La nuit était son territoire et Angélique n’avait pas froid aux yeux. Elle était en pleine chasse, mais elle ne chassait pas un simple humain, elle chassait une autre stryge. Elle l’avait repérée au coin d’une ruelle un jour et n’avait pas pu s’empêcher de la suivre dans l’idée de voir ce qu’elle ferait. Depuis, Angélique avait passé des jours à l’observer, curieuse. Si elle repérait des stryges folles, elle voulait les prendre autour d’elle. Quand on était fou, il fallait savoir bien s’entourer. Sinon on finissait seule. Oh ce n’était pas quelque chose qui l’inquiétait normalement. Il n’y avait pas grand-chose qui inquiétait Angélique. Elle avait toujours fait en sorte de faire disparaître ce genre de désagrément de sa vie. Elle n’était plus la victime d’autrefois. Elle était le dangereux prédateur tapi dans l’ombre et prêt à bondir pour s’en prendre aux autres. La belle suédoise traînait dans le quartier populaire, n’accordant de regard à personne, telle une reine. Elle restait au-dessus de ces humains, même s’il n’y avait pas que des humains dans la foule et elle le sentait bien. Cela la laissait songeuse alors qu’elle croisa quelques faës. La paix était provisoire entre les deux peuples, mais elle ne s’en mêlait pas.

Les problèmes des autres n’étaient absolument pas les siens honnêtement. Elle était au-dessus de tout cela ou alors égoïste. L’un comme l’autre c’était sa manière de survivre, rien de plus. La stryge n’était pas d’humeur en ce moment. Malgré qu’elle soit bien habillée et belle, son visage restait froid et imperméable. Elle scrutait la foule durement. Elle avait perdu la petite stryge qu’elle suivait depuis un moment, mince alors. Elle devrait vraiment arrêter de rêvasser ! Angélique aurait pu glousser à cette pensée sauf que ce n’était pas une femme qui gloussait, bien au contraire. Ce n’était pas digne d’elle selon elle. C’était bien entendu une question de point de vue. La blonde s’enfila dans le premier bar venu et fut envahie par toutes les odeurs. Alcool, sueur, sexe, parfum, la tête lui tourna et elle dut faire un effort. Son regard chercha la jeune stryge, peut-être se trouvait-elle là. Angélique se balada dans le bar et la vit au loin. Pas difficile compte tenu du fait que cela manquait carrément de femmes dans ce lieu. Angélique décida de se fondre dans la foule et se laissa draguer par un misérable humain qui peinait à aligner les mots tellement il avait ingéré de l’alcool.

Misérable créature, il ne valait pas un clou. Comment pouvait-il penser une seule seconde qu’il l’intéresserait. La stryge le laissa à son histoire minable et suivit la jeune stryge au loin. Elle avait une proie, un déchet humain pas difficile à deviner. Oh une stryge qui faisait la justice ? Angélique en avait déjà croisé. Des stryges qui croyaient faire le bien et n’assumaient absolument pas ce qu’elles étaient au fond d’elles. Les plus détestables pour quelqu’un comme la blonde. Mais peut-être se trompait-elle. Elle observa dans l’ombre ce spectacle, ne cachant absolument pas sa présence, pourquoi faire après tout ? Elle avait envie d’être vue par cette jeune stryge mystérieuse et qui… semblait avoir mauvais caractère vu comment elle s’adressa à elle. Cela ne manqua pas de la faire sourire. Même si au fond d’elle, elle l’aurait volontiers écrasée pour ce manque de respect évident. Angélique sortit de l’ombre en frappant des mains. « Bravo, belle représentation… Si tu veux te faire choper. » La stryge laissa retomber ses mains le long de son corps et la détailla soigneusement. « Tu devrais respecter tes aînés. » Elle semblait jeune ou s’en donnait l’air.

Il y avait toujours quelque chose chez les vieilles stryges, un peu comme si elles regrettaient l’ancien temps. Il y avait une autre manière de se vêtir, de se tenir. Angélique ne se tiendrait jamais comme une jeune femme de cette époque, non. Elle avait appris l’usage de l’étiquette, chose bien inutile aujourd’hui dans ce bas monde. Tout se perdait.

