompes lourdement, Je sais ce que tu vaux. Je la connais même avec exactitude, ta valeur. »

Willow semblait à présent parler à cœur ouvert, mais n’osait toujours pas le confronter du regard. Elle savait ce qu’elle risquait en le faisant. Et voir une fois encore de la gêne ou peut être pire encore, de la moquerie dans les yeux de Darwin lui serait sans doute la plus insupportable des mises à mort. Déjà sa vulnérabilité était perceptible. Elle qui toujours maintenait une apparence parfaite, une superbe insolente n’était plus rien hormis une femme qui, n’ayant plus rien à perdre, laissait les mots sortir comme ils l’entendaient avec une sincérité qui lui était éprouvante.

« Je sais à quel point tu peux être aimant et généreux... Avec moi du moins. Comme tu peux te montrer tendre. Tu es spécial, et j’aime tout ce que tu représentes, dans sa totalité… Même si tu es un connard. Que tu me blesses toujours par manque d’attention ou que tu me rejettes aujourd’hui. J’ai bénéficié du meilleur de toi-même Darwin et pourtant tu continues de croire que tu n’es qu’un sale misogyne qui n’a besoin de personne… Tu es persuadé d’être un type qui n’a pas besoin d’affection… c’est faux. Cesser de jouer, tu t’aveugles toi-même depuis des années. Et tu me fais mal. Alors oui, j’ai pas honte de dire que si tu m’avais aimé cette nuit, ça aurait eu du sens, ça aurait été beau... Ca n’aurait rien gâché… »

Au contraire… Willow était persuadée qu’à l’inverse et malgré cette drôle d’histoire de punch, cette nuit de Noël aurait pu être le début d’une histoire tellement plus intense entre Darwin et elle. Une histoire qu’elle n’aurait jamais imaginée pour eux avant la soirée d’Halloween, où les choses s’étaient clarifiées pour elle. Mais elle savait reconnaitre l’amour, le vrai… et il n’y avait pour Darwin aucun moyen de le confondre avec un autre sentiment plus ambiguë. Willow ne se trompait pas. Elle avait beau être d’une personnalité réfractaire, brute et parfois tout simplement féroce… elle était surtout une passionnée pour qui l’amour n’était jamais à prendre à la légère. Surtout pas avec lui. Surtout pas avec Darwin… L’alchimiste resta encore silencieuse quelques secondes. Debout, ses bras le long du corps se terminant par deux petits poings serrés, elle semblait chercher ses mots ou gagner du temps devant l’évidence qu’elle devait exprimer. Et puis, avec une lassitude profonde mais néanmoins emprunte d’un chagrin non contenu, Willow lâcha lourdement :

« Je vais partir Darwin. Parce que cette situation ne me convient plus. »

- Pas en accord avec la mienne … Au moins, c’est clair ! On n’a pas couché ensemble Darwin… mais j’aurais aimé que ce soit le cas. Enfin ça aurait eu du sens… Mais ta réaction est explicite et oui je la déplore. Parce que tu te trompes lourdement, Je sais ce que tu vaux. Je la connais même avec exactitude, ta valeur.   

Bien que la situation était loin d'être agréable, sa réponse le soulagea énormément. Ils n'avaient donc rien fait cette nuit et dans un sens, cela l'arrangeait. Non pas, encore une fois je me répète, que Willow était dégueulasse optiquement parlant, mais coucher avec elle revenait un peu comme jouer à touche pipi avec sa sœur jumelle … Vous voyez le truc ? Non ? Et bien je vous conseille grandement la série Game Of Thrones alors. En plus, il y a plein de nanas à poil et … Un nain pour le plus grand plaisir de certaine mais je m'éloigne un peu trop du sujet là. Non, plus sérieusement, Darwin considérait réellement la jeune femme comme partie intégrante de sa famille et cette histoire le gênait plus qu'autre chose. Vous allez me dire « Quoi ? Darwin gêné ? Lui, le pourfendeur de ses dames, le grand manitou du Kamasutra sauce romaine ou encore l'orgasmistor sur pattes ? C'est une blague hein ... » et bien je vous répondrais que non, ce n'est pas une blague même si ces surnoms lui vont droit au cœur voire ailleurs. Le stryge était tout bonnement hors sujet, dépassé, « old school » comme disent ces putains de Hipsters détestables ! Il se sentait un peu comme le journal de la veille ou une craie posée dans la rainure d'un tableau velleda … Complètement à côté de la plaque et inutile. Et Willow prenait un malin plaisir à le ramener plus bas que terre car elle n'arrivait pas à concevoir que oui, monsieur-la-bite-fourre-tout, pouvait vivre une relation sans sexe. Une relation sur des bases saines, une amitié sans ambiguïté ni trifouillage de bouche. Le pire, c'était qu'il en était fier de cette réussite. Il glanait haut et fort qu'il avait UNE amie toujours vivante à ses côtés sans même avoir tenté de la violer ou de la bouffer (Bon ok, si une seule fois … Mais c'était au Chalet donc ça compte pas). Et ça, les « Cannibales Anonymes » ne pouvaient qu'applaudir cet exploit. Seulement voilà, un peu de punch, de champagne, de mélange champunch et PAF ça détruit le mur de Berlin qui séparait leur amitié du cul. Bien que, pour on ne savait quelle raison, ils avaient été chez Casto pour acheter des parpaings et le consolider afin de ne pas franchir cette limite.

