Flynn & Willow

Savoir d'où l'on vient permet de savoir où l'on va
 

Ouais… sans doute était-elle un peu mal venue de débarquer ainsi. C’était souvent après coup, avec le recul et toujours dans des situations liées à sa famille que Willow semblait se rendre compte qu’elle pouvait agir de manière très déplacée. Elle qui menait une vie sans scrupules, sans attaches excepté Darwin, sans le moindre besoin et surtout depuis des sphères ‘élevées’ qui lui conféraient toujours l’impression de pisser plus haut que les autres. Parce qu’elle dominait le monde… grâce à la situation de Darwin, et parce qu’en le dominant, elle l’ignorait… Vivant comme elle l’entendait sans se soucier des autres. Sa petite personne, et celle de Darwin avant tout. Du moins, cela avait été le cas longtemps, des années durant. Jusqu’à ce qu’elle quitte son second mari pour retrouver sa famille à Ottawa. Depuis, elle tentait de faire des efforts... Willow y était parvenue avec Oreste, depuis quelques semaines d’ailleurs leur relation semblait prendre un tournant différent, des allures fusionnelles. Avec Anthéa, c’était plus complexe. Car si sa sœur avait d’abord ouvert ses bras avec chaleur, elle devenait glaciaire à mesure que le temps passait… Et il restait encore Flynn. Flynn que Willow évitait. Le jeune garçon ignorait encore tout, et ce n’était pas plus mal. A sa naissance, l’Alchimiste avait été une mère exécrable. Dix-sept ans plus tard, elle ne pouvait être que pire encore. Willow n’avait rien à lui offrir, pas même la vérité. Et pourtant, l’idée de passer du temps avec lui ne la rebutait pas. Aujourd’hui du moins. « Non! Non reste s'il te plait Willow. Comme tu le dis on n'a pas souvent l'occasion de discuter... »

L’air de rien, la réaction de Flynn la touchait. Pas au point de l’émouvoir, mais elle avait l’impression de ressentir quelque chose… de la joie ? Peut-être oui. Une sorte de fierté également, déclenchée par l’idée même qu’elle pouvait intéresser un peu Flynn et qu’il semblait curieux de sa personne. Instantanément, elle se détendit un peu, et même si c’était une chose étrange pour elle, émit un sourire plutôt satisfait en s’installant avec plus de confort et recroisant les jambes. Puis elle acquiesça simplement, pour signifier qu’elle resterait un peu, puisqu’il ne semblait pas être contre cette idée. Si en fait… elle était légèrement émue. C’était la première fois qu’elle pouvait parler à Flynn, l’observer sans contrainte, éviter d’agir à la dérobée, ou de fuir. Willow pouvait voir quel beau garçon il était… Un peu étrange, mais le regard brillant d’intelligence… son gamin. « Et... Qu'est-ce qui t'ai arrivée pour que tu passes à la maison ? »

Willow ouvrait déjà la bouche pour mieux se lancer dans une explication bourrée de vulgarité, et autres tournures de phrase dégueulasses quand elle la referma aussi sec. Ce n’était pas la bonne méthode ! CALME PUTAIN ! On n’était pas chez les porcs, on était chez Anthéa, en compagnie de Flynn et le jeune garçon méritait un peu plus d’élégance et de courtoisie de la part de sa « tante ».

« Juste un pas-as du volant qui a joué à Fast and Furious sur l’avenue principale du centre-ville… La flaque de neige c’est retrouvée sur moi. C’était vraiment super… »

Une expression un peu exaspérée passa sur son visage, suivit d’une autre un peu plus malicieuse en se rappelant qu’il avait fini enfermé dans son propre coffre. Puis elle revint à Flynn, mais ne trouva pas quoi ajouter. C’était un peu difficile d’engager une conversation… Surtout pour quelqu’un qui n’avait pas l’habitude de se forcer à cela, comme Willow. Si bien qu’un léger silence retomba dans le salon avant qu’elle ne tente en se raccrochant aux branches :

« Et toi ? Bon t’es pas obligé de me répondre, mais je sais que tu magouillais un truc pas net… »

Willow lui adressa un clin d’œil appuyé, pour lui signifier que cette fois elle plaisantait vraiment et qu’elle ne souhaitait pas lui tirer les vers du nez. Juste discuter un peu, en essayant de s’intéresser à lui.