C’était une jeune stryge, aucun doute là-dessus. Sa tenue et sa manière de se mouvoir montraient clairement que ce n’était pas une femme de l’ancien temps. Angélique la détesta aussitôt. Surtout quand elle ouvrit la bouche pour faire des commentaires. Non elle n’allait vraiment pas l’aimer et rien faire pour cela. C’était une stryge particulièrement égoïste la belle Angélique et elle n’hésitait jamais bien longtemps avant d’abattre son courroux sur quelqu’un. Mais elle garda une allure digne, décidant d’être miséricordieuse quelques minutes, chose extrêmement rare chez elle. Elle n’était jamais miséricordieuse ou alors c’était vraiment à double tranchant. Un rire froid lui échappa quand la jeune stryge continua de lui parler. « Et je ne savais pas les jeunes si arrogantes. » Celle-ci ne connaissait pas le danger ou alors était complètement folle, comme Angélique. La vieille stryge la regarda s’approcher, mais ne broncha pas. Elle-même ne savait pas vraiment ce qu’elle désirait. Ou peut-être bien que oui. Malgré sa folie, elle restait prête à chercher des créatures comme elle pour échanger, avoir un peu de compagnie. Cela pouvait paraître complètement fou, mais c’était ainsi. Bien souvent elle n’avait aucune logique.

Elle ne suivait pas non plus toujours ses impulsions dévastatrices. Angélique était juste Angélique, voilà tout. Pas une bête de foire qu’on aurait pu disséquer, jamais de la vie. Elle détestait cette idée. D’un autre côté, bien souvent elle s’énervait car elle pensait des choses négatives et alors, elle faisait des crises de paranoïa. Il allait franchement chercher la logique là-dedans. « Eviter que tu te fasses observer à nouveau. Si j’ai réussi depuis des jours, d’autres aussi. » Dit-elle avec un calme sidérant qui ne montrait absolument pas ses pensées sombres. Elle donnait parfaitement le change, cela faisait des années qu’elle était folle. Elle avait appris à trouver des astuces pour cacher tout cela. « Oh non ma chère… Je ne mange pas ce genre de déchet. » Dit Angélique avec une moue distinguée tout en toisant le pauvre bougre qui bougeait à peine. Elle s’en approcha et s’accroupit devant lui, il puait l’alcool et bien des choses. Elle repoussa une mèche de cheveux gras pour découvrir son visage. Il n’était même pas beau, juste terriblement banal. Il n’était rien, absolument rien. Un mortel parmi tant d’autres.

Angélique aimait bien les belles proies robustes, mais c’était comme le sexe, chacun ses préférences. Ou pas, elle n’était pas si ouverte d’esprit. Elle redressa la tête, obligée de le faire pour mieux pouvoir regarder la femme qui la surplombait. « Quel âge as-tu ? » C’était bien cavalier de demander ainsi, mais elle s’en fichait. Angélique était curieuse et n’arrivait pas à déterminer quel âge avait cette foutue créature, tant pis pour elle, n’est-ce pas ? Non pas tant pis pour elle, elle voulait savoir. De toute manière, c’était bien rare qu’une stryge soit aussi vieille qu’elle. Elle se redressa lentement et épousseta son pantalon. « Tu comptes le regarder se réveiller ? » Ah oui, tellement autoritaire. Elle adorait régir son petit monde. Elle avait souffert bien trop longtemps de la poigne des hommes. Maintenant qu’elle était à une époque où les femmes avaient plus de droit, elle en profitait. Néanmoins, elle n’était pas dupe. La femme n’était toujours pas l’égal de l’homme. Mais cela, c’était un autre combat et un combat qui ne la concernait pas vraiment. En tant que créature surnaturelle, elle se débrouillait très bien sans un mâle. C’était plutôt elle qui leur courait après pour mieux en profiter. L’immortalité avait un certain avantage quand on y pensait sérieusement.