Elle entrouvrit les yeux au bruit de l’intrus qui osait la réveiller. Elle tâtonna à la recherche de son téléphone sur la table de nuit pour l’éteindre. La jeune fille observa l’heure. À peine neuf heures, elle n’avait pas dû dormir plus de quelques heures. Elle était si bien dans son lit qu’il lui fallut bien vingt minutes pour se motiver à en sortir. C’était toujours et encore le même dilemme. Elle était encore rentrée trop tard du boulot et sa motivation à aller à la bibliothèque bosser ses cours était encore au plus bas. Bonjour la liberté sans les parents.
Quinze minutes plus tard, elle fermait les clés derrière elle et partait en direction de la bibliothèque. Le problème quand on est pauvre c’est qu’on n’a pas les moyens de se payer le bus et encore moins une voiture. Voyons, le côté positif de la chose avec tous les déplacements qu’elle devait faire à pied elle gardait la forme. Pour la ligne elle n’avait de toute façon pas non plus les moyens de se payer tous ces petits repas bien gras. Pour preuve son unique repas de la journée ne serait pas plus gros que la pomme qu’elle gardait dans son sac. Elle espérait peut-être avoir de quoi se payer un café dans la soirée pour réussir à garder les yeux ouverts. Elle allait devoir sérieusement, se trouver un peu de temps pour dormir et rattraper tout ce qui lui manque.
Elle soupira en poussant la porte de la bibliothèque. Ici, elle devait uniquement se concentrer sur ses études et oublier son estomac qui criait famine. Elle n’avait ni le temps ni l’argent alors autant se concentrer sur ce qui lui rapporterait un paquet de tunes plus tard. D’autant plus que dans cet endroit, elle était quasiment certaine qu’il ne viendrait absolument pas la chercher dans un endroit pareil. Après tout, en plus de la savoir pauvre, il devait probablement s’imaginer qu’elle était bête comme ses pieds. Après tout, son physique y prêtait parfaitement à l’image de la fille totalement stupide. Chose qu’elle n’appréciait pas vraiment, mais elle n’avait guère le choix.
Elle sortit une liste de son sac et s’approche du comptoir. La salle semblait encore assez vide, elle allait donc pouvoir éviter les adolescents boutonneux venus forniquer bien loin des parents. Dans le pire des cas, elle avait apporté son mp3 pour mieux se concentrer s’il y avait trop de bruit. Elle posa la feuille sur le meuble et avec le plus beau sourire qu’elle pouvait faire malgré son manque de sommeil et sa faim elle prit la parole.
- Bonjour, j’aimerais savoir si vous avez tous ces livres… S’il vous plait ?
J’avais un peu traîné, ce matin-là. Hier soir, j’avais écrit à ma mère. Un roman, long de plusieurs page, sur ce qu’il se passait ici, en ce moment. Sur les efforts de la Cour, que les Stryges avaient réduit à néant. Sur ma vie, en général – il n’y avait rien que j’omettais de lui raconter. C’était ma mère, après tout, et quoi de mieux qu’une mère pour partager tous vos états d’âmes ? Votre moitié, peut-être. Chose que je n’avais pas. Je lui cours encore après… Enfin bref. Je n’oubliais pas de prendre des nouvelles de la famille, en particulier de ma sœur, qui vieillissait toujours de plus en plus alors, bon Phoenix que je suis, je restais dans la fleur de l’âge. J’y avais passé du temps, sur cette lettre ! Je soignais mon courrier, bien plus que mes mails. Et même si, souvent, ma mère était déjà au courant de la moitié de ce que je lui avais écrit avant que la lettre n’arrive, grâce à internet, elle était toujours heureuse d’avoir tout ça à relire. Le réveil a donc été un peu… Difficile, ce matin. J’ai traînassé, déjà. A m’étirer pendant de longues minutes, avant de prendre un café, de faire une toilette de chat…
J’ai ouvert la bibliothèque avec quelques minutes de retard. Une trentaine, tout au plus… Ce qui n’est évidemment pas un drame, sauf pour les étudiants pressés et stressés qui n’attendaient que ça, pour aller s’installer à une table avec un chocolat chaud, ou un café. Voire un thé. Je pense que proposer cela à mes « clients » a été la meilleure idée de ma carrière de bibliothécaire, et c’est certainement ce qui me démarque des autres. Même si je dois avouer que cette machine, j’avais d’abord pensé à moi en investissant dedans. Je n’étais pas un Qilin capable de tenir de longs jours sans dormir !