Connaissait-elle vraiment sa valeur ? L'immortel avait des doutes là-dessus. Il l'observa se rhabiller dans le plus grand silence ne sachant quoi répondre à cela. De toute façon, ils ne seront jamais d'accord. Plus têtus qu'eux, t'as juste ce connard de Coyote qui tente de se farcir Bip-Bip dans tous les sens du terme. Il était rare de voir leur avis diverger mais quand c'était le cas, aucun des deux ne mettaient de l'eau dans son vin. Surtout que c'était dégueulasse et contre-nature de faire ça avec des grands crus qu'il avait dû payer aussi cher qu'une prostituée de footballeur ! M'enfin, il ne pensait pas que cette dispute allait prendre des proportions aussi énormes que les seins refaits de ces chères dames de joie.

-  Je sais à quel point tu peux être aimant et généreux... Avec moi du moins. Comme tu peux te montrer tendre. Tu es spécial, et j’aime tout ce que tu représentes, dans sa totalité… Même si tu es un connard. Que tu me blesses toujours par manque d’attention ou que tu me rejettes aujourd’hui. J’ai bénéficié du meilleur de toi-même Darwin et pourtant tu continues de croire que tu n’es qu’un sale misogyne qui n’a besoin de personne… Tu es persuadé d’être un type qui n’a pas besoin d’affection… c’est faux. Cesser de jouer, tu t’aveugles toi-même depuis des années. Et tu me fais mal. Alors oui, j’ai pas honte de dire que si tu m’avais aimé cette nuit, ça aurait eu du sens, ça aurait été beau... Ca n’aurait rien gâché…

Alors là, c'était le Pom-Pom dans le cul de Buzz l'éclair ! Bon ok, il se montrait particulièrement gentil avec elle. Très bien, il ne prouvait jamais assez à quel point il tenait à elle. Certes, c'était un connard, mais ça il le prenait plus pour un compliment. Mais en quoi Darwin blessait l'alchimiste en disant simplement la vérité ? N'avait-elle pas conscience que le sexe n'était qu'un jeu ? Qu'une signature de ses meurtres morbides et sanguinaires ? Elle pensait vraiment que s'ils avaient batifolés  toute la nuit, le stryge aurait eu un autre regard sur leur relation et ça, ça craignait du boudin. Leur lien n'était-il pas plus incroyable qu'une partie de jambe en l'air complètement défoncé ? Il ne comprenait pas. Elle aurait pu lui parler de « L'apologie des sociétés pakistanaises et sa géopolitique du tiers-monde dévasté par la rougeole gastrico-parasitaire » et tout ça en japonais qu'il aurait plus mieux compris de quoi il s'agissait. Secouant la tête, un peu désemparé, il lui répondit après un long soupire :

- Si ça aurait gâché beaucoup de chose mais ça tu ne veux pas le comprendre, ou l'admettre. Je n'ai pas besoin d'affection tu sais, j'ai vécu bien assez longtemps pour le vérifier mais j'étais heureux de voir que je pouvais m'attacher à une personne sans qu'il y ait du chamboule-moi-tout dans l'histoire. Bien désolé de te faire du mal même si je trouve que là, tu t'auto-flagelles le dos ! Je ne suis pas un type bien, toi même tu le dis en me traitant de connard, l'amour et les chatons c'est pas mon truc. Je ne veux pas de ça entre nous. Je ne sais pas ce que j'ai fais pour que tu espères plus de moi mais saches que ce n'était en aucun cas voulu. Notre amitié vaut plus qu'une simple histoire de cul après quelques verres … ou d'une pseud-romance qui aurait déclinée au fil du temps !  

