La journée a été longue. Pour ne pas dire carrément pénible. Après avoir assisté à une longue ribambelle de criminels qui sont venu poser les fesses dans ton bureau afin de suivre l'évolution de leur plan correctionnel, quelques-uns d'entre eux t'ont apparu être sur une pente extrêmement glissante. Tu ne serais pas surprise d'apprendre d'ici quelques semaines que certains de tes anciens clients aillent visiter à nouveau un établissement carcéral pour une durée indéterminée. D'ici là, tu auras choisi quelques proies pour te nourrir dans ce tas de déchets humains. Pour l'instant, ta liste est assez longue pour que tu puisses survivre un long moment.

C'est la fin de l'après-midi. Le soleil brille encore dans le ciel au point de t'obliger à mettre ta paire de lunette de soleil sur ton nez. Sans vraiment te presser, tu enfiles ta veste de cuir avant de quitter ton bureau avec un certain soulagement. Demain, tu n'auras pas à supporter tes clients puisque tu as droit à ton jour de congé. Ce soir, tu pourras sortir t'amuser un peu à la manière d'une jeune adulte qui refuse de grandir dans un monde beaucoup trop sérieux pour toi. Maintenant, direction ton appartement afin de te glisser sous le jet de la douche qui t'attend avec impatience. Tu l'as grandement mérité après cette longue journée, mais avant de succomber à prendre littéralement ton envol, tu profites de la température pour te balader un peu dans les rues de la ville. Pourquoi être toujours pressé de faire ci ou ça? Toi, tu as la chance de ne pas avoir de date d'expiration. De toute façon, t'es déjà morte, mais tu te conserves très bien malgré les années.

Plus les minutes passent, plus la densité tes passants diminuent sur ton passage. Tous impatients de rentrer à la maison, tu te permets de traîner, les mains enfoncées dans les poches de ta veste, ton regard masqué par ta paire de lunette qui ne s'attarde pas sur ces pauvres âmes. Avec cette génération -il n'y a pas si longtemps, c'était aussi la tienne -, tout doit toujours aller vite. Quelle triste vie... Au bout d'un moment, tu as une vague impression d'être suivi. Sans t'en rendre compte, tu ralentis légèrement le pas, portant attention à ton environnement, mais aucune alarme interne te dicte que tu es en danger immédiat. Étrange. D'habitude, tu n'es pas du genre à être paranoïaque. En fait, tu manques surtout de prudence sur bien des aspects, préférant foncer tête baissée plutôt que de réfléchir à un plan qui risque de te sauver la vie. Quoique, pour te «sauver la vie», il faudrait déjà que tu ne sois pas un cadavre ambulant. Puis, après une courte pause, tu te remets en marche, mais cette sensation ne te quitte plus comme si elle se collait à ta peau. Ni une ni deux, tu jettes un rapide coup d’œil ici et là dans le but de t'assurer que personne ne t'observe directement avant de disparaître - ou plutôt de t'envoler vers le premier bâtiment -. À cette hauteur, tu peux avoir une vue d'ensemble du paysage qui s'offre à tes pieds.

Du haut de l'immeuble, tu peux voir une chevelure rousse dont la silhouette ne t'es pas étrangère. Pendant que tu ne la quittes pas des yeux, tu ne peux pas t'empêcher d'arquer un sourcil face à son comportement. Est-elle réellement en train de suivre ou bien est-ce une simple coïncidence? Une petite voix dans un coin de ton crâne te souffle que la première option est la plus plausible. Déjà que d'avoir un humain sur le dos peut être chiant, mais avoir une humaine policière qui te prend en grippe, c'est encore pire. Ceux-là, ils ne savent jamais où s'arrêter et ils n'hésitent pas à fouiner dans la vie des gens comme si tout leur était permis. Ils ne connaissent pas les limites du raisonnable et pire encore, ils sont inconscients puisqu'ils ne savent pas qu'ils jouent dangereusement avec leur propre vie. Les créatures surnaturelles ne sont pas les plus sympathiques et compréhensives quand un humain tente de foutre le bordel dans leur existence. Bien entendu, Bellamy n'a pas franchi la maigre limite qui sépare ta patience et ton envie de lui arracher la tête, mais tu ne sais jamais quand ta propre colère peut prendre le dessus sur ta raison.