Flynn & Willow

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« Quel abruti. J'espère sincèrement qu'il s'est fait flashé. Au moins ça t'as permis de passer à la maison. Ce n'est pas un point à négliger. Tu ne serais sûrement pas venu sans ça... » Willow n’avait pas réagi à cela. Elle n’avait pas osé rebondir dessus parce qu’elle savait qu’il avait raison. Sans aucun doute, elle ne serait jamais passée par là si elle n’avait pas été forcée de le faire, et … tentée de rester devant l’absence d’Anthéa. Et pourtant, malgré le malaise que cette phrase avait distillé chez elle, Willow esquissa un petit sourire à l’attention de Flynn, lui signifiant quelque part qu’il n’avait pas tort. L’espace de quelques secondes, il sembla à l’Alchimiste qu’une sorte de très légère complicité s’était instaurée entre eux deux. Un regard entendu, alors que l’un et l’autre cherchait à s’apprivoiser mutuellement, sans savoir comment s’y prendre. Il n’y avait toujours eut tellement de silences et d’incompréhension entre eux… en plus de l’éloignement provoqué par Anthéa quand Willow n’avait pas elle-même le réflexe d’esquiver la présence de Flynn. Alors, c’était étrange de se retrouver simplement assis l’un en face de l’autre, à se jauger, à s’accoutumer peu à peu.

La suite cependant, apporta à Willow une dose de stresse démesurée. Et ce, dès que Flynn lui expliqua ce qu’il était en train de faire avant qu’elle n’arrive. [i]« C'est des papiers qui sont derrière le canapé. Des coupures de presse, des papiers d'hôpitaux, des trucs sans importances à l'œil nu... Mais pas pour moi. Je... Bon ça peut paraître stupide mais je veux savoir d'où je viens Willow. Qui sont mes vrais parents. » Oooooouh la baffe, la belle grosse baffe bien virulente ! Le fauteuil s’en serait renversé en arrière sous la puissance d’une rafale, l’effet aurait été le même. Willow sembla un instant déconnectée de la réalité, fixant Flynn comme si elle ne comprenait pas de ce qu’il venait de lui dire. La bouche à moitié ouverte pour laisser sortir des mots qui ne venaient pas, l’Alchimiste demeurait silencieuse et clairement atterré par cette révélation. C’était quelque chose qu’elle n’avait jamais vraiment envisagé, peut être très naïvement… vraiment très naïvement en fait. Bien sûr, qu’il allait vouloir connaitre ses origines ! Flynn était à présent un jeune homme, qui essayait de se construire… et même si Anthéa et Oreste avaient toujours été là pour lui, qu’il portait le nom des Deslauriers sans savoir que c’était son véritable nom de naissance, il semblait certain maintenant qu’il éprouverait le besoin d’en savoir plus. Putain la TUILE ! C’était à elle qu’il en parlait… Elle qui n’était absolument pas prête à en discuter. Même évasivement. Même si il déclarait juste vouloir trouver ses parents… non rien. Elle n’était pas prête. Pas même à l’entendre. Le silence prit possession de la conversation, et Willow tenta de réguler la sueur froide qui la saisissait. C’était atroce… faire semblant. Trop entière en règle générale, elle ne savait pas jouer, du moins pas dans ce genre de situation. Arnaquer des gens, c’était son truc et pour cela elle faisait preuve d’une créativité et d’un esprit de manipulation démesuré. Mais lorsqu’il s’agissait de ses sentiments, de vraies émotions, Willow se sentait perdue. C’était toujours le cas… elle avait peur de Flynn. Parce qu’elle avait été lâche avec lui, et qu’elle ignorait le degré de souffrance qu’elle lui avait infligé en l’abandonnant. Certes, elle semblait plus ou moins à l’aise avec sa décision et ne regrettait pas de l’avoir fait. Elle aurait été une mère épouvantable… trop jeune, trop blessée. Mais l’idée de devoir supporter le regard du jeune homme quand il apprendrait la vérité… c’était trop dur.

« Ah… oui ? »

C’était la seule chose qu’elle avait réussi à sortir. Déglutissant avec difficulté, Willow parvenait encore à le regarder dans les yeux, mais c’était de plus en plus pénible. Un autre silence s’installa, alors qu’elle essayait de rassembler ses esprits pour mieux réagir. Ce n’était pas gagné… mais pour l’instant la seule chose qu’elle souhaitait savoir, c’était où Flynn en était dans ses recherches. Avec un peu de chance, et en récoltant certaines informations, elle pourrait le diriger plus tard vers un fausse piste… c’était d’une lâcheté sans pareil, mais l’Alchimiste n’avait pas d’autres solutions.