La franchise était de sortie en ce beau matin de décembre. L'ironie aussi d'ailleurs. Ce n'était pas facile pour l'ancien curetout de faire part de ses sentiments et même s'il avait été brouillon (par ma faute car les dialogues, c'est pas mon truc héhé), la sincérité de ses mots ne pouvait être remise en question. Ne sachant que faire de ses bras ballants, il décida de les croiser sur son torse affirmant encore plus son désaccord avec Willow. Cette conversation n'avait aucun sens. Pourquoi ne pas seulement hausser les épaules puis se dire « Ben tant mieux on a pas trempé le biscuit, vient, on va emmerder des gens ... » comme d'habitude ? Tout cela était d'un compliqué … Avec en sus une belle gueule de bois...

- Je vais partir Darwin. Parce que cette situation ne me convient plus.

Et là ce fut le coup de poing de Hulk en pleine gueule. L'avalanche de cailloux (mais attention, de gros cailloux) pointus dans son estomac. Le coup de ciseau perfide dans son âme. Arrêtons cela tout de suite sinon on a pas fini. En bref, Darwin était à ce moment précis détruit de l'intérieur. Cela dit, par fierté mais surtout par connerie, il se contenta de renifler et le lui lancer un regard indifférent. Comme un gosse qui boude en somme. La retenir ? Pourquoi faire ? De un, elle ne se laissera pas manier aussi facilement et de deux, cette histoire l'avait fatigué. Le stryge devait prendre du recule sur tout ça et se disait que de toute façon, ça n'allait pas être un départ définitif. Du moins, c'était ce qu'il croyait. Ce qu'il espérait. Puis Darwin restait Darwin … Marié à sa pseudo-dignité de mâle dominant que rien ne pouvait ébranler (… le jeu de mot est utile ou je vous laisse réfléchir ?). Même si tout le monde sait qu'à son départ, il ira jouer avec ses vases, mort d'ennui.  

- Très bien, si cela est ta décision … Je ne te retiens pas. Sache que je trouve ça dommage de tout remettre en question pour cette raison là mais bon, il me semble qu'on ne tombera jamais d'accord là-dessus...  

« Si ça aurait gâché beaucoup de chose mais ça tu ne veux pas le comprendre, ou l'admettre. Je n'ai pas besoin d'affection tu sais, j'ai vécu bien assez longtemps pour le vérifier mais j'étais heureux de voir que je pouvais m'attacher à une personne sans qu'il y ait du chamboule-moi-tout dans l'histoire. Bien désolé de te faire du mal même si je trouve que là, tu t'auto-flagelles le dos ! Je ne suis pas un type bien, toi même tu le dis en me traitant de connard, l'amour et les chatons c'est pas mon truc. Je ne veux pas de ça entre nous. Je ne sais pas ce que j'ai fais pour que tu espères plus de moi mais saches que ce n'était en aucun cas voulu. Notre amitié vaut plus qu'une simple histoire de cul après quelques verres … ou d'une pseudo-romance qui aurait déclinée au fil du temps ! »

Et paff, dans les dents. Ouais il avait pas tort, elle s’auto flagellait … parce que son opinion à ce sujet Willow le connaissait assez bien. Dos à lui, l’Alchimiste ne bougeait pas. Elle avait été honnête. Elle l’était toujours, mais avait longtemps dissimulé pas mal de choses. Des sentiments entre autre, qui venaient de ressortir en mode pétard surprise dans taggle, de manières un peu incontrôlées. C’était jamais bon, de laisser le cassoulet mijoter trop longtemps dans la cocotte-minute… Le résultat était là. Ca partait en live, et plutôt à la Final Countdown. Parce que pour elle, les choses étaient maintenant claires. Si elle partait… c’était définitif. Il n’y aurait plus de retour en arrière. Ce n’était pas un caprice… ce n’était pas un éclat de folie. C’était la fin. Willow aurait voulu rebondir sur ce qu’il avait dit, sur la « simple histoire de cul », mais elle n’y parvint même pas. Elle n’arrivait à vrai dire, même plus à penser convenablement. C’était à cet instant, le genre de moment où le cerveau se transformait en gloubiboulga indigeste, et se liquéfiait comme après une heure à regarder le générique de Teletubbies en boucle (même si, et là c’est la personne derrière l’écran qui fait un hors sujet, elle aurait préféré un Teubbidélice… on en reparlera plus tard.). Et puis… elle annonça son départ, espérant encore un peu une réaction de Darwin qui puisse lui indiquer qu’il voudrait la retenir. Qu’il se rende compte, à quel point la situation était grave et que s’il la laissait filer cette fois, il faisait une croix sur quinze années de vie commune, d’amitié quasi-légendaire. Et sur un attachement plus que sincère qui se révélait d’une intensité rare. Quoi que l’on en pense, Willow avait aimé les deux premiers hommes qu’elle avait épousés. Lier sa vie n’était finalement pas un acte anodin pour elle… C’était une femme moins superficielle en matière de sentiments… et pour Darwin, ses émotions semblaient exploser, se démultiplier. Qu’il s’agisse d’amour, de colère ou de peine, l’Alchimiste se sentait bouleversée d’une manière inédite, et blessée plus encore.  

