C’était dans une routine qui s’installait peu à peu dans sa vie que le jeune homme se laissait peu à peu aller. Il avait l’impression que ses journées se ressemblaient de plus en plus et c’était une affreuse constatation. Quand il n’étudiait pas, il bossait à l’hôpital. Et quand il ne faisait aucun des deux, il se retrouvait à tenter encore de reconquérir l’homme qu’il aimait. Devon savait que ce ne serait pas chose facile mais il ne pensait pas pour autant que ce serait aussi difficile. Il s’était bien imaginé que ce ne serait pas une bonne chose de profiter de la faiblesse de son mari pour son avantage quand il avait découvert sa nature, il lui avait fait du mal tout en étant parfaitement conscient. Mais ce qu’il n’avait pas imaginé était que les proportions de cette histoire prennent une aussi grande tournure. Devon avait naïvement espéré que la vie leur donnerait plus de temps à passer ensemble, et que son mari passerait rapidement l’éponge sur toutes ses conneries comme il l’avait toujours fait. Le pire était de se rendre compte qu’il n’avait personne vers qui se tourner. Sa famille avait été, en tout et pour tout, heureuse d’apprendre la fuite de Ciàran et le voyait déjà leur ramener une jolie alchimiste avec laquelle il continuerait son petit bout de vie dans le respect de la tradition. Il raccrochait avant même que ses parents ne puissent continuer leur discussion et lui proposer de rencontrer une charmante jeune femme de leur entourage. Ce n’était pas comme si la lignée allait s’éteindre avec lui. Ses frères s’en occupaient déjà.

Bercé par ces pensées dont il se serait bien passé, les pas du futur médecin le guidèrent jusqu’à westboro village. L’après-midi était déjà bien entamée mais il avait encore un peu de temps devant lui avant de devoir retourner à l’hôpital, et essayer de retrouver l’endroit où il avait bien pu garer sa voiture en passant. Satané sens de l’orientation qui ne cessait de lui causer des misères, c’était comme s’il ne s’habituerait jamais à cette ville où il ne trouvait toujours pas totalement ses marques. Surement parce que, au fond de lui, il continuait à se dire que ce n’était que temporaire, que ce n’était que l’histoire de quelques semaines tout au plus avant qu’il ne puisse ramener Ciàran chez eux.

Mais en attendant, il essaya de se situer durant quelques secondes avant de reconnaitre un salon thé beaucoup plus familier que le reste du décor. C’était un endroit où la sœur de son mari avait l’habitude de se rendre. C’était d’ailleurs là qu’il avait mis en scène leur première rencontre. Sa relation avec la jumelle était déjà assez désastreuse comme ça et il avait pensé bon de se rapprocher de l’ainée pour qu’elle puisse se faire d’elle-même un avis sur lui avant d’être influencer par les autres. Devon n’était pas certain mais il demeurait assez confiant à ce sujet. Surtout qu’il trouvait la jeune femme agréable et intéressante.

Sans trop y croire, Devon entra dans le café, regardant distraitement les clients avant de justement tomber sur la fameuse jolie tête blonde de Siam. C’était peut-être son jour de chance. Il se rapprocha d’elle, lui offrant son habituel petit sourire enfantin. « Oh, coucou toi ! » chantonna-t-il en posant rapidement la main sur l’épaule de la jeune femme. « Je ne pensais pas te revoir ici. » ajouta-t-il avant de venir prendre place de lui-même en face de la blonde. Une serveuse passa à côté de lui et il commanda un simple macchiato et des biscuits secs. Ses yeux rieurs se posèrent à nouveau sur cette charmante surprise. « Comment vas-tu Siam ? »