« Et tu as trouvé quelque chose ? »

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La situation devenait réellement pénible. Plus qu’un malaise, c’était vraiment un sentiment très étrange qui venait progressivement envahir Willow. Un mélange de culpabilité, de dédain (qu’elle se forçait à cultiver pour préserver une certaine distance) et de tristesse. Ce cocktail lui donnait alors une furieuse envie de s’enfuir. De se jeter derrière son fauteuil pour échapper au regard un peu trop mâture et perçant de Flynn, qui avait toujours l’air d’en savoir plus qu’il ne le disait, et la perturbait au plus haut point. Il n’était pas évident de faire face à ce genre de personne, qui exprimait plus d’intelligence et de sensibilité que leur jeunesse le laissait entendre. S’il avait été une créature plus vieille, elle n’aurait pas eu cette sensation. Mais à 17 ans, posséder une expression de cette sorte-là restait troublant et Willow y faisait fasse non sans avoir l’impression d’être sondée. Ce n’était pas logique. Elle se faisait sans doute des idées, puisque rien dans le discours de Flynn ne laissait entendre qu’il se doutait de quelque chose. Et pour être honnête, s’il y avait bien quelque chose que Willow savait faire, s’était être attentive et performante lorsqu’il s’agissait de déceler les mensonges. C’était un peu en dominant les bluffeurs, qu’elle parvenait à les pigeonner plus qu’efficacement. Et Flynn ne se doutait de rien, à l’entendre l’Alchimiste en était maintenant persuadée. Mais c’était tout de même très délicat, et elle ne savait désormais plus où se foutre.

« Oui... Je sais que ça peut paraître stupide alors que j'ai une famille. Mais... Je sais pas... J'ai besoin de savoir. » Que répondre à cela sans avoir l’horrible impression de ce foutre de sa gueule ? Parce que clairement, c’était ce que l’on pourrait penser. Affreux. Oh putain la culpabilité, c’était plus difficile à supporter qu’elle ne pensait ! Elle resta cependant parfaitement silencieuse, pour remettre ses idées en place et afficher une expression très maitrisé. Flynn ne pouvait plus y lire la surprise qui l’avait secoué quelques secondes, mais de l’intérêt pour ce qu’il disait et de la curiosité, évidemment feints tous les deux. « Non... Rien qui ait une quelconque utilité dans mes recherches... »

Willow hocha la tête devant cette réponse. Puis elle plaça les mains sur ses jambes croisées, le dos bien droit. Voila voila… L’Alchimiste hésita presque un moment à hypnotiser le jeune homme pour effacer son envie de chercher sa famille. Pour sûr, les choses seraient devenues plus simples, plus confortables pour elle. Mais elle se doutait que cela ne plairait pas à Anthéa ou Oreste… Bon, si c’était pour finir le cul gelé, et sauvagement traquée par une armée de clés USB furieuses, ce n’était pas la peine, merci bien ! Alors elle se contenta de le regarder dans les yeux, l’air un peu grave, pour lancer :

« Est-ce que tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? Je veux dire, tu ne sais pas sur qui tu vas tomber. Est-ce que le besoin de connaitre ta famille biologique vaut le prix d’une potentielle déception ? »

C’était plutôt rare, quand Willow n’utilisait pas de moquerie ou d’ironie quand elle parlait. Oreste aurait d’ailleurs, été fière d’elle. Mais au fond, l’Alchimiste sentait qu’elle était sincère et essayait d’aider Flynn comme elle le pouvait. Si elle ne pouvait pas lui dire la vérité, elle ne pouvait pas non plus ignorer le besoin du garçon. Alors oui, c’était délicat, et elle avait l’impression d’être atroce en agissant de la sorte. Mais c’était tout ce qu’elle était capable de lui donner.  

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« C'est stupide je sais... Je... Je ne pense pas... C'est… ce n'est pas une bonne idée. Mais je crois que j'en ai besoin. Je ne sais pas pourquoi c'est si... Important pour moi. Je sais que je suis a ma place ici. Je l'ai auprès de cette famille. Enfin je veux dire, les Deslauriers sont ma famille. Je les aimes. Ce n'est même pas la peine de penser le contraire mais j'ai tout de même une idée qui se creuse dans mon esprit. Une idée stupide qui me laisse dans l'incompréhension de moi-même... C'est poétique mais je ne sais pas quoi faire. Partager entre l'envie de savoir et celle de laisser tomber. Après tout je suis qu'un enfant. Je n'en ai pas forcément besoin pour avancer. »