Certes, tu pourrais rigoler en la voyant en train d'essayer de te retrouver comme une idiote et t'envoler ailleurs sans qu'elle remarque quoique ce soit, mais quelque chose te pousse à vouloir la faire tourner un peu en bourrique. Ouais, il est temps que tu te trouves de nouvelles distractions au lieu de jouer bêtement avec les mortels pour ton plaisir personnel. Ça peut vite devenir malsain. Encore une fois, tu prends soin de t'assurer que personne ne regarde en direction du toit et qu'aucun témoin va te voir apparaître de nulle part quand tu vas être au sol. Une fois fait, tu déploies tes ailes pour un atterrissage en douceur à quelques mètres de distance de la jeune femme. Les bras croisés sous ta poitrine, un petit sourire en coin qui se veut moqueur, tu attends sagement qu'elle daigne se retourner vers toi. Qui sait si elle va remarquer que tu n'es plus devant elle, mais derrière elle.

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Déposer une plainte pour harcèlement aurait été une excellente idée et surtout un moyen légal pour te débarrasser de cette femme qui te suit pratiquement comme ta propre ombre. Certes, les autorités auraient tourné leur attention sur ta petite personne, mais sur papier, tu n'as rien à te reprocher. Entre une agente conditionnelle qui accomplit parfaitement son boulot depuis des années sans la moindre erreur dans ses dossiers et une jeune policière qui débute sa carrière, tu ne manquerais pas de crédibilité, surtout si tu as des preuves à l'appui. Le souci, c'est que tu es beaucoup trop impulsive pour penser à ce genre de solution et tu détestes demander de «l'aide» à qui que ce soit pour t'enlever l'épine du pied. Tu es une grande fille, tu peux très bien te débrouiller toute seule quitte à effrayer une vulgaire humaine un tantinet collante. Voilà pourquoi tu choisis une option assez risquée.

Durant une fraction de seconde, tu fronces légèrement les sourcils devant sa réaction. La plus surprise des deux, c'est probablement toi, car tu t'attendais à tout, sauf à ça. Avant de lui laisser la chance de remarquer ton léger changement d'expression, tu récupères tout de même rapidement ton sourire moqueur. Je commence à croire que je t'obsède au point où n'importe quelle raison est bonne pour que tu puisses me suivre partout dans cette ville. Attention, ça peut créer chez toi des désirs très malsains à mon égard. C'est que tu continues à te moquer ouvertement d'elle avec ton sourire collé aux lèvres et tes sous-entendus douteux. D'un autre côté, aurais-tu réellement tort de croire ça? N'agit-elle pas comme une espèce de «stalkeuse» avec toi? Par contre, le détail qui vient changer les choses, c'est que cette femme reste à l’affût du moindre indice qui peut te faire tomber. C'est à peine agaçant. Crois-tu vraiment que tu m'effraies officier Meadhra? Que tu représentes une quelconque menace? Pour les autres humains, son rôle d'autorité peut en impressionner plus d'un, mais pour toi, qu'elle sache ou non ta véritable nature, qu'est-ce que cela va changer? À moins de vouloir passer pour une folle en le criant sur tous les toits, tu ne vois pas en quoi elle peut t'intimider. De vous deux, c'est toi la prédatrice, la créature sans pitié et sanguinaire. Enfin, tu ne t'attaques pas à n'importe qui et tu ne tues pas à moins que tu te retrouves dans une situation dramatique, mais tu n'en reste pas moins dangereuse.

- Qu'est-ce que tu vas faire? M'abattre ici et maintenant? Tu ne sais pas de quoi je suis capable. Cela pourrait sonner comme une menace, mais le ton de ta voix est beaucoup trop désinvolte pour qu'elle te prenne au sérieux. De toute façon, tu serais déjà très haut dans le ciel avant même que la jeune femme ait le temps de dégainer son arme et à moins de vouloir perdre son travail pour cause de «folie» - voir une policière se mettre à tirer vers le ciel ne doit pas être un signe d'une bonne santé mentale -, tu ne risques pas grand-chose à l'exception d'une étrange conversation avec une femme qui te casse les pieds depuis un bon moment. Non, tu n'as pas l'intention de t'en prendre physiquement à elle ou de faire de sa vie un véritable enfer. Tout ce que tu souhaites, c'est de lui faire comprendre qu'elle perd son temps à t'espionner et qu'elle peut toujours prier pour trouver la moindre petite chose qui va te conduire par la case prison.

- Je dois avouer que je m'attendais à une autre réaction de ta part. Tu es au courant, n'est-ce pas? Tu ne crois pas avoir besoin de développer ta question. Rares sont les humains qui connaissent la vérité sur l'existence des créatures surnaturelles et à moins de vouloir passer pour un illuminé, les mortels évitent d'aborder le sujet avec leurs semblables. Pour la première fois depuis que tu as atterri derrière son dos, tu décroises tes bras de sous ta poitrine tout en faisant quelques pas dans sa direction. Par réflexe, tu relèves ta paire de lunette jusqu'au sommet de ton crâne, laissant voir ton regard bleuté - pour ça il faut dire merci à tes lentilles -. Il ne faut pas être devin pour voir que tu affiches une mine intriguée surtout si tu prends la peine de remonter tes lunettes. Comment peut-elle être au courant de ce qui se trame dans ce monde sans laisser voir une once de peur sur son visage?