Cette ville lui paraissait toujours aussi étrangère, parfois il déambulait entre ses rues et réfléchissait. Qu’est-ce qui avait tant plu à son mari dans cet endroit. Il lui avait bien dit qu’il s’y plaisait, sa jumelle semblait s’y plaire encore plus. Au fond, cela lui important peu. Cette ville ou une autre revenait parfaitement au même pour lui. Il avait un but à atteindre et ce ne serait qu’une fois cela fait que peut-être il aurait le cœur assez léger pour se laisser aller à observer réellement la beauté d’Ottawa et peut-être même à s’y attacher. L’espoir fait vivre comme on dit. La vue de Siam le détourna agréablement de ses pensées. Honnêtement, il avait espérer la trouver ici mais n’y comptait pas tellement afin de ne pas être déçu. Sa bonne étoile devait être de son côté aujourd’hui. La jeune femme avait un sourire lumineux qui suffisait à le mettre de bonne humeur. Elle lui en offrit d’ailleurs un à l’instant même qu’il lui retourna. « Salut Devon ! » S’il avait rencontré la jolie blonde par pur hasard un de ces jours, il n’aurait certainement pas fait le lien entre son mari et elle, cela aurait été bien dommage. Il était bien heureux d’avoir découvert cette sœur dont il n’avait eu aucune connaissance au tout début. Non seulement cela le rapprochait de Ciàran mais Siam était une jeune femme attendrissante et l’avoir pour amie lui plairait énormément. C’était bien partie pour en tout cas. Il priait seulement pour que son mauvais caractère ne vienne pas tout gâcher entre eux. Il glissa sa main de l’épaule de la blonde pour venir prendre place en face d’elle. Il était très tactile de nature, il ne pouvait s’empêcher de toucher les gens et rechercher le plus bref des contacts physiques avec eux. Il ne savait pas si c’était juste sa façon d’être ou si cela était lié à son pouvoir d’une façon ou d’une autre. Les choses étaient ainsi.

Son sourire ne quittait plus ses fines lèvres, il commanda rapidement avant de reposer les yeux sur la blonde. « Tu parles, j’ai l’impression de crécher ici depuis quelques semaines ! » Il rit doucement avant de passer une main dans ses cheveux, brusquant légèrement leur ordre avant de les remettre à leur place. Elle ne faisait que confirmer ses pensées finalement. « Maintenant je sais où venir quand je veux te voir. » répondit-il tandis que ses doigts venaient pianoter légèrement le bord de table. Ses yeux tombèrent sur l’énorme part de gâteau qu’elle lui montrait. Sans doutes que c’était une bonne dose de calories qu’elle était entrain de consommer. « Et toi ? Besoin de réconfort aussi ou pure gourmandise ? » Devon ne le réalisai pas réellement mais son sourire s’était aminci d’un coup et il ne pouvait remercier que ses réflexes pour ne pas l’avoir perdu entièrement. Il releva les yeux, hochant simplement de la tête. « Besoin de réconfort je dirais… » Murmura-t-il distraitement, pourtant sa bonne humeur reprit rapidement le dessus, dévoilant ses dents blanches. « Mais rien que des sucreries ne sauraient arriver à me faire oublier. » ajouta-t-il, le ton léger. Au même moment, la serveuse dépose devant lui sa boisson et ses biscuits. Il se hâta d’attraper son café, posant les paumes sur le gobelet brûlant. Ciàran n’avait pas cherché la ville la plus chaude où s’enfuir. Il avait eu beaucoup de mal à s’habituer à l’hiver très froid à son arrivé à cause de sa condition d’alchimiste et la sensibilité qui en résultait. Il souffla à plusieurs reprises sur le liquide chaud avant d’y tremper les lèvres. [color=rosybrown]« Tu m’avais dis travailler dans un zoo, n’est-ce-pas ? » demanda-t-il comme pour meubler le silence qui commençait à s’installer et qui le déranger. Il ne se rapprocherait pas de la jeune femme simplement en restant muet durant une heure.[b] « Tu dois pouvoir souffler un peu durant l’hiver, non ? »