MAYDAY MAYDAAAAAAAAAAY ! Willow n’avait pas cessé de l’écouter. Pas une seconde, alors que son visage se crispait légèrement sous les confidences du jeune homme. Pouvait-on faire plus compliqué comme situation ? Sans doute pas… Sauf si l’on partait directement dans le dégueulasse. Mais c’était déjà pas mal à ce stade. Willow ne savait plus où se foutre. Elle l’observait en reculant un peu la tête, l’inclinant sur le côté comme si elle avait peur que Flynn lui exploser à la gueule. C’était un peu le cas d’ailleurs… Mais elle tentait tant bien que mal de garder la tête froide et de ne pas se lever, pour fuir en hurlant, les bras s’agitant au-dessus de sa tête. Parce qu’elle avait beau avoir des réactions un peu excessives, Willow essayait justement de ne pas paniquer. C’était bien trop délicat… Surtout que s’était un peu l’une de ses plus grandes peurs qui se réalisait là. Non seulement elle ressentait de la culpabilité vis-à-vis de Flynn. Ce beau et jeune garçon n’avait pas mérité l’abandon dont il avait été victime après deux petits mois de vie. Mais en plus… si elle était l’auteure de cette résignation maternelle, Willow était en passe de devenir une menteuse. Alors qu’il se confiait à elle. Sans doute ne l’avait-il jamais fait, autrement Anthéa serait devenue hystérique et aurait éloigné sa petite sœur par tous les moyens… Pourtant, et contre toute attente, si Willow n’était pas prête à lui dire la vérité, elle semblait vraiment mal à l’aise à l’idée de lui mentir ou de détruire volontairement ses espoirs. Elle ne voulait pas qu’il sache… mais elle ne voulait pas non plus qu’il la déteste.

Alors quoi faire ? Lentement, Willow avait agrippé les accoudoirs de son fauteuil avec la sensation qu’elle allait se taper la descente d’une montagne russe sans être attachée… Une putain d’impression, pas du tout, mais alors pas du tout agréable !

« Ouais… je vois… »

En fait, non elle ne voyait pas du tout. Elle semblait totalement perdue, comme si l’on venait de lui foutre une gifle monumentale. Jamais encore Willow n’avait pris conscience qu’un jour, il faudrait sans doute lui dire. Flynn était grand à présent… il avait peut-être besoin de savoir qui était ses parents, pour se construire… pour avancer. Encore une fois, Willow se retrouvait la source d’un problème qu’elle ne voulait pas résoudre. Non, Flynn devait continuer d’ignorer qui était sa mère. Alors quoi, lui mentir ? Utiliser son don sur lui pour apaiser ses craintes ou manipuler les informations directement dans son esprit ? Lui faire quoi croire… qu’il n’avait plus envie de savoir ? Qu’il n’en avait finalement pas tant besoin que cela et que sa famille « d’adoption » lui convenait parfaitement pour s’épanouir dans la vie d’adulte qu’il s’apprêtait à atteindre. C’était vraiment très tentant… vraiment. Il était réputé que Willow n’avait pas de respect pour grand-chose. Du moins c’était ce qu’Anthéa aimait proclamer… Mais la petite dernière des Deslauriers avait fait d’énormes efforts pour s’intégrer à nouveau à sa famille et pour se faire pardonner ses choix de jeunesse, sa disparition si longue auprès de son frère et de sa sœur. Alors, elle ne voulait certainement pas agir bêtement, et égoïstement… alors que cela pourrait avoir des conséquences très mauvaises sur ses relations avec Oreste et Anthéa. Anéantir ses efforts… non merci. Mais elle se retrouvait tout de même dans une impasse avec Flynn.

« Je sais pas trop quoi de dire bonhomme. C’est à toi de voir ce dont tu as besoin et surtout, en parler à Anthéa. Moi tu sais… j’ai pas été là pendant un moment, et je ne sais pas grand-chose d’utile. »

Réduite à mentir… Chose qu’elle faisait quand même très rarement malgré tout le mal qu’elle pouvait faire où que l’on pouvait penser d’elle. Willow sembla pourtant dans le besoin d’insister, pour le dissuader… Avec un air presque craintif.

« Mais bon, après je ne suis pas très famille et pourtant, j’ai appris par mes voyages que l’on peut en trouver une n’importe où. Peu importe où l’on se trouve, l’essentiel c’est les liens que tu tisses avec les gens. Au final, le sang n’a pas grande importance. »

Elle ne mentait plus tellement là. Où juste à moitié, car les liens du sang l’avaient forcé à revenir vers les Deslauriers, même si elle ne le regrettait pas depuis que sa relation avec Oreste avait évolué si joliment. Mais personne n’était plus important que Darwin, qui prouvait aussi que les liens du cœur étaient bien plus fort… et elle ne parlait pas seulement pour elle, mais aussi pour Kassim. Willow espérait seulement que Flynn pourrait oublier… s’éloigner de sa quête. Autrement, elle aurait un gros, gros problème à gérer…