Bon sang.

C'était beaucoup à prendre en compte, mine de rien.

Mort? Déjà rien que ça, c'était moyen.

Ressuscité? Encore pire, ça détruisais la totalité de mon univers. J'ai jamais cru aux fantômes et autres trucs du genre. Mais une banshee. UNE PUTAIN DE BANSHEE. J'en perdrais presque mes mots. Une chose est sûre, là, tout de suite, il faut que je me passe la tête à l'eau froide.

Nan, mauvaise idée, c'est pas comme si en arrivant ici, je me suis littéralement retrouvé submergé. Non, du tout.

A défaut d'eau, ça sera de l'alcool. C'est le moment de voir si ces anglais ont un whisky digne de ce nom.

J'ai pas eu besoin de chercher longtemps, pour trouver un bar. En vrai, n'importe lequel aurait été, mais celui-là, il avait un aspect un peu bistrot que j'aimais bien. Ca me rappelait la France, un peu. Bordel, qu'est-ce qu'ils diraient s'ils savaient que je suis pas mort? Enfin techniquement si mais... Enfin bref

En repensant à la France, cette sensation d'oubli me revenait. Cette impression qu'il manque une pièce au puzzle. J'ai essayé de me concentrer, pour tout faire revenir, mais pas moyen. C'est sans issue, j'ai des parties amnésiques. Beaucoup, en fait. Je me souviens d'une blonde, quand j'étais gosse, que j'engueulais, ou bien un mec qui parlait pendant des heures et des heures de sa fille et de sa femme... Des trucs du genre. C'était des images. J'avais pas de contexte, et ça ne réveillait pas d'émotions particulières. Et ça, en particulier, c'était gênant.

C'était gênant, et franchement, j'avais pas la tête à être gêné. Donc, je suis finalement entré dans ce bar. Il était relativement peu peuplé, un couple à une table, un mec aux fléchettes et deux trois types qui boivent un verre.

Je me suis assis au comptoir, et j'ai demandé un whisky, avec mon superbe accent. Après s'être moqué de moi en douce, le barman me l'apporta. Le goût était... Acceptable, au mieux. On va pas se mentir, je ne m'attendais pas à grand chose d'un établissement comme celui-ci. Mais j'ai besoin de mon whisky, là.

Une fois posé, j'ai commencé à réfléchir. Tout ce bordel dont mon mentor m'a causé, là, Stryge, Fées, trucs comme ça... C'est vrai, cette histoire?  Non parce que déjà moi je suis une erreur dans la matrice de ma réalité, là, mais si tu me dis que tout le bordel folklorique du monde est vrai, ou en tout cas pas faux, c'est ma réalité que je questionne.

Rah, c'est pas comme moi de me laisser abattre comme ça.

"Barman, anozer ouane."

Mon verre remplit à nouveau, je me levai. A l'arrière, il y avait un billard.

"Izit free tout iouz?
-Sure, as long as you had at least one drink.
-Kay."

Je devais me changer les idées. J'allai vers le billard, et mis les boules en place. Avec mon magnifique accent, je demandai, peut-être un chouïa trop fort :

"Quelqu'un de chaud pour une partie?"

---

HRP:

Et bien, c'était rapide, j'ai même pas eu besoin de parier une consommation que quelqu'un s'est proposé. Tant mieux. L'homme qui était assis à côté de moi quelques minutes auparavant s'est levé et à pris une canne. Et puisqu'il me dévisageait, j'ai fais de même. Sacré gueule d'ange, ce type. Le style à avoir toutes les filles qu'il veut. Mais hormis ça, rien de bien particulier. Pas de cicatrice, pas de marque de naissance, vraiment, hormis le fait qu'il est beau, il n'a pas l'air d'avoir quoi que ce soit de particulier.

Un coup d'oeil à son verre m'apprit qu'il buvait un cocktail "tropical", en tout cas avec les couleurs ça en avait l'aspect. C'était d'ailleurs certainement à base de jus et de rhum. Ou pas. J'ai jamais été un grand fan de cocktails.

Quoi qu'il en soit, il avait attrapé une queue -de billard-, et me demanda en français très accentué s'il pouvait se joindre un mot. Intéressant, il parlait français. Son accent était un peu fort, presque à l'allemande? En réalité je compare tout à l'accent Allemand, parce que c'est le seul accent étranger que j'aie jamais entendu en dehors de sketchs ou truc comme ça, et c'est super sur-joué.

Bref, j'acceptais d'un hochement de tête avec sourire, puis il proposa un paris. Payer la prochaine consommation de l'autre si on perdait. Ca tombe bien, j'ai encore soif, donc si je peux boire à l'oeil...

"Certainement, je suis partant."

C'est avec un sourire en coin que je terminais cette phrase, puis il m'offrit le premier tir. D'aucun dirait qu'il s'agit là d'un geste de bonté, mais, non, non, du tout. Au billard, avoir l'avantage n'est pas forcément signe d'avantage. A moins de frapper le triangle de façon ultra-précise, ça va surtout s'éparpiller.

"Trop d'honneurs."