« Dis donc… je vis pas ici non plus hein. Je sais que je suis gourmande m’enfin quand même ! » Elle était tellement mignonne à bouder ainsi, on dirait une enfant. Pour être honnête, Siam l’avait peu intimidé au tout début quand il était venu à sa rencontre. Elle était particulièrement belle et avait cette sorte de présence qu’il ressentait en compagnie de Ciàran aussi, il s’était demandé si cela avait été quelque chose de famille. Il aurait surement hésité un moment à l’aborder s’il n’y avait pas été habitué avec son mari auparavant. En même temps, c’était justement à cause de son mari que toute cette rencontre avait justement eu lieu. Devon n’était pas encore certain de la relation qui pouvait bien aujourd’hui relier le frère et la sœur, mais les liens du sang restaient importants malgré tout, n’est-ce pas ? Peut-être pas autant qu’entre alchimistes mais ça devait tout de même être fort. Et Siam pourrait être une aide dans ce sens là. Du moins, c’était ce qu’il avait pensé au tout début mais à mesure qu’il apprenait à la reconnaitre, le jeune homme était certain qu’une réelle amitié pour naitre entre eux.

Le jeune baissa les yeux vers ses biscuits, ce n’était certainement pas les gâteaux les plus sucrés ou gourmands de la carte mais c’était amplement suffisant pour lui. Il croqua dans un petit biscuit, souriant avec une sorte d’attendrissement en voyant la jolie blonde en face de lui manger avec gourmandise son gâteau. Pour sa part, ce ne fut qu’une fois qu’il sentit le liquide brûlant de sa boisson faire son petit bout de chemin dans sa gorge qu’il se sentit revivre, se réchauffant enfin. Son sourire ne put que s’étirer un peu plus suite à la réponse de Siam. Des hochements de tête particulièrement expressifs et qui lui donnaient évidemment réponse à toutes ses interrogations. Il attrapa un nouveau gâteau entre ses fins doigts et ce dernier suivit rapidement son congénère dans son estomac. « Oula non ! Je t’assure l’hiver c’est pire. Les bestioles, c’est comme les athlètes. Faut constamment les entrainer et surtout quand il fait froid… je te raconte pas la lutte pour capter leur attention !... D’ailleurs si ça te branche un jour de visiter le zoo, je te filerais des places ! » Comme à chaque fois qu’il s’intéressait réellement à ce que lui racontait son vis-à-vis, Devon avait stoppé toute action et observait fixement la jeune femme. Cela devait être difficile de travailler avec des animaux en pleins hivers, encore plus qu’en été certainement. Il sourit doucement, jouant de sa cuillère dans son café. « Une seule place sera amplement suffisante pour moi. Je ne pense pas que ma famille accepterait de faire le trajet des Etats-Unis pour m’accompagner au Zoo. » l’informa-t-il en riant, appréciant malgré tout la proposition. Il n’avait pas réellement de lien ainsi, beaucoup plus intéressé par la reconquête de son cher et tendre que par l’élargissement de son cercle d’amis. Dans tous les cas, il avait l’excuse toute faite de l’étudiant en médecine qui n’avait jamais assez de temps pour faire quoi que ce soit d’autres qu’étudier.

Honnêtement, la question de Siam le surprit quelque peu. Le fait qu’elle tente d’en savoir plus à son sujet était un signe évident qu’elle commençait à le voir autrement qu’une simple connaissance dont elle se serait bien passée. « Oh, ça va, ne t’inquiète pas. Juste les examens qui se rapprochent je suppose… » répondit-il doucement. Il ne mentait pas totalement, ses examens se rapprochaient effectivement, seulement, il ne ressentait pas la moindre appréhension face à cela. Il se tuait tellement au travail que ce serait idiot de stresser. Au même moment, il ouvrit son gros sac à dos pour en sortir un gros classeur qu’il reposa à ses côtés. Il pouvait parfaitement continuer une conversation tout en jetant quelques regards à ses nombreuses fiches.