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Un simple avertissement comme si elle ne te remettait pas un pv suite à un excès de vitesse. C'est que tu trouverais presque cela adorable, mais vu les circonstances, tu as envie d'éclater de rire. Certes, elle vient de t'avertir, mais de quoi? D'être plus prudente la prochaine fois que tu vas te nourrir en les hypnotisant tous à chaque fois pour qu'ils ne conservent aucun souvenir? Il faudra que tu commences à l'envisager afin d'éviter de l'avoir sur ton dos quasiment toutes les semaines et d'avoir droit à une espèce d'interrogatoire plus ou moins légal. Tu es assez bien placé pour connaître la curiosité malsaine des mortels. Quoique, si un jour tu perds le peu de patience que tu as envers la jeune femme, tu pourras toujours la faire disparaître sans laisser de trace.

- Mignonne petite policière... Un léger rire s'échappe d'entre tes lèvres pendant que tu t'approches de quelques pas en direction de la jolie rousse. Une fois à sa hauteur, tu gardes tout de même quelques centimètres de distance tout en plongeant tes yeux bleus dans les siens. Et toi? À quels genres d'apparences te fies-tu? Sans lui laisser la chance de répondre, tu attrapes l'une de ses mains au niveau du poignet. Ta peau, bien plus chaude que la moyenne, fait un léger contraste avec la sienne. Puis, avec un sourire en coin, tu viens déposer sa paume au niveau de ta poitrine, mais du côté du cœur. Du moins, là où il est censé battre à toutes les secondes.

- Est-ce que j'ai l'air vivante? Sens-tu quelque chose battre sous tes doigts? Cela fait maintenant dix ans que ton palpitant donne très peu de signe de vie. À moins de te nourrir ou encore ressentir une émotion forte, la majorité du temps étant celle de la colère, celui-ci daigne émettre quelques battements, mais rien qui donne l'impression que tu es une humaine à l'organisme réellement vivant. Heureusement que personne ne vient prendre ton pouls, sinon il aurait une sacrée surprise. Tu t'imagines bien aller voir un médecin pour un contrôle de santé et la tête qu'il ferait au moment de t'ausculter... Alors que tu lui laisses digérer la nouvelle, tu relâches enfin sa main sans te presser, mais tu ne prends pas la peine de te reculer. Malgré votre différence de taille, tu te fiches que la policière te surplombe de plusieurs centimètres. Tu es beaucoup trop dangereuse pour te sentir menacer.

- As-tu la moindre idée de ce que je peux faire... Ou plutôt ce que je peux te faire? Je peux te soumettre à mon autorité que tu sois pour ou contre cette option. Tu ne pourrais rien me refuser. Tu serais une sorte d'esclave heureuse de son sort jusqu'à la fin de tes jours. Certes, tu exagères un peu, comme à ton habitude sur n'importe quel sujet, l'étendue de tes capacités. Oui, tu peux hypnotiser quelqu'un et le soumettre à ton bon vouloir, mais pas à ce point et pas aussi longtemps. De toute façon, la jeune femme qui est devant toi n'a pas la moindre idée de ta puissance et rien ne peut lui confirmer ou non que tu dis la vérité. Toi qui est du genre baratineuse, ton expression faciale ne laisse pas croire que tu mens un tantinet et aucun signe physique ne vient trahir une quelconque nervosité. Prendre plaisir à faire peur aux autres pour qu'il te laisse tranquille est à la limite une passion.

- Qu'est-ce que tu veux Bellamy? Qu'est-ce que tu attends de moi? Je ne suis pas aussi «mauvaise» que tu le crois. Tu serais choqué de savoir ce que mes semblables peuvent faire à ton espèce. Cette fois-ci, ton sourire s'attenue afin de prendre un air plus sérieux. En ce moment, tu veux vraiment savoir ce qu'elle attend de toi. Si tu te doutes bien qu'elle ne sait pas que tu es une Stryge, créature considérée comme la plus dangereuse ainsi que monstrueuse de ce monde, tu ne mérites pas d'être mise dans cette case de bestiole sanguinaire. Non, tu ne t'attaques pas à n'importe qui, mais plutôt à des déchets de l'humanité et tu ne te laisses pas aller à commettre une panoplie de meurtres guidé par ton propre plaisir sadique.

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