Si bien qu’elle ne parla pas, et le laissa dire. Elle espérait, mais le connaissait suffisamment bien pour prédire un peu sa réaction. A ce stade, l’espoir n’était plus de mise, et Willow se résignait déjà. « Très bien, si cela est ta décision … Je ne te retiens pas. Sache que je trouve ça dommage de tout remettre en question pour cette raison là mais bon, il me semble qu'on ne tombera jamais d'accord là-dessus... » Nouveau coup de poignard… mais elle ne les comptait désormais plus. Maintenant que c’était clair, elle devait s’en aller. Vraiment… Même si c’était difficile, certainement l’une des épreuves les plus insoutenables de son existence. Pour sûr, elle laisserait une partie de son âme avec lui, au manoir, et ne serait plus la même personne à l'avenir. Willow était parvenue à se reconstruire après ses échecs, ses mariages ratés parce qu’il avait été là. Darwin, depuis des années demeurait le pilier de sa vie à de multiples égards. Mais maintenant qu’il ne serait plus là… Willow ignorait si elle aurait la force de s’en relever.  Elle secoua la tête, après un silence qui sembla durer une éternité. Puis déclara en retenant les sanglots dans sa voix. Ne pas craquer… rester forte. Elle aurait bien le temps de pleurer sa perte plus tard. Elle souffla simplement, alors qu’elle reprenait son mouvement suspendu pour finir de s’habiller.

« Dommage de tout remettre en question parce que notre complicité a évolué ? Oui en effet, j’suis pas d’accord avec toi. C’est dommage… mais pas dans le sens où tu l’entends. »

Puis elle ne parla plus, le temps d’être entièrement couverte. Et sans le regarder. Le voir était insupportable… pourtant, et après avoir marché jusqu’à la porte Willow se tourna vers lui. Il n’y avait plus ni colère, ni fierté dans son expression. Seulement une profonde tristesse, celle de quelqu’un qui, brisé, tente de garder la tête haute encore un peu… juste un peu, pour éviter de donner une image pathétique. Elle semblait alors vulnérable et fragile… et c’était sans doute la première fois qu’elle donnait à Darwin l’occasion de la voir dans un tel état. Hormis le soir où elle avait été droguée au Cabaret, après sa dispute avec Anthéa, Willow n’avait jamais flanché. Jamais… mais aujourd’hui, était-elle encore la Willow de la veille encore ? Non. Willow n’était plus elle-même sans Darwin. Elle n’était plus grand-chose à présent.  

« On voit bien que tu ne sais pas ce que c’est … Que d’aimer quelqu’un véritablement, Darwin. J’espère qu’avec le temps, tu comprendras. C’est ça qui serait dommage, qu’avec une vie d’immortel tu ne puisses pas profiter de ça. »

Son menton trembla, alors qu’à nouveau son regard semblait se brouiller. Willow se concentra, serra les dents. Encore quelques secondes. Courage. Prenant une grande inspiration, essayant d’effacer par un trop plein d’air dans les poumons, cette douleur cruelle qui prenait place dans sa poitrine (et non poutine comme j’avais noté au départ, pas même ambiance),  Willow lui adressa un sourire. Très léger, un mensonge en vérité puisque sourire était la dernière chose dont elle avait envie. Puis elle lâcha, sur un ton faible, un murmure une fois encore tant sa voix semblait subir les effets du chagrin :

« Au revoir, Doudou. »

Au revoir, puisqu’elle était incapable d’adieux. Et pourtant, s’en était bien. Fini Darwin, fini leur complicité, et maintenant, il faudrait en faire le deuil. Après l’avoir regardé une dernière fois, persuadée toujours qu’il était la créature de sa vie et qu’elle quittait celui qui était fait pour elle, Willow lui fit un petit signe de main, et se pinça les lèvres pour ne pas se mettre à pleurer dans le manoir. Le temps qu’elle sorte, qu’elle s’en éloigne et après seulement elle pourrait se laisser aller. A présent, elle allait chercher les bras de son frère, maigre consolation devant cette perte et essayer de reprendre le cours d’une vie sans Darwin. Essayer…