« Je ne parlais pas nécessairement de ta famille Devon. Mais soit ! Si jamais tu changes d’avis, la proposition tiens toujours ! » Le jeune homme sourit doucement. Adorable, voilà ce que la jolie blonde était pour lui, tout simplement. Plus ça allait et plus il était heureux de l’avoir abordé en premier, de ne pas avoir attendu qu’elle se rapproche de sa famille et apprenne par ce biais là son existence pour avoir une idée de lui. Après tout, qui savait que cette sorcière d’Aileen était bien capable de lui raconter. Elle avait déjà tout détruit entre Ciàran et lui en lui révélant sa nature mais surtout leur lien. Il aurait détesté qu’elle gâche aussi cette amitié naissante entre lui et la blonde. Le jeune homme bloqua rapidement toutes ses pensées. Il n’avait aucune envie de s’infliger ça pour le moment. Au lieu de cela, il préféra simplement hocher de la tête. « Je garde ta proposition en tête, merci. » répondit-il alors poliment mais sans froideur, afin de montrer que le simple fait qu’elle ait proposé de lui refiler des invitations le touchait. Seulement, si ce n’était pas sa famille qu’il ramenait avec lui, il n’aurait personne d’autres. Il ne se voyait pas aller au zoo avec des camarades de classes, surtout qu’il n’était pas spécialement proche d’eux. Au fond, il y’avait bien une personne avec qui il aurait adoré se rendre à ce genre d’endroit ; son mari bien évidemment. Devon avait beau être plus du genre casanier, il avait toujours adoré trainer un peu partout aux côtés du blond. La destination lui importait peu à condition que son mari soit à ses côtés. Aujourd’hui, ce même homme ne lui ouvrirait même pas la porte de sa maison s’il savait que c’était lui qui toquait. Fourbe vie.

Il soupira avant d’attraper un gros cahier de son sac à dos et le poser devant lui. Comme pour confirmer ses dires et surtout pour ne pas inquiéter la jeune femme. Il ne voulait pas avoir l’air suspect s’il se renfermait beaucoup trop au cas où elle continuerait à lui poser des questions.« Je t’ennuie, pour que tu préfères ce charabia médicale à moi ? » Bon sang ! Il n’avait pas bien réfléchi sur le coup, son geste pouvait très bien la vexer. Mais il réalisa ainsi qu’elle était franche et parlait ouvertement de ce qu’elle pensait, ce qui était une excellente chose pour lui. « Oh, non, non ! » répliqua-t-il rapidement et avec spontanéité, bougeant la main comme un enfant gaffeur. « Je pose ça ici pour me donner meilleure conscience. » Donner l’image de cet étudiant en médecine un peu perdu. Ce ne fut qu’après qu’il remarqua le sourire presque taquin sur les lèvres de la belle.

« Tu t’en sors alors ? J’imagine que c’est pas la teuf tous les jours en médecine… » Il hocha doucement de la tête, elle devait avoir une petite idée sur sujet elle aussi. Il finit un biscuit et joua avec la grande tasse entre ses mains. « J’aime ce que je fais alors ça aide à supporter tout ça. » Après tout, il y’avait certains étudiants là-bas qui n’avait fait médecine que par obligation, pression familiale ou ce genre de choses. Il n’avait pas vraiment ce souci là puisque ce domaine avait toujours été fascinant pour lui. « Mais j’ai quand même hâte d’en finir. » ajouta-t-il en riant. Il avait encore quelques années à faire devant lui. Il observa Siam qui semblait assez intéressée et poussa son précieux registre vers elle. « Tu veux y jeter un coup d’œil ? » Ce registre était un peu à son image, parfaitement bien organisé, ordonné et précis. Certains mettaient toutes leurs notes sur ordinateur mais lui ne se voyait pas en faire de même, il aimait beaucoup trop sentir le toucher du papier sous ses doigts.