Mis à part ceux qui étaient restés étudier ou lire au Mind’s Sweeties, il n’y avait pas eu foule. Il était encore tôt, il faut dire, et le gens ne venaient pas tous déposer, échanger ou emprunter des livres le matin, fusse-t-il neuf heure à peine, ou midi moins dix. Et j’avais le nez dans un énième café lorsqu’une jeune demoiselle s’approcha du bureau et déposa une liste sur le meuble. Je répondis à son sourire en lui en offrant un que j’espérai à la hauteur du sien, avant de jeter un coup d’œil à ladite liste :
« Bonjour… » répondis-je en parcourant rapidement le morceau de papier du regard, « Je devrai pouvoir vous trouver ça, oui. Ne bougez pas. »
Je souris à nouveau, avant de quitter mon bureau. La liste était bien fournie, sans être exagérée pour autant ; il me fallut un peu moins de dix minutes, à arpenter les rayons ou monter aux échelles, avant de réunir tout ce qu’il fallait à la demoiselle. Lorsque je revins à mon bureau, je posais la petite pile devant elle ;
« Que de bons livres. » assurais-je avec un léger hochement de tête. « C’est pour emprunter, où sur place ?… Si vous désirez les emprunter, il me faudrait votre nom. Vous avez déjà une fiche lecteur ici, peut-être ? »
J’avais rapidement posé mes lunettes sur mon nez – elles ne me servaient que pour regarder des écrans, en particulier l’ordinateur parce que, soyons sincères, je les oubliais souvent quand il s’agissait de la télé. Et puis, je ne sais pas trop ce qu’il me prit. Peut-être une intuition, ou un soudain élan de sympathie… Un instinct de futur papa Phoenix ? Oui, je rêvais d’être un jour papa Phoenix, que je dusse m’occuper de mon rejeton ou non, d’ailleurs. Faire perdurer l’espèce… Enfin bref :
« Je peux vous offrir quelque chose, avec ça ? Un chocolat, un thé… Un café, peut-être ? »
Elle fut légèrement surprise par sa question. C’est vrai qu’on lui avait parlé de cette possibilité de boisson pendant les révisions. Elle regardait autour d’elle est les quelques autres avaient effectivement cette boisson. C’est vrai également qu’elle rêvait depuis un moment d’un bon chocolat chaud. Elle glissa la main dans sa poche et sentit quelques pièces. Elle les sortit et additionna rapidement le montant de celle-ci un sourire se dessina quand elle en déduit avoir assez pour ce délicieux jus chocolaté qu’elle désirait. Elle en sentirait presque déjà l’odeur. Probablement une illusion dut à sa faim. Voyant le côté positif de la chose, boire cette boisson retarderait sans aucun doute l’heure de son repas, elle ne put que céder à la tentation.
- Un chocolat chaud… S’il vous plaît….
Avec une pointe de chantilly et le mélange auraient été probablement succulents. Un orgasme culinaire en prévision du moment où elle pourrait se l’offrir. Elle en savourerait chacune des bouchées en espérant que cela ne cesse jamais. Malheureusement, elle savait que ce rêve était encore malheureusement bien trop loin pour se permettre d’en saliver dès maintenant.
- C’est sur place pour le moment… Mais je n’ai pas encore de fiche ici….
Elle hésita un moment à donner son nom, mais comme dit, il n’y avait strictement aucune chance que ses parents soient connus jusqu’ici. Après tout, elle était venue se perdre ici volontairement dans la masse. Elle n’était plus dans son petit village natal ou ses parents savaient manier à la perfection leur relation pour obtenir ce qu’ils désiraient. Et puis, elle n’était que la fille rebelle, aucune raison qu’ils viennent jusqu’ici, surtout pour une personne qui était parfaitement incapable de faire plus que péter les choses.
- Nous pourrions peut-être cette fiche dès maintenant. Car je pense revenir ici souvent… On m’a vivement recommandé l’endroit pour étudier…. Il se murmure qu’il n’y a pas mieux niveau tranquillisé. Que vous surpassez même la bibliothèque municipale.
Ou du moins ce n’était que des bruits de couloirs qu’elle avait entendus entre différents cours à la fac. Elle avait été plus ou moins choquée de voir deux étudiants s’envoyer en l’air à la bibliothèque municipale. Cette vision l’avait bien assez refroidie pour se convaincre de ne plus remettre les pieds là-bas. Il aurait certainement pu choisir un autre rayon que la médecine pour copuler. Mais non, il avait choisi le pire et avait réussi à dégoûter Erin définitivement de la chose. Comme quoi, on pouvait parfaitement se passer de ces contacts corporels dont la jeune femme ne supportait absolument pas.
- Mon nom est Erin O’connel.
Chose qu’elle aimerait volontiers échanger pour se noyer totalement dans la masse d’inconnu. Personne pour l’observer, ni même la remarquer. Cette cachette parfaite qu’elle avait tellement désirez pour ses études qu’elle ne semblait obtenir seulement maintenant qu’elle avait obtenu sa liberté de créer ce qu’elle désirait. Son malheur, sa vie, sa dépression.
- Il vous faut quoi d’autre mis à part mon nom pour votre fiche ? Et si vous avez d’autres livres à me conseiller dans le même style pour compléter mes études de médecine ?
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Sam 2 Avr - 0:15