Si j'allais tirer en premier? Bien sûr que j'allais tirer en premier. On est là pour jouer. Gagner sans piment, ça n'a aucun intérêt, et je suis joueur.

Alors que je mettais les boules en place dans le triangle, j'entendis des petits rires féminins, venant de la salle principale. Ah, il semblerait que monsieur soit un "show-off", comme disent les anglais. Il prendrait certainement mal le fait de perdre. Heureusement pour lui, je ne suis pas le meilleur au billard... Si on parlait de fléchettes, par contre...

"C'est important de s'hydrater, au fait, moi c'est Lachlan !"
-Oui, absolument! Quant à moi, tu peux m'appeler Priies."

Je me redressai, attrapai mon verre, et trinquai avec Lachlan, avant de boire une gorgée. Ensuite, une fois ma boisson reposée, j'ai placé la boule blanche, sur l'extrémité droite de la ligne, et je me suis penché, j'ai armé mon tir et TAC, la balle blanche fila vers le rebord, TOC, elle ricocha, et SCHTAK,. Les boules s'éparpillèrent.

"J'ai les jaunes, tu as les rouges. A toi, Lachlan."

Je récupérai mon verre, et bu une gorgée. J'avais mal calculé mon coup, et deux rouges étaient en position d'être marquées, s'il savait viser et courber son tir. Si, cela dit, il n'était qu'un joueur normal, il faudrait qu'il touche une jaune pour marquer, ce qui serait faute. Voyons s'il est doué.

Mon verre est vide. Mon adversaire jouait avec sa canne, jetant des petits coup d’œil furtif aux filles, qui nous observaient jouer, puis Lachlan se pencha sur la table, concentré sur le tapis vert et la boule blanche. Je pouvais le voir penser, ses sourcils légèrement froncés. Soit il savait ce qu'il faisait soit il chercher à le faire croire, mais en tout cas, il était convaincant. Pas besoin qu'il tire pour savoir que si je joue contre lui trop longtemps, le peu d'argent trempé que j'ai sur moi finira en cocktails.

Cette situation était... Familière. Etrangement, j'ai comme l'impression d'avoir déjà vécu ça. Un bistrot, un billard... Si, si c'est ça! Un après-midi avec le colonel! Rah ce n'est que des images mais... Si, si, je le vois, en train de tirer et... Rah, c'est le vide absolu.

J'ai phasé pendant quelques secondes, le regard dans le vide, avant de reprendre mes esprits en entendant le "TAC" caractéristique de la queue sur la boule. Mes yeux se sont concentrés, non pas sur la boule blanche, mais sur la position de la canne. La direction générale des boules jaunes, mais légèrement décalée sur le côté. Il a donné un coup courbé pour aller directement sur les deux rouges, finalement. C'est intéressant. Et en plus de ça la blanche n'a même pas touché la jaune! Impressionnant! Je regrette presque de ne pas l'avoir regarder tirer. Maiiiis la force n'était pas tout à fait là, et bien que le contact avec l'une des billes a été fait, et que celle-ci ait ricoché, aucune bande n'a été touchée.

"Ouh, dommage, c'était beau, et si proche, mais c'est une faute, je crois. Et pour te répondre, j'ai fait un peu le tour de la France. Le dernier endroit où j'ai vécu, c'est Metz. Tu connais?"

Bon. Les palabres c'est beau, mais c'est pas pour tout de suite. La, j'ai un tir libre, et ensuite la visite... Bon.

"ir goz nofingh."

TAC, la bille blanche part, et cogne une bande. Elle traverse la moitié du terrain, et elle est maintenant de nouveau dans la zone. De cette position j'ai une bille jaune que je peux rentrer, mais le coup est risqué : Pour rentrer, la bille blanche doit le frapper d'un angle qui implique que je fasse ricocher la blanche sur la bande. Le problème, c'est qu'avec un tir trop peu puissant, je risque de ne pas toucher ma jaune, mais avec un tir trop puissant, s'il n'est pas bien placé, c'est une bille rouge que je risque de rentrer, car juste à côté de le poche, il y a une bille rouge qui peut bloquer la progression de ma jaune.

Je me passe une main sous le menton. Il y a bien une technique pour éviter d'avoir à passer autour des billes gênantes, mais je ne pense pas que j'arriverais à la faire. C'est quitte ou double, dans tous les cas, le pire serait que j'offre une faute à l'adversaire... Non, le pire serait que je lui rentre sa bille.

"Okay. Bon. Tant pis."

Je me suis penché au-dessus de la table, j'ai posé la main sur la table, et j'ai levé la queue à un certain angle. Et puis j'ai tiré. La balle s'est soulevée, est passée par dessus la bille rouge et...! Ah non. Non en fait, elle n'est pas passé par dessus la bille rouge. Elle a même littéralement roulé dessus. Ce n'était pas loin cela dit.

"Ah, je suis rouillé!"

J'ai claqué des doigts, un air légèrement déçu sur le visage.

"Bon, je réussirai mieux au prochain coup. A toi !"

Je me suis reculé, adossé au mur, m'amusant à faire tourner ma queue, et puis, j'ai demandé

"Mais dis voir, tu viens d'où, toi, du coup?"