La matinée était bien entamée, les différents rayons de la bibliothèque demeuraient calmes comme à l’accoutumé. Les étudiants étaient bien souvent de passage, sauf peut-être ceux qui étaient beaucoup trop studieux et qui n’arrivaient pas à se décrocher de leurs sièges. Dans ces cas-là, Nial avait toujours plus d’un tour dans son sac pour les faire déguerpir. Après tout, certains étaient là beaucoup trop souvent, au détriment de loisirs, chose que le Sidh ne pouvait tolérer. C’est pourquoi il observait Arthur, un étudiant en psychologie un peu trop angoissé à l’idée des examens qui approchaient. Ce dernier n’avait pas bougé de son siège de toute la matinée, il était bientôt 11h30 et rien n’y faisait. « Si tu ne rentres pas chez toi pour profiter du week-end dans 5 minutes, je te jure que je te confisque ta carte de biblio Arthur… ». Jay n’avait pas l’habitude de se montrer aussi sérieux avec les humains, en réalité il était lui-même occupé à trainer dans les différents rayons à la recherche de tranquillité. Plutôt de nature à être en retrait, il ne se permettait ce genre de remarques qu’avec certaines personnes, des habitués, sinon il passait le plus clair de son temps à se planquer, si bien que rares étaient ceux à avoir eu le privilège de voir le responsable de cet établissement.

Dehors, la météo se montrait déjà des plus ternes et triste, sauf lorsque des éclaircies venaient s’abattre sur les fenêtres du bâtiment. Dehors, la rivière suivait son cours, emplie par quelques averses bien précises. Niallàn avait toujours plus ou moins apprécié la pluie, bien plus que la neige ou l’hiver, ce n’était pas des trottoirs trempés qui allaient l’effrayer, bien au contraire, cette atmosphère grise faisait régner quelque chose de chaleureux, surtout en ces lieux, et ne donnait que plus envie de se plonger dans un bon roman d’aventure. Le fameux Arthur qu’il surveillait depuis plusieurs minutes s’était enfin décidé à partir, il avait toutefois décidé d’emprunter quelques livres. « Bien, mais n’oublie pas, sors la tête de tes livres, tu n’en profiteras que plus. Passe du temps avec des amis. ». Un sourire plus tard, l’étudiant était reparti avec son sac, Nial ne pourrait pas le surveiller ou décider pour lui, la balle était donc dans son camp. A peine sorti, le Sidh reprit son occupation première, celle d’errer dans les allées. Il gravit ainsi les différents étages, un par un, analysant combien de personnes s’y trouvaient, et en profitant pour saluer timidement les employés. L’Irlandais ne régnait pas en ces lieux par la force, au contraire, il n’était rien d’autre qu’un passionné qui aimait les livres plus que tout, c’était eux qui lui prodiguaient calme et culture, chose qu’il avait apprécié pendant des années, et qu’il appréciait toujours. Bien sûr, il n’avait pas toujours été si enthousiaste, surtout après la mort de celle qu’il avait tant aimé, mais pour l’heure, ça calmait ses pensées. Et il n’y avait pas de morts étranges ou subites ici. Jamais. Uniquement le silence ou les émotions de ceux qui étaient touchés par des mots.

Passant devant le rayon des romans d’aventure, Nial s’arrêta devant un bon vieux classique, 20 000 lieues sous les mers, il attrapa le livre usé par le temps et se mit à le feuilleter pour la énième fois. Puis, effleurant la couverture du bout des doigts, il s’apprêtait à s’asseoir quand il entendit une voix familière en contrebas. Ni de une, ni de deux, le responsable déposa le livre sur l’étagère et descendit les marches quatre à quatre. « Oreste ! Je ne m’attendais pas à te voir aujourd’hui avec… ». Il s’arrêta net en voyant l’immense paquet de livres qu’il venait de poser sur le comptoir. « Autant de livres empruntés. ». Le Sidh lui-même en avait perdu le compte. Un air surpris sur ses traits, il vint se positionner derrière le dit comptoir et récupéra un léger sourire. « Je ne savais même plus qu’il y avait autant de retards cette fois-ci. ». Niallàn se permit un petit rire avant de faire sortir son ordinateur de sa veille. Cliquant sur le dossier Deslauriers, le Banshee remit ses idées en place et put se rendre compte qu’en effet, Oreste avait beaucoup de retard. Bon, il ne dirait rien pour cette fois.

« Bien on aura qu’à dire que tu es dans les temps, mais fais attention la prochaine fois, je ne voudrais pas qu’on pense que je fais des exceptions. ». Il sourit. « Certains retardataires ont déjà dû payer des « frais » pour ne pas avoir rendu leur livre à temps, surtout lorsque ces derniers sont très prisés… Je pense notamment à cette trilogie de roman pour adolescent, tu en as peut-être entendu parler… Twilight ? J’ai voulu le lire pour ne pas mourir bête et je me suis tout simplement endormi dessus. ». Nul ne sait pourquoi il était aussi bavard aujourd’hui, même pas lui-même, oh il avait bien une petite idée mais il n’oserait pas la dire à haute voix. « Désolé… Je suis dans une humeur plutôt bavarde ce matin je ne sais pas pourquoi… Si bien que j’en oublie les bonnes manières, comment vas-tu ? ». Oui, Nial avait l’air beaucoup plus serein que d’ordinaire, sûrement était-ce dû à l’absence de morts violentes en ce moment.